Le chien du Hauptmann
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Le chien du Hauptmann
Le chien du Hauptmann
La petite salle, au fond du sous-sol de la Kommandantur. L’interrogatoire touche à sa fin. Elle n’en dira pas plus. Elle ne savait d’ailleurs pas grand-chose. La routine. Il lui redresse la tête en l’attrapant par les cheveux poisseux. Elle grimace à peine, ébauche un recul de l’épaule pour parer le coup à venir. Qui ne vient pas. Il amène son tabouret face à la chaise où elle est attachée.
Es-tu une femme fidèle? Il hurle. - A ça au moins tu peux me répondre? Elle le regarde. Elle ne comprend pas. – Tu n’as jamais trompé ton homme toi? Tu n’as jamais cédé? Elle fait non de la tête. Il lui tord l’avant-bras. – Menteuse! Vous êtes toutes les mêmes! Il se redresse, lui parle haut, mais comme à lui-même. - C’est peut-être mon travail. Sûrement. Toujours plus de travail, rentrer toujours plus tard. Elle? Dos tourné. Dire bonsoir, ne pas l’embrasser, avoir encore la tête aux interrogatoires, aux enquêtes. L’organisation les hommes les incapables, la désobéissance, les petites trahisons et les lâchetés invisibles. Qu’est-ce que peut penser une femme de ça? L’uniforme? Où est l’amour? Il se redresse, brusque, déjà violent. Non, il va s’asseoir au bureau, continue : - Tu vois, ma femme, elle ne m’aime pas. Elle vit à côté, elle me supporte. Et elle se refuse, même avec cette cravache je n’obtiendrais rien d’elle! Que du mépris… Il parle plus doucement. - Tandis que si j’avais un chien... Un vrai chien, musclé, élancé, une bête qui court qui saute qui attrape si je lui ordonne qui revient si je l’appelle et se couche à mes pieds sans un jappement. Il m’accompagnerait le soir nous ferions des kilomètres je l’appellerais Fritz. Couché, Fritz, bon chien.
Mais non. Nee nicht niemals. Kein Hund pas de chien à la maison… Il se relève, calme, fataliste. Brusquement cravache la femme au visage, - Couché! Alors je rentre à la maison et je m’affale dans le fauteuil et j’attends que rien ne se passe. Que la guerre.
La petite salle, au fond du sous-sol de la Kommandantur. L’interrogatoire touche à sa fin. Elle n’en dira pas plus. Elle ne savait d’ailleurs pas grand-chose. La routine. Il lui redresse la tête en l’attrapant par les cheveux poisseux. Elle grimace à peine, ébauche un recul de l’épaule pour parer le coup à venir. Qui ne vient pas. Il amène son tabouret face à la chaise où elle est attachée.
Es-tu une femme fidèle? Il hurle. - A ça au moins tu peux me répondre? Elle le regarde. Elle ne comprend pas. – Tu n’as jamais trompé ton homme toi? Tu n’as jamais cédé? Elle fait non de la tête. Il lui tord l’avant-bras. – Menteuse! Vous êtes toutes les mêmes! Il se redresse, lui parle haut, mais comme à lui-même. - C’est peut-être mon travail. Sûrement. Toujours plus de travail, rentrer toujours plus tard. Elle? Dos tourné. Dire bonsoir, ne pas l’embrasser, avoir encore la tête aux interrogatoires, aux enquêtes. L’organisation les hommes les incapables, la désobéissance, les petites trahisons et les lâchetés invisibles. Qu’est-ce que peut penser une femme de ça? L’uniforme? Où est l’amour? Il se redresse, brusque, déjà violent. Non, il va s’asseoir au bureau, continue : - Tu vois, ma femme, elle ne m’aime pas. Elle vit à côté, elle me supporte. Et elle se refuse, même avec cette cravache je n’obtiendrais rien d’elle! Que du mépris… Il parle plus doucement. - Tandis que si j’avais un chien... Un vrai chien, musclé, élancé, une bête qui court qui saute qui attrape si je lui ordonne qui revient si je l’appelle et se couche à mes pieds sans un jappement. Il m’accompagnerait le soir nous ferions des kilomètres je l’appellerais Fritz. Couché, Fritz, bon chien.
Mais non. Nee nicht niemals. Kein Hund pas de chien à la maison… Il se relève, calme, fataliste. Brusquement cravache la femme au visage, - Couché! Alors je rentre à la maison et je m’affale dans le fauteuil et j’attends que rien ne se passe. Que la guerre.
'toM- Nombre de messages : 287
Age : 68
Date d'inscription : 10/07/2014
Re: Le chien du Hauptmann
Je ne sais de quel abysse émane ce texte, mais il résonne étrangement dans ma tête. Comme un cauchemar oublié et resurgi d'un passé ante- apocalyptique. Une porte entrebâillée sur la désespérance comme en offre certains films aux noirceurs intimes. Te dirais-je que cette lecture m'a enchanté ? Tu ne me croirais pas. Te dirais-je qu'elle m'a plu ? Ce ne serait pas beaucoup plus juste. Non, ce que je peux en dire, c'est qu'elle m'a quelque peu bouleversé.
HELLION- Nombre de messages : 477
Age : 74
Date d'inscription : 19/08/2017
Re: Le chien du Hauptmann
De quelle abysse ? Je suis retourné dans ce cahier voir ce que j'avais écrit, un peu avant, un peu après, le thème de l'atelier. L'envie et la peur, je crois.
Je suis trop négligeant avec le contexte, peu de notes autour des textes écrits. Je devrais.
Peut-être après avoir lu Les Bienveillantes. J'ai détesté cette lecture. Non pas le livre lui-même, mais le fait de le lire et m'être fait le devoir de le lire jusqu'au bout. Et je pense avoir voulu traiter ce personnage avec une part d'ambivalence, même minuscule. Comme si je devais répondre moi-même d'une part minuscule de ces atrocités, comme si c'était trop facile de ne jamais avoir été mis à leur place alors que j'aime Bach Beethoven Klimt Hermann Hesse...
Je suis trop négligeant avec le contexte, peu de notes autour des textes écrits. Je devrais.
Peut-être après avoir lu Les Bienveillantes. J'ai détesté cette lecture. Non pas le livre lui-même, mais le fait de le lire et m'être fait le devoir de le lire jusqu'au bout. Et je pense avoir voulu traiter ce personnage avec une part d'ambivalence, même minuscule. Comme si je devais répondre moi-même d'une part minuscule de ces atrocités, comme si c'était trop facile de ne jamais avoir été mis à leur place alors que j'aime Bach Beethoven Klimt Hermann Hesse...
'toM- Nombre de messages : 287
Age : 68
Date d'inscription : 10/07/2014
Re: Le chien du Hauptmann
Il y a quelque chose d’un peu facile, comme une causalité que je trouve improbable. Les tortionnaires me semblent plus compliqués que ça, et puis je crois qu’ils ne parlent pas, peut-être ils insultent. Ca m’a rappelé un ancien tortionnaire qui racontait que la jouissance qu’il avait tirée de la torture était supérieure au plaisir sexuel. Il avait réfléchi visiblement à cette dérangeante vérité.
Mais que le hommes jaloux et tyranniques puissent cogner d’autres femmes que la leur dans des accès de colère, ça me paraît probable. Seulement là, il ne cogne pas, il fait son travail.
Mais que le hommes jaloux et tyranniques puissent cogner d’autres femmes que la leur dans des accès de colère, ça me paraît probable. Seulement là, il ne cogne pas, il fait son travail.
Re: Le chien du Hauptmann
Dans ma construction ce n'est justement pas un tortionnaire. C'est un homme normal dont les principes, les valeurs, la morale, ont été anéantis ou mis sous contrôle par un appareil politique, une idéologie. Je pense que le nazisme a été jusque là.
Mon Hauptmann a quelque chose qui cloche dans son comportement. C'est dérisoire, il ne réalise pas, la femme non plus, le dérèglement dans son fonctionnement de tortionnaire, ce petit quelque chose que j'ai essayé de faire ressortir.
Mon Hauptmann a quelque chose qui cloche dans son comportement. C'est dérisoire, il ne réalise pas, la femme non plus, le dérèglement dans son fonctionnement de tortionnaire, ce petit quelque chose que j'ai essayé de faire ressortir.
'toM- Nombre de messages : 287
Age : 68
Date d'inscription : 10/07/2014
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