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Le placard

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Le placard Empty Le placard

Message  elea Ven 3 Sep 2010 - 18:12

Le seul moment où Lisa est libre c’est quand elle rêve.
Elle se calle contre un des murs du placard vide, fixe son regard sur celui d’en face et s’évade.
Lisa s’est créée tout un monde imaginaire dans lequel elle va à l’école. Elle y a une meilleure amie, Capucine, avec qui elle rigole de larmes, et un camarade taquin, Ernest, qui l’embête à la récré.
Elle y est jolie, porte toujours de mignonnes robes blanches ou bleues et des souliers vernis avec une grosse boucle argentée sur le côté.
Quand elle est bien enfoncée dans le rêve, elle les voit briller d’éclats de lumière à chaque pas.
Parce que dans ses rêves elle va dehors et sent le soleil.
C’est un bel astre qui réchauffe, pas qu’un trait lumineux passant quelques heures par jour sous la porte fermée à double tour et dans lequel elle glisse un doigt pour jouer avec les particules qui y volent, plus ou moins vite et en désordre selon la vitesse à laquelle elle agite le doigt.
Ça la distrait, on dirait un troupeau affolé dont son index est le maître. Parfois, en fermant très fort les yeux, elle peut presque sentir le chatouille de ces infimes grains de poussière contre sa peau, alors dans un sourire elle retire le doigt et les laisse aller librement à nouveau.

Sa maîtresse imaginée, mademoiselle Rebecca, la gronde toujours tendrement quand elle oublie de faire ses devoirs ou qu’elle ne s’applique pas assez pour former les ronds des lettres.
Lisa sait secrètement que mademoiselle Rebecca la préfère à Capucine et est sévère avec Ernest quand il la pousse dans la cour pour la faire tomber. Mais elle ne tombe jamais. Elle vacille seulement dans le rêve puis se relève d’une gracieuse pirouette de danseuse étoile et s’éloigne en lui tirant la langue.
Souvent, dans ses rêves dans le rêve, la maîtresse la ramène chez elle dans une immense chambre où il ne fait jamais noir.
Elle y a un vrai lit avec des draps frais et des couvertures chaudes et le soir, avant qu’elle ne s’endorme, maman Rebecca vient lui faire un bisou doux sur le front, borde le lit en bataille et lui fredonne une chanson pour la bercer.
Alors elle s’endort tranquillement sans rêver parce qu’elle n’en a plus besoin.

A l’école imaginaire, ses cris de jeux se mêlent aux autres et ressemblent aux bruits d’enfants qu’elle entend presque tous les jours. Ils viennent du côté où sa jambe est râpée à force de frotter contre le mur pour vérifier qu’il est encore là.
Et à la cantine elle mange de bons plats au goût des odeurs qui passent parfois sous la porte faisant gargouiller son ventre.
Lisa les renifle comme un petit animal et les associe à des couleurs et des goûts : rouge acide, rose salé, vert sucré. Dans l’obscurité des repas de placard rien n’a de couleur, ni de véritable consistance.
Quelquefois pour se sentir moins seule, elle passe la main dans ses cheveux, roule une mèche entre ses doigts et caresse sa joue avec en suçant son pouce.
Et puis pour se rassurer, dans un geste mécanique, elle frotte deux bouts de sa jupe l’un contre l’autre, jusqu’à ce qu’ils soient usés et deviennent tout doux.
Elle s’apaise alors et s’endort sans faire de cauchemars.

« - Ernest tu as vu ta sœur ?
- Oui maman, elle est enfermée dans son placard.
- Bon sang ! Elle va me rendre dingue cette gamine à passer ses journées là-dedans, va savoir ce qu’elle y trafique. »








elea

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Message  Invité Ven 3 Sep 2010 - 19:03

J'ai toujours du mal avec les histoires d'enfant maltraité ; le fait que le texte désamorce l'idée à la fin m'a fait plaisir, mais je ne suis pas sûre que, d'un point de vue dramatique, ce soit la meilleure chose à faire...

Mes remarques :
Le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire une réplique de dialogue, il faut prévoir le tiret demi cadratin « – » ou le format au-dessus, « — »
« Elle se cale (et non « calle ») contre un des murs du placard »
« Lisa s’est créé (et non « créée ») tout un monde imaginaire »
« elle peut presque sentir le chatouillis de ces infimes grains de poussière »

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Message  Invité Ven 3 Sep 2010 - 20:31

Il est lourd de sens ce dialogue à la fin d'un récit sobre et mélancolique, qui me rappelle d'ailleurs un autre texte de toi, Le cellier (je suis allée vérifier le titre...), sur un thème que tu excelles à décrire.

Question :
Elle y a une meilleure amie, Capucine, avec qui elle rigole de larmes,

"de" ou "aux" ?

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Message  L'homme Ven 3 Sep 2010 - 22:56

C'est vrai que le dialogue est lourd de sens, c'est bien vu. En tout cas j'aime beaucoup.

C'est totalement différent de ce à quoi je m'attendais mais au final l'indifférence de la mère vis à vis de ce que peut faire sa fille est également une forme de maltraitance, même si c'est involontaire...

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Message  Lyra will Sam 4 Sep 2010 - 9:15

J'aime bien le retournement de situation, et, à la fois, il me laisse sur ma faim puisque j'aimerais savoir pourquoi cette petite fille préfère jouer dans son placard, et comment elle parvient à imaginer qu'elle ne connait pas tout un tas de choses auxquelles elle n'a pas accès puisque enfermée (soleil, plats...) alors qu'elle y a accès.
Et comment elle pourrait avoir une idée si juste du dehors (soleil = astre, les garçons embêtant à la récrée, concept de l'école, robe...) ce qui, finalement, est logique si elle connait bien toutes ces choses, elle est alors en mesure de les décrire précisément, mais du coup, du mal à saisir le pourquoi, jeu, détresse, ...
j'aurais envie d'en savoir un peu plus :0)

Sinon, l'emploi du mot "rêve" se fait peut-être un peu trop sentir, et enfin, j'aime bien l'idée du troupeau qui marche à l'index!
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Message  Rebecca Sam 4 Sep 2010 - 9:17

Un texte en forme de double pirouette cacahouète !
Oui c'est une excellente chute qui désamorce la noirceur qu'on croyait inscrite dans cette histoire... Et puis non, on y repense et on se dit qu'une mère qui se contente de se demander ce que fait sa fille qui éprouve le besoin de se cacher dans le placard des journées entières pour rêver sans en être préoccupée outre mesure , ce n'est pas normal...et l'angoisse apparait bien autant ainsi en pleine lumière que finalement dans le noir du placard.
Par contre il y a un problème , tu dis que le placard est fermé à double tour à un endroit ?! Heu je ne connais de placard qui se ferme de l'intérieur... C'est elle qui se raconte cela aussi ?
Ou c'est Ernest qui l'enferme et sa mère ne le sait pas ....Tiens une autre piste, horrible.
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Message  elea Sam 4 Sep 2010 - 12:36

Easter(Island) : c’est bien "de", je visualisais une rigole de larmes, avec le double sens de rire aux larmes et de pleurer des rigoles.

Merci pour vos lectures attentives et vos commentaires.

Je voulais laisser planer le doute, que chacun imagine sa propre version, rassurante ou encore pire.
Mais peut-être que ça fonctionne trop et qu’il y a trop de pistes.

Je vais tenter de répondre un peu à vos questionnements :
Ce n’est pas forcément un retournement de situation.
Ernest ne dit pas "elle s’est enfermée".
Effectivement le placard ne se ferme pas à double tour de l’intérieur.
La mère évoque le fait qu’elle soit dingue. De là à occulter qu’elle l’enferme…
Il n’est pas dit qu’elle n’est jamais sortie ou n’a jamais entendu son frère parler de la vie du dehors.

Peut-être que je dois décider d’une fin moins ambiguë, asséner ma vision des choses au lieu de laisser la liberté de se rassurer ?

elea

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