SPORT : Les idoles du peuple

Monsieur le Président, Messieurs les députés.

C’est un honneur insigne que vous me faîtes en me permettant d’être là aujourd’hui face à vous, quelques heures avant l’ouverture de notre prestigieuse compétition sportive. Quelques mois avant les Jeux Olympiques, c’est l’occasion de s'y préparer et de réunir tout un peuple autour d’athlètes remarquables. Beaucoup d’entre eux, n’en doutons pas, porteront haut les couleurs de la Nation lors de ces Jeux. Ils montreront qu’une fois encore notre pays a un rôle à jouer sur toutes les scènes internationales.

Dès demain, des représentants de chacune de nos régions ainsi que des indigènes en provenance de nos colonies pénètreront dans ce stade flambant neuf qui s’étend derrière moi. Ils fouleront comme un seul homme, au rythme de leurs foulées disciplinées le sol de cette arène. Nous assisterons alors à l’affrontement impitoyable entre nos concitoyens et nos colonisés : je vous le répète, c’est une compétition internationale avant l’heure, même si elle n’aura pas la même ampleur. Néanmoins, ne sous-estimons pas la valeur des Africains : voyez comme ils sont forts! Les faiblesses de leur intellect, que nous formons à la civilisation, est compensée par une vitalité physique parfois impressionnante. Leur corps s’est endurci par les longues courses à travers la savane, par les marches sans fin dans le désert, ou encore par le transport incessant de quantités considérables de marchandise. Mais ce n’est pas tout : ils sont hardis, braves, même s’ils gardent une certaine inclinaison à la paresse comme les alouettes et une bonne dose de naïveté toute enfantine.
Je caricature à peine en disant qu’il y a là comme une confrontation de l’homme à l’animal…

Aussi, mes amis, ne présumons pas de nos forces : ces êtres peuvent être redoutables, et il n’est pas à douter qu’ils nous seraient d’un grand recours si une guerre se présentait.

Il me reste du temps, aussi voudrais-je ajouter quelques phrases sur le rôle que joue cet événement pour notre peuple. Un rôle multiple n’est-ce pas, qu’il est toujours opportun de rappeler.
Le sport est mauvais pour l’esprit (je vous disais que les meilleurs athlètes se trouvaient parmi les peuples primitifs) : il présente donc un risque notoire pour notre jeunesse. Il faut savoir circonscrire l’importance donnée aux activités physiques. Nous devons développer leur corps tout en donnant encore et toujours la prévalence à l’esprit. La crème des intellectuels naît avant tout dans la sueur du cerveau… tandis qu’une nation de sportifs stupides et incultes, nous avons vu ce que ça a donné. Ils méritent seulement d’être colonisés. Tous ensemble, veillons donc à la juste proportion des deux !
Par ailleurs, de tels événements nous permettent de maîtriser les tensions de nos populations, de canaliser leur instabilité et leur colère dans des lieux et en des moments précis.

Les sportifs, je vous le dis sans doutes ni ambages, seront les dieux de l’avenir. Car un peuple ne peut vivre sans des modèles sur lesquels projeter désirs et fantasmes. Les gens ne peuvent vivre sans prouesses qui les font rêver et écarter l’espace d’un temps leur médiocrité.

Donnons leur donc des dieux… même si certains sont plus proches de l’animalité que de l’humanité dont nous sommes les promoteurs ! Et, à la fin du spectacle, l’envolée des chapeaux accompagnant les hourras vous en remerciera !

Monsieur le Président, messieurs les Députés, c’est à cet instant moi qui vous remercie pour votre attention.

Y a des coquilles dans la ponctuation comme d'hab' avec moi et puis une répétition "foulée" "fouleront"... m'enfin..

Si tu veux, tu repostes dans ce fil un texte "corrigé" et j'efface le premier

Shame ! Quel cynisme ! Aegis jamais je n'aurais cru que tu...................
:-)))
Excellente parodie avec toute l'exagération voulue. C'est tellement horrible qu'on ne peut pas croire que quelqu'un aurait pu dire, ou a dit (ou dira ?) à peu près ça un jour. Et pourtant... Brrr, ça fout froid dans le dos malgré le sourire que ça inspire à la première lecture.

C'est parfait de cynisme, tout en concentrant des choses réelles. J'ai pensé une référence aux jeux de 36 notamment, mais pas seulement, et j'ai aussi pensé à W ou le souvenir d'enfance de Perec.

Tu aurais pu peut-être aller un petit peu plus loin, notamment dans la construction du discours, de façon à le rendre moins caricatural vers la fin, et du coup plus subversif.

comme Loup, j'ai pensé à un parterre allemand avant les JO de 36, à Jesse Owens ...

je rejoins totalement le commentaire de Loup !

Merci!

Je l'ai écrit rapidement, mais en effet si je le réécrivais je ferais plus attention à la progression.
Malheureusement, il n'y a pas qu'en Allemagne que cette scène aurait pu (et s'est) dérouler(ée)!

C'est certes cynique mais pas assez à mes yeux. Pour être plus précise, je dirais qu'en fait, ce discours, réaliste et crédible, manque cependant d'un petit quelque chose qui le rendrait parfaitement réel. On sent un peu l'exercice là-derrière, quelques raccourcis et une tendance à l'exagération dans certaines phrases. Par exemple, l'ambivalence entre le sport nocif et les sportifs adulés, il aurait fallu développer davantage. Créer une véritable rhétorique, un discours porteur, comme ceux que certains dictateurs vomissent dans le micro.
Mais c'est déjà pas mal comme ça en matière de noirceur, c'est clair! et puis c'est bien écrit. Plus aéré que d'habitude, ce n'est pas plus mal.

Point positif : J'ai pu lire un texte d'Aegis d'une traite et sans dico et tout comprendre du premier coup !
Point moins positif : Un peu trop caricatural à mon goût et j'aurais aimé que le texte soit placé dans un contexte spatio-temporel car il m'a mise mal à l'aise du coup.

Le discours est quasi historique et tu l'as dit toi même :

il n'y a pas qu'en Allemagne que cette scène aurait pu (et s'est) dérouler(ée)!

Alors je ne saisis pas tellement l'intérêt de le réécrire finalement. Bien sûr il y a la volonté latente de dénoncer sous une forme à la fois intemporelle et non localisée. Ça donne une dimension presque universelle qui donne à réfléchir. Mais ce discours est à mon avis trop "brut" pour avoir une réelle force, il manque une dimension personnelle et critique de la relecture de l’histoire.

J'ai choisi de ne pas expliciter le cadre historique, c'est en effet peut-être un tort, mais c'était comme tu l'as remarqué Krys, pour mettre mal à l'aise et faire prendre conscience de la proximité de ce genre de discours.
Je récuse tout excès de parodie: c'est exactement, en moins pompeux, le genre de propos tenus fin 19e - début 20e... et ce texte n'est que de la gnognotte à côté de l'essai de Gobineau sur l'inégalité des races humaines, à côté des propos de gens comme Banville au 19e, de revues parues au début 20e...
En fait j'aurais été moins brut et aurait plus contextualisé historiquement si j'avais eu la place (j'ai respecté la longueur imposée)...
Bref, je prends en compte vos remarques pour une éventuelle réécriture!

et Krys, ce que tu proposes c'est une prise de distance critique? et non une identification au locuteur?

Aegis a écrit:et Krys, ce que tu proposes c'est une prise de distance critique? et non une identification au locuteur?

Non pas nécessairement, tu peux être davantage critique sans marquer de distance par rapport au locuteur, je crois.