Prose / Poésie
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Prose / Poésie
Au cours du fil "avec dix mots", on en est arrivé à parler de la différenciation prose/poésie. Pour la plupart des participants qui se sont exprimés, une séparation rigide des deux n'est pas valable, ni intéressante, et je suis d'accord avec cela. Pourtant, je trouve toujours intéressant de creuser un peu les choses, de façon forcément subjective, en particulier les particularités de la poésie par rapport à la prose, par rapport au langage écrit de façon générale.
Les mots poétique/prosaïque disent quelque chose dans le langage courant, c'est intéressant aussi.
Je me souviens d'un participant à un forum qui, par rapport à cette question, disait qu'il y a deux façons de réfléchir : chercher à définir les "limites" des deux champs, ou chercher à définir, leur "centre".
Voilà, quelques propositions de réflexions si ça vous intéresse aussi.
Les mots poétique/prosaïque disent quelque chose dans le langage courant, c'est intéressant aussi.
Je me souviens d'un participant à un forum qui, par rapport à cette question, disait qu'il y a deux façons de réfléchir : chercher à définir les "limites" des deux champs, ou chercher à définir, leur "centre".
Voilà, quelques propositions de réflexions si ça vous intéresse aussi.
Re: Prose / Poésie
Hello seyne,
Sujet très intéressant, vraiment. Je trouve parfois la distinction entre la philosophie et la littérature tout aussi artificielle (sauf véritables traités de philosophie, bien sûr).
Pour ce qui est du "centre" de la poésie et la prose, il est difficile à situer, clairement, tous les auteurs ne s'y sont pas trouvés. Qu'ont à voir Paul Nizan et Eluard ? Ou même dans un style identique, impossible de créer un critère.
Pour ce qui est de leur différence ? je trouve qu'il y a une "sorte de réduction" dans la poésie, et donc une plus grande variété, plus d'odeur, pour le poète, comme le lecteur.
Je me demande si je n'aurai pas changé d'avis demain.
Antoine
Sujet très intéressant, vraiment. Je trouve parfois la distinction entre la philosophie et la littérature tout aussi artificielle (sauf véritables traités de philosophie, bien sûr).
Pour ce qui est du "centre" de la poésie et la prose, il est difficile à situer, clairement, tous les auteurs ne s'y sont pas trouvés. Qu'ont à voir Paul Nizan et Eluard ? Ou même dans un style identique, impossible de créer un critère.
Pour ce qui est de leur différence ? je trouve qu'il y a une "sorte de réduction" dans la poésie, et donc une plus grande variété, plus d'odeur, pour le poète, comme le lecteur.
Je me demande si je n'aurai pas changé d'avis demain.
Antoine
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Re: Prose / Poésie
En fait je me rends compte que les réponses à cette question ne peuvent être que personnelles, parce qu'elles sont liées au goût de chacun en tant que lecteur, à sa façon d'écrire aussi. En tous cas, ce qui est très personnel c'est ce qu'on va chercher dans l'un ou l'autre style.
Moi, par exemple, ce que je vais chercher dans la prose c'est le départ : la découverte de réalités que je ne connais pas, d'êtres que je ne connais pas, d'idées que je n'ai pas rencontrées, pris dans le puissant courant d'un récit. Alors que ce que je cherche dans la poésie est plus du côté de l'énigme, de l'immobilité fascinante, d'un arrière-plan vaguement mystique, de la magie.
Et donc ce qui ferait la spécificité de la prose ce serait le pouvoir du récit, et ce qui ferait la spécificité de la poésie ce serait sa manière de tordre le langage pour lui faire dire autre chose, quelque chose qui "ne peut pas se dire", comme le font la musique ou la peinture.
Mais bien entendu dans de très nombreux textes et peut-être dans tous, elles sont mêlées.
Moi, par exemple, ce que je vais chercher dans la prose c'est le départ : la découverte de réalités que je ne connais pas, d'êtres que je ne connais pas, d'idées que je n'ai pas rencontrées, pris dans le puissant courant d'un récit. Alors que ce que je cherche dans la poésie est plus du côté de l'énigme, de l'immobilité fascinante, d'un arrière-plan vaguement mystique, de la magie.
Et donc ce qui ferait la spécificité de la prose ce serait le pouvoir du récit, et ce qui ferait la spécificité de la poésie ce serait sa manière de tordre le langage pour lui faire dire autre chose, quelque chose qui "ne peut pas se dire", comme le font la musique ou la peinture.
Mais bien entendu dans de très nombreux textes et peut-être dans tous, elles sont mêlées.
Re: Prose / Poésie
Il est moins intéressant, je crois, de définir une notion par ses limites que par son centre.
Une prose peut être poétique mais dira-t-on de la poésie qu' elle peut être prosaïque ? Outre la connotation péjorative de l’adjectif il y aurait là quelque chose de contreproductif. La poésie, pour moi, cherche à extraire quelque chose comme une quintessence du réel, une révélation de l'être profond des choses, des hommes, des situations, une photographie de l'essence de sentiments ou de sensations, décrivant ou synthétisant des clichés successifs et/ou superposés tandis que la prose est avant tout, comme tu dis seyne, une histoire, un récit, des personnages qui bougent, agissent et réagissent. On peut accélérer la vitesse du film, ça gigote plus ou moins vite mais ça bouge.
Dans les romans on trouve des passages poétiques; ce sont presque toujours des descriptions d'état intérieur ou des tableaux de paysages, des images arrêtées, des songes d'un instant dans le flux d'une histoire dont on attend le dénouement.
Je ne crois pas que la poésie torde le langage; elle le presse à fond au sens où on presse un fruit pour se délecter de son jus, le savourer jusqu à la dernière goutte et se rappeler son goût longtemps après. La prose offre un fruit à manger d'abord pour se sustenter, continuer le voyage vers quelque chose qui n'est pas la découverte d'un centimètre carré du tableau de la vie mais d'une direction continue à poursuivre vers un sens plus global celui d'un héros particulier qu' il nous reviendra de photographier plan par plan, de digérer pour pouvoir l'assimiler enfin totalement. Peut-être que la poésie n’est que le savoir de l'être issu de la prose et infiniment distillé, et absorbable tout de suite.
Je m' arrête avant de dérailler plus avant. Bonne journée.
Une prose peut être poétique mais dira-t-on de la poésie qu' elle peut être prosaïque ? Outre la connotation péjorative de l’adjectif il y aurait là quelque chose de contreproductif. La poésie, pour moi, cherche à extraire quelque chose comme une quintessence du réel, une révélation de l'être profond des choses, des hommes, des situations, une photographie de l'essence de sentiments ou de sensations, décrivant ou synthétisant des clichés successifs et/ou superposés tandis que la prose est avant tout, comme tu dis seyne, une histoire, un récit, des personnages qui bougent, agissent et réagissent. On peut accélérer la vitesse du film, ça gigote plus ou moins vite mais ça bouge.
Dans les romans on trouve des passages poétiques; ce sont presque toujours des descriptions d'état intérieur ou des tableaux de paysages, des images arrêtées, des songes d'un instant dans le flux d'une histoire dont on attend le dénouement.
Je ne crois pas que la poésie torde le langage; elle le presse à fond au sens où on presse un fruit pour se délecter de son jus, le savourer jusqu à la dernière goutte et se rappeler son goût longtemps après. La prose offre un fruit à manger d'abord pour se sustenter, continuer le voyage vers quelque chose qui n'est pas la découverte d'un centimètre carré du tableau de la vie mais d'une direction continue à poursuivre vers un sens plus global celui d'un héros particulier qu' il nous reviendra de photographier plan par plan, de digérer pour pouvoir l'assimiler enfin totalement. Peut-être que la poésie n’est que le savoir de l'être issu de la prose et infiniment distillé, et absorbable tout de suite.
Je m' arrête avant de dérailler plus avant. Bonne journée.
obi- Nombre de messages : 575
Date d'inscription : 24/02/2013
Re: Prose / Poésie
Je partage complètement tout ce que tu viens de dire, mais je vais essayer d'expliciter ce que je voulais dire maladroitement par "tordre".
Dans presque toutes les civilisations et tous les temps, il y a eu un travail particulier sur le langage dans la forme poétique. Le vers, bien sûr, les formes classiques, la rime, la métrique, la voix chantée, les accentuations. Mais aussi ce qu'on appelle la "licence poétique", c'est à dire le droit de faire ce qu'on veut en s'affranchissant des règles grammaticales, du sens commun, même de l'orthographe, à condition que ces transgressions soient au service de l'expression. Le slam et le rap renouent avec la tradition de la poésie chantée, rythmée. Beaucoup de poètes réfléchissent au rôle du vers dans la forme poétique contemporaine. Et il y a une poésie presque complètement abstraite, une poésie qui donne la première place aux jeux de sonorité, aux jeux de mots...etc.
J'ai eu souvent l'impression, en lisant de la poésie, que ce qui pour moi faisait résonner avec intensité l'émotion esthétique, ou l'émotion tout court, tenait à des étrangetés, à ce qui vient heurter le sens, dédoubler l'image, comme un caillou vous fait trébucher sur un trajet bien balisé. Et que c'est cet écart avec le discours habituel conscient qui fait pressentir autre chose que la réalité connue, comme tout ce que tu en as dit.
Il me semble qu'on ne peut pas parler de poésie seulement au sens d'une émotion, qu'on ne peut éviter le rôle essentiel de la forme, comme on pétrirait autrement les mots, jusqu'à faire du poème - aussi - un objet.
Dans presque toutes les civilisations et tous les temps, il y a eu un travail particulier sur le langage dans la forme poétique. Le vers, bien sûr, les formes classiques, la rime, la métrique, la voix chantée, les accentuations. Mais aussi ce qu'on appelle la "licence poétique", c'est à dire le droit de faire ce qu'on veut en s'affranchissant des règles grammaticales, du sens commun, même de l'orthographe, à condition que ces transgressions soient au service de l'expression. Le slam et le rap renouent avec la tradition de la poésie chantée, rythmée. Beaucoup de poètes réfléchissent au rôle du vers dans la forme poétique contemporaine. Et il y a une poésie presque complètement abstraite, une poésie qui donne la première place aux jeux de sonorité, aux jeux de mots...etc.
J'ai eu souvent l'impression, en lisant de la poésie, que ce qui pour moi faisait résonner avec intensité l'émotion esthétique, ou l'émotion tout court, tenait à des étrangetés, à ce qui vient heurter le sens, dédoubler l'image, comme un caillou vous fait trébucher sur un trajet bien balisé. Et que c'est cet écart avec le discours habituel conscient qui fait pressentir autre chose que la réalité connue, comme tout ce que tu en as dit.
Il me semble qu'on ne peut pas parler de poésie seulement au sens d'une émotion, qu'on ne peut éviter le rôle essentiel de la forme, comme on pétrirait autrement les mots, jusqu'à faire du poème - aussi - un objet.
Re: Prose / Poésie
...et je ne parle pas de la poésie visuelle (j'ai eu le plaisir de connaître Pierre Garnier), où le poème est construit aussi comme une image, ni d'autres formes encore plus extrêmes de poésie expérimentale.
Re: Prose / Poésie
Pour moi il s'agit carrément d'un rapport au monde, d'une posture fondamentale, dont il résulte qu'on peut être poète et s'exprimer en prose, par exemple. Se vivre en poésie, c'est une façon d'aborder les évènements du monde, d'en faire son miel, de donner en partage cette oxydation du réel, propre à chaque être, et le faire en détournant l'usage courant des outils: le langage donc, en premier lieu, mais aussi l'image, la musique etc...ce détournement, qui crée le caillou, comme a dit Seyne, dans le soulier du sens et convoque notre inconscient, est la clé. Si je sors d'un poème (ou de n'importe quelle oeuvre d'ailleurs) comme j'y suis entrée, si je n'ai pas bougé d'un iota, pas vibré, c'est que cela ne fonctionne pas pour moi. Mais c'est mon exigence personnelle, ma jauge: chacun la sienne.
Et c'est pourquoi toute la palette existe, de la pièce la plus mièvre à la plus absconse, de la plus brute à la plus ciselée, chaque poème aura son lecteur, chaque "style" ses adeptes.
Et c'est pourquoi toute la palette existe, de la pièce la plus mièvre à la plus absconse, de la plus brute à la plus ciselée, chaque poème aura son lecteur, chaque "style" ses adeptes.
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Prose / Poésie
En introduisant cette question du "rapport au monde", tu ouvres quelque chose d'un peu vertigineux. L'"état poétique", cette façon d'être et de regarder que tu décris, parfois me semble incompatible avec l'"état prosaïque" que nous impose la vie en société, la vie de relation, le travail...etc.
Peut-être certains parviennent parfaitement à vivre les deux de manière harmonieuse mais moi j'ai toujours le sentiment qu'il me faut sacrifier l'un ou l'autre, que ce sont des séquences. Et que l'"état " poétique - ou plutôt le temps de l'écriture - est inséparable d'un certain isolement.
Peut-être certains parviennent parfaitement à vivre les deux de manière harmonieuse mais moi j'ai toujours le sentiment qu'il me faut sacrifier l'un ou l'autre, que ce sont des séquences. Et que l'"état " poétique - ou plutôt le temps de l'écriture - est inséparable d'un certain isolement.
Re: Prose / Poésie
... et c'est d'ailleurs contradictoire avec le besoin de fréquenter des lieux comme ce forum.
Re: Prose / Poésie
Selon les moments de vie, les courants de l'être, nous sommes sans doute plus enclins à vibrer d'une façon ou d'une autre, quelles que soient les périodes d'alternance. Moi qui n'écris pas de poésie depuis de longs mois, je me sens quand même en état poétique, comme en état de conscience modifiée, dès que je suis suffisamment détendue. Je vois des choses surréalistes dans la petite ville bien plan-plan où j'habite; j'imagine des tas de choses...etc..(Ce qui explique pourquoi je m'entends d'emblée avec les jeunes enfants, eux qui ne savent pas encore se comporter autrement.)
La poésie, c'est refuser de croire que le monde est triste, limité et déprimant.
C'est utiliser la magie de la vie pour s'enchanter du quotidien. Une façon d'être au monde. Weltanschauung. Qui c'est qu'a ouvert la porte aux gros mots? Allez! couché!
Bien sûr que c'est applicable à n'importe quel art. Mais la poésie se jouant du langage quotidien, -la matière même dont nous sommes bâtis-, elle permet une mise à distance efficace et fertile à peu de frais. Ce que tu appelles "tordre" le sens.
La poésie, c'est refuser de croire que le monde est triste, limité et déprimant.
C'est utiliser la magie de la vie pour s'enchanter du quotidien. Une façon d'être au monde. Weltanschauung. Qui c'est qu'a ouvert la porte aux gros mots? Allez! couché!
Bien sûr que c'est applicable à n'importe quel art. Mais la poésie se jouant du langage quotidien, -la matière même dont nous sommes bâtis-, elle permet une mise à distance efficace et fertile à peu de frais. Ce que tu appelles "tordre" le sens.
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Prose / Poésie
Cette fonction poétique du langage est commune à toutes les langues de la planète, y compris les rares qui restent sans écriture.
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Prose / Poésie
seyne a écrit:... et c'est d'ailleurs contradictoire avec le besoin de fréquenter des lieux comme ce forum.
Tu ne penses pas que cette fréquentation pourrait justement servir de laboratoire personnel ? On se questionne, on s'interroge sur le monde, sur soi, sur le sens à donner à la vie et sur 1001 autre choses. On traduit cela en prose ou en poésie ou les deux (comment évoquer la prose poétique par exemple, la classifier). On se réinterroge car on a soulevé d'autres questionnements, d'autres problèmes, de nouvelles observations. On recommence, en allant un peu plus loin.
Est-ce qu'à un moment donné, cette démarche ne doit-elle pas être nourrie par un regard extérieur, histoire de ne pas tourner autour d'elle-même ? Ou de s'étouffer.
Je ne parle pas ici de vitrine ou de besoin de recevoir des éloges (ou des critiques) mais de l'envie/du besoin de nourrir la pensée. Avant de repartir dans son isolement pour jouer à nouveau avec celle-ci.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Prose / Poésie
Si, bine sûr, je suis d'accord et ce n'est pas par hasard que j'ai fréquenté les forums d'écriture depuis 2002. Je pense que je n'aurais jamais continué à écrire seule si longtemps. Mais c'est comme toute médaille, elle a son revers : on a tendance à poster vite, c'est à dire à chercher vite le regard et l'avis des lecteurs et cela s'oppose , je crois, à une certaine autonomie, un creusement, un débat avec soi-même. Ceci dit autrefois les gens se regroupaient, se lisaient mutuellement, ce n'est pas très différent.
Mais la solitude dont je voulais parler est plus dans des temps d'isolement suffisamment longs, dans sa vie quotidienne.
Mais la solitude dont je voulais parler est plus dans des temps d'isolement suffisamment longs, dans sa vie quotidienne.
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