Exo lettre d’insulte : A celle qui se reconnaîtra

Morituri te salutante,

J’aurais bien des becs d’oiseau à te coller tire-bouchon sans cérumen, mais j’ai décidé de rester polie à mon égard.
De plus, je ne crois pas que t’habiller pour les saisons de ma haine entretenue par tes orties, tes guets-apens, tes crevasses, tes boulons sous mes roues, tes petits coups en douce dans mes reins pendant que je ramassais le crottin que tu ne manques pas de déposer sous le pas de mon haridelle quotidienne, vaille la peine.
Dire que je méprise ton invisibilité, ta froideur, ta parfaite hauteur de vue, tes mains de scolopendre et tes allures de moissonneuse batteuse serait semer verbiage au vent. Néanmoins je ne veux pas te quitter sans taire tout le mal que je pense de toi :
Tu ne demandes rien et tu exiges trop
Tu trompes les ventricules en poussant dans le dos les coureurs au tréfonds
Tu souris en virgule quand tes dents pointent l’arrêt de la course
Tu tends un doigt glacé à qui suce la poussière et crochète le pendu en tirant sur la corde
Tu soupires en argot et te tais en soutenu
Tu désignes l’avant en détraquant l’arrière
Tu musèles le sage et libères catoblépas
Tes rêves sont de pierre, tes cauchemars de cordes souples à qui se perd de chercher les uns en évitant les autres.
Et le pire du meilleur c’est qu’aux ventres affamés tu prêtes l’oreille des sourds et le poing des vendus en laissant passer l’espoir blette qu’ils seront rassasiés.
Un jour qui n’a pas faim, un jour qui ne mange pas de pain, ils te regardent en face sans jamais te rencontrer.

Tu n’es rien
Le fruit amer des pauvres
La racine noire
Le grain sous l’ongle
Tu n’es rien
Que l'imbécile circonstance
D'un hasard sans caution.

je ne veux pas te quitter sans taire tout le mal que je pense de toi

ce ne serait pas l'inverse que tu veux dire, dans la tournure ?
mais peut-être pas, sait-on jamais ;-)

décidément elle a mauvaise presse la bougresse
ta correspondante, veux-je dire

mentor a écrit:je ne veux pas te quitter sans taire tout le mal que je pense de toi

ce ne serait pas l'inverse que tu veux dire, dans la tournure ?
mais peut-être pas, sait-on jamais ;-)

décidément elle a mauvaise presse la bougresse
ta correspondante, veux-je dire

Je crois que c'est de la vie qu'elle veut parler : donc impossible de la quitter sans se taire à jamais. C'est triste !

tes allures de moissonneuse batteuse

j'ai associé ces mots, inconsciemment, à FAUCHEUSE, nul doute
logique, non ? ;-)
lu trop vite
mais touché

Oui moi aussi j'ai pensé qu''il s'agissait de la grande faucheuse, sauf pour la phrase ambiguë relevée par mentor ... Un texte plein de force et fort (encore !) bien écrit.

Ba tu me fais marrer, quelle maîtrise de la langue fourchue, y'a qu'une gratte-cervelle comme toi pour trouver à écrire des trucs pareils, aussi sympas qu'incompréhensibles ... un peu de thé ? =)

Ba tu as été bien dotée par celle qui se reconnaitra en humour acéré et pointes mielleuses....
J'adore emprunter ton bathyscaphe pour plonger dans les profondeurs abyssales de ton écriture subaquatique .

Que l'imbécile circonstance
D'un hasard sans caution.

Entre autres mots, même si ceux-là les résument tous, pour moi.

Très fort, tout ça.

Merci

Ba, au mieux de sa forme pour toucher le grand fond ! Un équilibre remarquable entre humour grinçant et poésie, du grand art.

Remarque :
Blette ou blet ?

blet merci Arielle en accord avec l'espoir. Sinon, tous vos avis valent que les reproches s'adressent à la " faucheuse " ou à la lieuse 00-)

Nom d'une pipe :

Tu soupires en argot et te tais en soutenu
Tu désignes l’avant en détraquant l’arrière
Tu musèles le sage et libères catoblépas
Tes rêves sont de pierre, tes cauchemars de cordes souples à qui se perd de chercher les uns en évitant les autres.
Et le pire du meilleur c’est qu’aux ventres affamés tu prêtes l’oreille des sourds et le poing des vendus en laissant passer l’espoir blette qu’ils seront rassasiés.
Un jour qui n’a pas faim, un jour qui ne mange pas de pain, ils te regardent en face sans jamais te rencontrer.

ça c'est de la poésie ! comme dirait Pili.

Quelle verve, Ba, comme toujours ! Et merci pour le catoblépas, que je ne connaissais pas !

Un registre différent ce que l'on peut habituelelment lire de toi ici et c'est plutôt bien, parce que tu peux y déployer davantage de gravité tout en conservant cet humour qui t'est cher. Un mélange réussi avec suffisamment de mystère dans le propos pour continuer à interpeller une fois lu le dernier mot.