Des armes (Léo Ferré)

Je me permets d'ouvrir un petit fil sur un texte de Léo Ferré (repris par le groupe Noir Désir ) pour savoir comment vous l'auriez commenté si il avait été écrit par l'un d'entre-nous (Utopie dirons certains ...).
J'avoue ne pas comprendre toutes les finesses de ce texte.
Enfin bon, j'avais envie de faire ça alors pourquoi me priver ?

----------------------------------------------------------
Des armes , des chouettes, des brillantes
Des qu'il faut nettoyer souvent pour le plaisir
Et qu'il faut caresser comme pour le plaisir
L'autre, celui qui fait rêver les communiantes
Des armes bleues comme la terre
Des qu'il faut se garder au chaud au fond de l'âme
Dans les yeux, dans le coeur, dans les bras d'une femme
Qu'on garde au fond de soi comme on garde un mystère
Des armes au secret des jours
Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture
Des qui vous font rêver très tard dans les lectures
Et qui mettent la poésie dans les discours
Des armes, des armes, des armes
Et des poètes de service à la gâchette
Pour mettre le feu aux dernières cigarettes
Au bout d'un vers français brillant comme une larme
------------------------------------------------------------

Un très bon texte vraiment, sans parler de la référence à Manouchian : subtile. Révérence à Aragon : fine.

Yali a écrit:Un très bon texte vraiment, sans parler de la référence à Manouchian : subtile. Révérence à Aragon : fine.

OK t'en sais plus que moi mais vas-y explique , je suis toujours à l'affut d'apprendre.
Merci d'avoir donné ton avis.

manisa06 a écrit:

Yali a écrit:Un très bon texte vraiment, sans parler de la référence à Manouchian : subtile. Révérence à Aragon : fine.

OK t'en sais plus que moi mais vas-y explique , je suis toujours à l'affut d'apprendre.
Merci d'avoir donné ton avis.

Pourquoi je ferais ça ? Enfin je veux dire, est-ce à moi de te dire que Léo ferré a fini sa vie dans les bras d'une guenon, oui, un singe au féminin. Ou est-ce à moi de te dire que l'interprète du texte est un assassin ? Ou alors je te raconte la référence à Manouchian, celui qui prétendait que les mots étaient des armes pas plus différentes que le bleu de l'acier, et qui, au nom de l'anarchie demanda une cigarette : en griller une bouffée et sitôt allumée la cracher aux pieds de ses bourreaux, juste avant qu'on le flingue. Ou encore, te raconter comment Aragon écrit "l'affiche rouge" s'inspirant de la lettre d'adieu de Manouchian, et dire qu'à cette époque Elsa s'en allait, regardait Éluard, et comment Ferré chanta le texte encore que chanter soit pas le mot. Et dire que les armes sont les mots, ceux qui font et défont nos vies, Manouchian était de cet avis, Aragon aussi, mais Elsa s'en alla, et , comme déjà, dit Manouchian se fit butter.
Ceci n'est pas un texte anarchiste mais anarchique, fond et forme, il calcule dans un bordel sombre, cultive des références et fait révérence au passé, celui des auteurs qui écrivaient les communiantes (lire Victor Hugo, les fantasmes de pas mal d'autres à l'époque et entre autre), ou, pour reprendre Aragon " c'était un temps déraisonnable, on avait mis les morts à table"
Bref, c'est un texte sombre et les armes ici sont des mots, mais chacun d'entre eux ouvre une voie référente. Ferré, c'est l'art de l'abstrait signifiant, sinon comment pourrait on lire :
La marée, je l'ai dans le cœur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite sœur, de mon enfance et de mon cygne
Un bateau, ça dépend comment
On l'arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années lumières et j'en laisse
Je suis le fantôme jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baiser
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts de sable de la terre

ici aussi, la construction se base sur des référents.
Mais je parle trop, bonne soirée.

Dommage.

coline Dé a écrit:Dommage.

Qu'est ce qui est dommage Coline ?

Yali a écrit:

coline Dé a écrit:Dommage.

Qu'est ce qui est dommage Coline ?

que t'arrêtes de parler ;-)

Yali a écrit:

manisa06 a écrit:

Yali a écrit:Un très bon texte vraiment, sans parler de la référence à Manouchian : subtile. Révérence à Aragon : fine.

OK t'en sais plus que moi mais vas-y explique , je suis toujours à l'affut d'apprendre.
Merci d'avoir donné ton avis.

Pourquoi je ferais ça ? .

Pourtant tu l'as fait et je t'en remercie. Je pense que ça m'éclaire enfin il faut que je fasse quelques recherches ...
Déja c'est moins sombre pour moi (j'espère pour d'autres aussi).

Merci Yali
Il te manque toujours ce petit je ne sais quoi de courtoisie mais je vois que tu fais des efforts.

A glisser dans le Fil annexe? :-)
Mais c'est une belle discussion

Sahkti a écrit:Mais c'est une belle discussion

Et une chouette explication de texte.

Sahkti a écrit:A glisser dans le Fil annexe? :-)
Mais c'est une belle discussion

Oui si tu veux.
Merci Sahkti.

Difficile de répondre à ta question… Quand je lis ce texte, j’ai tellement la chanson en tête… Je la trouve tellement forte. Je crois d’ailleurs que c’est celle de Noir Désir que je me chante.

J’ai quand même essayé de me concentrer et de lire ce texte, comme un texte et rien d’autre. Peut-être qu’il m’aurait paru un peu abscon (ça s’écrit comment ?), brut de fonderie, comme ça. Ça veut peut-être dire qu’on ne peut pas séparer le texte de la musique et de l’interprétation. Une chanson, c’est tout ça.

Je regarde La nouvelle star (oui j’avoue… mais j’ai des excuses, j’ai des ados à la maison…). Cette année, une fille a chanté : «Les moulins de mon cœur ». Cette chanson m’a fait frissonner. Je suis allée écouter la chanson originale sur Internet. Je l’ai trouvée nulle et ringarde.


J’ai lu quelque part que tu allais monter un site Internet avec tes textes en musique justement. C’est super. Comment as-tu résolu les questions que tu te posais sur les droits d’auteur ?

Bonjour Anne
Merci pour ton com'
Pour les droits d'auteur, je crois que je vais faire simple et m'envoyer les textes en recommandé (sans l'ouvrir bien sûr!) .
Je sais pas si ça marche en cas de litige , en fait je m'en fout un peu.

Au plaisir de te lire...

Manu

Personne d'autre pour commenter ce beau texte ?

Je suis sûre que Yali pourrait nous en faire dix, des commentaires de ce texte... Et je suis preneuse des dix !

manisa06 a écrit:Personne d'autre pour commenter ce beau texte ?

Il n'y a rien à commenter, mais il suffit de se laisser imprégner par les mots, les images, les idées en se projetant en arrière-plan le visage d'archange révolté du grand Léo. Moi je l'écoute bouche bée!

Pour ma part (et grace à Yali) je regarde et j'écoute ce texte différement.
Je suis content d'avoir proposé ce fil.
Je recommencerai.

Merci à toutes et à tous qui ont lu.

Bon je reprend le fil de ce post.. je trouve qu’il ne manque pas d’intérêt

Bien que je ne connaissais pas cette histoire de cigarette.. le sous entendu à Manouchian et sa bande est très probable.. Surtout que Leo ferre a écrit un poème sur ce sujet dont le titre (l’affiche rouge) empêche cette fois ci toute hésitation sur la référence

Moi aussi je trouve cette chanson intéressante et j’aimerai bien trouver un commentaire de texte plus linéaire et détaillé…

Peut être le faire ensemble si vous voulez ? Aller j’me lance pour la première phrase…

Des armes, des chouettes des brillantes… on peut penser qu’il existe une boucle entre les premiers mots du texte et les derniers : « Brillant comme une larme ». Le mot « brillantes » prend donc un aspect plus sérieux et plus triste aussi.
Des armes, des chouettes, des brillantes comme une larme
Ainsi on confronte des armes (ou des mots) qui peuvent être à la fois chouettes… amusantes, familières et sympathiques avec des armes sérieuses, tristes, blessantes, qui changent le cours des vies… on soulève l’aspect positif opposé à l’aspect négatif des armes (qui peuvent toujours être des mots). C’est peut être en effet l’opposition qui importe le plus du moins dans cette première phrase : Le charme contre la mort, l’amusement contre l’ennuie peut être….

A vos commentaires !

Merci Davdoc pour ton pertinent commentaire.
A méditer ...

J'en profite pour te souhaiter la bienvenue et te rappeler qu'il faut éviter de faire remonter des textes anciens avec des commentaires.
Enfin c'est ce qu'ont dit les modos car ça pollue un peu le fil des nouveaux textes.

Merci à bientôt.

Manu

manisa06 a écrit: J'en profite pour te souhaiter la bienvenue et te rappeler qu'il faut éviter de faire remonter des textes anciens avec des commentaires.
Enfin c'est ce qu'ont dit les modos car ça pollue un peu le fil des nouveaux textes.

C'est tout écrit ici :
http://www.vosecrits.com/forum-vos-ecrits-prose-f1/important-a-lire-pour-les-nouveaux-t166.htm

manisa06 a écrit:
J'en profite pour te souhaiter la bienvenue et te rappeler qu'il faut éviter de faire remonter des textes anciens avec des commentaires.
Enfin c'est ce qu'ont dit les modos car ça pollue un peu le fil des nouveaux textes.

Manu

Ce n'est pas tout à fait ça :

- Il faut éviter de faire remonter trop souvent ses propres textes
- Il faut éviter de commenter de vieux textes dont l'auteur n'est plus actif sur le site depuis longtemps (on peut le vérifier en cliquant sur "membres").

Il s'agit davantage d'un état d'esprit que d'une règle intangible...

Dans ce cas, il ne s'agit pas d'un texte d'un membre, plutôt d'un fil de discussion.

Protocole quand tu nous tiens

J’avoue être pour l’instant nettement plus intéressé par ce texte que par les règles du forum… toutefois je comprends… dois-je créer un post distinct ?

davdoc a écrit:dois-je créer un post distinct ?

Non non, tu peux poursuivre la discussion ici puisque tu parles de Ferré.

Pour ceux que ça intéressent… descriptif du texte en linéaire …

Attention le but ici n’est que d’ouvrir des pistes de réflexion. Même si j’affirme souvent, ce ne sont que des idées.

Des armes, des chouettes des brillantes… on peut penser qu’il existe une boucle entre les premiers mots du texte et les derniers : « Brillant comme une larme ». Le mot « brillantes » prend donc un aspect plus sérieux et plus triste aussi.
Des armes, des chouettes, des brillantes comme une larme
Ainsi on distingue des armes chouettes… amusantes, familières et sympathiques avec des armes brillantes, sérieuses, tristes, blessantes, qui change le cours des vies… on soulève l’aspect positif opposé à l’aspect négatif des armes.
C’est peut être en effet le double sens qui importe le plus : Le charme et la mort, l’amusement et l’ennuie la légèreté et le sérieux peut être…. Ainsi dès la première phrase, L’auteur nous interpelle sur différentes visions de l’arme. Le pluriel d’arme (des armes) ne signifie pas ici plusieurs armes mais plusieurs interprétations possibles des armes

Les trois phrases suivant sont force d’une connotation sexuelle.

Des qu'il faut nettoyer souvent pour le plaisir
Et qu'il faut caresser comme pour le plaisir
L'autre, celui qui fait rêver les communiantes

On peut penser que l’arme ici sous entend un phallus. L’auteur ne caresse pas son arme pour le plaisir mais « comme » pour le plaisir. On nettoie son arme pour le plaisir et on la caresse comme on se masturbe. Phallus même qui fait rêver les communiantes. L’arme est ici symbole de virilité. On a donc bien une arme et un sexe d’homme… d’abord l’arme qu’on nettoie pour le plaisir qu’on caresse comme un sexe puis « L’autre » : le sexe, celui qui fait rêver les communiantes.

Dans le couplet suivant :

Des armes bleues comme la terre
Des qu'il faut se garder au chaud au fond de l'âme
Dans les yeux, dans le coeur, dans les bras d'une femme
Qu'on garde au fond de soi comme on garde un mystère

L’arme devient peut être ici symbole de liberté et d’éternité
Dans la première phrase, les armes sont bleues comme la terre, dans la nature, le bleu symbolise l’immatériel et l’infini. Le bleu de la terre est bien la vision irréel que l’on peut avoir de la terre si on la regarde de loin. De près, elle se précise et perd cette couleur. Le bleu symbolise la grandeur immatérielle, il peut sous entendre la liberté, l’éternité et le rêve. Libre et eternel comme l’âme (2eme phrase), comme l’amour (3eme phrase). La 4eme phrase impose le coté incertain de cette liberté et de cette éternité. Un peu comme un rêve. Rêve qui, rappelons le, est aussi un symbole de la couleur bleu. On est sur de rien. « Au fond de soit », on aime penser qu’on est libre et eternel mais concrètement, objectivement (sans la part immatériel qui nous possède), l’est t’on vraiment. Ces armes seraient ici un rêve de cette liberté et de cette éternité. Un rêve mystérieux qu’on aime garder au fond de soit.


Troisième couplet :

Des armes au secret des jours
Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture
Des qui vous font rêver très tard dans les lectures
Et qui mettent la poésie dans les discours

Révolte secrète ? Mobilisation cachée ? Résistance ? (CF poème l’affiche rouge de Leo ferre)
Au secret des jours pour l’action cachée… dans la pénombre et dans la discrétion
Sous l’herbe connote toujours le « vivons cachés ».. dans le ciel et puis dans l’écriture peuvent renvoyé au rêve de liberté.. Caché dans l’écriture comme ces textes à doubles sens qui masquent des idées interdites.
Dès qui vous font rêver très tard dans les lectures : toujours ce rêve de révolte pour la liberté qu’on trouverait dans ces lectures qu’on ne pourrait lire qu’à la discrétion des autres « tard ».
Et qui mettent de la poésie dans les discours : un discourt dit poétique a pour vocation de susciter l’émotion, l’esprit critique et la mobilisation

Dernier couplet :
Des armes, des armes, des armes
Et des poètes de service à la gâchette
Pour mettre le feu aux dernières cigarettes
Au bout d'un vers français brillant comme une larme


Dans la première phrase, l’auteur répète « des armes » trois fois.. On peut penser qu’il cite les trois connotations des trois couplets précédents comme pour rappeler les 3 interprétations déjà vu avant de passer à la quatrième et dernière. D’ailleurs le premier mot qui suit cette répétition est « ET » comme pour préparer le lecteur à la quatrième arme et donc au dernier couplet.
Dans le dernier couplet, les armes sont des mots et plus précisément des mots destructeurs. Les mots qui tuent, les mots au service à la gâchette c'est-à-dire les mots au service des armes dans son sens propre
Pour mettre le feu aux dernières cigarettes : .. le sous entendu à Manouchian et sa bande est très probable.. Surtout que Leo ferre a écrit un poème sur ce sujet dont le titre (l’affiche rouge) empêche cette fois ci toute hésitation sur la référence (Manouchian est un résistant qui a été exécuté par les allemands, il aurait pris une seule bouffée de sa dernière cigarette avant de la cracher aux pieds de ses bourreaux)
(Cf l’exécution du résistant Manouchian)
Au bout d’un vers français brillant comme une larme : toujours les mots, poétiques et destructeurs ceux qui changent les cours de la vie, ceux qui créer le malheur

Nous aurions donc le sexe comme une arme,
Le rêve, la liberté ou encore l’éternité comme une arme,
La résistance comme une arme,
Puis les mots comme une arme