Le goût des choses
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seyne
Ariel
obi
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Le goût des choses
L'écureuil est roux, le vent de septembre et mon arbre malade. Derrière les vitres j'ai perdu le goût des choses. Des feuilles jaunasses continuent à s'efforcer mais les fruits en leur cœur viendront secs . Pauvres amères à la coque dure et noire. Se défendent de qui ? De quoi ?
La petite bête vive au ventre blanc court, gracile. Je vois luire à l'horizon de pénombre ses dents sur la tempête. Griffes d'espoir : plus tard l'hiver ! Dedans qu'il y ait encore des forces, encore... - Dans ces coques malades ? Alors tant pis ! Dormir l'oubli...loin...oh ! Franchir les saisons mortes...
Voici que passe un troupeau de nues et pissent longuement, pissent. Salement.
Pauvre corps qui s'effile au long des branches, dégringole et remonte, têtu sous le ciel. Derrière la vitre des mouches où s'encollent poussières et suies de deux étés, la chienne, en silences, t'attend. Comment mais comment traîner jusqu'à l'autre printemps ? Les pommes au cœur de limaces lentement pourrissent.
« L'écureuil est auburn ! » Nous riions il y a tout juste un an. A peine. Il est tard. Faim d'octobre. J'ai jeté tout à l'heure l'emballage des teintures. Même le cœur des herbes ment. Partout ta couleur, partout sur les bois, sous les pluies. Là-bas un arbre se noie à l'envi, qui tend ses branches, infinies...
La petite bête vive au ventre blanc court, gracile. Je vois luire à l'horizon de pénombre ses dents sur la tempête. Griffes d'espoir : plus tard l'hiver ! Dedans qu'il y ait encore des forces, encore... - Dans ces coques malades ? Alors tant pis ! Dormir l'oubli...loin...oh ! Franchir les saisons mortes...
Voici que passe un troupeau de nues et pissent longuement, pissent. Salement.
Pauvre corps qui s'effile au long des branches, dégringole et remonte, têtu sous le ciel. Derrière la vitre des mouches où s'encollent poussières et suies de deux étés, la chienne, en silences, t'attend. Comment mais comment traîner jusqu'à l'autre printemps ? Les pommes au cœur de limaces lentement pourrissent.
« L'écureuil est auburn ! » Nous riions il y a tout juste un an. A peine. Il est tard. Faim d'octobre. J'ai jeté tout à l'heure l'emballage des teintures. Même le cœur des herbes ment. Partout ta couleur, partout sur les bois, sous les pluies. Là-bas un arbre se noie à l'envi, qui tend ses branches, infinies...
obi- Nombre de messages : 575
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Le goût des choses
Un texte poignant dont la beauté m'a giflée : comme le malheur tire de nous des accents merveilleux de poésie !
Rien n'est pesant, rien n'est souligné, mais on ressent tout le poids de ce chagrin, de cette absence, il n'y a pas un mot de trop et la couleur de l'écureuil s'éteint comme une trop petite flamme...
Respect, Obi, pour ce texte !!!
Rien n'est pesant, rien n'est souligné, mais on ressent tout le poids de ce chagrin, de cette absence, il n'y a pas un mot de trop et la couleur de l'écureuil s'éteint comme une trop petite flamme...
Respect, Obi, pour ce texte !!!
Invité- Invité
Re: Le goût des choses
Ta grammaire, cette fois-ci....
Et je trouve qu'elle donne sa force au texte, à tes phrases-branches, comme si certains mots étaient déjà tombés au sol, d'autres qui tiennent encore, mais comme au sens fripé.
Je ne sais pas si on peut parler d'un beau texte, mais il a du nerf, il est consistant, pas en bonne santé mais vivant.
Enfin bref..... Bien, quoi.
Et je trouve qu'elle donne sa force au texte, à tes phrases-branches, comme si certains mots étaient déjà tombés au sol, d'autres qui tiennent encore, mais comme au sens fripé.
Je ne sais pas si on peut parler d'un beau texte, mais il a du nerf, il est consistant, pas en bonne santé mais vivant.
Enfin bref..... Bien, quoi.
Ariel- Nombre de messages : 160
Age : 68
Localisation : Finistère, ascendant CévennE
Date d'inscription : 03/10/2011
Re: Le goût des choses
Tout le texte est très beau, et son titre aussi.....et ces mots, si justes : "partout ta couleur".
S'il fallait faire une seule retouche, ce serait d'enlever une ou deux des notations de pourrissement, qui insistent un peu trop.
Le contrepoint déchirant de la beauté de l'écureuil, ça aussi c'est très vrai.
S'il fallait faire une seule retouche, ce serait d'enlever une ou deux des notations de pourrissement, qui insistent un peu trop.
Le contrepoint déchirant de la beauté de l'écureuil, ça aussi c'est très vrai.
Re: Le goût des choses
Double enfermement en forme de balancier. Celui des saisons, qui font retentir violemment l'avant. Celui des questions, qui s'enferrent obstinément sur l'après.
Notre coeur ? Ce présent, également duel. Un ciel, comme une blessure inguérissable. Un écureuil, à peine esquissé, improbable... mais bien là, obstiné. Qui ne capitule pas.
Paysage état d'âme bouleversant !
Notre coeur ? Ce présent, également duel. Un ciel, comme une blessure inguérissable. Un écureuil, à peine esquissé, improbable... mais bien là, obstiné. Qui ne capitule pas.
Paysage état d'âme bouleversant !
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 59
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: Le goût des choses
j'aime la plénitude de votre automne
madame monsieur
Ooohoui !! que je l'aime
il est temps de vivre ! merci
madame monsieur
Ooohoui !! que je l'aime
il est temps de vivre ! merci
Re: Le goût des choses
Ce texte emporte, tout est bien dosé, jusqu'à l'humour désabusé du troupeau de nuages pisseurs! On aurait presque envie de choper le spleen!
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Le goût des choses
Et le titre est parfait!
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Le goût des choses
Ces observations à travers la vitre sale, entrecoupées de réflexions personnelles donnent à ce texte un parfum très prenant de nostalgie. Et l'écureuil, trait d'union entre le passé et le présent s'entête à aller de ci de là, furtif.
J'ai beaucoup aimé cette phrase :
Comment mais comment traîner jusqu'à l'autre printemps ?
J'ai beaucoup aimé cette phrase :
Comment mais comment traîner jusqu'à l'autre printemps ?
Invité- Invité
Re: Le goût des choses
Finalement, l'écureuil traverse le poème de bout en bout. Il en constitue la colonne vertébrale.
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 59
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: Le goût des choses
Puisque jfmoods a remonté le texte, j'en profite pour vous remercier tous de l'écho que vous lui avez réservé et qui me touche.
Une mention spéciale pour jf dont j'apprécie les analyses souvent aiguës et judicieuses. Oui, l'écureuil est la colonne vertébrale. C'est son mouvement qui a lancé la recherche du texte . Bien vu!
Une mention spéciale pour jf dont j'apprécie les analyses souvent aiguës et judicieuses. Oui, l'écureuil est la colonne vertébrale. C'est son mouvement qui a lancé la recherche du texte . Bien vu!
obi- Nombre de messages : 575
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Le goût des choses
j'aime ce titre qui fait écho,
et surtout cet écureuil vif et doux qui traverse ton texte
en le zébrant d'un éclair noisette .
et surtout cet écureuil vif et doux qui traverse ton texte
en le zébrant d'un éclair noisette .
Invité- Invité
Re: Le goût des choses
Un très beau texte que je ne connaissais pas et découvre grâce au poème de jfmoods "grappes de Ve-liens"
"même le coeur des herbes ment"
Je suis touchée par tant de discrétion dans l'expression de la douleur
"même le coeur des herbes ment"
Je suis touchée par tant de discrétion dans l'expression de la douleur
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