Passion dissidente
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Re: Passion dissidente
Je ne sais pas si ça peut t’aider, mais c’est un petit truc que l’on m’a donné et que j’essaye de suivre. Pour déterminer les points que tu veux accentuer dans ton récit, ceux qui te semblent essentiels, écris-en le quatrième de couverture de manière positive et un brin publicitaire comme si tu étais chargé de faire la pub de l’ouvrage. Ensuite, relis ton texte à la lumière de ce quatrième de couverture et vois si tu atteins bien tes objectifs. Ceci dit, il n’y a pas de miracle, toujours remettre cent fois l’ouvrage sur le métier…
abstract- Nombre de messages : 1127
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Date d'inscription : 10/02/2009
Re: Passion dissidente
Jakarta, Stockholm, Beyrouth. La vie n’était plus une succession de hasards mais se déroulait comme un plan méticuleusement préparé. Bien qu’elle avait l’impression d’être active et de participer au changement, Sandra avait quand même des doutes sur sa véritable contribution mais surtout elle se demandait de plus en plus pour qui elle travaillait exactement. Elle avait entendu vaguement parler de réseau Voltaire, de négationnisme etc. ce qui n’était pas pour la rassurer. Elle comptait en avoir le cœur net dès sa prochaine rencontre. Elle agissait sans doute pour la bonne cause mais il n’y avait pas moyen d’en être sûre. Enfin, elle avait pris l’habitude de lire les journaux et s’imaginait parfois au cœur des révélations même si elle n’avait jamais pu lire le moindre document officiel.
De plus, non seulement elle s’apercevait de sa non connaissance totale des forces au milieu desquelles elle nageait mais elle avait l’impression que ce réseaux n’était pas forcément unanime. Elle avançait telle une aveugle dans un labyrinthe dont les issues s’éloignaient toujours davantage. C’était insupportable. A Stockholm, on avait devant elle accusé le Hezbollah, alors qu’elle allait à Beyrouth indirectement mais certainement pour eux et maintenant à Beyrouth, on critiquait ouvertement dans tous les journaux le corrompu tribunal international pénal, d’où elle revenait juste. Et sans rien comprendre, elle se promenait avec des documents probablement capitaux. Elle n’avait pas vraiment peur, du moins elle n’avait pas encore eu peur mais se trouvait inconsciente d’être incapable d’estimer les risques qu’elle prenait ni s’ils étaient différents chaque fois. Elle gardait seulement en souvenir Mr Ritz sur ses gardes.
Elle arriva donc en taxi devant cette boutique de vêtements dans le quartier Dar Al Fatwa, rue Ibn Rouchoud à dix heures, heure locale et y entra pour se faire reconnaître en en faisant le tour comme on le lui avait signifié. Il y avait là quelques vendeurs et quelques clients. Laquelle de ces personnes était censée la reconnaître ? Avant d’être sollicitée, elle sortit. Son rendez-vous fixé dans l’après-midi lui laissait du temps pour visiter la ville. Il y avait un grand soleil de printemps, il faisait bon, elle décida de rentrer à pied.
Deux rues plus loin, elle s’engagea puis très vite se perdit dans un immense marché qui s’étendait sur plusieurs quartiers. Sous les voiles tendus des souks, une foule innombrable se mêlait : visages bruns, yeux dorés, enfants aux sourires timides, brûlants de vie. Elle déambulait ainsi, piétinée, serrée par la foule, au milieu d’un cahot d’objets hétéroclite, d’odeurs, de parfums, d’images d’une tradition éternelle. Ses pensées voltigeaient au hasard : le réseau, les villes, le voyage, était-elle suivie ? Avait-elle peur ? Markus, Lionel, Charlotte, tout s’accélérait. Elle entendait le souffle d’une flûte, envoûtant, puis le muezzin comme une plainte de bonne foi. Tout défilait devant ses yeux, le poisson qui frit, le poulet qu’on égorge, le regard des femmes, entre leur voile, comme le cadre qu’entourerait le dessin de leurs yeux enivrants. La musique accéléra encore, les violons, les cuivres, le crépitement des percussions. Il était temps de danser ou de s’arrêter, de s’asseoir. Elle était ivre.
Doucement, une fois assise, le monde chaotique sortit de son emphase, les objets perdirent leur vie, retrouvèrent leur place, l’air s’immobilisa et la musique devint bruit. Elle se sentit mieux, figée où elle avait échoué, sur un sac de jute empli de farine qui lui servirait de banc, et resta là, ombre invisible et muette, à contempler l’activité humaine. L’agitation constante, enfiévrée, était bien inutile, pensa-t-elle, aussi vaine que sa vie aujourd’hui et ainsi tant qu’elle ne comprendrait rien à ce qui se passait exactement. Mais oui, pour la première fois, elle avait peur.
Dans l’après-midi, elle réussit à retirer ses yeux de ce tableau vivant où seul l’arrière plan était stable mais où pourtant, elle se sentait en sécurité. Elle rejoignit d’un pas incertain la station de bus puis le site historique de Baalbek. Elle laissa là l’enveloppe entre les temples de Bacchus et de Venus dans un petit muré où se trouvait un interstice prévu à cet effet. Apparemment, grâce au repérage de ce matin, quelqu’un suivrait juste derrière elle et s’accaparerait du butin. Elle brûlait d’envie de se cacher dans un coin un instant pour savoir qui viendrait et donc qui la surveillait mais il ne fallait pas. L’enveloppe était livrée, elle devait s’en contenter. Il ne restait plus qu’à entrer à l’hôtel et d’attendre, en faisant mine de mener une vie tout à fait ordinaire de touriste, peut-être quelques heures, sans doute quelques jours.
Mais ils n’attendirent pas longtemps. Sur le trajet qui la séparait de son hôtel, elle fut saisie brièvement par la main. La femme qui l’avait effleurée lui faisait maintenant signe de la suivre. Un voile recouvrait son visage d’un tissu léger mais opaque, seul sa démarche pouvait permettre d’imaginer que c’était une femme. Elle l’entraîna à travers les dédales de rues dans une marche rapide. Elles traversaient les zones peuplées où elles passaient certainement plus inaperçues. Soudain, encore sous les toiles d’un souk, elle s’enfonça dans une ruelle nauséabonde qui devait servir de toilettes publics avant de passer une porte. Le couloir était sombre, presque noir, l’escalier qu’elles empruntèrent craquait sous leurs pas. La femme ne lui avait pas dit un mot. Elle s’arrêta au troisième étage puis frappa trois coups légers à une porte qui s’ouvrit instantanément. Deux hommes se trouvaient là, debout dans une pièce nue. La femme avait déjà disparu. Sandra entra, la porte se referma derrière elle.
– Bonjour madame. Désolé pour toute cette pantomime. J’espère que nous vous effrayons pas. Voilà un mois maintenant que vous parcourez le monde pour nous. Vous devez être éprouvée. Veuillez vous asseoir, nous allons parlé un peu.
Les deux hommes étaient plutôt jeunes. Habillés à l’occidental, ils paraissaient détendus. L’un des deux, celui qui n’avait pas parlé, se dirigea vers la fenêtre, la ferma et fit mine de surveiller. L’autre indiqua à Sandra le sol où on avait disposé un large tapis épais qu’elle n’avait d’abord pas remarqué. Puis il apporta d’une porte dérobée le thé fumant. Pour la première fois, Sandra n’était pas certaine que ces hommes appartenaient au réseau.
– Vous nous avez rendu un bien grand service aujourd’hui, dit-il. Avez-vous la moindre idée de ce que cela peu être ?
– Non aucune.
– Voulez-vous le savoir ?
– Je crois, oui, j’ai très envie.
– Il s’agit de documents prouvant la responsabilité du Mossad dans l’assassinat de Mahmoud Al Mabhouh à Dubaï. Êtes-vous au courant de ce drame ?
– Je l’ai effectivement lu dans les journaux ces derniers jours.
– Qu’en pensez-vous, lui demanda-t-il en la regardant expressément comme si de sa réponse dépendait sa vie ?
– Je pense que cette preuve va dans le sens exact de ce que vous souhaitiez, dit-elle.
– Je ne comprends pas, demanda l’homme surpris, pourquoi ce que nous souhaitions ?
– Je veux dire, ce que vous attendiez, reprit Sandra.
– Je ne comprends toujours pas, pourquoi ce que nous attendions ? C’est simplement la vérité affirma-t-il.
– Je ne crois pas, avoua-t-elle. N’avez-vous pas imaginé une seconde qu’il ne s’agissait pas des Israéliens mais seulement d’un règlement de compte entre trafiquants d’armes.
– Madame, Mahmoud Al Mabhouh se rendait à Dubaï pour traiter avec les Britanniques effectivement à propos d’armes mais je ne vois pas qui à part le Mossad aurait pu et su organiser sa mort.
– Mahmoud était trop impliqué, expliqua Sandra, il gagnait ces armes par le chantage. Ces affaires le rendaient dépendant même du Mossad et des Américains qui le fournissaient indirectement par les Britanniques et je ne vous apprends rien en cela. Mais c’est pourquoi, ce n’est certainement pas eux qui l’ont assassiné. Trop bon client.
– Qui alors, demanda l’homme intrigué et rouge d’émotion ?
– Vous, dit Sandra en le regardant dans les yeux, le Hezbollah !
L’homme se mit franchement à rire. L’autre, à la fenêtre, d’abord sur ses gardes lors de ces échanges engagés, se mit à rire de bon cœur lui aussi. Ils ne s’arrêtaient plus. Sandra avait seulement cru qu’ils n’appartenaient pas au réseau ! L’atmosphère était à nouveau détendue même si cette affirmation, que maintenant chacun avait comprise, n’avait pas été dite à haute voix. Sandra put déguster tranquillement le délicieux thé qu’on lui avait servi avant de reprendre, étrangement, sur un ton qui ne laissait toujours pas d’équivoque :
– Vous avez bien joué encore, vous et les services secrets iraniens qui avaient fait le coup, j’avoue, dit-elle pour enfoncer le clou.
Mais cette fois, l’homme ne rigolait plus. Il avait compris où elle voulait en venir et écoutait avec attention. Sandra continua :
– Ces fausses preuves permettent d’envenimer un peu plus les hostilités entre Palestiniens et Israéliens et c’est exactement ce que recherchait le Hezbollah en assassinant Mahmoud. Le plus fort, conclut-elle, c’est que dorénavant, le Hamas devra compter sur lui pour obtenir des armes ! Par ce seul coup, et grâce au réseau, à vous et à moi, qui avons transmis de fausses preuves, les gens du Hezbollah ont renversé totalement la vapeur !
Comment cette femme, occidentale de surcroît, et juste débarquée dans le réseau d’après ce qu’il en savait, pouvait affirmer de tels propos ? Ses accusations étaient claires : le réseau avait permis d’apporter les preuves incriminant le Mossad injustement, il avait été trompé et elle disait cela si sûrement que l’homme en eut soudain la révélation. Mais pourtant ce n’était pas possible. Impossible. Il ne savait plus. On s’était joué de lui depuis le début !
– Le réseau, acheva Sandra alors que la pensée de l’homme n’avait duré qu’un instant, n’a rien à espérer d’honnête de la part d’un groupe politique comme le Hezbollah et de surcroît ayant des intérêts économiques certains notamment dans le commerce des armes. J’imagine que vous croyez être du bon côté, comme chacun de nous, mais cette fois, en étant trop proche d’eux, vous avez été trompé, je n’en ai aucun doute.
L’homme la regardait, circonspect.
– Qui vous a dit tout cela, madame, lui demanda-il en tremblant ? En effet, il venait de faire passer les documents à ses contacts journalistes.
– Seulement voilà, avoua Sandra, personne ne me l’a dit. Je l’ai imaginé dès que la personne m’a remise les preuves en Suède. J’ai alors lu toute l’actualité en ce sens. Et je m’en suis persuadé. Mais rassurez-vous, je n’ai aucune preuve de ce que j’avance. Ma seule certitude est que je suis sans doute encore loin de la vérité.
– Madame, vous m’avez fait très peur, dit l’homme en soufflant de soulagement. Mais il faut vous arrêter d’imaginer des choses si graves, cria-t-il presque ! Il est certes vrai que nous sommes proches du Hezbollah mais nous représentons une branche indépendante au Liban liée au réseau. De plus, nous sommes opposés à la Syrie autant qu’à l’Iran qui, d’après moi, n’ont rien à voir dans cette histoire. Méfiez-vous que votre instinct ne provoque pas à l’avenir un incident, cependant vous m’avez mis le doute.
– C’est déjà ça, conclut Sandra qui avait réussi en prêchant le faux à en savoir beaucoup plus sur le fonctionnement du réseau. Et avouez que cette théorie, si on a la chance qu’elle soit inexacte cette fois-ci, aurait pu très bien s’avérer être une parfaite machination, il est vrai seulement si le Hezbollah avait été assez ingénieux pour l’imaginer. Alors de votre côté, méfiez-vous de votre anti-sionisme systématique. Je ne crois pas que le réseau doivent pencher d’un côté ou de l’autre. D’après-moi, il doit simplement révéler la vérité à chaque occasion et seulement la vérité sans prise de partie.
L’homme, d’un regard, avoua qu’il n’avait même pas réfléchi à de telles suppositions mais avait effectivement attendu les preuves en étant déjà persuadé.
– Merci Madame de nous avoir montré à quel point nous pouvions facilement nous faire berner. Je ne pensais pas être piégé aujourd’hui ainsi comme un enfant par une personne que je considérais seulement comme un relais. Quant à notre anti-sionisme, j’en suis bien conscient et n’en suis pas fier, mais comment voulez-vous que nous puissions être partial en appartenant à un pays tout juste bombardé au point que Beyrouth dut être reconstruite pour sa plus grande partie et quand on a le Mossad au cul comme nous tous les jours, croyez-moi, il y a de nombreuses raisons de prendre parti. Je dirais même qu’au niveau international, le réseau sait que sa branche libanaise, c’est à dire nous, même si vous en doutiez au début de notre entretien, n’est-ce pas, à tendance à défendre facilement les Palestiniens contre Israël. Mais qui ne le ferait pas dans l’état actuel des choses ?
– Je ne sais pas répondit Sandra, moi, mais seulement parce que je m’interdis de juger étant donné ma parfaite ignorance. Je crois seulement que la toute puissance israélienne ne sera pas éternelle et c’est donc pour eux urgent et nécessaire de débuter enfin l’ère de la réconciliation.
– Ce n’est malheureusement pas ce qu’ils font actuellement.
– Pardonnez-moi mais je ne veux pas m’étendre sur ce sujet, avoua Sandra, j’ai bien trop peu de connaissances et je ne voudrais pas me faire influencer.
– Vous avez raison. Seulement une question, demanda-t-il : comment avez-vous pu imaginer toute cette histoire et surtout de quelle façon maîtrisez-vous à ce point l’actualité et les forces en présence au Moyen Orient ?
– Je ne connais pas grand chose, avoua Sandra. Seulement je ne pouvais pas restée un pion à me balader sans avoir un minimum de recul sur ce dont je croyais être mêlée au plus haut point. C’est pourquoi, je passe beaucoup de temps à lire, à réfléchir et tenter d’analyser les conflits et les intérêts de chacun. D’ailleurs je me demande maintenant où vous allez m’envoyer mais je dois vous avouer que je ne suis plus aussi sereine. Je crois que plus j’en sais et plus ça me fait peur.
– Ne vous inquiétez pas, on m’a déjà informé depuis plusieurs jours de votre retrait temporaire. Et d’ailleurs, après trois voyages aussi décisifs pour nous, il est préférable de vous éclipser. Ils ont prévu de vous envoyer en Afrique dans une ONG.
– Dans une ONG demanda Sandra surprise ?
– Je n’en sais pas davantage évidemment. Voici le nom de code. Enfin vous avez une semaine pour rentrer en France gérer vos affaires personnelles.
Une semaine seulement, pensa Sandra.
– Oui c’est très court, avoua-t-il, répondant ainsi à son expression résignée.
– Bon très bien, dit Sandra.
– Je pense que c’est très important que vous vous rendiez en Afrique car habituellement, le réseau n’exige pas de telles convocations. C’est assez étrange. Mais ne vous inquiétez pas, il y a une bonne raison à cela, c’est certain. Faites-nous un peu confiance.
– J’essaierais, promit Sandra.
L’homme lui ouvrit la porte après s’être incliné devant elle respectueusement.
– Je ne sors pas avec vous, désolé, dit-il, pourtant, dans une autre vie, je vous aurai certainement conviée à partager notre table ce soir en famille avec ma femme et mes enfants et vous auriez été moins seule.
– Merci, répondit Sandra, mais je pense rentrer dans mon pays au plus tôt et alors je ne serai plus seule.
– Bonjour à la France, dit-il.
– Au revoir, répondit Sandra en dévalant les escaliers.
De plus, non seulement elle s’apercevait de sa non connaissance totale des forces au milieu desquelles elle nageait mais elle avait l’impression que ce réseaux n’était pas forcément unanime. Elle avançait telle une aveugle dans un labyrinthe dont les issues s’éloignaient toujours davantage. C’était insupportable. A Stockholm, on avait devant elle accusé le Hezbollah, alors qu’elle allait à Beyrouth indirectement mais certainement pour eux et maintenant à Beyrouth, on critiquait ouvertement dans tous les journaux le corrompu tribunal international pénal, d’où elle revenait juste. Et sans rien comprendre, elle se promenait avec des documents probablement capitaux. Elle n’avait pas vraiment peur, du moins elle n’avait pas encore eu peur mais se trouvait inconsciente d’être incapable d’estimer les risques qu’elle prenait ni s’ils étaient différents chaque fois. Elle gardait seulement en souvenir Mr Ritz sur ses gardes.
Elle arriva donc en taxi devant cette boutique de vêtements dans le quartier Dar Al Fatwa, rue Ibn Rouchoud à dix heures, heure locale et y entra pour se faire reconnaître en en faisant le tour comme on le lui avait signifié. Il y avait là quelques vendeurs et quelques clients. Laquelle de ces personnes était censée la reconnaître ? Avant d’être sollicitée, elle sortit. Son rendez-vous fixé dans l’après-midi lui laissait du temps pour visiter la ville. Il y avait un grand soleil de printemps, il faisait bon, elle décida de rentrer à pied.
Deux rues plus loin, elle s’engagea puis très vite se perdit dans un immense marché qui s’étendait sur plusieurs quartiers. Sous les voiles tendus des souks, une foule innombrable se mêlait : visages bruns, yeux dorés, enfants aux sourires timides, brûlants de vie. Elle déambulait ainsi, piétinée, serrée par la foule, au milieu d’un cahot d’objets hétéroclite, d’odeurs, de parfums, d’images d’une tradition éternelle. Ses pensées voltigeaient au hasard : le réseau, les villes, le voyage, était-elle suivie ? Avait-elle peur ? Markus, Lionel, Charlotte, tout s’accélérait. Elle entendait le souffle d’une flûte, envoûtant, puis le muezzin comme une plainte de bonne foi. Tout défilait devant ses yeux, le poisson qui frit, le poulet qu’on égorge, le regard des femmes, entre leur voile, comme le cadre qu’entourerait le dessin de leurs yeux enivrants. La musique accéléra encore, les violons, les cuivres, le crépitement des percussions. Il était temps de danser ou de s’arrêter, de s’asseoir. Elle était ivre.
Doucement, une fois assise, le monde chaotique sortit de son emphase, les objets perdirent leur vie, retrouvèrent leur place, l’air s’immobilisa et la musique devint bruit. Elle se sentit mieux, figée où elle avait échoué, sur un sac de jute empli de farine qui lui servirait de banc, et resta là, ombre invisible et muette, à contempler l’activité humaine. L’agitation constante, enfiévrée, était bien inutile, pensa-t-elle, aussi vaine que sa vie aujourd’hui et ainsi tant qu’elle ne comprendrait rien à ce qui se passait exactement. Mais oui, pour la première fois, elle avait peur.
Dans l’après-midi, elle réussit à retirer ses yeux de ce tableau vivant où seul l’arrière plan était stable mais où pourtant, elle se sentait en sécurité. Elle rejoignit d’un pas incertain la station de bus puis le site historique de Baalbek. Elle laissa là l’enveloppe entre les temples de Bacchus et de Venus dans un petit muré où se trouvait un interstice prévu à cet effet. Apparemment, grâce au repérage de ce matin, quelqu’un suivrait juste derrière elle et s’accaparerait du butin. Elle brûlait d’envie de se cacher dans un coin un instant pour savoir qui viendrait et donc qui la surveillait mais il ne fallait pas. L’enveloppe était livrée, elle devait s’en contenter. Il ne restait plus qu’à entrer à l’hôtel et d’attendre, en faisant mine de mener une vie tout à fait ordinaire de touriste, peut-être quelques heures, sans doute quelques jours.
Mais ils n’attendirent pas longtemps. Sur le trajet qui la séparait de son hôtel, elle fut saisie brièvement par la main. La femme qui l’avait effleurée lui faisait maintenant signe de la suivre. Un voile recouvrait son visage d’un tissu léger mais opaque, seul sa démarche pouvait permettre d’imaginer que c’était une femme. Elle l’entraîna à travers les dédales de rues dans une marche rapide. Elles traversaient les zones peuplées où elles passaient certainement plus inaperçues. Soudain, encore sous les toiles d’un souk, elle s’enfonça dans une ruelle nauséabonde qui devait servir de toilettes publics avant de passer une porte. Le couloir était sombre, presque noir, l’escalier qu’elles empruntèrent craquait sous leurs pas. La femme ne lui avait pas dit un mot. Elle s’arrêta au troisième étage puis frappa trois coups légers à une porte qui s’ouvrit instantanément. Deux hommes se trouvaient là, debout dans une pièce nue. La femme avait déjà disparu. Sandra entra, la porte se referma derrière elle.
– Bonjour madame. Désolé pour toute cette pantomime. J’espère que nous vous effrayons pas. Voilà un mois maintenant que vous parcourez le monde pour nous. Vous devez être éprouvée. Veuillez vous asseoir, nous allons parlé un peu.
Les deux hommes étaient plutôt jeunes. Habillés à l’occidental, ils paraissaient détendus. L’un des deux, celui qui n’avait pas parlé, se dirigea vers la fenêtre, la ferma et fit mine de surveiller. L’autre indiqua à Sandra le sol où on avait disposé un large tapis épais qu’elle n’avait d’abord pas remarqué. Puis il apporta d’une porte dérobée le thé fumant. Pour la première fois, Sandra n’était pas certaine que ces hommes appartenaient au réseau.
– Vous nous avez rendu un bien grand service aujourd’hui, dit-il. Avez-vous la moindre idée de ce que cela peu être ?
– Non aucune.
– Voulez-vous le savoir ?
– Je crois, oui, j’ai très envie.
– Il s’agit de documents prouvant la responsabilité du Mossad dans l’assassinat de Mahmoud Al Mabhouh à Dubaï. Êtes-vous au courant de ce drame ?
– Je l’ai effectivement lu dans les journaux ces derniers jours.
– Qu’en pensez-vous, lui demanda-t-il en la regardant expressément comme si de sa réponse dépendait sa vie ?
– Je pense que cette preuve va dans le sens exact de ce que vous souhaitiez, dit-elle.
– Je ne comprends pas, demanda l’homme surpris, pourquoi ce que nous souhaitions ?
– Je veux dire, ce que vous attendiez, reprit Sandra.
– Je ne comprends toujours pas, pourquoi ce que nous attendions ? C’est simplement la vérité affirma-t-il.
– Je ne crois pas, avoua-t-elle. N’avez-vous pas imaginé une seconde qu’il ne s’agissait pas des Israéliens mais seulement d’un règlement de compte entre trafiquants d’armes.
– Madame, Mahmoud Al Mabhouh se rendait à Dubaï pour traiter avec les Britanniques effectivement à propos d’armes mais je ne vois pas qui à part le Mossad aurait pu et su organiser sa mort.
– Mahmoud était trop impliqué, expliqua Sandra, il gagnait ces armes par le chantage. Ces affaires le rendaient dépendant même du Mossad et des Américains qui le fournissaient indirectement par les Britanniques et je ne vous apprends rien en cela. Mais c’est pourquoi, ce n’est certainement pas eux qui l’ont assassiné. Trop bon client.
– Qui alors, demanda l’homme intrigué et rouge d’émotion ?
– Vous, dit Sandra en le regardant dans les yeux, le Hezbollah !
L’homme se mit franchement à rire. L’autre, à la fenêtre, d’abord sur ses gardes lors de ces échanges engagés, se mit à rire de bon cœur lui aussi. Ils ne s’arrêtaient plus. Sandra avait seulement cru qu’ils n’appartenaient pas au réseau ! L’atmosphère était à nouveau détendue même si cette affirmation, que maintenant chacun avait comprise, n’avait pas été dite à haute voix. Sandra put déguster tranquillement le délicieux thé qu’on lui avait servi avant de reprendre, étrangement, sur un ton qui ne laissait toujours pas d’équivoque :
– Vous avez bien joué encore, vous et les services secrets iraniens qui avaient fait le coup, j’avoue, dit-elle pour enfoncer le clou.
Mais cette fois, l’homme ne rigolait plus. Il avait compris où elle voulait en venir et écoutait avec attention. Sandra continua :
– Ces fausses preuves permettent d’envenimer un peu plus les hostilités entre Palestiniens et Israéliens et c’est exactement ce que recherchait le Hezbollah en assassinant Mahmoud. Le plus fort, conclut-elle, c’est que dorénavant, le Hamas devra compter sur lui pour obtenir des armes ! Par ce seul coup, et grâce au réseau, à vous et à moi, qui avons transmis de fausses preuves, les gens du Hezbollah ont renversé totalement la vapeur !
Comment cette femme, occidentale de surcroît, et juste débarquée dans le réseau d’après ce qu’il en savait, pouvait affirmer de tels propos ? Ses accusations étaient claires : le réseau avait permis d’apporter les preuves incriminant le Mossad injustement, il avait été trompé et elle disait cela si sûrement que l’homme en eut soudain la révélation. Mais pourtant ce n’était pas possible. Impossible. Il ne savait plus. On s’était joué de lui depuis le début !
– Le réseau, acheva Sandra alors que la pensée de l’homme n’avait duré qu’un instant, n’a rien à espérer d’honnête de la part d’un groupe politique comme le Hezbollah et de surcroît ayant des intérêts économiques certains notamment dans le commerce des armes. J’imagine que vous croyez être du bon côté, comme chacun de nous, mais cette fois, en étant trop proche d’eux, vous avez été trompé, je n’en ai aucun doute.
L’homme la regardait, circonspect.
– Qui vous a dit tout cela, madame, lui demanda-il en tremblant ? En effet, il venait de faire passer les documents à ses contacts journalistes.
– Seulement voilà, avoua Sandra, personne ne me l’a dit. Je l’ai imaginé dès que la personne m’a remise les preuves en Suède. J’ai alors lu toute l’actualité en ce sens. Et je m’en suis persuadé. Mais rassurez-vous, je n’ai aucune preuve de ce que j’avance. Ma seule certitude est que je suis sans doute encore loin de la vérité.
– Madame, vous m’avez fait très peur, dit l’homme en soufflant de soulagement. Mais il faut vous arrêter d’imaginer des choses si graves, cria-t-il presque ! Il est certes vrai que nous sommes proches du Hezbollah mais nous représentons une branche indépendante au Liban liée au réseau. De plus, nous sommes opposés à la Syrie autant qu’à l’Iran qui, d’après moi, n’ont rien à voir dans cette histoire. Méfiez-vous que votre instinct ne provoque pas à l’avenir un incident, cependant vous m’avez mis le doute.
– C’est déjà ça, conclut Sandra qui avait réussi en prêchant le faux à en savoir beaucoup plus sur le fonctionnement du réseau. Et avouez que cette théorie, si on a la chance qu’elle soit inexacte cette fois-ci, aurait pu très bien s’avérer être une parfaite machination, il est vrai seulement si le Hezbollah avait été assez ingénieux pour l’imaginer. Alors de votre côté, méfiez-vous de votre anti-sionisme systématique. Je ne crois pas que le réseau doivent pencher d’un côté ou de l’autre. D’après-moi, il doit simplement révéler la vérité à chaque occasion et seulement la vérité sans prise de partie.
L’homme, d’un regard, avoua qu’il n’avait même pas réfléchi à de telles suppositions mais avait effectivement attendu les preuves en étant déjà persuadé.
– Merci Madame de nous avoir montré à quel point nous pouvions facilement nous faire berner. Je ne pensais pas être piégé aujourd’hui ainsi comme un enfant par une personne que je considérais seulement comme un relais. Quant à notre anti-sionisme, j’en suis bien conscient et n’en suis pas fier, mais comment voulez-vous que nous puissions être partial en appartenant à un pays tout juste bombardé au point que Beyrouth dut être reconstruite pour sa plus grande partie et quand on a le Mossad au cul comme nous tous les jours, croyez-moi, il y a de nombreuses raisons de prendre parti. Je dirais même qu’au niveau international, le réseau sait que sa branche libanaise, c’est à dire nous, même si vous en doutiez au début de notre entretien, n’est-ce pas, à tendance à défendre facilement les Palestiniens contre Israël. Mais qui ne le ferait pas dans l’état actuel des choses ?
– Je ne sais pas répondit Sandra, moi, mais seulement parce que je m’interdis de juger étant donné ma parfaite ignorance. Je crois seulement que la toute puissance israélienne ne sera pas éternelle et c’est donc pour eux urgent et nécessaire de débuter enfin l’ère de la réconciliation.
– Ce n’est malheureusement pas ce qu’ils font actuellement.
– Pardonnez-moi mais je ne veux pas m’étendre sur ce sujet, avoua Sandra, j’ai bien trop peu de connaissances et je ne voudrais pas me faire influencer.
– Vous avez raison. Seulement une question, demanda-t-il : comment avez-vous pu imaginer toute cette histoire et surtout de quelle façon maîtrisez-vous à ce point l’actualité et les forces en présence au Moyen Orient ?
– Je ne connais pas grand chose, avoua Sandra. Seulement je ne pouvais pas restée un pion à me balader sans avoir un minimum de recul sur ce dont je croyais être mêlée au plus haut point. C’est pourquoi, je passe beaucoup de temps à lire, à réfléchir et tenter d’analyser les conflits et les intérêts de chacun. D’ailleurs je me demande maintenant où vous allez m’envoyer mais je dois vous avouer que je ne suis plus aussi sereine. Je crois que plus j’en sais et plus ça me fait peur.
– Ne vous inquiétez pas, on m’a déjà informé depuis plusieurs jours de votre retrait temporaire. Et d’ailleurs, après trois voyages aussi décisifs pour nous, il est préférable de vous éclipser. Ils ont prévu de vous envoyer en Afrique dans une ONG.
– Dans une ONG demanda Sandra surprise ?
– Je n’en sais pas davantage évidemment. Voici le nom de code. Enfin vous avez une semaine pour rentrer en France gérer vos affaires personnelles.
Une semaine seulement, pensa Sandra.
– Oui c’est très court, avoua-t-il, répondant ainsi à son expression résignée.
– Bon très bien, dit Sandra.
– Je pense que c’est très important que vous vous rendiez en Afrique car habituellement, le réseau n’exige pas de telles convocations. C’est assez étrange. Mais ne vous inquiétez pas, il y a une bonne raison à cela, c’est certain. Faites-nous un peu confiance.
– J’essaierais, promit Sandra.
L’homme lui ouvrit la porte après s’être incliné devant elle respectueusement.
– Je ne sors pas avec vous, désolé, dit-il, pourtant, dans une autre vie, je vous aurai certainement conviée à partager notre table ce soir en famille avec ma femme et mes enfants et vous auriez été moins seule.
– Merci, répondit Sandra, mais je pense rentrer dans mon pays au plus tôt et alors je ne serai plus seule.
– Bonjour à la France, dit-il.
– Au revoir, répondit Sandra en dévalant les escaliers.
Dilo- Nombre de messages : 65
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Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Passion dissidente
De quoi vit-elle, Sandra ? M. Ritz ne lui a-t-elle pas indiqué qu'elle devrait financer elle-même ses voyages, après le premier ? Je n'avais pas eu l'impression qu'elle disposait d'une fortune... Par ailleurs, la conversation entre le gars du réseau et elle me paraît totalement irréaliste : outre que je vois mal un type d'expérience faire montre d'autant de patioence envers une blanc-bec, je m'étonne que Sandra puisse à la fois arguer de son ignorance et se montrer si affirmative...
Mes remarques :
« Bien qu’elle aie (« bien que » est suivi du subjonctif) l’impression d’être active »
« elle avait l’impression que ce réseau (et non « réseaux ») n’était pas forcément unanime » : si vous voulez dire qu’il existe des dissensions au sein du réseau, l’expression est maladroite ; sinon, je ne comprends pas à quoi peut correspondre l’adjectif « unanime » ici.
« Elle gardait seulement en souvenir M. (« Mr », c’est « Mister », en anglais) Ritz »
« au milieu d’un chaos d’objets hétéroclites »
« le muezzin comme une plainte de bonne foi » : expression très bizarre, difficilement compréhensible ici dans la mesure où « bonne foi » veut en général dire « sincérité »
« le monde chaotique sortit de son emphase » : là aussi, le mot « emphase » ne paraît pas avoir grand sens dans le contexte
« où seul l’arrière-plan (trait d’union) était stable mais où pourtant, (tenez-vous à la virgule ici ? si oui, jepense qu’il serait préférable de compléter l’incise en en insérant une autre avant « pourtant ») elle se sentait en sécurité »
« les temples de Bacchus et de Vénus dans un petit muréet »
« Il ne restait plus qu’à entrer à l’hôtel et à attendre »
« seule sa démarche pouvait permettre »
« qui devait servir de toilettes publiques »
« nous allons parler »
« Habillés à l’occidentale (parce que « à la manière occidentale ») »
« Puis il apporta d’une porte dérobée le thé fumant » : un peu bizarre, on a l’impression que le type sort le thé directement de la porte
« Avez-vous la moindre idée de ce que cela peut être »
« Mais c’est pourquoi, (pourquoi une virgule ici ?) ce n’est certainement pas eux qui l’ont assassiné »
« dès que la personne m’a remis (et non « remise » ; la personne a remis quoi ? les preuves ; le complément d’objet direct est situé après le verbe, donc le participe passé conjugué avec avoir ne s’accorde pas ; « m’ », mis pour Sandra, est le complément d’objet indirect du verbe : la personne a remis à qui ? à « m’ ») les preuves en Suède »
« Je ne crois pas que le réseau doive (et non « doive ») pencher »
« D’après moi (et non « D’après-moi »), il doit simplement révéler »
« seulement la vérité sans prise de partie » : on écrit plutôt « sans prendre parti », ou « sans parti-pris »
« comment voulez-vous que nous puissions être impartial (vous écrivez le contraire de ce que vous voulez écrire) »
« sa branche libanaise, c’est à dire nous, même si vous en doutiez au début de notre entretien, n’est-ce pas, a tendance »
« Je ne sais pas (manque une virgule pour marque la limite de la réplique) répondit Sandra »
« la toute-puissance (trait d’union) israélienne ne sera pas éternelle »
« je ne pouvais pas rester un pion »
« un minimum de recul sur ce à quoi je croyais être mêlée au plus haut point » : l’expression est confuse, je ne comprends pas ce qui est dit
« C’est pourquoi, (pourquoi une virgule ici ?) je passe beaucoup de temps »
« J’essaierai (et non « J’essaierais », le futur s’impose ici et non le passé simple), promit Sandra »
« je vous aurais certainement conviée »
Mes remarques :
« Bien qu’elle aie (« bien que » est suivi du subjonctif) l’impression d’être active »
« elle avait l’impression que ce réseau (et non « réseaux ») n’était pas forcément unanime » : si vous voulez dire qu’il existe des dissensions au sein du réseau, l’expression est maladroite ; sinon, je ne comprends pas à quoi peut correspondre l’adjectif « unanime » ici.
« Elle gardait seulement en souvenir M. (« Mr », c’est « Mister », en anglais) Ritz »
« au milieu d’un chaos d’objets hétéroclites »
« le muezzin comme une plainte de bonne foi » : expression très bizarre, difficilement compréhensible ici dans la mesure où « bonne foi » veut en général dire « sincérité »
« le monde chaotique sortit de son emphase » : là aussi, le mot « emphase » ne paraît pas avoir grand sens dans le contexte
« où seul l’arrière-plan (trait d’union) était stable mais où pourtant, (tenez-vous à la virgule ici ? si oui, jepense qu’il serait préférable de compléter l’incise en en insérant une autre avant « pourtant ») elle se sentait en sécurité »
« les temples de Bacchus et de Vénus dans un petit muréet »
« Il ne restait plus qu’à entrer à l’hôtel et à attendre »
« seule sa démarche pouvait permettre »
« qui devait servir de toilettes publiques »
« nous allons parler »
« Habillés à l’occidentale (parce que « à la manière occidentale ») »
« Puis il apporta d’une porte dérobée le thé fumant » : un peu bizarre, on a l’impression que le type sort le thé directement de la porte
« Avez-vous la moindre idée de ce que cela peut être »
« Mais c’est pourquoi, (pourquoi une virgule ici ?) ce n’est certainement pas eux qui l’ont assassiné »
« dès que la personne m’a remis (et non « remise » ; la personne a remis quoi ? les preuves ; le complément d’objet direct est situé après le verbe, donc le participe passé conjugué avec avoir ne s’accorde pas ; « m’ », mis pour Sandra, est le complément d’objet indirect du verbe : la personne a remis à qui ? à « m’ ») les preuves en Suède »
« Je ne crois pas que le réseau doive (et non « doive ») pencher »
« D’après moi (et non « D’après-moi »), il doit simplement révéler »
« seulement la vérité sans prise de partie » : on écrit plutôt « sans prendre parti », ou « sans parti-pris »
« comment voulez-vous que nous puissions être impartial (vous écrivez le contraire de ce que vous voulez écrire) »
« sa branche libanaise, c’est à dire nous, même si vous en doutiez au début de notre entretien, n’est-ce pas, a tendance »
« Je ne sais pas (manque une virgule pour marque la limite de la réplique) répondit Sandra »
« la toute-puissance (trait d’union) israélienne ne sera pas éternelle »
« je ne pouvais pas rester un pion »
« un minimum de recul sur ce à quoi je croyais être mêlée au plus haut point » : l’expression est confuse, je ne comprends pas ce qui est dit
« C’est pourquoi, (pourquoi une virgule ici ?) je passe beaucoup de temps »
« J’essaierai (et non « J’essaierais », le futur s’impose ici et non le passé simple), promit Sandra »
« je vous aurais certainement conviée »
Invité- Invité
Re: Passion dissidente
Peste ! C'est Meyssan qui va faire la gueule, si on lui vulgarise des clés de la géopolitique moyenne-orientale sous le nez... A quoi ça sert alors que réseau Voltaire il se décarcasse ?
Ca tourne à la pantalonnade, à mon avis : outre que les brillantes déductions de Sandra m'ont l'air totalement absurdes, depuis quand un passeur, dont on attend précisément qu'il ne réfléchisse surtout pas, est mis à contribution pour une analyse des tenants et aboutissants d'une situation ?
J'ai trouvé le passage laborieux, long et pesant.
PS : Sandra, c'est pas une allégorie de Clotilde Reiss, quand même ?
Ca tourne à la pantalonnade, à mon avis : outre que les brillantes déductions de Sandra m'ont l'air totalement absurdes, depuis quand un passeur, dont on attend précisément qu'il ne réfléchisse surtout pas, est mis à contribution pour une analyse des tenants et aboutissants d'une situation ?
J'ai trouvé le passage laborieux, long et pesant.
PS : Sandra, c'est pas une allégorie de Clotilde Reiss, quand même ?
silene82- Nombre de messages : 3553
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Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Passion dissidente
Bon, je suis revenu comme promis : mais la sauce, trop diluée est trop premier degré pour mon goût. Je n'ai lu que quelques extraits ici et là, comme avant d'acheter un livre qu'on ne connait pas. Désolé, je n'achète pas.
Invité- Invité
Re: Passion dissidente
Le soir même, elle survolait son pays. Curieusement, une certaine émotion grandissait en elle à mesure qu’elle se rapprochait de l’arrivée. Il y avait maintenant presque deux ans qu’elle n’avait pas foulé les rues de Paris. La ville qu’elle avait détestée. La ville qu’elle avait fuie. Après une si longue absence, ces rues, ces jardins, ces allées qu’elle connaissait, lui inspiraient une douceur, une mélancolie qu’elle n’aurait pas imaginées. Elle était heureuse. Il n’y avait aucun autre endroit sur terre, même les plus idylliques, où elle pouvait se sentir autant à sa place, chez elle, dans un pays finalement qu’elle aimait de tout son cœur. Aucun autre endroit n’existait où elle comprenait les gens sans même qu’ils n’aient à parler, où les sentiments, les émotions pouvaient se partager pleinement. Où la langue, les mœurs, la culture n’avaient pas le pouvoir de la séparer définitivement des cœurs qu’elle désirait d’aimer. Lorsqu’elle rendit visite à ses parents, à sa famille, elle se revit enfant, elle se revit à travers les yeux de ceux qui l’avaient vue naître. Comme ce voyage avait permis le recul dont avait parlé Charlotte lors de son séjour dans les Pyrénées. Elle sentait bien la vie l’entraîner, la soulever, lui donner toutes ses possibilités. Elle sentait le changement qui s’était opéré en elle, l’avait fait devenir femme, lui avait donnée une véritable personnalité, tout simplement.
Alban, le pauvre, avait pris soin, à l’époque, de rassembler ses affaires. Elles étaient entassées dans sa chambre d’enfant. Quand elle y entra, cette fois, une sensation désagréable la saisit. Finalement, rien n’avait changé. La tristesse demeurait, cette tragédie familiale qu’était sa vie. Elle était mieux seule à ne dépendre de personne. Loin des êtres aimés, loin de leur compassion humiliante et sans qu’on est besoin d’elle en retour. La douleur ne peut être partagée, pensa-t-elle. Affligeante pour ceux qu’on aime et pour ce qu’on est. Seul le bonheur mérite de se communiquer.
Quand Sandra redescendit l’escalier, le poids des années affaissait ses épaules, des larmes avaient coulé le long de ses joues. On ne pouvait oublier. Pourtant cela n’était rien, cela ne comptait plus aujourd’hui. Les émotions si vives et pourtant si dérisoires de l’enfance dormaient en elle comme les braises d’un feu aujourd’hui ravivées.
Son père avait repris un peu d’esprit et de sourire. Il réussissait à diminuer les médicaments. Le retour de Sandra ces quelques jours lui avait fait autant de bien qu’une cure de jouvence. L’humour qui le caractérisait avant sa dépression ressurgissait peu à peu, timide comme un clown tragique. Il écoutait Sandra conter ses récits, ses anecdotes aussi bien que ses analyses même s’il ne comprenait pas toujours où elle voulait en venir. Il n’était pas temps de la contredire. Elle repartait si vite.
Ces travaux dans les organisations humanitaires dont elle parlait l’avaient tellement changée. Elle était devenue si responsable. Elle n’était plus l’enfant dont on doit corriger les maladresses. On sentait la femme engagée défendre ses engagements.
Sandra leur avait racontés comme elle avait vécu, simplement, frugalement et la façon dont elle gérait ses petites économies. Ses parents, tristes de ne plus la voir souvent, ne pouvaient s’empêcher d’être fiers, de remarquer son épanouissement personnel, sa vivacité, sa satisfaction à exister pleinement. Elle avait trouvé sa voie, sa raison d’être. Quels parents ne peuvent-ils pas être satisfaits du bonheur de leur fille même s’ils doivent en pâtir ?
Mais bientôt ce serait le départ. Incroyablement, après seulement quelques jours, Sandra sentait resurgir en elle toute la morosité qui transcendait ces murs gris, ces rues, ce ciel si bas, ces couloirs de métro où le temps se démultiplie, ces visages étranglés par le stress de la vie quotidienne. Elle avait hâte de partir. Quelque soit la destination ou ce qu’il pouvait arriver, ce ne pouvait être pire que de se faire happer à nouveau par la rengaine parisienne. Elle ne prit pas le temps de rendre visite à Alban qui l’avait sans doute oublié maintenant. Qu’avait-elle à lui dire ? Merci, merci de m’avoir aidé à fuir.
Le jour du départ arriva. Sandra n’avait pas tenu à être accompagnée à l’aéroport.
A nouveau seule, sur ce banc, la culpabilité d’exister comme elle le souhaitait se détacha de ses épaules comme un fardeau superflu. Des milliers de gens sur le parvis la traversait de part et d’autre. Ils la rendaient transparente, légère, anonyme et c’était un soulagement.
Vu les critiques que j'ai, je suis un peu maso de continuer mais je le prends de façon positive. Je sais que cela ne peut que m'aider. Alors je vous dit merci encore, mettez-moi en plein la G !
Si juste une chose, malgré que les deux derniers passages soient "irréalistes", "laborieux", "pesants"..., moi j'ai trouvé très difficile d'essayer de faire ce petit côté "polar" sans que ça soit carrément niai, et c'est le terme qui manque à vos critiques. Alors ?
Alban, le pauvre, avait pris soin, à l’époque, de rassembler ses affaires. Elles étaient entassées dans sa chambre d’enfant. Quand elle y entra, cette fois, une sensation désagréable la saisit. Finalement, rien n’avait changé. La tristesse demeurait, cette tragédie familiale qu’était sa vie. Elle était mieux seule à ne dépendre de personne. Loin des êtres aimés, loin de leur compassion humiliante et sans qu’on est besoin d’elle en retour. La douleur ne peut être partagée, pensa-t-elle. Affligeante pour ceux qu’on aime et pour ce qu’on est. Seul le bonheur mérite de se communiquer.
Quand Sandra redescendit l’escalier, le poids des années affaissait ses épaules, des larmes avaient coulé le long de ses joues. On ne pouvait oublier. Pourtant cela n’était rien, cela ne comptait plus aujourd’hui. Les émotions si vives et pourtant si dérisoires de l’enfance dormaient en elle comme les braises d’un feu aujourd’hui ravivées.
Son père avait repris un peu d’esprit et de sourire. Il réussissait à diminuer les médicaments. Le retour de Sandra ces quelques jours lui avait fait autant de bien qu’une cure de jouvence. L’humour qui le caractérisait avant sa dépression ressurgissait peu à peu, timide comme un clown tragique. Il écoutait Sandra conter ses récits, ses anecdotes aussi bien que ses analyses même s’il ne comprenait pas toujours où elle voulait en venir. Il n’était pas temps de la contredire. Elle repartait si vite.
Ces travaux dans les organisations humanitaires dont elle parlait l’avaient tellement changée. Elle était devenue si responsable. Elle n’était plus l’enfant dont on doit corriger les maladresses. On sentait la femme engagée défendre ses engagements.
Sandra leur avait racontés comme elle avait vécu, simplement, frugalement et la façon dont elle gérait ses petites économies. Ses parents, tristes de ne plus la voir souvent, ne pouvaient s’empêcher d’être fiers, de remarquer son épanouissement personnel, sa vivacité, sa satisfaction à exister pleinement. Elle avait trouvé sa voie, sa raison d’être. Quels parents ne peuvent-ils pas être satisfaits du bonheur de leur fille même s’ils doivent en pâtir ?
Mais bientôt ce serait le départ. Incroyablement, après seulement quelques jours, Sandra sentait resurgir en elle toute la morosité qui transcendait ces murs gris, ces rues, ce ciel si bas, ces couloirs de métro où le temps se démultiplie, ces visages étranglés par le stress de la vie quotidienne. Elle avait hâte de partir. Quelque soit la destination ou ce qu’il pouvait arriver, ce ne pouvait être pire que de se faire happer à nouveau par la rengaine parisienne. Elle ne prit pas le temps de rendre visite à Alban qui l’avait sans doute oublié maintenant. Qu’avait-elle à lui dire ? Merci, merci de m’avoir aidé à fuir.
Le jour du départ arriva. Sandra n’avait pas tenu à être accompagnée à l’aéroport.
A nouveau seule, sur ce banc, la culpabilité d’exister comme elle le souhaitait se détacha de ses épaules comme un fardeau superflu. Des milliers de gens sur le parvis la traversait de part et d’autre. Ils la rendaient transparente, légère, anonyme et c’était un soulagement.
Vu les critiques que j'ai, je suis un peu maso de continuer mais je le prends de façon positive. Je sais que cela ne peut que m'aider. Alors je vous dit merci encore, mettez-moi en plein la G !
Si juste une chose, malgré que les deux derniers passages soient "irréalistes", "laborieux", "pesants"..., moi j'ai trouvé très difficile d'essayer de faire ce petit côté "polar" sans que ça soit carrément niai, et c'est le terme qui manque à vos critiques. Alors ?
Dilo- Nombre de messages : 65
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Re: Passion dissidente
Oui, c'est vrai qu'on aurait pu relever dans le dernier épisode de la courrière, alors que d'excellents moyens gratuits et instantanés existent de transmettre de l'information, que c'était un peu niais. Dont acte.
Sinon, sur celui-ci, je ne vois trop rien à dire, parce que franchement, il ne se passe rien, ou presque. C'est sans doute une respiration dans le texte, mais on ne peut pas dire que ce soit palpitant.
Sinon, sur celui-ci, je ne vois trop rien à dire, parce que franchement, il ne se passe rien, ou presque. C'est sans doute une respiration dans le texte, mais on ne peut pas dire que ce soit palpitant.
silene82- Nombre de messages : 3553
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Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Passion dissidente
Si, pour moi l'intérêt est de prendre la mesure de l'évolution de Sandra. Sinon, quelques erreurs de langue encore, mais ne vous découragez pas : j'ai vraiment l'impression que vous consolidez vos connaissances en la matière !
Mes remarques :
« où elle comprenait les gens sans même qu’ils n’aient à parler » : le « n’ » explétif, ici, me paraît inutile, voire embrouillant
« des cœurs qu’elle désirait aimer (et non « d’aimer ») »
« lui avait donné (et non « donnée » ; le changement lui a donné quoi ? une véritable personnalité : ici, le complément d’objet direct du verbe est situé après le verbe, on n’accorde donc pas le participe passé conjugué avec avoir) une véritable personnalité »
« sans qu’on ait besoin d’elle en retour »
« Sandra leur avait raconté (et non « racontés » ; elle avait raconté à qui ? à « leur », mis pour les parents : « leur », ici n’est pas complément d’objet direct du verbe, mais indirect, donc le participe passé ne s’accorde pas) comme elle avait vécu »
« Quelle que soit la destination »
« Alban qui l’avait sans doute oubliée (Alban a oublié qui ? « l’ », mis pour Sandra : le complément d’objet dierct est situé avant le verbe, le participe passé s’accorde) maintenant »
« Des milliers de gens sur le parvis la traversaient (les gens) de part et d’autre »
Mes remarques :
« où elle comprenait les gens sans même qu’ils n’aient à parler » : le « n’ » explétif, ici, me paraît inutile, voire embrouillant
« des cœurs qu’elle désirait aimer (et non « d’aimer ») »
« lui avait donné (et non « donnée » ; le changement lui a donné quoi ? une véritable personnalité : ici, le complément d’objet direct du verbe est situé après le verbe, on n’accorde donc pas le participe passé conjugué avec avoir) une véritable personnalité »
« sans qu’on ait besoin d’elle en retour »
« Sandra leur avait raconté (et non « racontés » ; elle avait raconté à qui ? à « leur », mis pour les parents : « leur », ici n’est pas complément d’objet direct du verbe, mais indirect, donc le participe passé ne s’accorde pas) comme elle avait vécu »
« Quelle que soit la destination »
« Alban qui l’avait sans doute oubliée (Alban a oublié qui ? « l’ », mis pour Sandra : le complément d’objet dierct est situé avant le verbe, le participe passé s’accorde) maintenant »
« Des milliers de gens sur le parvis la traversaient (les gens) de part et d’autre »
Invité- Invité
Re: Passion dissidente
A Ouagadougou, l’aéroport était grand comme une gare de sous-préfecture. Les douaniers prirent le temps de rédiger manuellement le visa sur son passeport d’une belle écriture écolière. Un coup de tampon et Sandra était libre comme l’air. Pas même un regard, une question, un soupçon, choses qui caractérisaient pourtant les fonctionnaires du monde entier. Seulement un sourire sincère. Bienvenue, il disait, quoique vous fassiez ici. Est-ce que les Burkinabés étaient accueillis si élogieusement à Roissy Charles de Gaulle, se dit-elle avec sarcasme ?
La chaleur l’écrasa une fois sortie du hall. La ville devant elle s’étalait sous cinquante degrés. Ils paraissaient l’avoir fait fondre. Elle vacillait, fragile, au moindre souffle de vent. Les taxis venaient solliciter Sandra sans courage, par principe. Elle attendait patiemment tenant son petit carton marqué « Allah Sonni » : le nom de code qu’elle avait retenu brièvement et réécrit aléatoirement, sans n’avoir d’ailleurs aucune idée de sa signification.
Un jeune Noir assis non loin d’elle l’interpella :
- Vous êtes le « don de dieu », lui dit-il.
- Pardon ?
- Votre pancarte.
- Ah ! Merci, ça m’embêtait de ne pas comprendre.
- Vous allez donc dans cette ONG ?
- Non, je suis le pape et j’attends ma sœur.
- Eh bien venez, on a pas le temps d’attendre votre sœur, dit le jeune homme en riant.
- Mais vous avez vu le film ?
- Bien sûr madame, ici c’est la France, un département sans numéro, DOM TOM, tous les djembés le chantent. Venez maintenant, le bus va partir sans vous !
Sandra monta à l’arrière d’une moto, sa valise entre les jambes du conducteur et ils partirent en direction du centre ville. Des milliers de motos comme celle-ci s’entremêlaient à chaque intersection. Des milliers de prompts coups de klaxons, de signes de la main et de grands sourires accompagnaient leur course. Sandra mit un certain temps à réaliser que ces signes ne lui étaient pas destinés. Son étonnement grandissait à mesure qu’ils franchissaient les quartiers : non décidément, la chaleur ne faisait qu’attiser la gaieté de ces gens. Tous sur leur moto, sans casque, avec des visages radieux, portaient des couleurs, des sourires. Il est vrai que la vitesse rendait la température agréable. Finalement, on saisissait d’emblée, outre la poussière et la pollution, l’ambiance légère et joyeuse.
Ces moments de vie, tout juste débarquée, à l’arrière d’une moto pilotée par un homme et vers des lieux inconnus, dans une atmosphère radieuse, emplissaient son cœur de palpitations tranquilles.
Ils étaient arrivés à destination. « Inch Allah voyage », tel se nommait le minibus bariolé qui la transporterait à l’autre bout du pays. Départ instantané.
L’homme à ses côtés mesurait bien deux mètres et avait un cou de taureau. L’espace étant minuscule, il serrait les fesses et ses bras comme une petite fille, et se tassait le long de la fenêtre. Un ogre doux comme un agneau. Ils engagèrent la conversation rapidement. D’ailleurs, qui ne parlait pas dans ce bus ? Couvrant largement les cassettes d’Alpha Blondy qui tournaient en boucles.
Par la fenêtre, le sahel montrait ses bosses de chameau pelé. Ce n’était pas un désert aride mais une plaine où les touffes d’arbres parsemaient les champs de mil. Celui-ci, encore vert, se déhanchait comme le blé, toujours prêt à danser. Au près, au loin, un arbre, comme planté à l’envers, la tête dans le sable, habitait tous les villages : le baobab. Autour, des habitations, comme sorties de la terre, rondes, simples et parfois peintes de couleurs jaunes, bleus ou rouges. Les six heures de route filèrent comme une nuée d’hirondelles. Ils arrivèrent dans une nouvelle ville.
Un jeune homme, très beau, les mains surtout remarqua-t-elle, et couleur d’ébène, l’attendait. Elle se retrouva sur une nouvelle moto, puis au fin fond des quartiers. Par ici, des enfants couraient après un ballon crevé et criaient « Toubabou, Toubabou » à son passage. Là, des femmes s’activaient devant deux marmites fumantes et lui faisaient signe de la main comme si elles se connaissaient de longues dates. Plus loin, sous un immense manguier, les anciens patientaient autour du thé, et paraissaient prononcer de temps à autres quelques paroles pesées. A nouveau, elle traversait la vie des gens sur une musique rythmée et envoûtante, à nouveau les images neuves défilaient devant ses yeux et lui tournaient la tête.
La moto entra enfin dans une cour faite d’ombres et de lumière. On avait disposé des hamacs dans ce jardin où le parfum des fleurs venait vous taquiner les narines. Les ouvertures des chambres faites de légers tissus, cachées des intérieurs frais et tranquilles, et donnaient sur la terrasse et l’espace. Ce soir là, on lui avait remis les clefs d’une de ces chambres et on lui avait présenté d’autres jeunes qui paraissaient venir des quatre coins du monde. Le vieille homme était là. Sans âge. Le tête lisse comme le front. Les yeux profonds comme l’eau d’une source. Un grand sourire l’animait.
Poliment, les gens l’appelaient Papa. Tout le monde l’appelait papa, les jeunes qui étaient là, les gens du quartier, les enfants, tous les enfants. Bientôt Sandra l’appela papa elle aussi et ce fut naturel, il était leur père à tous comme peut l’être un sage qui culminerait à chaque instant au ciel de leur vie. Il était aussi leur maître comme peut l’être un grand samouraï. Samouraï intellectuel des temps modernes. Comme art martial, il leur apprenait comment se comportaient les hommes, comment tournait le monde. Il disait leur procurer seulement les prémices d’une auto défense intellectuelle nécessaire à tous et qui devraient déjà exister au sein de chacun des individus, de chacun des citoyens dans des pays qui se disaient des démocraties. Mais en réalité, modestement, il faisait d’eux des leaders et dès le lendemain, les cours commencèrent :
« Ce qui reste de la démocratie doit désormais être considéré comme le droit de choisir entre des marchandises. Les dirigeants des milieux d’affaires soulignent depuis longtemps la nécessité d’imposer au grand public une philosophie de la futilité et une vie sans objectif afin de concentrer son attention sur des choses superficielles et notamment sur ce qui est à la mode.
Submergé dès la prime enfance par la propagande, les gens pourraient accepter une existence soumise et dépourvue de sens, et oublier l’idée « ridicule » de prendre en main leur propre destin. Ils abandonneraient aux sorciers de Davos et à une minorité « intelligente » le soin de s’auto proclamer pour servir et administrer le pouvoir en échange de privilèges biens mérités. »
- Que pensez-vous de cette idée ? demandait-il. Peut-on faire des liens avec la réalité ? Je vous demanderai de bien vouloir construire un dossier. Accompagnez vos propos d’exemples précis et détaillés tirés de l’actualité de ces derniers jours. Nous en débattrons ce soir après le dîner. Merci, à ce soir. »
Et chacun se mettaient à la tâche. Ils avaient pour travailler un certain nombre de journaux qu’ils recevaient de chaque pays et une bibliothèque assez conséquente. Des petits groupes se formaient alors autour des documents trouvés et des discussions s’animaient. Ensuite, ils réfléchissaient chacun de leur côté car le maître exigeait d’eux une analyse personnelle et appréciait les raisonnements originaux suivis d’une rhétorique précise. Il se faisait ensuite un plaisir d’animer le débat le soir, sans donner son avis pour enfin, lorsque tout le monde s’était exprimé, de sa voix tranquille et limpide, tirer de cet ensemble hétéroclite une analyse globale tout en y ajoutant de-ci de-là quelques diatribes pertinentes imageant ses propos. Il pensait en effet que les idées, lorsqu’elles avaient pu éclore après une ou plusieurs longues journées de réflexions, devaient être synthétisées en une représentation imagée afin de l’en sortir plus facilement de son subconscient une fois le moment venue.
Le soir, après le débat parfois, Sandra s’en allait avec quelques étudiants siroter une bière à la terrasse d’un maquis. Une fraîcheur relative descendait doucement sur la ville. La gargote abandonnée sous le soleil prenait vie. Des dizaines de tables recouvraient simplement les routes et les places alentours. Les serveuses, vives dans la nonchalance, obéissaient aux clochettes qui résonnaient dans la clarté légère d’un lampadaire lointain. Le brouhaha de rires africains si singuliers se répandait comme un écho heureux. Parfois, au loin, on entendait résonner des djembés, il y avait une fête dans une famille, un mariage, un décès. Les gens dansaient alors toute la nuit autour de quelques fourneaux où ils grillaient les viandes, les poissons, les légumes et où se préparait la bière fabriquée sur place.
Sandra découvrait ce petit bout d’Afrique à petit pas. Le matin, elle allait déjeuner près du marché de quartier où toute l’animation se trouvait. C’était un monde de femmes, ces marchés. On les entendait s’interpeller et rire. Elle avaient effectué parfois une dizaine de kilomètres en partant très tôt le matin pour vendre quelques tomates. Toutes assises en tailleur par terre sur leur drap où brillaient leurs légumes fraîchement cueillis, elles avaient leurs enfants en bas âge endormis aux creux de leur seins où rampant laborieusement à proximité, les fichus sur la tête qu’elles humidifiaient pour se protéger de la chaleur que les tôles, posées sur quatre piquets, ne faisaient qu’augmenter. Sandra achetait quelques beignets de mil, surtout riches en graisse, qu’elle trempait dans son faux thé Lipton nigérian avant de retourner dans la cour de la fameuse ONG.
Là, elle trouvait dans son hamac, le Père, absorbé par ses recherches. Elle en garderait une image : celle d’un homme méditant des journées entières et ne mangeant que lorsqu’on le lui faisait penser. Toujours étudiant, analysant, recoupant les données, il avait le pouvoir évident de contenir en lui toute l’Histoire qui avait baladée les hommes sur une frêle esquisse depuis qu’ils sont en mesure de penser. Il paraissait maîtriser les sciences humaines, sociales, connaître tous les événements, les révolutions et les personnalités qui avaient bousculées le monde. Il avait une mémoire subliminale. Enfin, il se leva, posa les livres qui encombraient ses genoux et, dans la fraîcheur matinale, leur prononça l’analyse du jour :
« Le néo-libéralisme est le paradigme économique et social de notre temps, il est présenté comme une politique de liberté des marchés qui encourage l’entreprise privée, permet aux consommateurs de choisir librement, récompense le travail et le développement, tout en sapant l’action des gouvernements incompétents.
On pourrait donc croire qu’il rend d’énormes services.
Or cette politique a eu un peu partout les mêmes conséquences : véritable aubaine pour les plus riches, aggravation massive des inégalités sociales et économiques, privations accrues pour les plus pauvres des nations et des peuples du monde, désastre pour l’environnement.
Confrontés à ces réalités, ses défenseurs affirment que la population finira par bénéficier de ses bienfaits « un jour » et seulement si rien n’entrave la continuité de cette politique, tout en rappelant que les autres ont échoué : communisme, social démocratie etc.. »
- Pour vous confronter à ces affirmations, je vous demanderai d’étudier aujourd’hui ce propos : « la démocratie est permise aussi longtemps que le contrôle exercé par le grand capital échappe aux délibérations et aux changements voulus par le peuple, c’est à dire aussi longtemps qu’elle n’est pas la démocratie. Merci. »
Et la journée passa à nouveau en études, en débats, en réflexions de plus en plus profondes. Le soir venu, chacun fit son petit discours et fut critiqué par les autres. Enfin, pour finir, le maître parla et c’était clair, et c’était limpide. Il n’y avait plus rien à dire.
Six mois ne seraient pas suffisants. Une vie entière n’était pas suffisante pour arriver au niveau d’analyse du maître. Mais tous les élèves acquéraient grâce à lui une solide base de réflexion. Ils pourraient alors penser par eux-mêmes une fois confrontés aux réalités de leur pays. Ils pourraient ainsi être lancés comme des boules de bowling vers les quilles bien-pensantes. Chacun des élèves repartiraient dans son pays d’origine faire de sa vie une histoire. Et cette histoire celle de tous les hommes. Oui, elle allait devenir une maître du monde. Cela la faisait bien rire. Mais pourquoi pas ? Ce n’était pas donné à tout le monde d’avoir les clefs pour réussir assurément.
Sandra connaissait maintenant chacune des jeunes personnes composant le groupe de réflexion. Elles avaient été choisies comme elle, après avoir rendu service au réseau et s’être fait remarquées par leurs aptitudes. Celui-ci avait alors organisé cette formation sous couvert d’ONG. Il y avait là des futures agitateurs politiques de tous les pays. Bon nombre d’entre eux venaient d’Amérique du Sud car le réseau pensait que de là naîtrait plus facilement la révolution. Que c’était un terreau fertile cultivé depuis plusieurs générations pas l’ingérence impérialiste exacerbée par la peur du communisme.
Mais cela faisait l’étude d’autres journées :
« Que savez-vous de l’histoire du Chili et en l’occurrence, du coup d’état qui renversa le gouvernement démocratiquement élu de Salvador Allende en 1973 ? Peut-on le comparer à celui du Honduras en juin dernier contre Manuel Zelaya ou encore celui, avorté, d’Hugo Chavez au Venezuela ? Pourquoi l’apparition de gouvernements plus démocratiques et plus populaires dans ces états est à rapprocher de certains événements qui agitent le monde actuellement, à savoir la montée du fondamentalisme islamique ? Voilà pour aujourd’hui. Merci. »
Et six mois plus tard, dix autres jeunes sortiraient comme des Alexandre, puis encore et encore. C’était bien peu mais la machine était en marche. Le réseau tel qu’il était constitué ne suffisait plus. Trop de catastrophes humanitaires, trop d’abus révoltants notamment dans les pays du Sud. On ne pouvait plus attendre. On ne pouvait plus réformer en douceur. Il fallait prendre le pouvoir. Pas eux bien sûr, pas eux directement. Laisser à Brutus son ego. La classe dominante devait continuer de régner, au moins par convenance, à la télé. Il suffisait d’être leurs bras et leur langue. Il suffisait d’être moins cons et de les tenir en laisse dentée afin qu’ils ne laissent plus crever comme des chiens les gens devant leur porte blindée.
Un soir alors qu’ils étaient au maquis, un Africain était venu les voir. Un Africain de quartier sans ressource et sans travail qui survivait comme chacun de la solidarité générale. Il savait parfaitement ce qui se faisait et s’apprenait avec le maître. Mais même si tout le monde savait ici, personne ne le répétait et qui les aurait écouté ? Enfin, ils savaient que finalement ils travaillaient aussi pour eux dans cette cour. Surtout, ils écoutaient toute la journée des radios telles que RFI qui leur racontaient le monde. Bref, ce soir là, il leur dit, toujours sur un certain rythme et avec de nombreuses pauses :
« Dieu, malheureusement, créa le monde avec des ressources naturelles limitées.
Et les hommes se battent pour ces ressources. Voilà ce qui se passe aujourd’hui.
Jadis, il y avait une lutte pour la terre d’Afrique.
Maintenant, c’est la lutte mondiale.
Qui prend devient riche.
Qui perd reste les mains vides.
C’est la loi de la jungle
Les animaux les plus forts ont la chance de survivre.
Et quand nous disons les plus forts,
Je crois que d’abord, nous voyons les européens
Qui possède le FMI, les banques
Et le commerce international. »
Un autre soir, de nouveau un jeune Noir vint se joindre à eux et relaya le premier :
« Vous savez ici au Burkina nous n’avons pas eu la guerre depuis longtemps
Le président actuel est un assassin
Il a tué Sankara, notre père à tous
Mais il est assez intelligent pour entretenir la paix
Et nous ne lui en demandons pas plus car cela est très important
Voyez les guerres dans tous les pays africains
Surtout ceux qui ont des œufs en or dans leur ventre.
L’occident fabrique des armes
Il faut bien qu’ils les vendent
Et c’est l’Afrique qui périt
Mais quand l’Afrique meurt
L’occident en tire aussi des bénéfices
Elle vient travailler pour les réfugiés
Fait du commerce, des affaires.
Ils doivent apprécier la situation sinon
Le meilleure remède serait de prévenir, non pas guérir,
Alors pourquoi ne préviennent-ils cette maladie qui frappe l’Afrique
La plus mortelle
le fléau des armes
Pourquoi ? »
Ces africains ne possédaient rien mais leur conscience politique était armée. Être illettré en Afrique ne voulait pas dire ne rien savoir, bien au contraire. Dans ce pays, bon nombre d’habitants connaissaient bien mieux la politiques française ou internationale que la masse des Français. Pas un nom de ministre ne leur échappait, pas une réforme, pas un ragot sur le président. Alors que Sandra marchait dans la rue, elle se faisait interpeller : « Eh, il y a du brouille à l’Élysée, votre président se transforme en Africain, il devient polygame ! » et l’homme partait en riant. Sandra n’était pas même au courant de l’histoire…
Bientôt au terme de la formation, Sandra passait un peu plus de temps encore, seule, à se balader, à échanger avec la population, à accompagner les femmes. Elle s’était parfaitement acclimatée à ce pays d’Afrique et l’aimait profondément. Il était son pays d’adoption tellement elle trouvait la vie ici chaleureuse et humainement riche. Finalement, elle ne s’était pas trompée le premier jour lorsqu’elle avait jugé de ces gens qu’ils étaient heureux. Pourtant, que la vie étaient dure pour eux. La mort si proche chaque jour. La moindre maladie mortelle. La paludisme les terrassait souvent définitivement alors que quelques cachets les auraient sauvés.
Le sida lui aussi répandait son lot d’horreur. Sandra ne pouvait s’empêcher d’avoir un haut-le-cœur lorsqu’elle voyait les enfants, des autres parfois, aux seins de ces femmes bientôt au terme de la maladie. Pourquoi laissaient-elles leurs bébés ainsi téter la maladie. Ne savaient-elles pas que le VIH était contagieux par le lait maternel ? Et Sandra osait leur dire. Mais cela était tabou. Elles ne le feraient plus, disaient-elles jusqu’à ce que celle-ci est à peine le dos tournée car la solidarité était telle qu’on ne différenciait pas une femme d’une autre, si tant est qu’elle était déjà presque morte.
Néanmoins, par extraordinaire que cela puisse paraître, oui ils étaient heureux. Avec le sourire chaque jour, ils avançaient. Quelle leçon de vie, quelle leçon d’humanité ! Dans la misère on trouvait les gens les plus généreux, dans la misère, on trouvait la plus grande solidarité. Mais était-ce bien la pauvreté où plutôt la vie simple si riche socialement, si nécessaire et qu’en occident on avait pourtant oublié et transformé pour notre plus grand malheur en individualisme amer.
Enfin, les six mois s’étaient écoulés. La cour des fleurs et des études. Des livres, des hamacs et des cases fraîches. Des mangues juteuses de mai. La vie en communauté. Le ciel bleu et la chaleur torride, les cris des enfants, le soir, sur le sable des pistes. Tout cela prenait fin aujourd’hui. Le maître termina son discours par ces termes :
« Rien n’oblige à accepter des règles apocryphes, et ceux qui se soucient de l’avenir du monde et de ses peuples emprunteront sans doute des voies bien différentes. Le Grand Animal, le peuple, les luttes populaires contre une mondialisation profondément inégale, influencent actuellement la rhétorique, et jusqu’à un certain point les pratiques des « maîtres de l’univers », qui s’en inquiètent et sont sur la défensive. Ces mouvements populaires sont sans précédents par leur ampleur, la diversité de ceux qu’ils regroupent et l’étendue de la solidarité internationale : la présente réunion en est une illustration particulièrement importante. L’avenir est très largement entre vos mains et je vous demanderai d’en être bien conscients, on ne saurait sous-estimer les enjeux. A vous maintenant, et bonne chance. »
Sandra restait sur le seuil. Elle ne pouvait partir. Tout le monde l’avait déjà serrée et embrassée. Et tous étaient partis impatients d’organiser la lutte. Il faut dire que certains d’entre eux avaient beaucoup à faire Les habitants de leur pays, un peu comme les Africains, ne possédaient que le droit de se taire. Et eux imaginaient déjà coordonner le premier bouleversement planétaire.
Enfin, Sandra se retourna vers la cour. Le père la regardait et dans ses yeux brillait l’espoir. Alors, elle mit un premier pas sur la piste et, doucement, se laissa emporter par son destin.
La chaleur l’écrasa une fois sortie du hall. La ville devant elle s’étalait sous cinquante degrés. Ils paraissaient l’avoir fait fondre. Elle vacillait, fragile, au moindre souffle de vent. Les taxis venaient solliciter Sandra sans courage, par principe. Elle attendait patiemment tenant son petit carton marqué « Allah Sonni » : le nom de code qu’elle avait retenu brièvement et réécrit aléatoirement, sans n’avoir d’ailleurs aucune idée de sa signification.
Un jeune Noir assis non loin d’elle l’interpella :
- Vous êtes le « don de dieu », lui dit-il.
- Pardon ?
- Votre pancarte.
- Ah ! Merci, ça m’embêtait de ne pas comprendre.
- Vous allez donc dans cette ONG ?
- Non, je suis le pape et j’attends ma sœur.
- Eh bien venez, on a pas le temps d’attendre votre sœur, dit le jeune homme en riant.
- Mais vous avez vu le film ?
- Bien sûr madame, ici c’est la France, un département sans numéro, DOM TOM, tous les djembés le chantent. Venez maintenant, le bus va partir sans vous !
Sandra monta à l’arrière d’une moto, sa valise entre les jambes du conducteur et ils partirent en direction du centre ville. Des milliers de motos comme celle-ci s’entremêlaient à chaque intersection. Des milliers de prompts coups de klaxons, de signes de la main et de grands sourires accompagnaient leur course. Sandra mit un certain temps à réaliser que ces signes ne lui étaient pas destinés. Son étonnement grandissait à mesure qu’ils franchissaient les quartiers : non décidément, la chaleur ne faisait qu’attiser la gaieté de ces gens. Tous sur leur moto, sans casque, avec des visages radieux, portaient des couleurs, des sourires. Il est vrai que la vitesse rendait la température agréable. Finalement, on saisissait d’emblée, outre la poussière et la pollution, l’ambiance légère et joyeuse.
Ces moments de vie, tout juste débarquée, à l’arrière d’une moto pilotée par un homme et vers des lieux inconnus, dans une atmosphère radieuse, emplissaient son cœur de palpitations tranquilles.
Ils étaient arrivés à destination. « Inch Allah voyage », tel se nommait le minibus bariolé qui la transporterait à l’autre bout du pays. Départ instantané.
L’homme à ses côtés mesurait bien deux mètres et avait un cou de taureau. L’espace étant minuscule, il serrait les fesses et ses bras comme une petite fille, et se tassait le long de la fenêtre. Un ogre doux comme un agneau. Ils engagèrent la conversation rapidement. D’ailleurs, qui ne parlait pas dans ce bus ? Couvrant largement les cassettes d’Alpha Blondy qui tournaient en boucles.
Par la fenêtre, le sahel montrait ses bosses de chameau pelé. Ce n’était pas un désert aride mais une plaine où les touffes d’arbres parsemaient les champs de mil. Celui-ci, encore vert, se déhanchait comme le blé, toujours prêt à danser. Au près, au loin, un arbre, comme planté à l’envers, la tête dans le sable, habitait tous les villages : le baobab. Autour, des habitations, comme sorties de la terre, rondes, simples et parfois peintes de couleurs jaunes, bleus ou rouges. Les six heures de route filèrent comme une nuée d’hirondelles. Ils arrivèrent dans une nouvelle ville.
Un jeune homme, très beau, les mains surtout remarqua-t-elle, et couleur d’ébène, l’attendait. Elle se retrouva sur une nouvelle moto, puis au fin fond des quartiers. Par ici, des enfants couraient après un ballon crevé et criaient « Toubabou, Toubabou » à son passage. Là, des femmes s’activaient devant deux marmites fumantes et lui faisaient signe de la main comme si elles se connaissaient de longues dates. Plus loin, sous un immense manguier, les anciens patientaient autour du thé, et paraissaient prononcer de temps à autres quelques paroles pesées. A nouveau, elle traversait la vie des gens sur une musique rythmée et envoûtante, à nouveau les images neuves défilaient devant ses yeux et lui tournaient la tête.
La moto entra enfin dans une cour faite d’ombres et de lumière. On avait disposé des hamacs dans ce jardin où le parfum des fleurs venait vous taquiner les narines. Les ouvertures des chambres faites de légers tissus, cachées des intérieurs frais et tranquilles, et donnaient sur la terrasse et l’espace. Ce soir là, on lui avait remis les clefs d’une de ces chambres et on lui avait présenté d’autres jeunes qui paraissaient venir des quatre coins du monde. Le vieille homme était là. Sans âge. Le tête lisse comme le front. Les yeux profonds comme l’eau d’une source. Un grand sourire l’animait.
Poliment, les gens l’appelaient Papa. Tout le monde l’appelait papa, les jeunes qui étaient là, les gens du quartier, les enfants, tous les enfants. Bientôt Sandra l’appela papa elle aussi et ce fut naturel, il était leur père à tous comme peut l’être un sage qui culminerait à chaque instant au ciel de leur vie. Il était aussi leur maître comme peut l’être un grand samouraï. Samouraï intellectuel des temps modernes. Comme art martial, il leur apprenait comment se comportaient les hommes, comment tournait le monde. Il disait leur procurer seulement les prémices d’une auto défense intellectuelle nécessaire à tous et qui devraient déjà exister au sein de chacun des individus, de chacun des citoyens dans des pays qui se disaient des démocraties. Mais en réalité, modestement, il faisait d’eux des leaders et dès le lendemain, les cours commencèrent :
« Ce qui reste de la démocratie doit désormais être considéré comme le droit de choisir entre des marchandises. Les dirigeants des milieux d’affaires soulignent depuis longtemps la nécessité d’imposer au grand public une philosophie de la futilité et une vie sans objectif afin de concentrer son attention sur des choses superficielles et notamment sur ce qui est à la mode.
Submergé dès la prime enfance par la propagande, les gens pourraient accepter une existence soumise et dépourvue de sens, et oublier l’idée « ridicule » de prendre en main leur propre destin. Ils abandonneraient aux sorciers de Davos et à une minorité « intelligente » le soin de s’auto proclamer pour servir et administrer le pouvoir en échange de privilèges biens mérités. »
- Que pensez-vous de cette idée ? demandait-il. Peut-on faire des liens avec la réalité ? Je vous demanderai de bien vouloir construire un dossier. Accompagnez vos propos d’exemples précis et détaillés tirés de l’actualité de ces derniers jours. Nous en débattrons ce soir après le dîner. Merci, à ce soir. »
Et chacun se mettaient à la tâche. Ils avaient pour travailler un certain nombre de journaux qu’ils recevaient de chaque pays et une bibliothèque assez conséquente. Des petits groupes se formaient alors autour des documents trouvés et des discussions s’animaient. Ensuite, ils réfléchissaient chacun de leur côté car le maître exigeait d’eux une analyse personnelle et appréciait les raisonnements originaux suivis d’une rhétorique précise. Il se faisait ensuite un plaisir d’animer le débat le soir, sans donner son avis pour enfin, lorsque tout le monde s’était exprimé, de sa voix tranquille et limpide, tirer de cet ensemble hétéroclite une analyse globale tout en y ajoutant de-ci de-là quelques diatribes pertinentes imageant ses propos. Il pensait en effet que les idées, lorsqu’elles avaient pu éclore après une ou plusieurs longues journées de réflexions, devaient être synthétisées en une représentation imagée afin de l’en sortir plus facilement de son subconscient une fois le moment venue.
Le soir, après le débat parfois, Sandra s’en allait avec quelques étudiants siroter une bière à la terrasse d’un maquis. Une fraîcheur relative descendait doucement sur la ville. La gargote abandonnée sous le soleil prenait vie. Des dizaines de tables recouvraient simplement les routes et les places alentours. Les serveuses, vives dans la nonchalance, obéissaient aux clochettes qui résonnaient dans la clarté légère d’un lampadaire lointain. Le brouhaha de rires africains si singuliers se répandait comme un écho heureux. Parfois, au loin, on entendait résonner des djembés, il y avait une fête dans une famille, un mariage, un décès. Les gens dansaient alors toute la nuit autour de quelques fourneaux où ils grillaient les viandes, les poissons, les légumes et où se préparait la bière fabriquée sur place.
Sandra découvrait ce petit bout d’Afrique à petit pas. Le matin, elle allait déjeuner près du marché de quartier où toute l’animation se trouvait. C’était un monde de femmes, ces marchés. On les entendait s’interpeller et rire. Elle avaient effectué parfois une dizaine de kilomètres en partant très tôt le matin pour vendre quelques tomates. Toutes assises en tailleur par terre sur leur drap où brillaient leurs légumes fraîchement cueillis, elles avaient leurs enfants en bas âge endormis aux creux de leur seins où rampant laborieusement à proximité, les fichus sur la tête qu’elles humidifiaient pour se protéger de la chaleur que les tôles, posées sur quatre piquets, ne faisaient qu’augmenter. Sandra achetait quelques beignets de mil, surtout riches en graisse, qu’elle trempait dans son faux thé Lipton nigérian avant de retourner dans la cour de la fameuse ONG.
Là, elle trouvait dans son hamac, le Père, absorbé par ses recherches. Elle en garderait une image : celle d’un homme méditant des journées entières et ne mangeant que lorsqu’on le lui faisait penser. Toujours étudiant, analysant, recoupant les données, il avait le pouvoir évident de contenir en lui toute l’Histoire qui avait baladée les hommes sur une frêle esquisse depuis qu’ils sont en mesure de penser. Il paraissait maîtriser les sciences humaines, sociales, connaître tous les événements, les révolutions et les personnalités qui avaient bousculées le monde. Il avait une mémoire subliminale. Enfin, il se leva, posa les livres qui encombraient ses genoux et, dans la fraîcheur matinale, leur prononça l’analyse du jour :
« Le néo-libéralisme est le paradigme économique et social de notre temps, il est présenté comme une politique de liberté des marchés qui encourage l’entreprise privée, permet aux consommateurs de choisir librement, récompense le travail et le développement, tout en sapant l’action des gouvernements incompétents.
On pourrait donc croire qu’il rend d’énormes services.
Or cette politique a eu un peu partout les mêmes conséquences : véritable aubaine pour les plus riches, aggravation massive des inégalités sociales et économiques, privations accrues pour les plus pauvres des nations et des peuples du monde, désastre pour l’environnement.
Confrontés à ces réalités, ses défenseurs affirment que la population finira par bénéficier de ses bienfaits « un jour » et seulement si rien n’entrave la continuité de cette politique, tout en rappelant que les autres ont échoué : communisme, social démocratie etc.. »
- Pour vous confronter à ces affirmations, je vous demanderai d’étudier aujourd’hui ce propos : « la démocratie est permise aussi longtemps que le contrôle exercé par le grand capital échappe aux délibérations et aux changements voulus par le peuple, c’est à dire aussi longtemps qu’elle n’est pas la démocratie. Merci. »
Et la journée passa à nouveau en études, en débats, en réflexions de plus en plus profondes. Le soir venu, chacun fit son petit discours et fut critiqué par les autres. Enfin, pour finir, le maître parla et c’était clair, et c’était limpide. Il n’y avait plus rien à dire.
Six mois ne seraient pas suffisants. Une vie entière n’était pas suffisante pour arriver au niveau d’analyse du maître. Mais tous les élèves acquéraient grâce à lui une solide base de réflexion. Ils pourraient alors penser par eux-mêmes une fois confrontés aux réalités de leur pays. Ils pourraient ainsi être lancés comme des boules de bowling vers les quilles bien-pensantes. Chacun des élèves repartiraient dans son pays d’origine faire de sa vie une histoire. Et cette histoire celle de tous les hommes. Oui, elle allait devenir une maître du monde. Cela la faisait bien rire. Mais pourquoi pas ? Ce n’était pas donné à tout le monde d’avoir les clefs pour réussir assurément.
Sandra connaissait maintenant chacune des jeunes personnes composant le groupe de réflexion. Elles avaient été choisies comme elle, après avoir rendu service au réseau et s’être fait remarquées par leurs aptitudes. Celui-ci avait alors organisé cette formation sous couvert d’ONG. Il y avait là des futures agitateurs politiques de tous les pays. Bon nombre d’entre eux venaient d’Amérique du Sud car le réseau pensait que de là naîtrait plus facilement la révolution. Que c’était un terreau fertile cultivé depuis plusieurs générations pas l’ingérence impérialiste exacerbée par la peur du communisme.
Mais cela faisait l’étude d’autres journées :
« Que savez-vous de l’histoire du Chili et en l’occurrence, du coup d’état qui renversa le gouvernement démocratiquement élu de Salvador Allende en 1973 ? Peut-on le comparer à celui du Honduras en juin dernier contre Manuel Zelaya ou encore celui, avorté, d’Hugo Chavez au Venezuela ? Pourquoi l’apparition de gouvernements plus démocratiques et plus populaires dans ces états est à rapprocher de certains événements qui agitent le monde actuellement, à savoir la montée du fondamentalisme islamique ? Voilà pour aujourd’hui. Merci. »
Et six mois plus tard, dix autres jeunes sortiraient comme des Alexandre, puis encore et encore. C’était bien peu mais la machine était en marche. Le réseau tel qu’il était constitué ne suffisait plus. Trop de catastrophes humanitaires, trop d’abus révoltants notamment dans les pays du Sud. On ne pouvait plus attendre. On ne pouvait plus réformer en douceur. Il fallait prendre le pouvoir. Pas eux bien sûr, pas eux directement. Laisser à Brutus son ego. La classe dominante devait continuer de régner, au moins par convenance, à la télé. Il suffisait d’être leurs bras et leur langue. Il suffisait d’être moins cons et de les tenir en laisse dentée afin qu’ils ne laissent plus crever comme des chiens les gens devant leur porte blindée.
Un soir alors qu’ils étaient au maquis, un Africain était venu les voir. Un Africain de quartier sans ressource et sans travail qui survivait comme chacun de la solidarité générale. Il savait parfaitement ce qui se faisait et s’apprenait avec le maître. Mais même si tout le monde savait ici, personne ne le répétait et qui les aurait écouté ? Enfin, ils savaient que finalement ils travaillaient aussi pour eux dans cette cour. Surtout, ils écoutaient toute la journée des radios telles que RFI qui leur racontaient le monde. Bref, ce soir là, il leur dit, toujours sur un certain rythme et avec de nombreuses pauses :
« Dieu, malheureusement, créa le monde avec des ressources naturelles limitées.
Et les hommes se battent pour ces ressources. Voilà ce qui se passe aujourd’hui.
Jadis, il y avait une lutte pour la terre d’Afrique.
Maintenant, c’est la lutte mondiale.
Qui prend devient riche.
Qui perd reste les mains vides.
C’est la loi de la jungle
Les animaux les plus forts ont la chance de survivre.
Et quand nous disons les plus forts,
Je crois que d’abord, nous voyons les européens
Qui possède le FMI, les banques
Et le commerce international. »
Un autre soir, de nouveau un jeune Noir vint se joindre à eux et relaya le premier :
« Vous savez ici au Burkina nous n’avons pas eu la guerre depuis longtemps
Le président actuel est un assassin
Il a tué Sankara, notre père à tous
Mais il est assez intelligent pour entretenir la paix
Et nous ne lui en demandons pas plus car cela est très important
Voyez les guerres dans tous les pays africains
Surtout ceux qui ont des œufs en or dans leur ventre.
L’occident fabrique des armes
Il faut bien qu’ils les vendent
Et c’est l’Afrique qui périt
Mais quand l’Afrique meurt
L’occident en tire aussi des bénéfices
Elle vient travailler pour les réfugiés
Fait du commerce, des affaires.
Ils doivent apprécier la situation sinon
Le meilleure remède serait de prévenir, non pas guérir,
Alors pourquoi ne préviennent-ils cette maladie qui frappe l’Afrique
La plus mortelle
le fléau des armes
Pourquoi ? »
Ces africains ne possédaient rien mais leur conscience politique était armée. Être illettré en Afrique ne voulait pas dire ne rien savoir, bien au contraire. Dans ce pays, bon nombre d’habitants connaissaient bien mieux la politiques française ou internationale que la masse des Français. Pas un nom de ministre ne leur échappait, pas une réforme, pas un ragot sur le président. Alors que Sandra marchait dans la rue, elle se faisait interpeller : « Eh, il y a du brouille à l’Élysée, votre président se transforme en Africain, il devient polygame ! » et l’homme partait en riant. Sandra n’était pas même au courant de l’histoire…
Bientôt au terme de la formation, Sandra passait un peu plus de temps encore, seule, à se balader, à échanger avec la population, à accompagner les femmes. Elle s’était parfaitement acclimatée à ce pays d’Afrique et l’aimait profondément. Il était son pays d’adoption tellement elle trouvait la vie ici chaleureuse et humainement riche. Finalement, elle ne s’était pas trompée le premier jour lorsqu’elle avait jugé de ces gens qu’ils étaient heureux. Pourtant, que la vie étaient dure pour eux. La mort si proche chaque jour. La moindre maladie mortelle. La paludisme les terrassait souvent définitivement alors que quelques cachets les auraient sauvés.
Le sida lui aussi répandait son lot d’horreur. Sandra ne pouvait s’empêcher d’avoir un haut-le-cœur lorsqu’elle voyait les enfants, des autres parfois, aux seins de ces femmes bientôt au terme de la maladie. Pourquoi laissaient-elles leurs bébés ainsi téter la maladie. Ne savaient-elles pas que le VIH était contagieux par le lait maternel ? Et Sandra osait leur dire. Mais cela était tabou. Elles ne le feraient plus, disaient-elles jusqu’à ce que celle-ci est à peine le dos tournée car la solidarité était telle qu’on ne différenciait pas une femme d’une autre, si tant est qu’elle était déjà presque morte.
Néanmoins, par extraordinaire que cela puisse paraître, oui ils étaient heureux. Avec le sourire chaque jour, ils avançaient. Quelle leçon de vie, quelle leçon d’humanité ! Dans la misère on trouvait les gens les plus généreux, dans la misère, on trouvait la plus grande solidarité. Mais était-ce bien la pauvreté où plutôt la vie simple si riche socialement, si nécessaire et qu’en occident on avait pourtant oublié et transformé pour notre plus grand malheur en individualisme amer.
Enfin, les six mois s’étaient écoulés. La cour des fleurs et des études. Des livres, des hamacs et des cases fraîches. Des mangues juteuses de mai. La vie en communauté. Le ciel bleu et la chaleur torride, les cris des enfants, le soir, sur le sable des pistes. Tout cela prenait fin aujourd’hui. Le maître termina son discours par ces termes :
« Rien n’oblige à accepter des règles apocryphes, et ceux qui se soucient de l’avenir du monde et de ses peuples emprunteront sans doute des voies bien différentes. Le Grand Animal, le peuple, les luttes populaires contre une mondialisation profondément inégale, influencent actuellement la rhétorique, et jusqu’à un certain point les pratiques des « maîtres de l’univers », qui s’en inquiètent et sont sur la défensive. Ces mouvements populaires sont sans précédents par leur ampleur, la diversité de ceux qu’ils regroupent et l’étendue de la solidarité internationale : la présente réunion en est une illustration particulièrement importante. L’avenir est très largement entre vos mains et je vous demanderai d’en être bien conscients, on ne saurait sous-estimer les enjeux. A vous maintenant, et bonne chance. »
Sandra restait sur le seuil. Elle ne pouvait partir. Tout le monde l’avait déjà serrée et embrassée. Et tous étaient partis impatients d’organiser la lutte. Il faut dire que certains d’entre eux avaient beaucoup à faire Les habitants de leur pays, un peu comme les Africains, ne possédaient que le droit de se taire. Et eux imaginaient déjà coordonner le premier bouleversement planétaire.
Enfin, Sandra se retourna vers la cour. Le père la regardait et dans ses yeux brillait l’espoir. Alors, elle mit un premier pas sur la piste et, doucement, se laissa emporter par son destin.
Dilo- Nombre de messages : 65
Age : 46
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Passion dissidente
Je suis toujours partagé avec ce périple ; d'un côté les poncifs, omniprésents et un peu gonflants - en quel honneur les pays qui ont construit leur identité sur la distinction entre les humains et leurs caractéristiques propres, en tout cas celles utilisées comme outils de triage - devraient-ils se montrer accueillants envers ceux qu'ils considèrent comme une menace ? Sauf au foot, bien sûr... De l'autre une empathie sympathique, une vision humaniste et chaleureuse, à laquelle je ne suis pas insensible... si tous les gars du monde... sauf que ça ne marche pas, que l'Afrique est gangrenée et exsangue de la corruption et des détournements, que rien ne fera changer ni ce mode de fonctionnement ni les haines ethniques, et qu'il y aura toujours des marchands d'armes pour souffler sur les braises, pour le cas improbable où un semblant de pacification adoucirait les enjeux. Il va toujours bien le Rwanda ?
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Passion dissidente
Je suis plutôt d'accord avec silene82, trouve cette histoire bien sympathique mais par trop angélique !
Mes remarques :
« Bienvenue, il disait (en niveau de langage soutenu, ce qui est le cas de la narration, il est préférable d’écrire « disait-il » pour une citation), quoi que (et non « quoique », qui doit forcément introduire un terme en opposition à un autre ; exemple : « Julie aimait le chocolat quoiqu’il la fît grossir ») vous fassiez ici »
« sans n’avoir d’ailleurs aucune idée » : le « n’ » explétif, ici, fait double emploi avec « sans » et crée une négation redondante
- Vous êtes le « don de dieu », lui dit-il.
- Pardon ?
- Votre pancarte.
- Ah ! Merci, ça m’embêtait de ne pas comprendre.
- Vous allez donc dans cette ONG ?
- Non, je suis le pape et j’attends ma sœur.
- Eh bien venez, on a pas le temps d’attendre votre sœur, dit le jeune homme en riant.
- Mais vous avez vu le film ?
- Bien sûr madame
(typographie : le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire des répliques, il faut prévoir le quart ou semi-cadratin, « – » ou « — »
« les cassettes d’Alpha Blondy qui tournaient en boucle (et non « en boucles », dans l’expression) »
« le Sahel montrait ses bosses »
« peintes de couleurs jaunes, bleues (les couleurs) ou rouges »
« comme si elles se connaissaient de longue date (et non « longues dates ») »
« Les ouvertures des chambres faites de légers tissus, (pourquoi une virgule ici ?) cachaient (c’est la seule possibilité, vu la structure de la phrase) des intérieurs frais et tranquilles »
« La tête lisse comme le front »
« d’une auto-défense (trait d’union) intellectuelle »
« le soin de s’auto-proclamer (trait d’union) »
- Que pensez-vous de cette idée ?
(typographie : le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire des répliques, il faut prévoir le quart ou semi-cadratin, « – » ou « — »
« Et chacun se mettait (et non « mettaient ») à la tâche »
« une fois le moment venu (et non « venue », c’est le moment qui est venu) »
« leurs enfants en bas âge endormis aux creux de leur seins ou (pour distinguer « ou » de « où », essayez de remplacer par « ou bien » ; si c’est possible sans changer le sens, comme ici, on écrit « ou ») rampant laborieusement »
« Là, elle trouvait dans son hamac, (pourquoi une virgule ici ?) le Père »
« toute l’Histoire qui avait baladé (et non « baladée » ; l’Histoire a baladé qui ? les hommes ; le participe passé du verbe conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe ; ici, il est placé après : pas d’accord) les hommes sur une frêle esquisse »
« les révolutions et les personnalités qui avaient bousculé (et non « bousculées » ; les révolutions et les personnalités ont bousculé quoi ? le monde ; le participe passé du verbe conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe ; ici, il est placé après : pas d’accord) le monde »
« Il avait une mémoire subliminale » : subliminale signifie « en-dessous de seuil de la conscience » ; est-ce bien le qualificatif que vous voulez appliquer à la mémoire du Père ?
« social-démocratie (trait d’union) etc.. » : un point ou trois en fin de phrase, mais pas deux
- Pour vous confronter à ces affirmations
(typographie : le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire des répliques, il faut prévoir le quart ou semi-cadratin, « – » ou « — »
ce propos : « La démocratie est permise
« Chacun des élèves repartirait (et non « repartiraient ») dans son pays d’origine »
« après avoir rendu service au réseau et s’être fait remarquer »
« Il y avait là de (et non « des ») futurs (et non « futures ») agitateurs politiques »
« qui les aurait écoutés (qui aurait écouté qui ? les, mis pour les gens du coin ; le participe passé du verbe conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe, ce qui est le cas ici) »
« Bref, ce soir-là (trait d’union) »
« C’est la loi de la jungle » : manque le point de fin de phrase, ou une virgule
« nous voyons les Européens
Qui possèdent (les Européens) le FMI »
« Le meilleur (et non « meilleure ») remède » : dans tiute cette tirade, la pnctuation est anarchique ; c’est peut-être volontaire, pour donner un effet poétique, mais déroute dans l’ensemble du texte en prose
« Ces Africains ne possédaient rien »
« connaissaient bien mieux la politique (et non « politiques ») française ou internationale »
« que la vie était (et non « étaient ») dure pour eux »
« jusqu’à ce que celle-ci ait à peine le dos tourné (et non « tournée », c’est le dos qui est tourné) »
« était-ce bien la pauvreté ou plutôt la vie simple »
« qu’en Occident on avait pourtant oubliée (on a oublié quoi ? « qu’ », mis pour la vie ; le participe passé conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe, ce qui est le cas ici) et transformée (on a transformé quoi ? « qu’ », mis pour la vie ; le participe passé conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe, ce qui est le cas ici) »
« certains d’entre eux avaient beaucoup à faire (manque un point ici) Les habitants de leur pays »
Mes remarques :
« Bienvenue, il disait (en niveau de langage soutenu, ce qui est le cas de la narration, il est préférable d’écrire « disait-il » pour une citation), quoi que (et non « quoique », qui doit forcément introduire un terme en opposition à un autre ; exemple : « Julie aimait le chocolat quoiqu’il la fît grossir ») vous fassiez ici »
« sans n’avoir d’ailleurs aucune idée » : le « n’ » explétif, ici, fait double emploi avec « sans » et crée une négation redondante
- Vous êtes le « don de dieu », lui dit-il.
- Pardon ?
- Votre pancarte.
- Ah ! Merci, ça m’embêtait de ne pas comprendre.
- Vous allez donc dans cette ONG ?
- Non, je suis le pape et j’attends ma sœur.
- Eh bien venez, on a pas le temps d’attendre votre sœur, dit le jeune homme en riant.
- Mais vous avez vu le film ?
- Bien sûr madame
(typographie : le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire des répliques, il faut prévoir le quart ou semi-cadratin, « – » ou « — »
« les cassettes d’Alpha Blondy qui tournaient en boucle (et non « en boucles », dans l’expression) »
« le Sahel montrait ses bosses »
« peintes de couleurs jaunes, bleues (les couleurs) ou rouges »
« comme si elles se connaissaient de longue date (et non « longues dates ») »
« Les ouvertures des chambres faites de légers tissus, (pourquoi une virgule ici ?) cachaient (c’est la seule possibilité, vu la structure de la phrase) des intérieurs frais et tranquilles »
« La tête lisse comme le front »
« d’une auto-défense (trait d’union) intellectuelle »
« le soin de s’auto-proclamer (trait d’union) »
- Que pensez-vous de cette idée ?
(typographie : le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire des répliques, il faut prévoir le quart ou semi-cadratin, « – » ou « — »
« Et chacun se mettait (et non « mettaient ») à la tâche »
« une fois le moment venu (et non « venue », c’est le moment qui est venu) »
« leurs enfants en bas âge endormis aux creux de leur seins ou (pour distinguer « ou » de « où », essayez de remplacer par « ou bien » ; si c’est possible sans changer le sens, comme ici, on écrit « ou ») rampant laborieusement »
« Là, elle trouvait dans son hamac, (pourquoi une virgule ici ?) le Père »
« toute l’Histoire qui avait baladé (et non « baladée » ; l’Histoire a baladé qui ? les hommes ; le participe passé du verbe conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe ; ici, il est placé après : pas d’accord) les hommes sur une frêle esquisse »
« les révolutions et les personnalités qui avaient bousculé (et non « bousculées » ; les révolutions et les personnalités ont bousculé quoi ? le monde ; le participe passé du verbe conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe ; ici, il est placé après : pas d’accord) le monde »
« Il avait une mémoire subliminale » : subliminale signifie « en-dessous de seuil de la conscience » ; est-ce bien le qualificatif que vous voulez appliquer à la mémoire du Père ?
« social-démocratie (trait d’union) etc.. » : un point ou trois en fin de phrase, mais pas deux
- Pour vous confronter à ces affirmations
(typographie : le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire des répliques, il faut prévoir le quart ou semi-cadratin, « – » ou « — »
ce propos : « La démocratie est permise
« Chacun des élèves repartirait (et non « repartiraient ») dans son pays d’origine »
« après avoir rendu service au réseau et s’être fait remarquer »
« Il y avait là de (et non « des ») futurs (et non « futures ») agitateurs politiques »
« qui les aurait écoutés (qui aurait écouté qui ? les, mis pour les gens du coin ; le participe passé du verbe conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe, ce qui est le cas ici) »
« Bref, ce soir-là (trait d’union) »
« C’est la loi de la jungle » : manque le point de fin de phrase, ou une virgule
« nous voyons les Européens
Qui possèdent (les Européens) le FMI »
« Le meilleur (et non « meilleure ») remède » : dans tiute cette tirade, la pnctuation est anarchique ; c’est peut-être volontaire, pour donner un effet poétique, mais déroute dans l’ensemble du texte en prose
« Ces Africains ne possédaient rien »
« connaissaient bien mieux la politique (et non « politiques ») française ou internationale »
« que la vie était (et non « étaient ») dure pour eux »
« jusqu’à ce que celle-ci ait à peine le dos tourné (et non « tournée », c’est le dos qui est tourné) »
« était-ce bien la pauvreté ou plutôt la vie simple »
« qu’en Occident on avait pourtant oubliée (on a oublié quoi ? « qu’ », mis pour la vie ; le participe passé conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe, ce qui est le cas ici) et transformée (on a transformé quoi ? « qu’ », mis pour la vie ; le participe passé conjugué avec avoir s’accorde avec le complément d’objet direct quand celui-ci est placé avant le verbe, ce qui est le cas ici) »
« certains d’entre eux avaient beaucoup à faire (manque un point ici) Les habitants de leur pays »
Invité- Invité
Re: Passion dissidente
Je m'étais arrêté là parce que je sentais ce passage délicatement nul. je vais me faire luncher mais faut y passer...
CHAPITRE 3 : L'ACCOMPLISSEMENT
L’interphone sonna. Sandra ouvrit, c’était Charlotte. Les deux amies se prirent dans les bras. Charlotte ne put retenir ses larmes. Sensible. Sandra n’était pas sans le savoir. Par lettre, elle lui avait appris sa relation avec Markus, leur enfant : Simon. Enfin leur séparation et le retour de Charlotte sans son fils en France.
- Bonjour ma Charlotte, je suis si heureuse de te revoir !
- Moi aussi Sandra.
Un temps. Charlotte essuyait ses larmes.
- Comme tu as changé, dit-elle en la regardant, tu as l’air de quelqu’un qui vient de se battre sur un ring et a vaincu. Quel regard Sandra !
- Et toi, tu as des yeux emplis de souffrance, je suis désolée Charlotte.
Un temps, silence lourd de chagrin et de honte.
- Ce n’est pas si grave, se reprit-elle en levant la tête. Markus sera un bon père et moi j’irai souvent les voir. Nous ne sommes pas fâchés. Il est triste aussi de me faire souffrir. Mais lorsque l’on ne s’aime pas, mieux vaut partir. Je ne regretterai jamais rien et j’ai fait le choix moi-même de laisser Simon là-bas. Markus n’a pas eu a insisté. Il sera heureux.
- Que comptes-tu faire maintenant ?
- Peut-être l’Inde, j’ai un contact là-bas, un orphelinat.
Ce n’était pas une très bonne idée, pensait Sandra. Repartir si vite pour s’occuper d’autres enfants quand on souffre de l’absence physique de son fils. Aussi, cette fuite pouvait se révéler encore plus dure. Sandra habitait un petit appartement en banlieue. Elle y était très bien et il y avait de la place pour une amie. Un retour aux sources, en France, près de ses proches, de sa famille, en revanche pouvait aider Charlotte.
- Tu n’as pas donné de réponse encore Charlotte ?
- Non, pas encore.
- J’ai peut-être quelque chose d’autre à te proposer si tu veux.
- Ah oui, cette histoire d’ONG en Afrique ?
- Non, pas en Afrique, en France
- C’était quoi cette ONG ?
- Je te raconterai. Viens voir ce que je t’ai ramené : un petit cadeau.
- C’est gentil Sandra, il ne fallait pas. Alors, tu pensais à moi. Mais raconte-moi. J’ai l’impression que tu me caches des choses. Ça c’est mal passé ?
- Allons, qu’est-ce que tu vas imaginer. Non, ça s’est très bien passé. Mais ça risque juste d’être long à te raconter. D’abord, je vais te parler de mes projets actuels. Tu sais déjà que je travaille dans une association, ici à Paris. D’ailleurs c’est avec elle que je proposerai ta candidature. On va certainement avoir besoin d’une autre personne dans l’encadrement.
- Pourquoi pas. C’est vrai que je n’ai pas très envie de partir en Inde.
- Aussi, je te propose de squatter chez moi, ça te dit ?
- Je ne sais pas, ça ne te dérange pas ?
- Non, bien sûr que non Charlotte, ça me ferait vraiment plaisir.
- Merci Sandra. Pour le moment, je vais rester chez mes parents. Ils sont très heureux de me retrouver. Mais enfin, je te remercie de ta proposition et je vais réfléchir.
- Comme tu veux, et lorsqu’on sera toutes les deux je te parlerai de tout ça.
- Ok Sandra, à bientôt alors.
Quelques jours plus tard, Charlotte vint vivre chez Sandra. La proximité d’une amie rendait ses jours moins tristes. Ainsi, elle avait eu les mêmes sensations que Sandra lors de son premier retour en France. A savoir qu’il est difficile de rentrer chez ses parents lors d’une période malheureuse où l’on avait perdu la confiance en soi. Bien que l’amour de la famille était très important, elle avait eu l’impression de repartir de zéro. Et s’était sentie si nulle qu’elle avait préféré rejoindre son amie au plus tôt.
En réalité, et bien que Sandra ne s’en soit pas vantée, c’était elle qui avait mis en place cette association. De plus, elle ne se limitait pas à un simple acte de bonne foi. C’était une véritable entreprise qui attirait chaque jour de nouvelles personnes.
Il s’agissait en premier lieu d’une auberge où chacun pouvait passer la nuit. C’était un bâtiment privé qui avait été plus ou moins abandonné faute de moyens pour l’entretenir par son propriétaire. Sandra, en montant son projet avait convaincu la municipalité de participer à sa location. De plus, elle leur avait expliquée comment, une fois le fonctionnement entamé, son projet et leur aide financière si anodine soit-elle, deviendraient de véritables tremplins pour les gens, n’importe lesquels, mais évidemment surtout les plus démunis.
Le fonctionnement été simple. Il touchait toutes les personnes environnantes. Celles dans le besoin imminent et les autres, dans le besoin aussi mais surtout de chaleur et d’humanité. En effet, bon nombres de retraités et d’oisifs s’étaient rendus une fois dans l’association et y passaient maintenant leur temps. Tous les jours, une partie des personnes organisait et préparait les repas. Une simple soupe, des légumes, du pain. En faite, ce que la charité publique avait bien voulu leur donner. Ces repas étaient gratuits tout comme l’hébergement. Seulement ceux qui le désiraient et ceux qui en avaient les moyens pouvaient contribuer en donnant de l’argent. Le plus important était que chacun participe à sa préparation ou à son élaboration de quelque façon que ce soit
Mais bientôt, l’association put, par des actes solidaires, faire participer des entreprises, des agriculteurs et des boulangeries qui leur donnaient ce qu’ils ne pouvaient pas forcément vendre ou n’étaient pas rentable. Du coup, l’auberge devint un véritable restaurant où l’on trouvait les pauvres, mais aussi de plus en plus d’ouvriers et de personnes seules chez elles encore une fois, qui trouvaient y manger très bien et étaient heureuses de participer à hauteur de quelques euros.
Enfin, pour l’hébergement, il y avait des règles que les plus socialement exclus venaient doucement à observer. Il s’agissait de se laver avant de se coucher. Il s’agissait aussi de participer à la propreté des chambres et des lits, au lavage, puis à la vaisselle et à l’aide en générale. Et finalement, ces petits travaux permettaient de se resocialiser car plutôt que d’assister totalement les gens, ils les faisaient participer à leur propre entraide. De plus et peut-être surtout, ce lieu était ouvert toute la journée, les gens ne se retrouvaient donc pas dehors au petit matin et il était devenu un véritable centre associatif où de nombreuses autres activités voyaient le jour.
Bientôt, une fois l’auberge pratiquement autogérée financièrement et humainement par les gens eux-mêmes, Sandra commença d’organiser, avec l’aide de Charlotte, la phase suivante. On allait occuper tous ces gens. Non pas les payer comme ce n’était pas possible mais les faire travailler tout de même. Et là encore, la solidarité et la réussite permettraient d’aller encore plus loin. Il s’agissait de rénover.
En effet, après avoir rencontré une nouvelle fois le propriétaire et la municipalité, Sandra s’entendit avec eux sur la possibilité de restaurer cette propriété gratuitement à condition qu’ils livrent le matériel et paient les outils. Le bâtiment était assez grand, il comprenait plusieurs étages où ils avaient commencé par aménager succinctement des chambres et des lieux de vie dont le restaurant. Dans un premier temps, ils effectueraient les travaux simples : peintures, parquets, décorations, mais qui donneraient un peu de vie à ces pièces depuis trop longtemps inhabitées.
Mais bientôt, avec l’aide bénévole d’anciens artisans, les gens qui étaient dans la rue quelques mois plus tôt, ou exclus de n’importe quel façon, se formèrent et s’attaquèrent à l’électricité, à la plomberie et au gros œuvre. Et c’était beau de voir tous ces gens, parfois revenants de loin, travailler ensemble pour faire du neuf, pour faire du beau, pour s’aménager un petit chez eux.
Ces personnes qui n’avaient plus rien, trouvaient avec ce fonctionnement une occupation, une socialisation, aussi à manger et un lit où dormir. C’était cela le deal. C’était mieux que rien et pour les autorités, il ne s’agissait pas de travail au noir puisque l’on ne parlait pas d’argent.
Ce projet marcha très bien à tel point qu’ils cherchèrent de nouveaux lieux à rénover. Aussi les gens du coin, les plus pauvres mais qui avaient quand même un toit, les personnes âgées surtout, et qui faisaient confiance à l’association, ce que ne faisait pas tout le monde, voyaient ces travailleurs arriver chez eux, et tranquillement et avec le sourire, amenaient à bien les réparations ou les restaurations demandées. C’était devenu une véritable activité. Elle était gratuite ou en échange de menus services rendus à l’association par différents moyens comme des dons de matériels, d’anciens outils, de vieilles machines qu’on réparait etc..
Ces travailleurs « gratuits » eurent bientôt, pour les plus jeunes et les plus ambitieux, avec cette formation pratique, et les contacts qu’ils s’étaient crées avec le temps, la possibilité de voler de leurs propres ailes, de gagner un peu d’argent individuellement, voir de monter une société pour certain. Ils avaient progressivement réintégré le système.
Mais curieusement, la majeure partie d’entre eux ne le firent pas. Ils avaient trouvé au sein de l’association, et même s’ils ne gagnaient pas d’argent, une façon de vivre qui leur plaisait. Les lieux d’hébergements s’étaient aussi beaucoup améliorés. Ils participaient tous aux repas, aux veillés, aux jeux de cartes et autres, ils étaient ensemble, ils étaient nombreux et ils étaient biens. L’entraide les tenait solidaires. Les anciens SDF étaient les premiers à accueillir et à aider les nouveaux venus. Bientôt, il n’y eut plus de sans-abri dans le quartier. Même les plus solitaires avaient trouvé dans cette ambiance une chaleur qu’ils avaient du mal à quitter pour retourner à leur isolement parfois volontaire. Même les plus abrutis par l’alcool, la violence et la dureté de leur vie, retrouvaient, parfois c’est vrai avec d’immenses difficultés, une vie un peu plus saine et moins fatale. Ils n’attendaient plus seulement la mort et on pouvait les surprendre à sourire alors qu’ils épluchaient des pommes de terre pendant que d’autres, à leurs activités, faisaient les clowns ou racontaient des obscénités.
Sandra, encore dirigeante de l’association, y participait de moins en moins. Elle avait un autre projet plus ambitieux et qui lui accaparait tout son temps. Peu à peu, elle avait confié ses responsabilités à Charlotte et à d’autres personnes capables de les assumer. Elle leur avait donné les prochaines étapes, avait élaboré avec eux un plan et un calendrier. Il ne restait plus qu’à agir.
En effet, Charlotte peu à peu sortait de sur la Lune, rêvait moins au Laos et à Lolcity. Car à son arrivée, lui confier les tâches les plus anodines avait été laborieux, mais surtout lui faire redécouvrir la lutte, l’ambition, et imaginer une vision future au projet qu’elle devait pour cela s’approprier. Mais le temps et Sandra réussirent à la rendre plus active et plus concernée. A faire réapparaître la vie tangible à son esprit.
Elle lui confia donc comme principale tâche d’établir des auberges dans d’autres quartiers, voir d’autres villes. Le but était de rencontrer de jeunes associatifs convaincus par le projet et de le leur faire construire chez eux. Voir être encore plus imaginatif. Mais surtout commencer doucement, le but n’étant pas de devenir une entreprise lucrative mais de faire quitter les gens des rues la nuit, en faisant participer avant tout ceux qui étaient seuls. Charlotte, devant la tâche immense mais si bienfaisante, redevint bientôt la battante qu’on connaissait et passa ses longues journées à organiser ces arches de Noé qui s’élaborèrent de quartier en quartier et de ville en ville.
Le soir, lorsqu’elles étaient ensemble, ce qui était rare tant leurs occupations à chacune les mobilisaient, Charlotte découvrait ce que Sandra réalisait de son côté. Celle-ci commença de lui livrer ses secrets qui n’en n’étaient d’ailleurs pas vraiment, une fois seulement qu’ils furent réellement existants, palpables.
Elle avait créé une nouvelle association qui, celle là, était politique. Comme Charlotte s’en aperçut rapidement, son engagement était extrême si on le comparait à l’inanition des personnalités actuelles. Charlotte hallucinait devant la cohérence de ses propos, l’étendue de ses connaissances et la persuasion avec laquelle elle hypnotisait les gens et leur retournait le cerveau. Quand Charlotte lui demanda comment elle en était arrivée là car il était évident que dans ses lettres, elle ne lui avait pas tout dit. Sandra expliqua ce qu’elle avait fait en Afrique, tout ce qu’elle avait appris et avec qui, enfin où elle s’était rendue pour le réseau, ce qu’il était et ce qu’elle réalisait encore pour lui.
- Je savais bien que tu allais finir par te politiser Sandra, lui dit Charlotte. D’ailleurs je suis heureuse non seulement parce que je te sens épanouie, comme j’espérais que tu le deviennes un jour, même si ça n’a pas été grâce à moi comme je me l’étais promise, mais de plus je trouve tes actions vraiment généreuses et fortes.
- Tu te trompes Charlotte, c’est bien grâce à toi, lui répondit Sandra. Tu ne m’aurais pas traîner comme un boulet en Thaïlande, tu ne m’aurais pas fait découvrir ce monde du voyage, tous tes amis, les associations, etc., je ne me serais jamais engagée dans ce réseau et je ne serais jamais devenue celle que je suis aujourd’hui. Et je dois t’en remercier. Et tous ces gens qui vont s’en sortir grâce à l’association peuvent te remercier aussi. Tu m’as montré le chemin.
Charlotte était assise sur le canapé pendant que Sandra repassait son tailleur des grands jours. Il était déjà tard et elles étaient toutes deux fatiguées. Charlotte baissa la voix :
- Sandra, je ne suis pas très fière, tu le sais. J’ai honte de t’avoir piqué Markus et vivre chez toi aujourd’hui. Alors que tu m’as recueilli comme une malheureuse.
- Tu n’as pas à dire cela Charlotte, tu ne m’as rien volé. Nous ne sommes plus des gamines. C’est toi que je devrais remercier d’avoir soutenu Markus même s’il était évident qu’il se passe quelque chose entre vous.
- J’ai honte tout de même. Et je dois t’avouer quelque chose.
- Crois-tu vraiment que ce soit nécessaire, soupira Sandra..
- Pour moi oui, mais tu ne voudras sans doute pas le croire.
- Je ne voudrais surtout rien savoir.
- Il le faut pourtant :
« Simon a été fait quelques jours seulement après ton départ. Nous étions soûls avec Markus. Lolcity partait en couille. Ensuite, quand je lui ai appris que j’étais enceinte, il était désespéré. Nous n’avons jamais vécu ensemble. Il n’a jamais cesser de t’aimer. Nous avons couché ensemble qu’une seule fois cette nuit-là. Et aujourd’hui, s’il aime tant Simon, je crois que c’est en ton honneur, comme si c’est toi qui lui avait donné ce fils. C’est trop dur pour moi de dire cela. Je ne l’ai jamais accepté. C’est pour ça que je suis partie. »
Sandra regarda Charlotte et vit dans ses yeux plus que de la tristesse. Peut-être de la haine. Elle avait aimé Markus. Elle avait porté son enfant. Aujourd’hui, elle vivait chez celle qui avait été la cause de ses malheurs. Mais dans ses yeux, il y avait aussi cette immense douceur. Cette résignation naturelle.
Sandra lâcha son fer et vint s’asseoir près d’elle. Puis, elle posa sa main dans la sienne avant de la prendre dans ses bras et de la serrer très fort. Elles n’étaient pas égales devant la douleur. Elles ne l’étaient plus. Les larmes de Charlotte coulaient, Sandra avaient les yeux secs.
CHAPITRE 3 : L'ACCOMPLISSEMENT
L’interphone sonna. Sandra ouvrit, c’était Charlotte. Les deux amies se prirent dans les bras. Charlotte ne put retenir ses larmes. Sensible. Sandra n’était pas sans le savoir. Par lettre, elle lui avait appris sa relation avec Markus, leur enfant : Simon. Enfin leur séparation et le retour de Charlotte sans son fils en France.
- Bonjour ma Charlotte, je suis si heureuse de te revoir !
- Moi aussi Sandra.
Un temps. Charlotte essuyait ses larmes.
- Comme tu as changé, dit-elle en la regardant, tu as l’air de quelqu’un qui vient de se battre sur un ring et a vaincu. Quel regard Sandra !
- Et toi, tu as des yeux emplis de souffrance, je suis désolée Charlotte.
Un temps, silence lourd de chagrin et de honte.
- Ce n’est pas si grave, se reprit-elle en levant la tête. Markus sera un bon père et moi j’irai souvent les voir. Nous ne sommes pas fâchés. Il est triste aussi de me faire souffrir. Mais lorsque l’on ne s’aime pas, mieux vaut partir. Je ne regretterai jamais rien et j’ai fait le choix moi-même de laisser Simon là-bas. Markus n’a pas eu a insisté. Il sera heureux.
- Que comptes-tu faire maintenant ?
- Peut-être l’Inde, j’ai un contact là-bas, un orphelinat.
Ce n’était pas une très bonne idée, pensait Sandra. Repartir si vite pour s’occuper d’autres enfants quand on souffre de l’absence physique de son fils. Aussi, cette fuite pouvait se révéler encore plus dure. Sandra habitait un petit appartement en banlieue. Elle y était très bien et il y avait de la place pour une amie. Un retour aux sources, en France, près de ses proches, de sa famille, en revanche pouvait aider Charlotte.
- Tu n’as pas donné de réponse encore Charlotte ?
- Non, pas encore.
- J’ai peut-être quelque chose d’autre à te proposer si tu veux.
- Ah oui, cette histoire d’ONG en Afrique ?
- Non, pas en Afrique, en France
- C’était quoi cette ONG ?
- Je te raconterai. Viens voir ce que je t’ai ramené : un petit cadeau.
- C’est gentil Sandra, il ne fallait pas. Alors, tu pensais à moi. Mais raconte-moi. J’ai l’impression que tu me caches des choses. Ça c’est mal passé ?
- Allons, qu’est-ce que tu vas imaginer. Non, ça s’est très bien passé. Mais ça risque juste d’être long à te raconter. D’abord, je vais te parler de mes projets actuels. Tu sais déjà que je travaille dans une association, ici à Paris. D’ailleurs c’est avec elle que je proposerai ta candidature. On va certainement avoir besoin d’une autre personne dans l’encadrement.
- Pourquoi pas. C’est vrai que je n’ai pas très envie de partir en Inde.
- Aussi, je te propose de squatter chez moi, ça te dit ?
- Je ne sais pas, ça ne te dérange pas ?
- Non, bien sûr que non Charlotte, ça me ferait vraiment plaisir.
- Merci Sandra. Pour le moment, je vais rester chez mes parents. Ils sont très heureux de me retrouver. Mais enfin, je te remercie de ta proposition et je vais réfléchir.
- Comme tu veux, et lorsqu’on sera toutes les deux je te parlerai de tout ça.
- Ok Sandra, à bientôt alors.
Quelques jours plus tard, Charlotte vint vivre chez Sandra. La proximité d’une amie rendait ses jours moins tristes. Ainsi, elle avait eu les mêmes sensations que Sandra lors de son premier retour en France. A savoir qu’il est difficile de rentrer chez ses parents lors d’une période malheureuse où l’on avait perdu la confiance en soi. Bien que l’amour de la famille était très important, elle avait eu l’impression de repartir de zéro. Et s’était sentie si nulle qu’elle avait préféré rejoindre son amie au plus tôt.
En réalité, et bien que Sandra ne s’en soit pas vantée, c’était elle qui avait mis en place cette association. De plus, elle ne se limitait pas à un simple acte de bonne foi. C’était une véritable entreprise qui attirait chaque jour de nouvelles personnes.
Il s’agissait en premier lieu d’une auberge où chacun pouvait passer la nuit. C’était un bâtiment privé qui avait été plus ou moins abandonné faute de moyens pour l’entretenir par son propriétaire. Sandra, en montant son projet avait convaincu la municipalité de participer à sa location. De plus, elle leur avait expliquée comment, une fois le fonctionnement entamé, son projet et leur aide financière si anodine soit-elle, deviendraient de véritables tremplins pour les gens, n’importe lesquels, mais évidemment surtout les plus démunis.
Le fonctionnement été simple. Il touchait toutes les personnes environnantes. Celles dans le besoin imminent et les autres, dans le besoin aussi mais surtout de chaleur et d’humanité. En effet, bon nombres de retraités et d’oisifs s’étaient rendus une fois dans l’association et y passaient maintenant leur temps. Tous les jours, une partie des personnes organisait et préparait les repas. Une simple soupe, des légumes, du pain. En faite, ce que la charité publique avait bien voulu leur donner. Ces repas étaient gratuits tout comme l’hébergement. Seulement ceux qui le désiraient et ceux qui en avaient les moyens pouvaient contribuer en donnant de l’argent. Le plus important était que chacun participe à sa préparation ou à son élaboration de quelque façon que ce soit
Mais bientôt, l’association put, par des actes solidaires, faire participer des entreprises, des agriculteurs et des boulangeries qui leur donnaient ce qu’ils ne pouvaient pas forcément vendre ou n’étaient pas rentable. Du coup, l’auberge devint un véritable restaurant où l’on trouvait les pauvres, mais aussi de plus en plus d’ouvriers et de personnes seules chez elles encore une fois, qui trouvaient y manger très bien et étaient heureuses de participer à hauteur de quelques euros.
Enfin, pour l’hébergement, il y avait des règles que les plus socialement exclus venaient doucement à observer. Il s’agissait de se laver avant de se coucher. Il s’agissait aussi de participer à la propreté des chambres et des lits, au lavage, puis à la vaisselle et à l’aide en générale. Et finalement, ces petits travaux permettaient de se resocialiser car plutôt que d’assister totalement les gens, ils les faisaient participer à leur propre entraide. De plus et peut-être surtout, ce lieu était ouvert toute la journée, les gens ne se retrouvaient donc pas dehors au petit matin et il était devenu un véritable centre associatif où de nombreuses autres activités voyaient le jour.
Bientôt, une fois l’auberge pratiquement autogérée financièrement et humainement par les gens eux-mêmes, Sandra commença d’organiser, avec l’aide de Charlotte, la phase suivante. On allait occuper tous ces gens. Non pas les payer comme ce n’était pas possible mais les faire travailler tout de même. Et là encore, la solidarité et la réussite permettraient d’aller encore plus loin. Il s’agissait de rénover.
En effet, après avoir rencontré une nouvelle fois le propriétaire et la municipalité, Sandra s’entendit avec eux sur la possibilité de restaurer cette propriété gratuitement à condition qu’ils livrent le matériel et paient les outils. Le bâtiment était assez grand, il comprenait plusieurs étages où ils avaient commencé par aménager succinctement des chambres et des lieux de vie dont le restaurant. Dans un premier temps, ils effectueraient les travaux simples : peintures, parquets, décorations, mais qui donneraient un peu de vie à ces pièces depuis trop longtemps inhabitées.
Mais bientôt, avec l’aide bénévole d’anciens artisans, les gens qui étaient dans la rue quelques mois plus tôt, ou exclus de n’importe quel façon, se formèrent et s’attaquèrent à l’électricité, à la plomberie et au gros œuvre. Et c’était beau de voir tous ces gens, parfois revenants de loin, travailler ensemble pour faire du neuf, pour faire du beau, pour s’aménager un petit chez eux.
Ces personnes qui n’avaient plus rien, trouvaient avec ce fonctionnement une occupation, une socialisation, aussi à manger et un lit où dormir. C’était cela le deal. C’était mieux que rien et pour les autorités, il ne s’agissait pas de travail au noir puisque l’on ne parlait pas d’argent.
Ce projet marcha très bien à tel point qu’ils cherchèrent de nouveaux lieux à rénover. Aussi les gens du coin, les plus pauvres mais qui avaient quand même un toit, les personnes âgées surtout, et qui faisaient confiance à l’association, ce que ne faisait pas tout le monde, voyaient ces travailleurs arriver chez eux, et tranquillement et avec le sourire, amenaient à bien les réparations ou les restaurations demandées. C’était devenu une véritable activité. Elle était gratuite ou en échange de menus services rendus à l’association par différents moyens comme des dons de matériels, d’anciens outils, de vieilles machines qu’on réparait etc..
Ces travailleurs « gratuits » eurent bientôt, pour les plus jeunes et les plus ambitieux, avec cette formation pratique, et les contacts qu’ils s’étaient crées avec le temps, la possibilité de voler de leurs propres ailes, de gagner un peu d’argent individuellement, voir de monter une société pour certain. Ils avaient progressivement réintégré le système.
Mais curieusement, la majeure partie d’entre eux ne le firent pas. Ils avaient trouvé au sein de l’association, et même s’ils ne gagnaient pas d’argent, une façon de vivre qui leur plaisait. Les lieux d’hébergements s’étaient aussi beaucoup améliorés. Ils participaient tous aux repas, aux veillés, aux jeux de cartes et autres, ils étaient ensemble, ils étaient nombreux et ils étaient biens. L’entraide les tenait solidaires. Les anciens SDF étaient les premiers à accueillir et à aider les nouveaux venus. Bientôt, il n’y eut plus de sans-abri dans le quartier. Même les plus solitaires avaient trouvé dans cette ambiance une chaleur qu’ils avaient du mal à quitter pour retourner à leur isolement parfois volontaire. Même les plus abrutis par l’alcool, la violence et la dureté de leur vie, retrouvaient, parfois c’est vrai avec d’immenses difficultés, une vie un peu plus saine et moins fatale. Ils n’attendaient plus seulement la mort et on pouvait les surprendre à sourire alors qu’ils épluchaient des pommes de terre pendant que d’autres, à leurs activités, faisaient les clowns ou racontaient des obscénités.
Sandra, encore dirigeante de l’association, y participait de moins en moins. Elle avait un autre projet plus ambitieux et qui lui accaparait tout son temps. Peu à peu, elle avait confié ses responsabilités à Charlotte et à d’autres personnes capables de les assumer. Elle leur avait donné les prochaines étapes, avait élaboré avec eux un plan et un calendrier. Il ne restait plus qu’à agir.
En effet, Charlotte peu à peu sortait de sur la Lune, rêvait moins au Laos et à Lolcity. Car à son arrivée, lui confier les tâches les plus anodines avait été laborieux, mais surtout lui faire redécouvrir la lutte, l’ambition, et imaginer une vision future au projet qu’elle devait pour cela s’approprier. Mais le temps et Sandra réussirent à la rendre plus active et plus concernée. A faire réapparaître la vie tangible à son esprit.
Elle lui confia donc comme principale tâche d’établir des auberges dans d’autres quartiers, voir d’autres villes. Le but était de rencontrer de jeunes associatifs convaincus par le projet et de le leur faire construire chez eux. Voir être encore plus imaginatif. Mais surtout commencer doucement, le but n’étant pas de devenir une entreprise lucrative mais de faire quitter les gens des rues la nuit, en faisant participer avant tout ceux qui étaient seuls. Charlotte, devant la tâche immense mais si bienfaisante, redevint bientôt la battante qu’on connaissait et passa ses longues journées à organiser ces arches de Noé qui s’élaborèrent de quartier en quartier et de ville en ville.
Le soir, lorsqu’elles étaient ensemble, ce qui était rare tant leurs occupations à chacune les mobilisaient, Charlotte découvrait ce que Sandra réalisait de son côté. Celle-ci commença de lui livrer ses secrets qui n’en n’étaient d’ailleurs pas vraiment, une fois seulement qu’ils furent réellement existants, palpables.
Elle avait créé une nouvelle association qui, celle là, était politique. Comme Charlotte s’en aperçut rapidement, son engagement était extrême si on le comparait à l’inanition des personnalités actuelles. Charlotte hallucinait devant la cohérence de ses propos, l’étendue de ses connaissances et la persuasion avec laquelle elle hypnotisait les gens et leur retournait le cerveau. Quand Charlotte lui demanda comment elle en était arrivée là car il était évident que dans ses lettres, elle ne lui avait pas tout dit. Sandra expliqua ce qu’elle avait fait en Afrique, tout ce qu’elle avait appris et avec qui, enfin où elle s’était rendue pour le réseau, ce qu’il était et ce qu’elle réalisait encore pour lui.
- Je savais bien que tu allais finir par te politiser Sandra, lui dit Charlotte. D’ailleurs je suis heureuse non seulement parce que je te sens épanouie, comme j’espérais que tu le deviennes un jour, même si ça n’a pas été grâce à moi comme je me l’étais promise, mais de plus je trouve tes actions vraiment généreuses et fortes.
- Tu te trompes Charlotte, c’est bien grâce à toi, lui répondit Sandra. Tu ne m’aurais pas traîner comme un boulet en Thaïlande, tu ne m’aurais pas fait découvrir ce monde du voyage, tous tes amis, les associations, etc., je ne me serais jamais engagée dans ce réseau et je ne serais jamais devenue celle que je suis aujourd’hui. Et je dois t’en remercier. Et tous ces gens qui vont s’en sortir grâce à l’association peuvent te remercier aussi. Tu m’as montré le chemin.
Charlotte était assise sur le canapé pendant que Sandra repassait son tailleur des grands jours. Il était déjà tard et elles étaient toutes deux fatiguées. Charlotte baissa la voix :
- Sandra, je ne suis pas très fière, tu le sais. J’ai honte de t’avoir piqué Markus et vivre chez toi aujourd’hui. Alors que tu m’as recueilli comme une malheureuse.
- Tu n’as pas à dire cela Charlotte, tu ne m’as rien volé. Nous ne sommes plus des gamines. C’est toi que je devrais remercier d’avoir soutenu Markus même s’il était évident qu’il se passe quelque chose entre vous.
- J’ai honte tout de même. Et je dois t’avouer quelque chose.
- Crois-tu vraiment que ce soit nécessaire, soupira Sandra..
- Pour moi oui, mais tu ne voudras sans doute pas le croire.
- Je ne voudrais surtout rien savoir.
- Il le faut pourtant :
« Simon a été fait quelques jours seulement après ton départ. Nous étions soûls avec Markus. Lolcity partait en couille. Ensuite, quand je lui ai appris que j’étais enceinte, il était désespéré. Nous n’avons jamais vécu ensemble. Il n’a jamais cesser de t’aimer. Nous avons couché ensemble qu’une seule fois cette nuit-là. Et aujourd’hui, s’il aime tant Simon, je crois que c’est en ton honneur, comme si c’est toi qui lui avait donné ce fils. C’est trop dur pour moi de dire cela. Je ne l’ai jamais accepté. C’est pour ça que je suis partie. »
Sandra regarda Charlotte et vit dans ses yeux plus que de la tristesse. Peut-être de la haine. Elle avait aimé Markus. Elle avait porté son enfant. Aujourd’hui, elle vivait chez celle qui avait été la cause de ses malheurs. Mais dans ses yeux, il y avait aussi cette immense douceur. Cette résignation naturelle.
Sandra lâcha son fer et vint s’asseoir près d’elle. Puis, elle posa sa main dans la sienne avant de la prendre dans ses bras et de la serrer très fort. Elles n’étaient pas égales devant la douleur. Elles ne l’étaient plus. Les larmes de Charlotte coulaient, Sandra avaient les yeux secs.
Dilo- Nombre de messages : 65
Age : 46
Date d'inscription : 08/02/2010
Re: Passion dissidente
Dilo, j'ai bien aimé suivre les aventures de Sandra en asie du Sud Est. Mon avis : je m'attacherai et étoffer cette partie en ajoutant des descriptions, des personnages Lao ou Hmong avec des situations d'échanges et de relations avec la colonie de Lolcity. Profitez du décor pour intégrer leur point de vue, ça serait une ouverture dans cette histoire très occidentale. J'ai un peu décroché sur la suite des aventures de Sandra en agent secrète.
Jean Lê- Nombre de messages : 591
Age : 65
Localisation : Bretagne
Date d'inscription : 22/11/2010
Plagiat
Bonjour,
Juste un mot pour informer que des passages entiers de ce texte, ceux se déroulant dans les forêts du nord-Laos, ont été tout simplement recopiés (très souvent mot pour mot, parfois à peine "ré-agencés" pour les besoins de la fiction) depuis un de mes modestes (mais réel, non fictionnel !) carnets de voyage. Cela a été fait sans mon accord, et sans que j'en sois informé. L'original est visible ici :
voyageforum.com/v.f?post=1495745 (rajouter les 3 "w" devant le lien car, en tant que nouveau membre ici, je n'ai pas le droit d'intégrer un lien web dans mon message).
Merci de votre attention,
321
Florilège des pires passages incriminés :
Là, ne sont que forêts primaires sur quatre vingt dix-huit pour cent de la surface et il n'y a presque aucun sentier permettant d'y pénétrer. J’ai appris très récemment qu’au moins deux villages de populations Hmong, s'y trouveraient. C'est là qu'il faut absolument aller.
(…)
L’altitude des monts entourant Phongsaly ne dépassent pas deux mille mètres mais le relief est très accidenté, escarpé, pentu. Il n’y avait pas un arpent de terre plate. Ils montaient et descendaient toujours, inévitablement.
(…)
Ils étaient quatre sur la pirogue, un des hommes se trouvait à l'arrière au moteur et gouvernail, l'autre devant, souvent debout, en équilibre à l'extrême proue à sonder les fonds rocheux à l'aide d'une longue perche en bambou.
(…)
il n’y avait là qu’un hameau d'une dizaine de très misérables baraques sur pilotis. Les villageois étaient désemparés face à leur arrivée, d'autant que beaucoup d'hommes semblaient absents. De plus, Lionel n’arrivait pas à se faire comprendre. Enfin, un monsieur âgé quitta sa minuscule échoppe et vint à leur secours. Après quelques minutes de palabres, ils se dirigèrent ensemble vers la rive pour observer les embarcations disponibles. Il n'y avait que trois pirogues dans ce village et l’une d'entre elles semblait définitivement hors d'état de flotter. Sculptées à la hache, dans un seul tronc de bois, elles étaient destinées à des déplacements de proximité, pour la pêche.
(…)
Un peu plus loin, ils cassèrent l'hélice du moteur. Heureusement, une de rechange avait été emportée. La réparation et le remplacement de l'objet s'effectua dans l'eau en quelques minutes seulement.
(…)
Les Hmong sont les meilleurs producteurs d'opium. La plupart des hommes sont partis, pour plusieurs jours, travailler dans les champs de pavot installés en altitude au milieu de la forêt, et à des emplacements connus d'eux seuls. C’est une source de revenu bien plus importante que celle du riz.
(…)
Cet homme était aussi chaman. Dans la soirée, il effectua un rituel de guérison : assis près du foyer, il tenait une dent d'ours dans chaque main. Il cracha alors dessus puis les porta au-dessus des flammes en marmonnant des sons, en psalmodiant des paroles incompréhensibles. Enfin, il caressa avec les dents fumantes sous les aisselles d'un jeune homme assis en face de lui, d'où des croûtes et une infection s'étendaient dangereusement. Puis les mêmes gestes furent répétés sur l'œil d'un bébé porté par sa mère, dont la paupière inférieure était bleuâtre et surtout enflée de manière inquiétante.
- Dans quelques jours ou semaines peut-être, dit Lionel, mais en tout cas comme d'habitude lorsqu'il sera déjà trop tard, et aussi lorsqu’ils parviendront à réunir la somme nécessaire, ils se décideront, après constat de l'inévitable échec de la sorcellerie, à effectuer le voyage vers le petit hôpital de Phongsaly.
(…)
Le lendemain, ils avaient embarqué une dizaine d’hélices, un fusil, des gamelles, deux jerricans d'essence, de la nourriture, des machettes, des cordages
(…)
Rapidement, après seulement vingt minutes de navigation, le ton fut donné : au détour d'un coude, des rapides démentiels leur faisaient face.
(…)
La pirogue s'élança en pleine puissance, le moteur vrombissait et crachait une fumée noire et épaisse. Le premier homme maniait la perche de bambou à une allure folle pour en permanence sonder les fonds, détecter les rochers et conseiller les voies à prendre. Les deux autres ramaient comme des forcenés, à une vitesse démentielle. Il fallait parfois se faufiler entre d'énormes rochers. Ces passages étaient les plus délicats car les masses d'eau canalisées s’opposaient à eux de toute leur violence.
(…)
Après environ une heure de rapides de moindres importances mais aussi de zones de calme, un sourd grondement se fit entendre. À trois cents mètres au devant, l'énorme masse d'eau tombait, dévalait sur eux. Pour Sandra, c'était clair, on ne passerait pas. Les hommes criaient d'un bout à l'autre de l'embarcation. Après plusieurs minutes de palabres, ils prirent une décision : il fallait alléger la pirogue et protéger les étrangers. Sandra et Lionel se virent alors déposer sur les rochers avec la consigne de longer la rivière. En cas d'éventuel accident, on leur avait laissé leur sac et celui du grand-père. Des hommes partirent faire une reconnaissance. Ils tentaient d’estimer ce qu'il était possible de faire. Sandra et Lionel sautaient de rochers en rochers. Du haut de leur promontoire, ils observaient la scène terrible et hallucinante qui se passait dans l’eau. Les quatre hommes halaient la pirogue à l'aide de cordes. Ils se tenaient sur les rochers émergeant, s'agrippaient en luttant contre l'impressionnante violence du courant qui les submergeait presque. C'était un spectacle ahurissant, semblant d'un autre âge. Dans ce passage, c’était des remous terribles, des cascades, des explosions d'eau permanentes. Tous les hommes y dépensaient une énergie incroyable à avancer, centimètre par centimètre. Après une heure de combat contre les forces de la nature, ils relancèrent le moteur et à nouveau à pleine puissance, passèrent en force les derniers rapides. Là oui, tout au long de cette opération, il y avait eu réels dangers de mort et cette fois Lionel regrettait de les avoir tous embarqué dans cette aventure.
(…)
Dans ces autres passages de gros rapides, il fallait parfois encore haler l'embarcation mais le plus souvent, ainsi allégés, les quatre navigateurs restants passaient en force, le moteur à pleine puissance et la rame et la perche de bambou maniées à des allures frénétiques. Les quatre hommes, en short et torses nus, possédaient des musculatures très développées de tout leur corps, des muscles saillants incroyablement sous l'effort. C’était de véritables prouesses qu'ils réalisaient.
(…)
Partout, de part et d'autres de la rivière, c’était deux frondaisons, très pentues et accidentées, de verdure. Les arbres géants étaient situés un peu plus en hauteur car, juste sur les berges, ils n'avaient pas le temps de croître, emportés par les puissantes crues annuelles. Nature riche, dense, variée, intacte, primaire. Il n'y avait pas une seule trace humaine, pas un seul village, pas même une hutte, pas un seul départ de sentier, pas une seule culture de visible sur les flancs des montagnes alentours. Ce n’était que des arbres gigantesques, des forêts de bambous géants qui s'élançaient en hauts panaches et d’envahissantes lianes et plantes rampantes. Quand un petit ruisseau se jetait là dans la rivière, il formait une baie protectrice où l’on pouvait débarquer. Les hommes en profitaient alors pour écoper, inspecter et bricoler la pirogue
(…)
De nouveau, alternativement, des zones de calme et de rapides. Soudain, en pleine lutte contre le courant, l’hélice se rompit. L'embarcation partit alors à la dérive. Les hommes tentèrent de la contrôler à la force des bras. Mais ils s'échouèrent violemment contre deux rochers émergeant.
(…)
Au menu, une partie des cinq kilos de riz gluant cuit, emporté dans le traditionnel pot de vannerie de bambou et les poissons tout juste pêchés. Mais deux des hommes, équipés du fusil, s'enfoncèrent dans la forêt, par le creux du dense talweg déversant ici un petit ruisseau. Vingt minutes passèrent et Bang ! Un coup de feu. Enfin, ils réapparurent traînant un jeune cerf sur leurs épaules. La bête fut immédiatement dépecée. Un feu était déjà allumé. Ils cuirent puis mangèrent les parties les plus périssables de l'animal : les abats, les tripes, le foie, cœur et poumons sur deux feuilles de bananier posées au sol qui leur servaient de table et où ils trempaient les boulettes de riz gluant dans la sauce coagulante de viande. Pour tout dire, ils se gavèrent mais les hommes avaient besoin de reprendre des forces. Une fois repu, l’un d’eux fit une prière tout en déposant sur un rocher tout proche un peu de riz, quelques morceaux de viande et trois gros bâtons d’encens. Ce rituel était destiné à ne pas fâcher les esprits de la forêt d'avoir prélevé un animal.
(…)
Derrière eux, quelques feuilles de bananiers souillées, un foyer encore fumant et le plus gros rocher du lieu dégoulinant de sang.
(…)
Ils burent du lao lao, de l'alcool de riz et, fatigue aidant, furent vite ivres. Les deux plus jeunes piroguiers, heureux de la perspective de s'encanailler, entraînèrent Lionel avec eux. Celui-ci paya des bières afin d’aller taquiner des phou sào, des jeunes filles, les vendeuses de l'échoppe chinoise. Pour se faire, il leur paya des bonbons vietnamiens périmés.
< 07-08-2011 : En effet, le lien http://www.voyageforum.com/v.f?post=1495745 montre une réelle antériorité de votre texte quant à la diffusion de celui-ci sur VE par le membre Dilo.
En attendant d'en savoir plus et que la situation soit éclaircie, ce fil est verrouillé.
Merci à "321" d'avoir contacté la Modération.
Nous vous tiendrons informé.
La Modération >
.
< 12-08-2011 : Après contact avec l'auteur de ce sujet, réponse très claire de sa part et information à votre attention, l'incident est clos pour nous et le sujet déverrouillé.
La Modération >
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Juste un mot pour informer que des passages entiers de ce texte, ceux se déroulant dans les forêts du nord-Laos, ont été tout simplement recopiés (très souvent mot pour mot, parfois à peine "ré-agencés" pour les besoins de la fiction) depuis un de mes modestes (mais réel, non fictionnel !) carnets de voyage. Cela a été fait sans mon accord, et sans que j'en sois informé. L'original est visible ici :
voyageforum.com/v.f?post=1495745 (rajouter les 3 "w" devant le lien car, en tant que nouveau membre ici, je n'ai pas le droit d'intégrer un lien web dans mon message).
Merci de votre attention,
321
Florilège des pires passages incriminés :
Là, ne sont que forêts primaires sur quatre vingt dix-huit pour cent de la surface et il n'y a presque aucun sentier permettant d'y pénétrer. J’ai appris très récemment qu’au moins deux villages de populations Hmong, s'y trouveraient. C'est là qu'il faut absolument aller.
(…)
L’altitude des monts entourant Phongsaly ne dépassent pas deux mille mètres mais le relief est très accidenté, escarpé, pentu. Il n’y avait pas un arpent de terre plate. Ils montaient et descendaient toujours, inévitablement.
(…)
Ils étaient quatre sur la pirogue, un des hommes se trouvait à l'arrière au moteur et gouvernail, l'autre devant, souvent debout, en équilibre à l'extrême proue à sonder les fonds rocheux à l'aide d'une longue perche en bambou.
(…)
il n’y avait là qu’un hameau d'une dizaine de très misérables baraques sur pilotis. Les villageois étaient désemparés face à leur arrivée, d'autant que beaucoup d'hommes semblaient absents. De plus, Lionel n’arrivait pas à se faire comprendre. Enfin, un monsieur âgé quitta sa minuscule échoppe et vint à leur secours. Après quelques minutes de palabres, ils se dirigèrent ensemble vers la rive pour observer les embarcations disponibles. Il n'y avait que trois pirogues dans ce village et l’une d'entre elles semblait définitivement hors d'état de flotter. Sculptées à la hache, dans un seul tronc de bois, elles étaient destinées à des déplacements de proximité, pour la pêche.
(…)
Un peu plus loin, ils cassèrent l'hélice du moteur. Heureusement, une de rechange avait été emportée. La réparation et le remplacement de l'objet s'effectua dans l'eau en quelques minutes seulement.
(…)
Les Hmong sont les meilleurs producteurs d'opium. La plupart des hommes sont partis, pour plusieurs jours, travailler dans les champs de pavot installés en altitude au milieu de la forêt, et à des emplacements connus d'eux seuls. C’est une source de revenu bien plus importante que celle du riz.
(…)
Cet homme était aussi chaman. Dans la soirée, il effectua un rituel de guérison : assis près du foyer, il tenait une dent d'ours dans chaque main. Il cracha alors dessus puis les porta au-dessus des flammes en marmonnant des sons, en psalmodiant des paroles incompréhensibles. Enfin, il caressa avec les dents fumantes sous les aisselles d'un jeune homme assis en face de lui, d'où des croûtes et une infection s'étendaient dangereusement. Puis les mêmes gestes furent répétés sur l'œil d'un bébé porté par sa mère, dont la paupière inférieure était bleuâtre et surtout enflée de manière inquiétante.
- Dans quelques jours ou semaines peut-être, dit Lionel, mais en tout cas comme d'habitude lorsqu'il sera déjà trop tard, et aussi lorsqu’ils parviendront à réunir la somme nécessaire, ils se décideront, après constat de l'inévitable échec de la sorcellerie, à effectuer le voyage vers le petit hôpital de Phongsaly.
(…)
Le lendemain, ils avaient embarqué une dizaine d’hélices, un fusil, des gamelles, deux jerricans d'essence, de la nourriture, des machettes, des cordages
(…)
Rapidement, après seulement vingt minutes de navigation, le ton fut donné : au détour d'un coude, des rapides démentiels leur faisaient face.
(…)
La pirogue s'élança en pleine puissance, le moteur vrombissait et crachait une fumée noire et épaisse. Le premier homme maniait la perche de bambou à une allure folle pour en permanence sonder les fonds, détecter les rochers et conseiller les voies à prendre. Les deux autres ramaient comme des forcenés, à une vitesse démentielle. Il fallait parfois se faufiler entre d'énormes rochers. Ces passages étaient les plus délicats car les masses d'eau canalisées s’opposaient à eux de toute leur violence.
(…)
Après environ une heure de rapides de moindres importances mais aussi de zones de calme, un sourd grondement se fit entendre. À trois cents mètres au devant, l'énorme masse d'eau tombait, dévalait sur eux. Pour Sandra, c'était clair, on ne passerait pas. Les hommes criaient d'un bout à l'autre de l'embarcation. Après plusieurs minutes de palabres, ils prirent une décision : il fallait alléger la pirogue et protéger les étrangers. Sandra et Lionel se virent alors déposer sur les rochers avec la consigne de longer la rivière. En cas d'éventuel accident, on leur avait laissé leur sac et celui du grand-père. Des hommes partirent faire une reconnaissance. Ils tentaient d’estimer ce qu'il était possible de faire. Sandra et Lionel sautaient de rochers en rochers. Du haut de leur promontoire, ils observaient la scène terrible et hallucinante qui se passait dans l’eau. Les quatre hommes halaient la pirogue à l'aide de cordes. Ils se tenaient sur les rochers émergeant, s'agrippaient en luttant contre l'impressionnante violence du courant qui les submergeait presque. C'était un spectacle ahurissant, semblant d'un autre âge. Dans ce passage, c’était des remous terribles, des cascades, des explosions d'eau permanentes. Tous les hommes y dépensaient une énergie incroyable à avancer, centimètre par centimètre. Après une heure de combat contre les forces de la nature, ils relancèrent le moteur et à nouveau à pleine puissance, passèrent en force les derniers rapides. Là oui, tout au long de cette opération, il y avait eu réels dangers de mort et cette fois Lionel regrettait de les avoir tous embarqué dans cette aventure.
(…)
Dans ces autres passages de gros rapides, il fallait parfois encore haler l'embarcation mais le plus souvent, ainsi allégés, les quatre navigateurs restants passaient en force, le moteur à pleine puissance et la rame et la perche de bambou maniées à des allures frénétiques. Les quatre hommes, en short et torses nus, possédaient des musculatures très développées de tout leur corps, des muscles saillants incroyablement sous l'effort. C’était de véritables prouesses qu'ils réalisaient.
(…)
Partout, de part et d'autres de la rivière, c’était deux frondaisons, très pentues et accidentées, de verdure. Les arbres géants étaient situés un peu plus en hauteur car, juste sur les berges, ils n'avaient pas le temps de croître, emportés par les puissantes crues annuelles. Nature riche, dense, variée, intacte, primaire. Il n'y avait pas une seule trace humaine, pas un seul village, pas même une hutte, pas un seul départ de sentier, pas une seule culture de visible sur les flancs des montagnes alentours. Ce n’était que des arbres gigantesques, des forêts de bambous géants qui s'élançaient en hauts panaches et d’envahissantes lianes et plantes rampantes. Quand un petit ruisseau se jetait là dans la rivière, il formait une baie protectrice où l’on pouvait débarquer. Les hommes en profitaient alors pour écoper, inspecter et bricoler la pirogue
(…)
De nouveau, alternativement, des zones de calme et de rapides. Soudain, en pleine lutte contre le courant, l’hélice se rompit. L'embarcation partit alors à la dérive. Les hommes tentèrent de la contrôler à la force des bras. Mais ils s'échouèrent violemment contre deux rochers émergeant.
(…)
Au menu, une partie des cinq kilos de riz gluant cuit, emporté dans le traditionnel pot de vannerie de bambou et les poissons tout juste pêchés. Mais deux des hommes, équipés du fusil, s'enfoncèrent dans la forêt, par le creux du dense talweg déversant ici un petit ruisseau. Vingt minutes passèrent et Bang ! Un coup de feu. Enfin, ils réapparurent traînant un jeune cerf sur leurs épaules. La bête fut immédiatement dépecée. Un feu était déjà allumé. Ils cuirent puis mangèrent les parties les plus périssables de l'animal : les abats, les tripes, le foie, cœur et poumons sur deux feuilles de bananier posées au sol qui leur servaient de table et où ils trempaient les boulettes de riz gluant dans la sauce coagulante de viande. Pour tout dire, ils se gavèrent mais les hommes avaient besoin de reprendre des forces. Une fois repu, l’un d’eux fit une prière tout en déposant sur un rocher tout proche un peu de riz, quelques morceaux de viande et trois gros bâtons d’encens. Ce rituel était destiné à ne pas fâcher les esprits de la forêt d'avoir prélevé un animal.
(…)
Derrière eux, quelques feuilles de bananiers souillées, un foyer encore fumant et le plus gros rocher du lieu dégoulinant de sang.
(…)
Ils burent du lao lao, de l'alcool de riz et, fatigue aidant, furent vite ivres. Les deux plus jeunes piroguiers, heureux de la perspective de s'encanailler, entraînèrent Lionel avec eux. Celui-ci paya des bières afin d’aller taquiner des phou sào, des jeunes filles, les vendeuses de l'échoppe chinoise. Pour se faire, il leur paya des bonbons vietnamiens périmés.
< 07-08-2011 : En effet, le lien http://www.voyageforum.com/v.f?post=1495745 montre une réelle antériorité de votre texte quant à la diffusion de celui-ci sur VE par le membre Dilo.
En attendant d'en savoir plus et que la situation soit éclaircie, ce fil est verrouillé.
Merci à "321" d'avoir contacté la Modération.
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< 12-08-2011 : Après contact avec l'auteur de ce sujet, réponse très claire de sa part et information à votre attention, l'incident est clos pour nous et le sujet déverrouillé.
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321- Nombre de messages : 3
Age : 51
Date d'inscription : 06/08/2011
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