Obélix, au secours!

Sangliers

J'expérimente ces temps-ci non pas un saut quantique mais une régression matérialiste !
En effet, jusqu'à maintenant, c'est-à-dire pendant cinq décennies bien-bien tassées, la faune sauvage n'avait pour moi qu'une réalité abstraite, hormis les animaux assez petits de taille, genre liévres lapins, oiseaux, poissons etc,avec lesquels j'entretenais un rapport d'empathie, et de respect d'autant plus authentique que je ne les mange pas.
Par contre un fauve sauvage de nos contrées tel que le sanglier n'avait pas vraiment de réalité concrète pour moi, une vague sihouette, mais pas d'odeur, pas de cri, pas de regard, c'était presqu'une abstraction. Connu par des photos floues de livres d'enfant, mais bien moins richement filmé et documenté que le tigre ou l'éléphant, le sanglier, fut-il des Ardennes, ne jouit pas du moindre engouement médiatique. Quid de la puissance animale, de la majesté du fauve dans la vierge nature, de l'éternelle beauté de la vie sur fond de coucher de soleil ? Du prestige, de la fière attitude? Tous ces poncifs au kilomètre qui ont forgé, cela me saute à la figure aujourdhui, ma représentation anthropocentrée de la bête sauvage.
D'où ma crasse ignorance au sujet du mal-aimé sanglier, sa vie son œuvre, ses mœurs obscures … Que ne me suis-je abonnée à quelque revue cynégétique ! J'aurais tout compris du mâle solitaire, de la horde, de la laie et de ses portées nombreuses, de leur besoin de fouissement...de leur besoin de basses-fosses boueuses pour se débarrasser des parasites , etc,,,
Que ne me suis-je abonnée à quelque revue écologique ! Je n'aurais pas vécu sans ignorer quelques réalités brûlantes de notre civilisation : nous habitons chez les animaux. Nous piétinons leurs espaces, nous saccageons leurs biotopes, nous les massacrons, eux et leurs ressources en eau et nourriture. Il en est ainsi pour les tigres les éléphants, et quasimemt tous les grands mammifères, y compris marins … et ainsi également sous nos latitudes, bien que les animaux soient moins spectaculaires .
Habitats morcelés, réduits à peau de chagrin...sources inaccessibles, eaux polluées...
C'est ainsi que les chevreuils pullulent, arrivent en ville hébétés et sautant en tous sens...
C'est ainsi que les ours et les renards fouillent les poubelles ; que les ragondins visitent les élevages de poulets
C'est ainsi que nos cochons nationaux poilus, dentus et bas du plafond ont fait irruption dans ma vie et dans mon potager de façon brutale et inattendue. Quoique. Les chevreuils étant déjà des brouteurs de rosiers routiniers, les renards, faisans et lapins se croisant à heures différentes dans mon terrain, j'aurais pu m'en douter un peu.
Mais quand même. Je régresse vers une sensation inconnue jusqu'alors : la peur de l'animal sauvage, la peur de me faire charger , moi ou un de mes enfants ou petits-enfants. La peur sourde, glaçante, qui vrille la colonne vertébrale. Pour aller fermer les poules ou cueillir des salades! La peur ancestrale, la peur du temps des grottes.
Il faut dire que c'est un paradis pour eux, mon jardin d'abondance: tout est paillé, un vrai bonheur pour le groin! C'est tendre, chaud ! Et puis il y a plein de bulbes à déterrer ! Adieu patates, adieu glaieuls, adieu betteraves et petits choux (sur un air connu)
En fait chez moi , c'est un parc d'attraction pour sangliers. J'avoue que c'est décourageant, et rageant, de se fatiguer à jardiner pour retrouver un saccage le matin.
Que faire alors ?
La prière et l'amour savant-quantique sont inopérants dans ce genre de cas !
La chasse est interdite en ville (car oui, un grand terrain jouxtant des bois, mais en ville!)
Le lieutenant de louveterie (un par département, nommés par les préfets, bénévoles...) est venu, il va mettre des caméras : je suis rassurée tiens .
La clôture électrique, ça les fait doucement rigoler. Les préfets aussi.
Le gasoil, l'eau de Cologne, les cheveux humains, etc... bref les plans odeur...Ça ne les gêne que 30 secondes. Les préfets aussi.
Et moi, j'ai peur.

Ah ! Polixène ! Je t'ai lue sur un forum de conversations et deux heures après je lis cette prose !
Réjouissant, jouissif, plus vrai que nature, presque naturel, naturaliste. Bon, là, on reconnait le talent de conteuse et le travail de documentation en amont.
Reste même quelques petites coquilles pour bien flécher le passage pour bien que ça sente aussi l'humain.
Alors dans les soluces :
- créer un petit chemin piéton le long du-dit terrain et inviter les anti-vax, les covidosceptiques, les hare krishnas, les gilets jaunes (?) à venir le fouler sans sortir des clous ni autre ronds-point, ni sans trop hurler ou scander, voire psalmodier.
- ne sortir qu'avec un mégaphone à bout de bras, micro devant la bouche.
- ou avec un tambour et ses baguettes...

Et se souvenir que seule la laie et ses petits peut être dangereuse pour l'humain ; dans ce cas de rencontre imprévue, aviser le premier arbre et y grimper prestement.

Les confinements ont amplifié le phénomène, mais la croissance et la reprise économique (ou inversement) sont annoncées pour bientôt.
À toi les poireaux, patates et autres carottes.

Et le titre , ah, le titre !
Bon je rectifie au passage, c'est 5 heures après mon premier passage que je lis cette prose (grosso-modo).

So-back, j'ai cette chanson dans la tête depuis longtemps, et ça ne s'arrange pas...mais là, tu es hors-sujet.

Polixene, je com-patis, com-prends, pour avoir il y a longtemps frémi de terreur devant une laie qui traversait paisiblement le chemin de la "ferme" de nos étés gersois. C'était une année à sangliers, c'est le seul espoir que je peux te proposer : peut-être 2021 est-il une année à sangliers ? Ici, je vois en bordure de chemins les traces de leurs fouissements, c'est le printemps !
Il y a beaucoup de chasseurs dans la "colline" comme on dit ici. Chasseurs-cueilleurs/cultivateurs, même combat ?
Ou alors tu ne cultives que des fleurs l'année prochaine, de la cigüe, des digitales, de la belladone, des aconits, de la jusquiame noire, etc.

...enfin, tu proposes à toute la famille de faire pipi tout autour du jardin, ça amusera sûrement beaucoup les enfants.

Seyne
j'ai mis cette chanson, parce qu'elle incarne un phénomène tout comme la montée en puissance des sangliers et autres gibiers qui prolifèrent jusqu'à venir aux portes des villes

So-Back, le propos de la chanson est autrement plus grave que mes petits papotages...
J'ai voulu simplement partager mon actualité. Le texte n'a rien de littéraire, sans doute aurais-je dû le poster en causette.
Seyne, bonne idée, mais je crains que ça ne suffise pas!

Eclaircie, merci pour ton enthousiasme!

Suite à tes retours Polixène, à Seyne et moi, je me dis en effet que ton texte aurait pu être publié dans le sujet "fragments..etc".
Mes Paul aussi, d'ailleurs, sauf que dans ces fragments, on n'a jamais de retour critique sur fond et forme, et j'en ai besoin, perso.
Et puis çà m'évoque Gaëlle-Janis et son livre posthume(il me semble qu'il a été posthume, je ne sais plus) : une série d'instants de vie drôles et tendres qui ont trouvé éditeur et lectorat.

C'est drôle, aujourd'hui quelqu'un me parle de sangliers dans son jardin. La solution qu'il a trouvée c'est de faire un potager en hauteur avec des palettes, et comme ils ont de petites pattes ridicules, le problème a été réglé...gros boulot quand même.

(Oui, on dérive dans le papotage plus que dans l'écriture, on dira que c'est la récréation.)

Mais quel plaisir de te lire !

En plus, je l'avoue, pour des raisons X et Y trop longues à expliquer, je suis fan de sangliers et il m'est arrivé plein de fois d'assister à des séminaires/conférences/colloques/réunions (ne rien biffer) à leur sujet.
Entre les cheveux humains à placer le long des clôtures et à remplacer tous les 4-5 jours (ou plus si il pleut), les clôtures électrifiées à enfoncer dans le sol à au moins un mètre mais qui font marrer le bestiau, le claquement de langue pour les appeler, la reconnaissance nocturne avec un agent des Eaux et Forêts et la création d'un point de nourrissage dissuasif... c'est mon truc et mes yeux papillonnent dès qu'on en parle.
Mais je compatis... jardins labourés, pelouses retournés, haies vandalisées... ça fait des dégâts.

Alors je t'ai lue avec un vif plaisir et j'ai vraiment apprécié ton humour, ta vivacité, l'ironie qui pointe de certains propos et la justesse de ce que tu racontes.
Et puis le sanglier, ben tu claques un peu fort dans les mains et il a peur de toi (sauf blessé ou maman en famille).
(mais bon, suis pas objective, j'en conviens)

c'est l'histoire de toto
toto , j'aime bien le sanglier
maitresse ah bon pourquoi
toto parce qu'on peut crier sans glier gare

Ton texte détend, même si, j'en conviens, la situation n'a rien d'amusant. Mais te lire est "un vrai bonheur pour le groin" C'est tendre, c'est chaud! Merci Polixène, quel humour!
P.S. Le seul moyen, c'est une clôture en dur, très dur parce que le simple grillage, ils l'abattent en un rien de temps et, même sans qu'il y ait de potager, creusent des cratères pour ratisser du lombric!
Bon courage!