Le goût des cerises

Le goût des cerises

J'ai oublié le goût des cerises en hiver,
Des matins blancs givrés aux branches rougies de houx.
J'ai laissé de côté sur la route des songes
Le rêve fou qu'un jour un ange vienne m'enlever.
J'ai jeté aux orties, blanches, aux herbes folles,
La carte des chemins de traverse et du tendre.
J'ai bien cru reconnaître,
Dans le reflet furtif de la vitre muette
d'un métro aérien plein bondé parisien,
le visage inconnu d'un homme si ordinaire
que le voyage m'en fut jusqu'à sa fin troublé.

Le premier vers est magnifique et donne le ton du poème: très visuel et hypersensible.
Je ne suis pas fan des vers libres, mais j'ai adoré les vôtres.

Ravissant, dans le sens premier et fort du terme. Un rapt délicieux.

C'est vraiment chouette Pussicat ! Pas très utile comme commentaire, mais je ne trouve rien à reprendre, je ne vais pas bouder mon plaisir !

La première partie est très chouette. Un beau rythme et d'heureuses associations de mots. La deuxième, en revanche, me paraît plus faible. On comprend l'effet de rupture, mais des lourdeurs et même des maladresses (le voyage m'en fut troublé) viennent rompre l'enchantement. Quant à la phrase décalée sur la droite, elle n'ajoute rien au texte et me paraît superflue.

vos phrases se construisent
et votre poésie s'en échappe

Des faux-airs d'un Verlaine moderne ainsi qu'un doux fond de Prévert. C'est à ces auteurs (que j'adore) que me font penser ce poème.
Il est très ouvert dans les interprétations, beaucoup pourraient s'y reconnaitre et dire "ce poème raconte ceci", ou "ce poème exprime ou dessine cela", sans tomber d'accord ou sans être convaincus réellement du sens profond, et c'est là la force de votre texte, vous faites appel aux sensations personnelles des lecteurs.

Le premier vers, en effet, est délicieux, et il se dégage du texte, malgré sa douceur et ses appels aux sens, un côté tragique.

Est-ce que la phrase décalée est volontairement placée sur la gauche ? (je demande car j'ai vu que vous demandiez de supprimer ce poème suite à des erreurs)
Si oui, j'aime ce temps de la rêverie dans la première partie et ce temps qui justement ramène à la réalité, le quotidien, pour finir sur le rêve qui semble toujours réapparaître.

j'aime toujours beaucoup dans la poésie
quand il y a quelqu'un, quelque chose
un métro, un beau type, un escalator, que sais-je

coucou à toutes et à tous et merci pour vos commentaires,
à Tizef et Lunalice : le premier vers n'est pas travaillé. il est entré par effraction un soir d'hiver. je rentrais du travail par les rails assise côté fenêtre. je regardais les yeux dans le vide le paysage défiler. je ne pensais à rien. je vivais un de ces moments d'absence qui n'a pas de durée et il est né je pense de ce que j'ai vu et vécu pendant cette journée pendant ce voyage. je me le suis répété encore et encore jusqu'à le noter une fois rentrée.
Gobu : je comprends ce que vous dites. mais j'assume la lourdeur de la seconde partie, après : J'ai bien cru reconnaître,, elle est voulue / effet de rupture / retour à la réalité : une seconde égale aux autres qui s'écoulent, c'est un mur sans fenêtre, elle rentre chez elle, elle sait ce qui l'attend, et cette montre, cette horloge qui marque l'heure seconde après seconde.
le vers décalé. je désirais le mettre au centre, je me suis trompée dans la mise en forme, mais peut-être n'y avait-il pas besoin d'effet de mise en forme.
oui, vous avez, tu as raison, éclaircie, je désirais que la mécanique reparte et brise la machine à broyer les rêves, suite à ce moment d'absence : une seconde égale aux autres qui s'écoulent, , je voulais que cette vision surréaliste l'embarque pour un nouveau voyage.

coline Dé a écrit:C'est vraiment chouette Pussicat ! Pas très utile comme commentaire, mais je ne trouve rien à reprendre, je ne vais pas bouder mon plaisir !

itou

Janis a écrit:j'aime toujours beaucoup dans la poésie
quand il y a quelqu'un, quelque chose
un métro, un beau type, un escalator, que sais-je

elle s'est foulée la janis !

excusez-moi, Pussicat, j'ai un peu l'humeur badine, ce printemps, je reviens vous déposer mes mots persos

Voilou

Je commente un peu tard, désolé. Votre texte est riche, je trouve, alors je me permets de décortiquer un peu, par curiosité.

J'ai oublié le goût des cerises en hiver,
Des matins blancs givrés aux branches rougies de houx.

Jeu de couleurs, le rouge et le blanc, toutes deux chargées de symboles. Contraste du toucher aussi, douces cerises et houx piquant. La neige suggérée, avec la connotation du temps passé (les neiges d’antan). Ambivalence et richesse en émotions du souvenir.
Peut-être aussi le houx, noël, l’enfance.

J'ai laissé de côté sur la route des songes
Le rêve fou qu'un jour un ange vienne m'enlever.

La route des songes, très belle expression, raccourci entre les songes d’antan et le chemin parcouru depuis.
Ange rappelle le blanc, enlever le rouge. L’ambivalence encore.
La tournure du second vers peut être améliorée peut-être, avis tout personnel.

J'ai jeté aux orties, blanches, aux herbes folles,
La carte des chemins de traverse et du tendre.

Le blanc encore, les herbes folles, les chemins de traverse. N’est-ce pas l’enfance, l’insouciance et l’innocence qui sont regrettées ?

J'ai bien cru reconnaître,
une seconde égale aux autres qui s'écoulent,

Temps suspendu à cette seconde singulière, soudaine sensation du temps qui passe, du temps qui a passé.

Dans le reflet furtif de la vitre muette
d'un métro aérien plein bondé parisien,

La vitre muette, encore une belle construction (dont je ne me rappelle pas le nom), très réussie.
J’aime beaucoup le deuxième vers, encore une belle technique. La construction de la phrase fait écho au sens.

le visage inconnu d'un homme si ordinaire
que le voyage m'en fut jusqu'à sa fin troublé.

Retour au songe et au voyage, au flou, au rêve. M’en fut, m’enfuis. Ordinaire, comme familier, et inconnu. Rêve éveillé.

Très émue Pussicat!

renoncement, espoir, faute d'ange pourquoi pas un homme ordinaire s'il vous redonne le goût des cerises ?
votre poème me rappelle que je vous ai peut-être rencontré un jour ?

Dans le noir de ce regard absent
Que renvoie la vitre sale
Des lumières transversales
Allument des feux phosphorescents.

Hiératique comme une statue
A la fragile apparence,
Superbe d'indifférence,
Arrogante de fausse vertu,
..........
Mais la beauté ne dit rien, et rêve
Qu'elle plane à mille lieux
De notre train de banlieue,
Du côté où le soleil se lève...

Un poème délicat.
Ah, c'est ça hein, après une journée de boulot, on rêvasse dans le métro.
On oublie des trucs, on jette tout aux orties, puis on est troublé par un visage inconnu.
Que se passe-t-il dans ta tête ?
Et le goût des cerises à l'eau de vie alors ?
Tu t'en sors un bocal en hiver et tu retrouves le goût illico !

Très doux, j'aime beaucoup
L'allusion à la carte du tendre aussi, que je trouve merveille d'imagination

Le goût des cerises

J'ai oublié le goût des cerises en hiver,
des matins blancs givrés aux branches rougies de houx.
J'ai laissé de côté sur la route des songes
le rêve fou qu'un jour un ange vienne m'enlever.
J'ai jeté aux orties, blanches, aux herbes folles,
la carte des chemins de traverse et du tendre.
J'ai bien cru reconnaître
- une seconde égale aux autres qui s'écoulent -
dans le reflet furtif de la vitre muette
d'un métro aérien plein bondé parisien,
le visage inconnu d'un homme si ordinaire
que le voyage m'en fut jusqu'à sa fin troublé.

Le goût des cerises

J'ai oublié le goût des cerises en hiver,
des matins blancs givrés aux branches rougies de houx.
J'ai laissé de côté sur la route des songes
le rêve fou qu'un jour un ange vienne m'enlever.
J'ai jeté aux orties, blanches, aux herbes folles,
la carte des chemins de traverse et du tendre.
J'ai bien cru reconnaître
dans le reflet furtif de la vitre muette
d'un métro aérien plein bondé parisien,
le visage inconnu d'un homme si ordinaire
que le voyage m'en fut jusqu'à sa fin troublé.

Bon : personellement, je n'aime pas les poèmes où le poète se parle à lui même. Enfin, plutôt je trouve cela suranné. Donc pas très fan.
Je suis géné par l'absence de ponctuation dans cette phrase :

d'un métro aérien plein bondé parisien

qui est celle que je préfère si je la lis :

d'un métro aérien, plein, bondé, parisien

et puis il y a aussi :

le visage inconnu d'un homme si ordinaire
que le voyage m'en fut jusqu'à sa fin troublé

Que je ne comprends pas ; mais qui pour cette raison, justement “ordinaire“, me plait, me trouble.

pour moi ça bloque aussi ici

d'un métro aérien plein bondé parisien

L'accumulation, le coté parisien


pour le reste, j'ai aimé prendre part au voyage

"le visage inconnu d'un homme si ordinaire"

C'était peut-être moi, car je t'ai accompagné dans ce voyage avec grand plaisir

Albert-Robert

Je suis venue pour ce " temps des cerises "...

" J'aimerai toujours le temps des cerises..."
Merci Damy pour le cadeau de cette chanson ô combien emblématique (surtout en ce moment)
et merci à Pussicat pour ce poème si délicat. J'aime beaucoup.

Comment le retour dans le premier plan de vision
laisse se troubler par l'ordinaire....

Va pour les idées, va pour les images.
Je cale un peu plus pour le rythme.

La carte des chemins de traverse et du tendre,
le côté un rien chaotique casse un peu la poésie; et pourtant...

De même pour orties, blanches ..., et le métro bondé.

Bref, il y a un petit (facile à dire...) problème dans les "connecteurs"

...

Pourtant j'adore le métro aérien....

C'est très beau.

Goûteux et troublant. j'aime.

Un texte empreint de nostalgie mais aussi d'espoir, tout en délicatesse.
Les deux strophes se répondent ou plutôt se complètent, c'est bien vu.

Le vers décalé me semble judicieux, qui scinde passé présent, réalité et rêve.
Ici : Dans le reflet furtif de la vitre muette
d'un métro aérien plein bondé parisien,
dommage pour le "de/d'un" parce que la sonorité du reste rend bien l'idée de plein - sinon de plénitude.

À relire , à goûter encore.

Merci d'avoir remonté ce texte, éclaircie !

Le poème se découpe exactement en son centre, si bien que le lecteur se sent confronté aux deux faces d'une même pièce. D'un côté, ce que le temps malmène, jour après jour, chez la locutrice, dans son rapport à la vie vécue, la poussant au dépouillement progressif (gradation : "oublié", "laissé", "jeté") de sa charge d'idéal. De l'autre, ce que, subrepticement, au hasard d'un instant, ce même temps réinsuffle en elle de mystère ("reconnaître", "troublé"). Encore n'est-ce là qu'une impression ("bien crû") fugitive ("reflet furtif" ), inquestionnable ("muette") saisie dans un contexte plutôt improbable ("inconnu", "ordinaire" précédé de l'adverbe d'intensité "si", expression à caractère pléonasmique "métro aérien plein bondé"). Le doute qui entoure cet instant perdu dans la masse des heures ("seconde égale aux autres qui s'écoulent"), cette confusion insoluble établie et entretenue entre rêve et réalité, tout cela constitue le terreau qui réinvestit soudain un temps plat de sa charge d'imprévu, de sa part insondable de mystère et d'émerveillement (rejet, en fin de vers, du participe passé "troublé").

Merci pour le voyage !

J'ai beaucoup aimé.
M'a juste manqué l'absence de ponctuation dans "un métro aérien plein bondé parisien"