Soleil qui chauffe pas
4 participants
Page 1 sur 1
Soleil qui chauffe pas
Le vrai problème c'est le soleil. Il se dérobe, il fuit, se laisse désirer. Je fatigue, je vais abandonner.
J'ai marché dans la rue de ce village pittoresque, les rues, les ruines ne m'ont pas parlé; rien, en effet, ne m'a parlé. Et j'ai eu froid. Ni le moyen-âge des fortifications, ni les dénivellations plantées de coteaux de vin. Ces ruines ne me charment pas, je m'en fiche de leurs contours. Je ne garde de cette décennie qu'un diplôme en tracasseries, une thèse en choix foireux. Ca me servira de leçon. Comme si j'en avais encore besoin moi, des leçons.
Je traverse des allées brouillées par des ombres. Le soleil filtre en super 8 à travers les arbres, de ma voiture j'aperçois ce spectacle, les fils rayés me laissent des impressions chaleureuses sur la rétine. Le soleil projette des films (obscènes) des années 60 sur les parois de ma caisse qui avance sur l'autoroute. En silence, car ce film est muet.
Et soudain je comprends : le froid me vient des chaussures ! La voiture est à 19 degrés, mes pieds sont à -5. C'est l'histoire de la mécanique des fluides du corps, les échanges thermiques et compagnie. Tous les sphincters du pied ont fermé, toutes les vannes sont fermées, c'est fini, on arrête la distribution du sang chaud, c'est comme ça. La chaleur résiduelle reste près du coeur, des poumons, les organes royaux ; pendant ce temps, les autres membres ils peuvent bien crever, le corps il n'en a que faire ! J'ai enlevé ces maudites chaussures cirées (elles sont jolies qu'il m'avait dit), j'ai pris mon pied, il faisait pitié, replié et tremblant comme un pigeon entre mes mains.
Son regard à lui va de côté, car il capte des sons. Son cerveau est construit de travers, il formule des mots, mais pas grande chance qu'il me les sorte à l'endroit.
Alors pour me défendre contre lui, je brandis un glaive volé à un personnage de BD, je tranche tous mes liens, comme ça. Ca lui apprendra, tiens, ça t'apprendra à m'emmerder avec ces histoires de coeur et de sentiment.
Dans la voiture il continue à me parler et je hoche de la tête, et quand ça lui va pas, il m'envoie à la figure des rots à l'ail, il pète au jambon. La voiture aussi s'y met, elle pétarade, attention, à ce rythme là on va bel et bien décoller, il pète encore un coup et on est propulsé, direction l'atmosphère et bien plus loin, se mettre en orbite sur la Terre, rouler quelques tours, s'écraser enfin quand on en a eu bien marre quelque part en Californie, avec une telle vitesse à la détente qu'on se réveille avec de la poussière dans les dents.
Oui, je conduis dans un état de folie avancée, c'est dangereux pour les... pour qui en fait ? Sur l'autoroute je suis tout à fait paranoiaque, je suis suivie par 4000 voitures, en file droite. J'accèlère encore, les flics se mettent aussi à me suivre, des tarlouzes avec leur casque orange en tête d'insecte. Ils me demandent mes papiers, je leur sors ma poésie, on passe un sale quart-d'heure tous ensemble sur la bande d'arrêt d'urgence.
Je suis atteinte de « diarrhée verbale », ce n'est pas contagieux, elle a dit. Je ne peux la refiler à personne, ce n'est pas comme la grippe, on s'en débarrasse pas sur ses voisins.
Plus tard, un bruit nous interpelle. Il y avait une partouze sur l'autoroute. Du coton sortait de partout, des sièges, du coffre, des gens, ils volaient avec leurs âmes en plein milieu des plumes. On aurait dit un édredon.
Et si je faisais un lâcher de soleil couchants ? A l'horizon, sur la mer, tous les soleils se coucheraient en même temps, à des hauteurs différentes, ce serait fabuleux, les gens ne baiseraient plus dans l'après-midi, ils se planteraient là, à côté de moi, sur la corniche, à regarder le suicide coloré d'une vingtaine de soleils dans l'eau glacée.
Je vois une file de voiture arrêtées, je fonce dans le tas sans avoir le temps de décélérer, je me retrouve à l'hôpital. Sous le regard de l'infirmière je vois couler des gouttes de ma perfusion Traxter. J'ai toujours voulu travailler pour cette société.
J'ai trouvé la réponse (version finale). C'est en rapport avec ma Samsonite. Elle traine chez moi et m'encombre. J'ai envie de l'exploser.
Alors vois ça, maman : nous prendrons le café ensemble, à l'aube (horraire surréaliste). Tu entends soudain un bruit sourd, en provenance de la maison. C'est moi, je viens d'exploser ma valise verte que je traine comme un boulet depuis une quinzaine d'années. Puis y a un autre bruit, plus lourd, c'est la grosse, cette fois, la rouge, la grande valise vorace, chronophage, je viens de la pétér, c'est fini, elle nous ennuiera plus jamais.
Tu regardes ce spectacle, tu pleures, tu ne réalises pas ceci, tu n'y crois pas. Mais je te le dis, elles sècheront, maman, tes larmes. Nous passerons le reste de ce qui nous est imparti à panser ces plaies, nous vivrons longtemps alors, car nous en avons tellement eu, tellement, de plaies...
Et un dernier topo sur le soleil en guise de conclusion :
« Le soleil visible, qui n'éclaire pas. Qui éclaire, mais ne chauffe pas. Il faudrait aller au Sud, malgré la pauvreté, car nous en avons, nous, du soleil toutes options, à travers toutes les vitres de tous les balcons, et il chauffe, notre soleil, et il irradie. Notre soleil à nous est rieur, joueur, éternel, joyeux, radieux comme tes sourires et comme je t'adore ce matin, ma mère.
Alors crevez de rage, vous, les nations, qui n'avez pas un tel soleil... »
J'ai marché dans la rue de ce village pittoresque, les rues, les ruines ne m'ont pas parlé; rien, en effet, ne m'a parlé. Et j'ai eu froid. Ni le moyen-âge des fortifications, ni les dénivellations plantées de coteaux de vin. Ces ruines ne me charment pas, je m'en fiche de leurs contours. Je ne garde de cette décennie qu'un diplôme en tracasseries, une thèse en choix foireux. Ca me servira de leçon. Comme si j'en avais encore besoin moi, des leçons.
Je traverse des allées brouillées par des ombres. Le soleil filtre en super 8 à travers les arbres, de ma voiture j'aperçois ce spectacle, les fils rayés me laissent des impressions chaleureuses sur la rétine. Le soleil projette des films (obscènes) des années 60 sur les parois de ma caisse qui avance sur l'autoroute. En silence, car ce film est muet.
Et soudain je comprends : le froid me vient des chaussures ! La voiture est à 19 degrés, mes pieds sont à -5. C'est l'histoire de la mécanique des fluides du corps, les échanges thermiques et compagnie. Tous les sphincters du pied ont fermé, toutes les vannes sont fermées, c'est fini, on arrête la distribution du sang chaud, c'est comme ça. La chaleur résiduelle reste près du coeur, des poumons, les organes royaux ; pendant ce temps, les autres membres ils peuvent bien crever, le corps il n'en a que faire ! J'ai enlevé ces maudites chaussures cirées (elles sont jolies qu'il m'avait dit), j'ai pris mon pied, il faisait pitié, replié et tremblant comme un pigeon entre mes mains.
Son regard à lui va de côté, car il capte des sons. Son cerveau est construit de travers, il formule des mots, mais pas grande chance qu'il me les sorte à l'endroit.
Alors pour me défendre contre lui, je brandis un glaive volé à un personnage de BD, je tranche tous mes liens, comme ça. Ca lui apprendra, tiens, ça t'apprendra à m'emmerder avec ces histoires de coeur et de sentiment.
Dans la voiture il continue à me parler et je hoche de la tête, et quand ça lui va pas, il m'envoie à la figure des rots à l'ail, il pète au jambon. La voiture aussi s'y met, elle pétarade, attention, à ce rythme là on va bel et bien décoller, il pète encore un coup et on est propulsé, direction l'atmosphère et bien plus loin, se mettre en orbite sur la Terre, rouler quelques tours, s'écraser enfin quand on en a eu bien marre quelque part en Californie, avec une telle vitesse à la détente qu'on se réveille avec de la poussière dans les dents.
Oui, je conduis dans un état de folie avancée, c'est dangereux pour les... pour qui en fait ? Sur l'autoroute je suis tout à fait paranoiaque, je suis suivie par 4000 voitures, en file droite. J'accèlère encore, les flics se mettent aussi à me suivre, des tarlouzes avec leur casque orange en tête d'insecte. Ils me demandent mes papiers, je leur sors ma poésie, on passe un sale quart-d'heure tous ensemble sur la bande d'arrêt d'urgence.
Je suis atteinte de « diarrhée verbale », ce n'est pas contagieux, elle a dit. Je ne peux la refiler à personne, ce n'est pas comme la grippe, on s'en débarrasse pas sur ses voisins.
Plus tard, un bruit nous interpelle. Il y avait une partouze sur l'autoroute. Du coton sortait de partout, des sièges, du coffre, des gens, ils volaient avec leurs âmes en plein milieu des plumes. On aurait dit un édredon.
Et si je faisais un lâcher de soleil couchants ? A l'horizon, sur la mer, tous les soleils se coucheraient en même temps, à des hauteurs différentes, ce serait fabuleux, les gens ne baiseraient plus dans l'après-midi, ils se planteraient là, à côté de moi, sur la corniche, à regarder le suicide coloré d'une vingtaine de soleils dans l'eau glacée.
Je vois une file de voiture arrêtées, je fonce dans le tas sans avoir le temps de décélérer, je me retrouve à l'hôpital. Sous le regard de l'infirmière je vois couler des gouttes de ma perfusion Traxter. J'ai toujours voulu travailler pour cette société.
J'ai trouvé la réponse (version finale). C'est en rapport avec ma Samsonite. Elle traine chez moi et m'encombre. J'ai envie de l'exploser.
Alors vois ça, maman : nous prendrons le café ensemble, à l'aube (horraire surréaliste). Tu entends soudain un bruit sourd, en provenance de la maison. C'est moi, je viens d'exploser ma valise verte que je traine comme un boulet depuis une quinzaine d'années. Puis y a un autre bruit, plus lourd, c'est la grosse, cette fois, la rouge, la grande valise vorace, chronophage, je viens de la pétér, c'est fini, elle nous ennuiera plus jamais.
Tu regardes ce spectacle, tu pleures, tu ne réalises pas ceci, tu n'y crois pas. Mais je te le dis, elles sècheront, maman, tes larmes. Nous passerons le reste de ce qui nous est imparti à panser ces plaies, nous vivrons longtemps alors, car nous en avons tellement eu, tellement, de plaies...
Et un dernier topo sur le soleil en guise de conclusion :
« Le soleil visible, qui n'éclaire pas. Qui éclaire, mais ne chauffe pas. Il faudrait aller au Sud, malgré la pauvreté, car nous en avons, nous, du soleil toutes options, à travers toutes les vitres de tous les balcons, et il chauffe, notre soleil, et il irradie. Notre soleil à nous est rieur, joueur, éternel, joyeux, radieux comme tes sourires et comme je t'adore ce matin, ma mère.
Alors crevez de rage, vous, les nations, qui n'avez pas un tel soleil... »
roro- Nombre de messages : 202
Age : 42
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 15/09/2008
Quelque chose, mais quoi ?
Parfois décousu, mais rempli de souffle, d'intensité. Un langage qui rebondit, qui diverge, qui claque au moment où on ne s'y attend pas...
Il y a un quelque chose, mais... je ne saurais dire quoi.
En tous cas, c'est intéressant.
Ubik.
Il y a un quelque chose, mais... je ne saurais dire quoi.
En tous cas, c'est intéressant.
Ubik.
Re: Soleil qui chauffe pas
je ne savais pas que les pieds avaient des sphincters, mais sinon je suis absolument charmée (non, emportée, ravagée) par ce texte. Juste une réserve, le passage sur les plaies, qui semblent commenter inutilement, ce qu'on avait déjà compris.
Et le titre, qui m'a aussitôt donné envie : soleil qui chauffe pas, bravo.
je l'ai lu en écoutant Summertime par ma Janis Joplin à moi, ça allait très bien avec
Et le titre, qui m'a aussitôt donné envie : soleil qui chauffe pas, bravo.
je l'ai lu en écoutant Summertime par ma Janis Joplin à moi, ça allait très bien avec
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Soleil qui chauffe pas
Pour le côté biologie : les sphincters sont présents au niveau des capillaires sanguins, leur ouverture/fermeture permet de réguler le débit sanguin. Dans le cas-ci (froid), la fermeture des sphincters au niveau des pieds/mains/oreilles permet d'éviter de perdre trop de chaleur :
http://books.google.fr/books?id=chSB4wldX5wC&pg=PA93&lpg=PA93&dq=sphincters+capillaires+sanguins&source=bl&ots=IboNTH3OH6&sig=opFyXwbaaKsIrZkaZ6Pm1wGZgaM&hl=fr&sa=X&ei=RGdLT8jDDorKhAfl0pm4Dg&ved=0CFkQ6AEwCQ#v=onepage&q=sphincters%20capillaires%20sanguins&f=false
Roro, c'est ici que se font les réponses aux commentaires : http://www.vosecrits.com/t10500p160-discussions-autour-de-nos-textes#bottom
Merci d'en tenir compte la prochaine fois.
La Modération
.
http://books.google.fr/books?id=chSB4wldX5wC&pg=PA93&lpg=PA93&dq=sphincters+capillaires+sanguins&source=bl&ots=IboNTH3OH6&sig=opFyXwbaaKsIrZkaZ6Pm1wGZgaM&hl=fr&sa=X&ei=RGdLT8jDDorKhAfl0pm4Dg&ved=0CFkQ6AEwCQ#v=onepage&q=sphincters%20capillaires%20sanguins&f=false
Roro, c'est ici que se font les réponses aux commentaires : http://www.vosecrits.com/t10500p160-discussions-autour-de-nos-textes#bottom
Merci d'en tenir compte la prochaine fois.
La Modération
.
roro- Nombre de messages : 202
Age : 42
Localisation : Belgique
Date d'inscription : 15/09/2008
Re: Soleil qui chauffe pas
Bonsoir,
On touille cette daube de carabin à peine sorti de sa période rots/pets/sphincters (ceux auxquels tout le monde pense) pour y repêcher les fautes d'orthographe, de syntaxe et de grammaire ...
Amicalement,
midnightrambler
On touille cette daube de carabin à peine sorti de sa période rots/pets/sphincters (ceux auxquels tout le monde pense) pour y repêcher les fautes d'orthographe, de syntaxe et de grammaire ...
Amicalement,
midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: Soleil qui chauffe pas
Bonjour.
J'ai trouvé, par ci par là, des idées sympas, qui m'ont fait sourire, comme la dhiarrée verbale qui n'est pas contagieuse, le texte est bien écrit, enjoué, mais j'avoue que je n'ai pas réussi à entrer dedans. Disons que je comprends bien que le texte passe du coq à l'âne, puisque la narratrice est comme ça, mais je n'ai pas forcément saisi l'intention, le but de la manoeuvre. A moins qu'il n'y ait une suite qui éclaire le tout. Sinon, certains passages, un peu scatos, m'ont paru trop lourds (les pets au jambon, en l'occurrence)
J'ai trouvé, par ci par là, des idées sympas, qui m'ont fait sourire, comme la dhiarrée verbale qui n'est pas contagieuse, le texte est bien écrit, enjoué, mais j'avoue que je n'ai pas réussi à entrer dedans. Disons que je comprends bien que le texte passe du coq à l'âne, puisque la narratrice est comme ça, mais je n'ai pas forcément saisi l'intention, le but de la manoeuvre. A moins qu'il n'y ait une suite qui éclaire le tout. Sinon, certains passages, un peu scatos, m'ont paru trop lourds (les pets au jambon, en l'occurrence)
Invité- Invité
Re: Soleil qui chauffe pas
Bonjour, c'est une belle écriture mise au service d'un projet que je ne comprends pas bien.
L'ami the trambler gifle et il a, quelque-part, raison. Le talent mis au service du pet étonne un peu.
L'ami the trambler gifle et il a, quelque-part, raison. Le talent mis au service du pet étonne un peu.
Invité- Invité
Sujets similaires
» Proposition d'Exo : Tac au Tac
» SOLEIL : Mr Soleil a un problème !
» SOLEIL: Soleil radieux
» Débats, Billevesées et Causette (Des babils & Co)
» Le soleil d'Adonaï
» SOLEIL : Mr Soleil a un problème !
» SOLEIL: Soleil radieux
» Débats, Billevesées et Causette (Des babils & Co)
» Le soleil d'Adonaï
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum