L'Indocile

Une vaste baie domine la mer,
Une femme grave, fixe les frontières.
Elle est debout, le ciel s'expose aux plaintes
Elle s'appelle Antigone, effroi des demi-teintes.

Ce titre princier lui vaut son lot de malheurs,
Son destin, c'est le jeu, sera dans la terreur,
Elle ne sait même pas la cause qu'elle combat,
Mais critique et se défend, s'insurge en diva.

C'est absurde, mais qu'importe ; elle est belle.
Absconse mais svelte, elle compose à la truelle
Le rôle de sa vie ; elle se croit immortelle.
Mais contre elle s'agite la masse plurielle.

A la faveur de la nuit, calme et étouffante,
Elle gratte, déterre, et s'en flatte, battante.
Le bât ne blesse pas, réaction aberrante,
D'une jeune oie blanche, stupide adolescente.

Elle, elle, elle, il ne s'agit plus que d'elle.
Il s'agit de souffrir, il s'agit d'être zèle ;
La violence est gratuite et l'art est outrageant
Empoignez-donc l'accusée, gardes rougeoyants !

La fille d'Œdipe éprouve un prurit d'égards
A la hauteur de cette belle apothéose.
Acharnée dans son frimas furieux, l'œil hagard,
L'Indocile se fait chef, en pleine névrose.

La pluie perle et jaillit comme en un arrosoir
Et la plainte du ciel lui paraît illusoire.
Chacun sait son destin, destin de miasme aimable
Sur son cadavre perdure un sourire affable.