La voiture aigre

Bon, je me doute que...

"La voiture aigre"

J'ai traversé, morose, toutes vos volontés
Supprimé sur ma tempe toute volupté.

Pris, en une semaine, la route des fâneurs
Une campagne austère méchante au vrai labeur
Où une orangeraie fait une trachée sombre
Au ciel, respirant mal, à un vieillard dans l'ombre
La route était pas mal, le panneau était sûr
Où je m'emplafonnais comme un mendiant trop mûr
pour perdre son envie ou l'envie de sa perte

Silence ! Ecoute,

J'ai cru dans un ciel bleu la pendaison d'un pont
A d'urbaines lumières trouifiées en lampions
c'était la voiture ivre à la nuit toboggan
suicidée par un "Non !" dans le fleuve flottant
lancée contre les sphères
(vers le petit matin médiocre)


[La lune visiblement oublia son sous-verre
A baver comme une pute contre une dentelle de ciel
en espérant que ça ne se remarque pas -
mais moi je l'ai vue et pour encourager
son odieux commerce
je lui ai dit bravo et elle m'a répondu]


En lanières la nuit a traversé un pont (aussi)
( Me portant sous sa jupe et sous son tablier
vieille femme et moi petit enfant sué
De rêves ivres en vain-- où l'on s'est oublié
Où le désir lui-même a fit sa halte pure
Où la source a menti au songe qui l'obscure
Où pour une heure hélas je n'avais pas ton front
Pour recouvrir ma honte
et lui faire porter le chapeau de ton nom)

L'oeil gauche la main folle et le corps bien trop froid
Quand j'aurais du crier à déchifrer d'effroi
La face non choisie d'un jour pour trop de haines -
Tiens,
Une voiture me porte en traversant le ciel :
L'amarre et la ponte de ma résolution
-- je n'y vois plus


Vertige d'un tramway - noctambule passion
des vitres pour l'indifférence des visages,
Tapés contre vos murs, à renforts de langage
et faux, tapisseries, pièces marques impures
de tous vos artifices et de toute l'ordure
- continuez à faire de la littérature comme d'une chose morte
et la chair vous en pourrira sous les os
du squelette de votre bonne foi -
Un pont, quand je passais, a vu m/la langue bleue
très tard, pendue, ton cou, un collier d'amoureux
t'avait brisé la nuque
et aucun véhicule sur ce corps de morte ne passe pas

Que j'ai serré brisé dans des soirées sans toi
Dans une brise nominale où même le vent frissonne
J'ai pris toute la tête du monde entre mes mains
Et j'ai serré hideux la corde de demain"

"trouifiées", Marine, du célèbre verbe trouifier?

Le baroque, le fou, l'échevelé, l'onirique, d'accord, mais alors, pourquoi cette alexandrification balourdisante, du coup?
Ce contraste ne fonctionne pas pour moi.

Superbe!
Et rien à redire sur les mots inventés, ils sont très justes.

J'adore le tablier du pont (j'adore les ponts) (entre autres)

Polixène a écrit:pourquoi cette alexandrification balourdisante

Les quelques alexandrins sont en effet fâcheux, mieux vaudrait (selon mon humble moi) les raccourcir.

Où le désir lui-même a fait sa halte pure
Quand j'aurais dû crier à déchiffrer d'effroi

En fait il faut prendre les alexandrins au second degré justement je crois

bien sûr

J'adore. En bloc. Tout.