Exo « Écrire suivant un incipit » : Mission à Tanger (4)
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Exo « Écrire suivant un incipit » : Mission à Tanger (4)
C'était inévitable : l'odeur des amandes amères lui rappelait toujours le destin des amours contrariées. Sœur Mélodie venait d’écrabouiller deux punaises vertes en train de s’accoupler au pied d’un platane.
– Pouah ! ça pue, c’est infect, maugréa-t-elle.
– C’est malin ! Vous ne pouviez pas les laisser tranquille à leur affaire, grimaçais-je.
– Je ne supporte pas les punaises, même de sacristie.
– Alors écrasez plutôt des gendarmes.
– ?!
– Vous savez ces punaises rouges que l’on trouve aux pieds des tilleuls.
– Ah oui, les masques africains !
– C’est cela même, au moins elles ne dégagent pas cette odeur fétide.
_ Ça rappelle un peu la senteur des…, des amandes amères, s’étonna-t-elle.
– Vous êtes à croquer, ôtez donc cette burqa dont la grille me fait penser à un vieux garde-manger.
– Volontiers, j’étouffe là dessous, mais où ça ? Ici ?
– Non mais à l’au…, à l’auto quoi ! bégayais-je plein d’impatience.
Nous grimpâmes dans la Dyane où je fixais la capote. Sœur Mélodie transformait cette Dyane en DS de la chasse et de la lune.
– Je vous trouve bien sévère en burnous, susurra-t-elle avant de me mettre à l’aise.
Je n’étais pas revenu à Blida depuis le mariage de mon ami Momo. Mais la veille, il nous avait accueilli comme un frère, nous offrant le gîte et le couvert, fidèle à la tradition d’hospitalité algérienne.
On planquait depuis le midi dans un terrain vague de l’avenue Benyoucef, guettant de loin les aller-venues de l’entrée de la base militaire. Nos cibles étaient logées : un quarteron de généraux qui tôt ou tard sortiraient leurs moustaches.
La ville des roses avait beaucoup perdu de sa splendeur coloniale. Aux charmantes villas françaises s’accolaient des barres de béton à l’air soviétique qui affichaient une esthétique stalinienne. Trop kawai, les nouveaux immeubles chinois s’agglutinaient à la cité disparate. Les rosiers avaient disparu tout comme les hordes de chats et de chiens errants, vendu deux mille dinards pièce aux ouvriers chinois par des gamins désargentés*. Fuyant la guerre civile, les blédards de la Mitidja s’entassaient dans la cité militaire qui s’étendait jusqu’au piémont du Chréa. La montagne limitait l’expansion urbaine. L’antique station de ski qui culminait sur le sommet périclitait désertée par les touristes. Les versants, couvert de pin de l’atlas, abritaient encore des moudjahidins du G.I.A., téméraires, ceux-ci n’avaient pas hésité à lancer leurs roquettes sur les casernes de l’armée en contrebas*. Ce feu d’artifice nocturne emplissait encore les habitants d’une terreur silencieuse. Le mutisme sur les évènements était de mise. L’ennemi en campagne étaient partout et surtout en ville depuis l’amnistie. Un temps, ils avaient même investi le mausolée royal de Maurétanie ou reposait la fille de Cléopâtre*. De là, ils pointaient leur nez camus sur les ruines de Tipasa.
– Dites-moi, ce Momo comment l’avez-vous connu ? S’enquit sœur Mélodie.
– Je l’ai rencontré à Rome alors que je coordonnais la sécurité de la plate-forme de Sant Egidio. Il faisait partie de la DRS et encadrait la délégation du ministère des affaires religieuses algériennes. Notre amitié est née au cours d’un repas dans une trattoria du Trastevere. Le but était de renforcer la cohésion et l’amitié entre les gardes qui accompagnaient les délégations.
– Quelle belle idée, le partage du pain a dû être une véritable communion dans la fraternité, s’extasia sœur Mélodie.
– Laissez-moi vous brosser le tableau de la cène en question. Il y avait beaucoup plus de Judas que de bons apôtres autour de la table, deux barbus du G.I.A. : Azhar Nazih et Achour Mesbah, trois pelés du service d’ordre du F.I.S : Yasser Stela, Taher Souleimane et Hammidouche Faissal, un tondu du FLN : Adou Amer. Au bout de la table, Momo et son quintal de lutteur gréco-romain et à l’autre bout, Gervais le petit garde suisse.
– Je connais ce Gervais, il fut intronisé par le Saint Père, c’est un de ses favoris car il est affecté à l’anti-chambre, précisa sœur Mélodie.
– Les voies du Saint-Siège n’ont pas l’impénétrabilité divine, vous êtes bien informé. Reprenons, après les salamalecs d’usage j’ai servi le vin à l’assemblée.
– Je croyais que ces païens ne buvaient pas d’alcool, s’étonna sœur Mélodie.
– Au contraire ils étaient ravis, le chianti ça les changeait du zambretto.
– Le zambretto ? Quid ?
– Il s’agit d’ une invention algéroise liée à la prohibition en vigueur, un cocktail consommé sans modération.
– J’adore les cocktails, minauda-t-elle, c’est quoi la recette de ce zambretto ?
– Un quart d’alcool à brûler et trois-quart de coca*.
Elle resta coi et je pus poursuivre.
– Le vin ajoute souvent de la spiritualité aux débats et la conversation battait son plein. La discussion s’enflamma véritablement quand on aborda le thème de la religion. J’écoutais amusé Momo charrier Azhar Nazih, le boucher hallal à l’haleine de verre, qui prônait la charia, la bouche dégoulinante de sauce tomate et la barbe enjolivée de spaghettis. Au dessert, tout en versant le lambrusco je notais que mes commensaux avaient abandonné la controverse religieuse. Le ton avait monté et ils déclamaient des vœux plus prosaïques sur les génitrices de leurs interlocuteurs. C’est alors qu’une escadre de carabinieris fit irruption dans la trattoria, sans doute appelée par le patron, un demi-sel affolé par le vacarme de notre tablée. Le caporetto, une véritable armoire à glace, nous enjoignit à le suivre sans discuter. Il fut bien servi par une gelato al limon en pleine poire… J’ai toujours eu horreur des glaces. D’un bond, Momo sauta sur la table qui bascula à la renverse en frappant le petit Gervais sous le menton. Celui-ci décolla sous l’impact et échappa ainsi aux deux carabinieris qui l’encadraient. Il atterrit dans les bras de Momo qui l’agrippa par les pieds. Puis adoptant la position du lanceur de marteau communiste il fit de terribles moulinets qui laissèrent les importuns fort navrés. Pendant qu’il les occupait, j’en profitais pour raccompagner rapidement les autres convives jusqu’au seuil mais coupant court aux salutations d’usage ils s’évanouirent prestement dans le dédale des rues romaines.
Je tirais alors vivement le rideau d’acier du restau jusqu’à un mètre du sol. Le garde suisse vint d’abord s’écraser sur le trottoir suivi bientôt par Momo dans un agile roulé-boulé.
– Pauvre Gervais, il devait être dans un sale état, s’apitoya sœur Mélodie.
– Vous savez le petit suisse aime être battu.
– J’imagine que vous avez filé sans demander votre reste.
– Pour être franc, on s’est un peu attardé pour jouer. Les gendarmes à quatre-pattes essayèrent de passer sous le rideau de fer pour nous poursuivre. Ils furent subjugués par la précision de nos coups de pied. Vous auriez du voir ça, leurs têtes résonnaient contre la ferraille comme une volée de cloches pour la grand-messe. Mais le romain n’a plus l’endurance sportive ni le beau jeu de ses glorieux aïeux. Nous avons dû cadenasser nous même leur défense en abattant le rideau sur eux. Ils criaient et tapaient le sol de leurs bras dans l’affligeant cinéma dont ils sont coutumiers. Les autres jouèrent le hors-jeu dans leur périmètre et ne tentèrent plus aucune sortie.
– Ils ont mangé chaud dans cette trattoria !
– Et certainement avec une paille après nos coups de rangeos dans la tronche. Ensuite nous avons raccompagné Gervais jusqu’à la porte de son anti-chambre, trop heureux de souffrir le martyr il nous gratifia d’une bouteille d’Amaretto. Ce viatique nous occupa le reste de la nuit avec Momo. Le matin nous trouva copains comme cochons si je puis dire ainsi d'un musulman. Nous gardâmes quelques temps un fort goût d’amandes amères dans la bouche.
Un défilé de voitures descendit l’avenue dans un tintamarre de klaxons. Assis sur les portières aux vitres baissées, les hommes tapaient sur les carrosseries dans un ramdam assourdissant.
– Pourquoi tout ce boucan ?
– Ils fêtent un mariage.
– Vous étiez à celui de Momo, racontez-moi.
– J’en garde un mauvais souvenir mais il vaut mieux que ce soit moi qui vous en parle plutôt que Momo. Le matin avec tous les homme de la noce nous avons été au hammam prendre un bain. Après le passage au sauna on s’est fait étrillé la couenne par un colosse armé d’un gant de crin. Ma peau s’est desquamée en petites boulettes noires comme du charasse. Ensuite le masseur nous badigeonna d’huile d’amandes amères. Le soir, l’odeur nous imprégnait encore quand nous avons rejoint la salle de noce où les femmes passaient la journée à festoyer entre elles. Vous savez sœur Mélodie, ici on ne mélange pas le torchon du garçon à la serviette de la fille.
– Si la serviette est mouillée le torchon brûle.
– Quand nous sommes arrivés entourant le marié au son des tambourins de l’orchestre ce fut pour découvrir horrifié le massacre : un commando de maquisards infiltrés avaient égorgé toutes les femmes de la noce*.
( *anecdotes véridiques )
– Pouah ! ça pue, c’est infect, maugréa-t-elle.
– C’est malin ! Vous ne pouviez pas les laisser tranquille à leur affaire, grimaçais-je.
– Je ne supporte pas les punaises, même de sacristie.
– Alors écrasez plutôt des gendarmes.
– ?!
– Vous savez ces punaises rouges que l’on trouve aux pieds des tilleuls.
– Ah oui, les masques africains !
– C’est cela même, au moins elles ne dégagent pas cette odeur fétide.
_ Ça rappelle un peu la senteur des…, des amandes amères, s’étonna-t-elle.
– Vous êtes à croquer, ôtez donc cette burqa dont la grille me fait penser à un vieux garde-manger.
– Volontiers, j’étouffe là dessous, mais où ça ? Ici ?
– Non mais à l’au…, à l’auto quoi ! bégayais-je plein d’impatience.
Nous grimpâmes dans la Dyane où je fixais la capote. Sœur Mélodie transformait cette Dyane en DS de la chasse et de la lune.
– Je vous trouve bien sévère en burnous, susurra-t-elle avant de me mettre à l’aise.
Je n’étais pas revenu à Blida depuis le mariage de mon ami Momo. Mais la veille, il nous avait accueilli comme un frère, nous offrant le gîte et le couvert, fidèle à la tradition d’hospitalité algérienne.
On planquait depuis le midi dans un terrain vague de l’avenue Benyoucef, guettant de loin les aller-venues de l’entrée de la base militaire. Nos cibles étaient logées : un quarteron de généraux qui tôt ou tard sortiraient leurs moustaches.
La ville des roses avait beaucoup perdu de sa splendeur coloniale. Aux charmantes villas françaises s’accolaient des barres de béton à l’air soviétique qui affichaient une esthétique stalinienne. Trop kawai, les nouveaux immeubles chinois s’agglutinaient à la cité disparate. Les rosiers avaient disparu tout comme les hordes de chats et de chiens errants, vendu deux mille dinards pièce aux ouvriers chinois par des gamins désargentés*. Fuyant la guerre civile, les blédards de la Mitidja s’entassaient dans la cité militaire qui s’étendait jusqu’au piémont du Chréa. La montagne limitait l’expansion urbaine. L’antique station de ski qui culminait sur le sommet périclitait désertée par les touristes. Les versants, couvert de pin de l’atlas, abritaient encore des moudjahidins du G.I.A., téméraires, ceux-ci n’avaient pas hésité à lancer leurs roquettes sur les casernes de l’armée en contrebas*. Ce feu d’artifice nocturne emplissait encore les habitants d’une terreur silencieuse. Le mutisme sur les évènements était de mise. L’ennemi en campagne étaient partout et surtout en ville depuis l’amnistie. Un temps, ils avaient même investi le mausolée royal de Maurétanie ou reposait la fille de Cléopâtre*. De là, ils pointaient leur nez camus sur les ruines de Tipasa.
– Dites-moi, ce Momo comment l’avez-vous connu ? S’enquit sœur Mélodie.
– Je l’ai rencontré à Rome alors que je coordonnais la sécurité de la plate-forme de Sant Egidio. Il faisait partie de la DRS et encadrait la délégation du ministère des affaires religieuses algériennes. Notre amitié est née au cours d’un repas dans une trattoria du Trastevere. Le but était de renforcer la cohésion et l’amitié entre les gardes qui accompagnaient les délégations.
– Quelle belle idée, le partage du pain a dû être une véritable communion dans la fraternité, s’extasia sœur Mélodie.
– Laissez-moi vous brosser le tableau de la cène en question. Il y avait beaucoup plus de Judas que de bons apôtres autour de la table, deux barbus du G.I.A. : Azhar Nazih et Achour Mesbah, trois pelés du service d’ordre du F.I.S : Yasser Stela, Taher Souleimane et Hammidouche Faissal, un tondu du FLN : Adou Amer. Au bout de la table, Momo et son quintal de lutteur gréco-romain et à l’autre bout, Gervais le petit garde suisse.
– Je connais ce Gervais, il fut intronisé par le Saint Père, c’est un de ses favoris car il est affecté à l’anti-chambre, précisa sœur Mélodie.
– Les voies du Saint-Siège n’ont pas l’impénétrabilité divine, vous êtes bien informé. Reprenons, après les salamalecs d’usage j’ai servi le vin à l’assemblée.
– Je croyais que ces païens ne buvaient pas d’alcool, s’étonna sœur Mélodie.
– Au contraire ils étaient ravis, le chianti ça les changeait du zambretto.
– Le zambretto ? Quid ?
– Il s’agit d’ une invention algéroise liée à la prohibition en vigueur, un cocktail consommé sans modération.
– J’adore les cocktails, minauda-t-elle, c’est quoi la recette de ce zambretto ?
– Un quart d’alcool à brûler et trois-quart de coca*.
Elle resta coi et je pus poursuivre.
– Le vin ajoute souvent de la spiritualité aux débats et la conversation battait son plein. La discussion s’enflamma véritablement quand on aborda le thème de la religion. J’écoutais amusé Momo charrier Azhar Nazih, le boucher hallal à l’haleine de verre, qui prônait la charia, la bouche dégoulinante de sauce tomate et la barbe enjolivée de spaghettis. Au dessert, tout en versant le lambrusco je notais que mes commensaux avaient abandonné la controverse religieuse. Le ton avait monté et ils déclamaient des vœux plus prosaïques sur les génitrices de leurs interlocuteurs. C’est alors qu’une escadre de carabinieris fit irruption dans la trattoria, sans doute appelée par le patron, un demi-sel affolé par le vacarme de notre tablée. Le caporetto, une véritable armoire à glace, nous enjoignit à le suivre sans discuter. Il fut bien servi par une gelato al limon en pleine poire… J’ai toujours eu horreur des glaces. D’un bond, Momo sauta sur la table qui bascula à la renverse en frappant le petit Gervais sous le menton. Celui-ci décolla sous l’impact et échappa ainsi aux deux carabinieris qui l’encadraient. Il atterrit dans les bras de Momo qui l’agrippa par les pieds. Puis adoptant la position du lanceur de marteau communiste il fit de terribles moulinets qui laissèrent les importuns fort navrés. Pendant qu’il les occupait, j’en profitais pour raccompagner rapidement les autres convives jusqu’au seuil mais coupant court aux salutations d’usage ils s’évanouirent prestement dans le dédale des rues romaines.
Je tirais alors vivement le rideau d’acier du restau jusqu’à un mètre du sol. Le garde suisse vint d’abord s’écraser sur le trottoir suivi bientôt par Momo dans un agile roulé-boulé.
– Pauvre Gervais, il devait être dans un sale état, s’apitoya sœur Mélodie.
– Vous savez le petit suisse aime être battu.
– J’imagine que vous avez filé sans demander votre reste.
– Pour être franc, on s’est un peu attardé pour jouer. Les gendarmes à quatre-pattes essayèrent de passer sous le rideau de fer pour nous poursuivre. Ils furent subjugués par la précision de nos coups de pied. Vous auriez du voir ça, leurs têtes résonnaient contre la ferraille comme une volée de cloches pour la grand-messe. Mais le romain n’a plus l’endurance sportive ni le beau jeu de ses glorieux aïeux. Nous avons dû cadenasser nous même leur défense en abattant le rideau sur eux. Ils criaient et tapaient le sol de leurs bras dans l’affligeant cinéma dont ils sont coutumiers. Les autres jouèrent le hors-jeu dans leur périmètre et ne tentèrent plus aucune sortie.
– Ils ont mangé chaud dans cette trattoria !
– Et certainement avec une paille après nos coups de rangeos dans la tronche. Ensuite nous avons raccompagné Gervais jusqu’à la porte de son anti-chambre, trop heureux de souffrir le martyr il nous gratifia d’une bouteille d’Amaretto. Ce viatique nous occupa le reste de la nuit avec Momo. Le matin nous trouva copains comme cochons si je puis dire ainsi d'un musulman. Nous gardâmes quelques temps un fort goût d’amandes amères dans la bouche.
Un défilé de voitures descendit l’avenue dans un tintamarre de klaxons. Assis sur les portières aux vitres baissées, les hommes tapaient sur les carrosseries dans un ramdam assourdissant.
– Pourquoi tout ce boucan ?
– Ils fêtent un mariage.
– Vous étiez à celui de Momo, racontez-moi.
– J’en garde un mauvais souvenir mais il vaut mieux que ce soit moi qui vous en parle plutôt que Momo. Le matin avec tous les homme de la noce nous avons été au hammam prendre un bain. Après le passage au sauna on s’est fait étrillé la couenne par un colosse armé d’un gant de crin. Ma peau s’est desquamée en petites boulettes noires comme du charasse. Ensuite le masseur nous badigeonna d’huile d’amandes amères. Le soir, l’odeur nous imprégnait encore quand nous avons rejoint la salle de noce où les femmes passaient la journée à festoyer entre elles. Vous savez sœur Mélodie, ici on ne mélange pas le torchon du garçon à la serviette de la fille.
– Si la serviette est mouillée le torchon brûle.
– Quand nous sommes arrivés entourant le marié au son des tambourins de l’orchestre ce fut pour découvrir horrifié le massacre : un commando de maquisards infiltrés avaient égorgé toutes les femmes de la noce*.
( *anecdotes véridiques )
Jean Lê- Nombre de messages : 591
Age : 65
Localisation : Bretagne
Date d'inscription : 22/11/2010
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Mission à Tanger (4)
Le moins qu'on puisse dire c'est que l'histoire sort des sentiers battus, sent l'amande amère et nous fait voyager.
Je n'ai pas trop pigé la parenthèse italienne, mais on mettra ça sur le compte de l'abus de boisson fermentée.
En tout cas, je ne suis pas ennuyé à la noce à Momo, même si certaines amours ont pu y être contrariées par les intégristes.
Je n'ai pas trop pigé la parenthèse italienne, mais on mettra ça sur le compte de l'abus de boisson fermentée.
En tout cas, je ne suis pas ennuyé à la noce à Momo, même si certaines amours ont pu y être contrariées par les intégristes.
Invité- Invité
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Mission à Tanger (4)
Un habile mélange de vérité et de fiction, raconté avec un léger humour (hum, les petits suisses qui aiment être battus...)
D'ailleurs, vu la note de fin nous indiquant la véracité de certains faits, (doit-on te croire ?) je trouve ce ton léger un peu déplacé, surtout à la lecture de la dernière phrase, qui est terrifiante.
Le titre m'intrigue (ou alors j'ai mal lu le texte) Mission à Tanger, alors qu'ensuite tu ne parles que de Blida et de l'Algérie ?!?
Bon, exo réussi puisque l'odeur des amandes amères fait son bonhomme de chemin du début à la fin.
Invité- Invité
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Mission à Tanger (4)
Tizeff et Embellie, voici les trois premiers épisodes de "Mission à Tanger" écrit au cours d'exos précédents.
- Spoiler:
- Mission à Tanger
Le prélat des services spéciaux du Vatican m’avait rapidement convaincu d’accepter cette mission à Tanger.
– Cette opé, c’est du nanan ! vous n’avez qu’a contacter Frère Eusèbe qui vous remettra les documents que vous devrez nous rapporter. Sœur Mélodie vous accompagne. Tenez c’est pour vos frais dit-il en me tendant une liasse de billets de 500 euros.
– Sœur Mélodie est encore novice mais elle pratique les arts martiaux, elle vous sera utile.
J’avais failli décliner cette aide. Mais devant la vision de la belle noire encornettée j’étais resté muet. Elle avait la bouche sensuelle, des traits fins, un regard de biche sous un teint de moka. J’en déduis qu’elle devait être de l’ethnie Mina. Les missionnaires faisaient bien leur boulot au Togo. Son scapulaire laissait deviner une poitrine à faire changer d’avis le très Saint Père sur le port des préservatifs.
Le vol pour Tanger se déroula sans encombre
– Mi va, mi va kpo Tanger ! je lui désignais la ville par le hublot pendant que l’avion amorçait son approche dans un virage sur l’aile.
– Vous parlez le mina ? s’exclama-t-elle.
– Juste quelques restes de mon passage à l’Institut des langues africaines, mentis-je. Je ne pouvais lui débiter mon passé d’affreux au service de nombreux potentats africains.
Après une nuit réparatrice à l’hôtel, nous nous rendîmes au Fissa Food près du Faucon Maltais où devait avoir lieu l’échange avec Frère Eusèbe. Parmi les nombreux barbus de la salle, j’identifiais notre homme à sa tonsure apostolique. Il sirotait un Fanta sur une table crasseuse. Je commandais un sherry-cola et un nana-gunpowder pour ma garde du corps. Pendant que le serveur nous apportait les boissons accompagnées d’un plat de pâtisseries orientales, elle s’esquivait aux toilettes. Frère Eusèbe me tendit une enveloppe.
– Voilà, ce sont les preuves de l’implication de la clique des généraux de Blida dans l’assassinat des moines de Thiberine. Ils avaient depuis longtemps infiltré le G.I.A.
Soudain les barbus fondirent sur nous avec des hurlements de sauvages.
– Allah Akbar !
Je crachais mon loukoum gluant à la figure haineuse du premier moudjahidin dont la vue se brouilla instantanément. Le mouvement du Kasachok me permit d’éviter le poignard du second assaillant et mon pied s’enfonça dans ses parties tendres. Son hurlement retint une seconde les deux autres barbus qui m’encadraient, grâce à la technique du Charleston en 78 tours je leur distribuais deux coups de pieds aux rotules. Il se plièrent en deux dans le mouvement de la Gavotte qui s’enroule. J’en profitais pour saisir leurs chèches et déséquilibrés ils se heurtèrent de front, ça résonna comme une grosse caisse.
Sœur Mélodie, en sous-sol, attirée par le bruit tomba sur un troisième larron. Le mouvement de la Moukère lubrique lui permit d’atteindre le nez de son ennemi qui alla s’étaler sur le bar. Un autre larron, délesté de sa babouche, lui envoya son pied puant au visage. Sœur Mélodie répliqua par l’exécution parfaite du Sourire de croqueur de galettes-saucisses et ses dents pointues sectionnèrent les orteils du djihadiste. Mais on lui tomba dessus par derrière, c’était la prise du Double-Nelson-Monfort. D’un coup de rein elle tenta de se dégager mais l’autre tenait bon. Elle essaya la méthode de la Girafe en chaleur mais l’autre se cramponnait. Alors elle se mit à courir en arrière et emporté par le poids il s’incrusta dans les pointes métalliques qui décoraient la porte. Elle rentra dans une folie furieuse, tous ne tombaient pas mais tous étaient frappés. Bientôt, d’une bonne droite elle envoya le dernier assassin dingué dans la fenêtre en moucharabieh, sale temps pour les mouches. J’enjambais le corps de mon ennemi pour m’enquérir de la santé de frère Eusèbe. Il avait un curieux sourire kabyle et certainement moins de trois jours à vivre.
Le soir même, après un thé à la menthe en terrasse de l’hôtel El Pacha, je découvrais avec ravissement le corps d’ébène de Sœur Mélodie constellée de gouttelettes en sortant de la piscine. Son maillot en élasthanne orange mettait bien en valeur ses formes généreuses.
— Doux Jésus ! ça fait un bien fou de se rafraîchir
— Sœur Mélodie je pense que nous devrions partager la même chambre, je me dois de dépenser avec parcimonie les deniers de l’Eglise. De plus avec l’état de frère Eusèbe il convient d’arrêter les frais.
— Bien sur yovo, je suis tout à fait d’accord.
— Amaïbo, répète un peu ce que tu viens de dire…
Mission à Tanger 2
Le réceptionniste de l’Hotel El Pacha, un petit nouveau, ne prêta pas attention aux deux fatmas chargées de provisions qui traversèrent le hall.
Sœur Mélodie rajusta son hijab fuchsia en pénétrant dans l’ascenseur. Je lui enjoignais le pas dissimulé dans un hiqab sobre qui mettait en valeur la noblesse de mon regard.
Une inspiration salvatrice m’avait soufflé ce subterfuge pour contrer les espions que les barbus avaient certainement diligentés sur nos traces. Ainsi, en jouant aux dames, nous avions pu nous rendre à l’hôpital pour nous enquérir de l’état de santé de Frère Eusèbe.
– Il a été transféré à la morgue, nous avait jeté un vieux con.
Au retour, nous nous étions ravitaillés au souk. Après le ramdam au Fissa Food, il n’était plus question de s’afficher dans un restaurant.
– Pfff, dans cette tenue il fait un temps de chien kabiyé* sur la broche. Souffla Sœur Mélodie en ouvrant la porte numéro 6 de notre chambre.
– Je m’occupe de préparer le repas, lança-t-elle en disposant les victuailles sur la table de la kitchenette.
Dans la chambre, j’ôtais mon hiqab et filais me rafraîchir dans la salle de bain attenante. En coupant le jet d’eau un bruit me fit sursauter. J’empoignais une poterie berbère sur un guéridon et me glissais dans la chambre. Rien…
À pas feutrés j’allais jeter un coup d’œil dans la cuisine. Sœur Mélodie disposait des assiettes amarantes et des couverts vermeils sur une nappe à l’imprimé léopard. Je l’entendis murmurer : « Je me demande quelle tenue je vais pouvoir mettre pour que ça colle avec cette nappe »
J’entendis un crissement dans mon dos et me retournais d’un coup sec. Pas de doute ça venait de l’armoire… la porte était légèrement entrebâillée. Je l’ouvris sèchement tout en projetant la poterie dans le mouvement de la lanceuse de poids est-allemande. Elle éclata dans la penderie. À défaut de barbu caché elle ne toucha que l’angoisse du vide en soulevant un nuage de poussière.
Sœur Mélodie fit irruption sur le champ en dévouée garde du corps.
– Désolé, bredouillais-je, j’avais entendu du bruit.
Elle resta interdite puis considéra le chantier dans sa garde-robe.
– Ah non ! ma robe de clarisse zébrée est toute sale, qu’est-ce-que je vais me mettre pour dîner. Il faut que je fasse la lessive, s’indigna-t-elle.
Mais le sourire lui revint rapidement tandis qu’elle me reluquait. Je réalisais que depuis ma douche j’étais toujours nu comme un alexandrin.
Puis le bruit recommença… alors j’ouvris prestement le tiroir de l’armoire : un margouillat coiffé d’un string panthère rongeait une banane parmi le linge de Sœur Mélodie.
– Eh bien voilà un problème résolu, enfilez donc ceci*, ça ira parfaitement avec la nappe.
Ensuite, pour nous remettre de nos émotions, nous avons passé une soirée délicieuse. Quand la prière du muezzin a retenti, Sœur Mélodie inclinée vers la Mecque s’ouvrait à un nouveau culte.
Le lendemain, au petit déjeuner, je trempais toujours mon boudoir dans le chocolat…
Un caméléon roulait de l’œil en tirant la langue sur l’arganier qui ombrait la terrasse. Non, je ne resterai pas au fond…
A suivre…
*kabiyé : ethnie togolaise, ils mangent les chiens.
*nda : le string, pas la banane.
Mission à Tanger (3)
Frère Eusèbe, que dieu ait son âme, avait fait du beau boulot. Son dossier contenait l’organigramme complet des principaux mouvements terroristes du Maghreb. Les émirs qui travaillaient pour l’armée avaient été surligné au fluo. Les généraux manipulaient les ficelles des pantins barbus voués au djihad. Même l’opération « héron noir » avait été lancée à leur instigation. Il s’agissait d’éradiquer toutes les grenouilles de bénitier d’Afrique du nord.
Parmi les documents, une place de parking d’un magasin-cotillon dissimulait un trésor qui allait nous permettre de quitter discrètement Tanger et d’éviter le vol-retour en 747 et l’aéroport, désormais trop dangereux après nos exploits.
Sœur Mélodie enfila un hijab londonien vert à pois rouges. J’optais pour une djellaba jaune poussin dont l’amplitude ventilait agréablement mes organes surchauffés.
Place Malsaine deux, une foule de femmes compactes youyoutaient devant le balcon d’une moukère qui agitait un drap blanc taché de rouge.
– Fêtent-ils ainsi la journée internationale contre les violences faites aux femmes ? S’enquit sœur Mélodie.
– Il doit s’agir d’un mariage
– Curieuse tradition
– Il n’y a que des mariages traditionnels, ici.
Nous nous échappâmes de la foule en délire pour enfin atteindre le parking. Sur l’emplacement numéro 18, la magnifique auto de Frère Eusèbe tranchait au milieu des banales Mercedes.
– Oh ! Une voiture de sœur-piqueuse, s’extasia Sœur Mélodie.
– Une Dyane Citroën, précisais-je en shuntant les fils du démarreur.
Deux barbus s’extirpèrent d’une Mercedes garée près de la sortie du parking et agitèrent les bras pour m’intimer l’ordre de stopper. J’accélérais en passant la troisième et la Dyane effaça les importuns d’une secousse de sa moelleuse suspension.
– Pourquoi les avoir aplatis ? C’était peut-être les gardiens du parking avança sœur Mélodie.
– Sœur Mélodie, je n’abuse jamais de mon permis d’extrême-onction . C’était des terroristes du « Héron noir », avez-vous remarqué leurs barbes rousses ?
– Ah oui, le roux c’est la couleur du diable ! S’exclama-t-elle
– Non ma Sœur, cette rousseur leur vient des fumées aux feux des bivouacs dans le maquis, c’est un signe de reconnaissance.
– Quelle perspicacité dit-elle en remettant une bouteille de 51 et une curieuse plaque de chocolat qui étaient tombée du vide-poche dans le cahot.
– Hé ! hé ! mieux vaut s’appeler Mercedes et rouler en Dyane que l’inverse, risquais-je.
– Il est noir et bien amer ce drôle de chocolat. Où allons-nous ? S’enquit sœur Mélodie
– Ne mangez pas tout, vous allez avoir les yeux plus gros que le ventre. On va prendre la route du Rif.
– Chouette ! le rififi j’adore, me lança-t-elle dans un regard déjà tout injecté de sang.
– Ces émotions m’ont donné soif mais il n’y a pas de verre dans cette Dyane sécheresse ! rétorquais-je en descendant une bonne rasade de 51 au goulot.
– Quel 51 bien tassé, c’est carrément un 52.
– Quel humour agent double zéro.
– Bond, appelez moi Bond, j’aime, dit-elle en glissant sa main sous ma djellaba.
– N’abusez pas trop de ce chocolat Sœur Mélodie, dis-je en garant rapidement la Dyane dans un champ d’herbes bleues.
Il me fallait vérifier la sensualité des suspensions…
Jean Lê- Nombre de messages : 591
Age : 65
Localisation : Bretagne
Date d'inscription : 22/11/2010
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Mission à Tanger (4)
Un récit très divertissant.
L'expression "un quarteron de généraux" m'a replongée immédiatement dans des souvenirs : un fameux discours de "qui vous savez", il y a... x années. Que le temps passe vite ! :-)
L'expression "un quarteron de généraux" m'a replongée immédiatement dans des souvenirs : un fameux discours de "qui vous savez", il y a... x années. Que le temps passe vite ! :-)
Invité- Invité
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Mission à Tanger (4)
Coïncidence du calendrier, j'ai assisté hier à un exposé sur la guerre d'Algérie et hop, maintenant que je prends le temps de commenter les exercices, voilà que reviennent quelques références connues. Du coup, ton texte offre une saveur supplémentaire.
J'ai aimé cette alternance entre pointes d'humour et allusions ou narration de faits plus dramatiques, ça équilibre le rythme, même si au départ, j'ai un peu craint que ça ne rende le tout un brin chaotique. De ci de là, quelques longueurs, des détails pas forcément indispensables mais pas de quoi dénaturer la force du récit, qui se lit avec plaisir. Une drôle d'aventure dans laquelle tu nous embarques ici.
J'ai aimé cette alternance entre pointes d'humour et allusions ou narration de faits plus dramatiques, ça équilibre le rythme, même si au départ, j'ai un peu craint que ça ne rende le tout un brin chaotique. De ci de là, quelques longueurs, des détails pas forcément indispensables mais pas de quoi dénaturer la force du récit, qui se lit avec plaisir. Une drôle d'aventure dans laquelle tu nous embarques ici.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
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Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exo « Écrire suivant un incipit » : Mission à Tanger (4)
(et j'oublie de préciser que j'aime beaucoup le lien entre l'incipit proposé et la suite, ça se marie très bien)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
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Date d'inscription : 12/12/2005
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