FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
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Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
L'énigme
J'ai oublié jusqu'au grain de sa peau et combien ce désert m'est doux. La nudité se son corps, l'image de la nudité se son corps, le souvenir même de l'image de la nudité se son corps s'évanouit peu à peu, ou plus précisément, le souvenir que j'en garde s'éloigne jusqu'à s'effacer tout à fait comme le ferait un rêve au saut du lit lentement dilué dans la tasse, noir le café.
Et pourtant, il me suffit de pivoter d'un quart de tour pour la voir allongée sur le lit, encore endormie, voir de mes yeux vrais, découverts, le commencement de son dos et son pied presque parfait sculpté poli au marbre par un de ses artisans rares qui ont l'amour du travail bien fait.
Alors que se passe t-il ? Me demandé-je ? je deviens fou, c'est ça ? c'est comme ça que tout commence, une fuite de la réalité, une distance qu'on ne peut abolir et qui croît de jour en jour ?
Une voix se fit entendre, comme un appel :
- Paul, viens...
Je n'ai pas rêvé, vous l'avez bien entendu comme moi, cette voix, elle m'a appelé par mon nom, comment sait-elle que je me nomme Paul et que fait-elle dans mon lit ?
Me faut-il la rejoindre ? dites-moi ce que je dois faire... que je fasse semblant de la connaître, de la reconnaître...?
J'ai besoin de temps, surtout ne pas se précipiter. Méditer avant d'agir, mais de recours je n'en eus pas.
Une angoisse alors est montée jusqu'à me serrer la gorge, m'étouffer ; il me faut affronter la réalité seul. Mais laquelle ?
C'est à ce moment précis que j'ai eu cette révélation : j'ai compris que j'avais le choix de ne pas répondre à mes désir et d'ignorer une réalité, et en l'occurrence celle qui est allongée sur mon lit, là, ce matin, et qui semble de toute évidence me connaître à la perfection.
Voilà, c'est ainsi que ma vie a pris un nouveau tour. Que vais-je devenir... cela me fiche la trouille. Vous le savez, vous ?
Et pourtant, il me suffit de pivoter d'un quart de tour pour la voir allongée sur le lit, encore endormie, voir de mes yeux vrais, découverts, le commencement de son dos et son pied presque parfait sculpté poli au marbre par un de ses artisans rares qui ont l'amour du travail bien fait.
Alors que se passe t-il ? Me demandé-je ? je deviens fou, c'est ça ? c'est comme ça que tout commence, une fuite de la réalité, une distance qu'on ne peut abolir et qui croît de jour en jour ?
Une voix se fit entendre, comme un appel :
- Paul, viens...
Je n'ai pas rêvé, vous l'avez bien entendu comme moi, cette voix, elle m'a appelé par mon nom, comment sait-elle que je me nomme Paul et que fait-elle dans mon lit ?
Me faut-il la rejoindre ? dites-moi ce que je dois faire... que je fasse semblant de la connaître, de la reconnaître...?
J'ai besoin de temps, surtout ne pas se précipiter. Méditer avant d'agir, mais de recours je n'en eus pas.
Une angoisse alors est montée jusqu'à me serrer la gorge, m'étouffer ; il me faut affronter la réalité seul. Mais laquelle ?
C'est à ce moment précis que j'ai eu cette révélation : j'ai compris que j'avais le choix de ne pas répondre à mes désir et d'ignorer une réalité, et en l'occurrence celle qui est allongée sur mon lit, là, ce matin, et qui semble de toute évidence me connaître à la perfection.
Voilà, c'est ainsi que ma vie a pris un nouveau tour. Que vais-je devenir... cela me fiche la trouille. Vous le savez, vous ?
Pussicat- Nombre de messages : 4846
Age : 57
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
PAS D'ACCORD
Vive émotion dans le monde de la musique
Au journal télévisé, hier soir, la requête du président de « S.O.S mineurs en péril » a bouleversé des milliers de téléspectateurs. Nous la retranscrivons ici.
« Je tiens à alarmer l’opinion publique, non seulement française, mais du monde entier. En effet, maintenant, à l’heure même où je vous parle, mes chers compatriotes, savez-vous que dans le monde, à chaque minute, plus de deux mille trois cent cinquante accords mineurs sont plaqués par des pianistes pressés qui n’ont pas la patience d’attendre qu’ils atteignent leur majorité ? Certains n’hésitent même pas à plaquer des accords diminués, oui, j’insiste, diminués, vous rendez-vous compte de la lâcheté de ces musiciens que rien n’arrête ! Et le comble de l’horreur est atteint par ceux qui vont jusqu’à renverser leurs accords ! S’ils sont majeurs et consentant, passe encore, mais renverser des accords mineurs et diminués… »
La voix étranglée par l’émotion, le professeur B.Moldiez n’a pas pu poursuivre son exposé, dans lequel il devait aussi évoquer les célèbres accords déviants de 1962, mais nous sommes certains qu’il aura su convaincre ses auditeurs de l’urgence de la croisade à mener avant qu’il ne soit trop tard.
Pour sa part notre journal a ouvert ses colonnes à un forum-tribune dans lequel tous les lecteurs qui ont des suggestions visant à juguler cette dérive pernicieuse sont invités à les proposer. Quelques idées nous sont déjà parvenues :
-interdiction de produire des accords plaqués, mais uniquement des accords massifs
- ne construire que des pianos à 2 touches
- proposer une indemnité compensatoire, payée par la SACEM, aux malheureuses victimes…
La liste des propositions est ouverte à votre bon cœur et à votre imagination.
La rédaction.
Au journal télévisé, hier soir, la requête du président de « S.O.S mineurs en péril » a bouleversé des milliers de téléspectateurs. Nous la retranscrivons ici.
« Je tiens à alarmer l’opinion publique, non seulement française, mais du monde entier. En effet, maintenant, à l’heure même où je vous parle, mes chers compatriotes, savez-vous que dans le monde, à chaque minute, plus de deux mille trois cent cinquante accords mineurs sont plaqués par des pianistes pressés qui n’ont pas la patience d’attendre qu’ils atteignent leur majorité ? Certains n’hésitent même pas à plaquer des accords diminués, oui, j’insiste, diminués, vous rendez-vous compte de la lâcheté de ces musiciens que rien n’arrête ! Et le comble de l’horreur est atteint par ceux qui vont jusqu’à renverser leurs accords ! S’ils sont majeurs et consentant, passe encore, mais renverser des accords mineurs et diminués… »
La voix étranglée par l’émotion, le professeur B.Moldiez n’a pas pu poursuivre son exposé, dans lequel il devait aussi évoquer les célèbres accords déviants de 1962, mais nous sommes certains qu’il aura su convaincre ses auditeurs de l’urgence de la croisade à mener avant qu’il ne soit trop tard.
Pour sa part notre journal a ouvert ses colonnes à un forum-tribune dans lequel tous les lecteurs qui ont des suggestions visant à juguler cette dérive pernicieuse sont invités à les proposer. Quelques idées nous sont déjà parvenues :
-interdiction de produire des accords plaqués, mais uniquement des accords massifs
- ne construire que des pianos à 2 touches
- proposer une indemnité compensatoire, payée par la SACEM, aux malheureuses victimes…
La liste des propositions est ouverte à votre bon cœur et à votre imagination.
La rédaction.
muzzo- Nombre de messages : 618
Age : 90
Localisation : Va savoir...!
Date d'inscription : 13/07/2008
L'amant de l'Amour
Bonjour à tous et belle année en vers ou en prose.
Après un bébé, un déménagement et avant le prochain festival, j'ai envie de (re)taquiner la muse. J'ai déjà raté le premier exo de l'année, j'espère donc me rattacher au prochain (Coline préviens-moi !)
Pour commencer, je rebondis comme la pomme sur la tête de Newton :
L’Amant de l’Amour
Chant à deux voix
Adam :
Ma mie Amour, dit Adam,
L’âme ourdit l’amant,
La mort de l’aimant
Amour :
Nenni Adam, dit l’Amour,
La dent de l’âme mord
L’amant de Dame Or,
L’aimant de la mort !
Adam :
Api d’Amour, dit Adam,
Dépit de l’aimant,
L’épi des dames ment !
Amour :
Nenni Adam, dit l’Amour,
L’api d’Adam,
Dépite la dame aimant
Adam :
Ah ! Fi, l’Amour !, dit Adam,
La pie accourt attirant
L’ami des cours dans
Ses atours blancs.
Ah ! Ces tourments !
Amour :
Nenni Adam ! dit l’Amour,
Dévie l’amant des cours
Défiant les courants
Émanant des collants !
Aime, manant !
Aime, Adam !
Après un bébé, un déménagement et avant le prochain festival, j'ai envie de (re)taquiner la muse. J'ai déjà raté le premier exo de l'année, j'espère donc me rattacher au prochain (Coline préviens-moi !)
Pour commencer, je rebondis comme la pomme sur la tête de Newton :
J'ai une autre version :Pussicat a écrit:Elle croqua la pomme, ou la figue, qu'importe, Adam s'en souvient et c'était pas le Prince Charmant mais un forgeron, enfin je crois...
L’Amant de l’Amour
Chant à deux voix
Adam :
Ma mie Amour, dit Adam,
L’âme ourdit l’amant,
La mort de l’aimant
Amour :
Nenni Adam, dit l’Amour,
La dent de l’âme mord
L’amant de Dame Or,
L’aimant de la mort !
Adam :
Api d’Amour, dit Adam,
Dépit de l’aimant,
L’épi des dames ment !
Amour :
Nenni Adam, dit l’Amour,
L’api d’Adam,
Dépite la dame aimant
Adam :
Ah ! Fi, l’Amour !, dit Adam,
La pie accourt attirant
L’ami des cours dans
Ses atours blancs.
Ah ! Ces tourments !
Amour :
Nenni Adam ! dit l’Amour,
Dévie l’amant des cours
Défiant les courants
Émanant des collants !
Aime, manant !
Aime, Adam !
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Jour brouillageux*
Rouille de l'âme
Brouillageux, brouillageuse, adj. et n. : (mot inventé ce jour) temps vendéen qui pleure en silence, dissimulant ses nuages derrière un épais brouillard.
Le brouillageux est ombrageux, froid et humide. Il porte en lui une souffrance intangible qui pénètre vos entrailles pour peu que vous l’affrontiez à découvert mais si vous préférez l’observer derrière votre fenêtre pour ne pas vous mouiller, insidieux, il embrume votre âme l’enveloppant d’un spleen incoercible.
Quand la journée est brouillageuse, préférez une couette duveteuse dans laquelle vous pourrez jobjiler*
Jobjilation (mot inventé par un de mes étudiants cinéma au Congo) : contraction d'objet et de jubilation on pourrait le traduire par "objet du désir" mais c'est avant tout pour qualifier le fait de s'amuser "jobjiler" et de prendre du bon temps.
Rouille de l'âme
Brouillageux, brouillageuse, adj. et n. : (mot inventé ce jour) temps vendéen qui pleure en silence, dissimulant ses nuages derrière un épais brouillard.
Le brouillageux est ombrageux, froid et humide. Il porte en lui une souffrance intangible qui pénètre vos entrailles pour peu que vous l’affrontiez à découvert mais si vous préférez l’observer derrière votre fenêtre pour ne pas vous mouiller, insidieux, il embrume votre âme l’enveloppant d’un spleen incoercible.
Quand la journée est brouillageuse, préférez une couette duveteuse dans laquelle vous pourrez jobjiler*
Jobjilation (mot inventé par un de mes étudiants cinéma au Congo) : contraction d'objet et de jubilation on pourrait le traduire par "objet du désir" mais c'est avant tout pour qualifier le fait de s'amuser "jobjiler" et de prendre du bon temps.
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Sacha, ces textes ne sont pas du tout au bon endroit. Ce fil est destiné à accueillir une seule phrase, par jour et par membre, qui doit être une création personnelle.
Pour ce qui vient d'être posté, merci de privilégier le fil "Débats, causettes etc" ou les "fragments et textes courts" ici:
http://www.vosecrits.com/t9216-fragments-le-fil-de-vos-textes-courts
Merci.
Pour ce qui vient d'être posté, merci de privilégier le fil "Débats, causettes etc" ou les "fragments et textes courts" ici:
http://www.vosecrits.com/t9216-fragments-le-fil-de-vos-textes-courts
Merci.
< Déplacé dans le fil idoine.
La Modération. >
La Modération. >
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
A
Sahkti a écrit:Sacha, ces textes ne sont pas du tout au bon endroit. Ce fil est destiné à accueillir une seule phrase, par jour et par membre, qui doit être une création personnelle.
Pour ce qui vient d'être posté, merci de priviligier le fil "Débats, causettes etc" ou les "fragments et textes courts" ici:
http://www.vosecrits.com/t9216-fragments-le-fil-de-vos-textes-courts
Merci.
Ma phrase est :
"Jour brouillageux
Rouille de l'âme"
J'ai précisé la définition du mot...
Pour Adam c'était pour rebondir sur la phrase mais si ça vous dérange, supprimez, je ne peux le faire.
Brève rencontre
Brève rencontre
Le mail de la grande surface n’est pas trop animé. Il est onze heures. Je n’ai rien à acheter, je traîne dans le hall, en face de l’alignement des caisses enregistreuses qui extorquent leur dû aux consommateurs consentants. Je m’installe sur un banc circulaire et je regarde le défilé … Je ne peux chasser l’image de ces convois de fuyards qui se jetaient sur les routes pendant la débâcle de 1940.Les chariots étaient remplis de ces choses indispensables qu’il fallait tenter de sauver. Là aussi, les caddies débordent : nourriture pré-emballée, packs de boissons, appareils divers, électroménager, hi-fi, ordinateurs …Dans une échoppe voisine, un ballet de poulets valse sur des broches superposées , les chairs grésillent, l’odeur des herbes provençales se répand généreusement dans la galerie marchande .Du plafond tombe une musique sourde, sirupeuse, lancinante …La crise dans toute son horreur !
Soudain, j’entends comme un doux gémissement. Je me penche ; sous le banc un petit chien me regarde et pousse une plainte discrète.
« Viens ici toi ! Qu’est-ce que tu fais là, hein ? »
L’animal n’attendait que mon invitation et saute à mes côtés. C’est une petite chienne blanche, avec une « casquette » et des oreilles noires. Elle est un peu rondouillarde, courte sur pattes, le modèle S.P.A dernier cri, sûrement pures races. Je lui parle, elle me répond par des geignements plaintifs et me roule des yeux qui me semblent reconnaissants. Un collier en cuir en piètre état ; une médaille avec un numéro de téléphone et son nom, Sally.
« Mais tu as un chouette nom, Sally, même si…bon, vu le look on aurait plutôt pu penser à Lulu ou Pépette. Tu attends ta mémère ? Elle t’a dit de rester bien sagement assise près du banc ? Bravo… » Elle m’écoute, semble s’intéresser à moi, m’accorde même un discret coup de langue sur la main pendant que je poursuis mon monologue, mais elle surveille le magasin et son regard parcourt sans cesse la rangée de caisses alors que moi, je lui tourne le dos. La mamie ne devrait pas tarder, poussant son caddie plein de pommes de terre, de poireaux, de promotions en tous genres, un pack de pinard Kiravi, et d’autres achats de nécessité.
Soudain, je vois Sally se dresser, son corps se tendre et j’entends derrière moi une voix mélodieuse : « Tu vois, j’ai fait vite ». Je m’apprête à dire : « Bonjour Madame, j’ai tenu compagnie à votre chienne… ». Je me retourne, et il s’en faut de peu que mon corps ne se dresse et ne se tende aussi ! Une créature de rêve – des miens en tout cas – droite dans des bottes vernies noires, un tailleur gris jupe courte, un superbe chignon blond de danseuse étoile… Elle lance dans un sourire fascinant un : « Allez, viens ! » à son animal frétillant. Son regard bleu ne m’effleure même pas. Je n’ai pas le temps de lui dire que j’ai gardé avec plaisir Sally, que je l’ai trouvée très sympathique, que…
Elles s’éloignent, complices, courtes pattes et longues jambes mêlées, sans me regarder…
Et il y en a qui rêvent d’être invisibles !
Le mail de la grande surface n’est pas trop animé. Il est onze heures. Je n’ai rien à acheter, je traîne dans le hall, en face de l’alignement des caisses enregistreuses qui extorquent leur dû aux consommateurs consentants. Je m’installe sur un banc circulaire et je regarde le défilé … Je ne peux chasser l’image de ces convois de fuyards qui se jetaient sur les routes pendant la débâcle de 1940.Les chariots étaient remplis de ces choses indispensables qu’il fallait tenter de sauver. Là aussi, les caddies débordent : nourriture pré-emballée, packs de boissons, appareils divers, électroménager, hi-fi, ordinateurs …Dans une échoppe voisine, un ballet de poulets valse sur des broches superposées , les chairs grésillent, l’odeur des herbes provençales se répand généreusement dans la galerie marchande .Du plafond tombe une musique sourde, sirupeuse, lancinante …La crise dans toute son horreur !
Soudain, j’entends comme un doux gémissement. Je me penche ; sous le banc un petit chien me regarde et pousse une plainte discrète.
« Viens ici toi ! Qu’est-ce que tu fais là, hein ? »
L’animal n’attendait que mon invitation et saute à mes côtés. C’est une petite chienne blanche, avec une « casquette » et des oreilles noires. Elle est un peu rondouillarde, courte sur pattes, le modèle S.P.A dernier cri, sûrement pures races. Je lui parle, elle me répond par des geignements plaintifs et me roule des yeux qui me semblent reconnaissants. Un collier en cuir en piètre état ; une médaille avec un numéro de téléphone et son nom, Sally.
« Mais tu as un chouette nom, Sally, même si…bon, vu le look on aurait plutôt pu penser à Lulu ou Pépette. Tu attends ta mémère ? Elle t’a dit de rester bien sagement assise près du banc ? Bravo… » Elle m’écoute, semble s’intéresser à moi, m’accorde même un discret coup de langue sur la main pendant que je poursuis mon monologue, mais elle surveille le magasin et son regard parcourt sans cesse la rangée de caisses alors que moi, je lui tourne le dos. La mamie ne devrait pas tarder, poussant son caddie plein de pommes de terre, de poireaux, de promotions en tous genres, un pack de pinard Kiravi, et d’autres achats de nécessité.
Soudain, je vois Sally se dresser, son corps se tendre et j’entends derrière moi une voix mélodieuse : « Tu vois, j’ai fait vite ». Je m’apprête à dire : « Bonjour Madame, j’ai tenu compagnie à votre chienne… ». Je me retourne, et il s’en faut de peu que mon corps ne se dresse et ne se tende aussi ! Une créature de rêve – des miens en tout cas – droite dans des bottes vernies noires, un tailleur gris jupe courte, un superbe chignon blond de danseuse étoile… Elle lance dans un sourire fascinant un : « Allez, viens ! » à son animal frétillant. Son regard bleu ne m’effleure même pas. Je n’ai pas le temps de lui dire que j’ai gardé avec plaisir Sally, que je l’ai trouvée très sympathique, que…
Elles s’éloignent, complices, courtes pattes et longues jambes mêlées, sans me regarder…
Et il y en a qui rêvent d’être invisibles !
muzzo- Nombre de messages : 618
Age : 90
Localisation : Va savoir...!
Date d'inscription : 13/07/2008
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Je voulais mettre cette histoire dans "le fil de vos textes courts", mais j'ai raté la marche !
< C'est déplacé.
La Modération. >
La Modération. >
muzzo- Nombre de messages : 618
Age : 90
Localisation : Va savoir...!
Date d'inscription : 13/07/2008
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Les incompris
Les autres qu'on ne prie pas
Ont la même pensée
On l'a même pansée.
Les autres qu'on ne prie pas
Ont la même pensée
On l'a même pansée.
J'ai une bonne mémoire des dattes.
La rue des métalliers tintait jusqu'à un marchand de dattes qui faisait l'angle.
A mon âge, j'arrivais tout juste à hauteur des grands caissons en bois, mais j'aimais regarder les tas coniques qui s'échelonnaient entre le vert lisse et le noir fripé.
J'aimais particulièrement celles qui commençaient à peine à mûrir, fermes, un peu croquantes, déjà sucrées mais avec une légère pointe d' amertume...un peu comme la vie au fond.
A mon âge, j'arrivais tout juste à hauteur des grands caissons en bois, mais j'aimais regarder les tas coniques qui s'échelonnaient entre le vert lisse et le noir fripé.
J'aimais particulièrement celles qui commençaient à peine à mûrir, fermes, un peu croquantes, déjà sucrées mais avec une légère pointe d' amertume...un peu comme la vie au fond.
soledad- Nombre de messages : 86
Age : 63
Date d'inscription : 04/02/2018
Petits textes quotidiens
Un fil sur les petits textes du quotidien ! Trop courts pour être postés, trop longs pour le fil "un jour une phrase".
Je montre l'exemple !
C’est dramatique cette lumière de bureau. Se faisant oublier une journée entière, lorsque le vacarme disparait enfin, on ne voit plus qu’elle. C’est un même silence, une même torpeur, mais c’est comme si elle avait souhaité s’exprimer tout ce temps. Je connais ton point de vue sur ces sujets du quotidien, sur ces rires trop gras, sur ces blagues salées, sur cette vie fade. Le contraste avec l’obscurité de ma fenêtre est une tombe bureautique.
Je montre l'exemple !
C’est dramatique cette lumière de bureau. Se faisant oublier une journée entière, lorsque le vacarme disparait enfin, on ne voit plus qu’elle. C’est un même silence, une même torpeur, mais c’est comme si elle avait souhaité s’exprimer tout ce temps. Je connais ton point de vue sur ces sujets du quotidien, sur ces rires trop gras, sur ces blagues salées, sur cette vie fade. Le contraste avec l’obscurité de ma fenêtre est une tombe bureautique.
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Extrait du Petit Chaperon rouge (à plusieurs mains)
« Ma mère-grand, que vous avez de grands bras, un gros foie, une jolie viole de gambe, de grandes jambes, de grands poils, un beau poêle, de grandes oreilles, pas d’oseille, de grands pieds, un gros nez, une longue queue, de gros yeux, un gros nœud, de grandes narines, des latrines, une grande p... heu, une grosse langue, un boomerang, une belle mangue, quel gros ventre diantre ! Un gros intestin, de beaux reins, pas de seins, des longs ongles, quelle jongle ! Une grosse tête la grosse bête, et dedans...
DES GRANDES DENTS !
— Niark niark ! Ouiiiii, c’est ça, de grandes dents, bien sûr ! Des crocs pour te croquer ! »
DES GRANDES DENTS !
— Niark niark ! Ouiiiii, c’est ça, de grandes dents, bien sûr ! Des crocs pour te croquer ! »
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 64
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Pascal-Claude Perrault a écrit:« (…) une longue queue (…) la grosse bête, et dedans...
DES GRANDES DENTS !
Tu m'as demandé de venir et me voici : mais ce texte que tu as posté là mon Pascal Claude, quelle gabegie, quelle insulte au bon goût ! Enfin je te pardonne parce que je t'aime. Mais franchement, de grandes dents, quelle idée !
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Demain dès l’aube, j’irai par la campagne, les métros sont fermés. Je traverserai les gens et leurs idées dans le temps, je donnerai un rythme à ces deux jambes bien lentes. Demain dès l’aube, j’irai par la campagne, je ferai glisser les amours du soir, je donnerai ma vie pour un trajet plus loin, où les foudres ne tombent plus, où la pluie est agréable.
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Dissolvons un sénateur dans de l’acide chlorhydrique.
Nous pouvons constater que, de prime abord, le sénateur résiste à la dissolution en vertu de son épaisseur cutanée due à son grand âge.
Effectivement, le sénateur n’a pas de peau mais de la corne.
Rajoutons un peu d’acide sulfurique et voyons les effets.
Au bout d’une heure, le sénateur commence à se ramollir, sans souffrir cependant car il dort depuis 70 ans.
Ensuite nous pouvons constater un début de délitement des boyaux, suivi d’une réaction chimique caractéristique avec production de bulles lacrymogènes.
Le sénateur est fin prêt ! Nous pouvons dès lors le transvaser dans une casserole et le faire bouillir pour éliminer toute trace de virus et de bactérie.
Après quoi le sénateur peut être composté, puis servir d’engrais pour le gazon d’un terrain de foot.
Nous pouvons constater que, de prime abord, le sénateur résiste à la dissolution en vertu de son épaisseur cutanée due à son grand âge.
Effectivement, le sénateur n’a pas de peau mais de la corne.
Rajoutons un peu d’acide sulfurique et voyons les effets.
Au bout d’une heure, le sénateur commence à se ramollir, sans souffrir cependant car il dort depuis 70 ans.
Ensuite nous pouvons constater un début de délitement des boyaux, suivi d’une réaction chimique caractéristique avec production de bulles lacrymogènes.
Le sénateur est fin prêt ! Nous pouvons dès lors le transvaser dans une casserole et le faire bouillir pour éliminer toute trace de virus et de bactérie.
Après quoi le sénateur peut être composté, puis servir d’engrais pour le gazon d’un terrain de foot.
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 64
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Un matin sur deux, il se dit que si sa vie se termine dans la journée, c'est bien. Il a bien ri, bien mangé, bien baisé, bien dérouillé. Un bon bilan, en somme.
Un soir sur deux, il n'ose s'endormir de peur de ne pas se réveiller. Le menu de Noël le tente, Ve le fait bien marrer, y'a peut-être de la tendresse à caresser encore, les coups durs, il n'en veut pas mais peut s'y faire aussi.
Comme Jésus, c'est son anniversaire le 25 de ce mois, mais lui il soufflera 80 bougies.
Un soir sur deux, il n'ose s'endormir de peur de ne pas se réveiller. Le menu de Noël le tente, Ve le fait bien marrer, y'a peut-être de la tendresse à caresser encore, les coups durs, il n'en veut pas mais peut s'y faire aussi.
Comme Jésus, c'est son anniversaire le 25 de ce mois, mais lui il soufflera 80 bougies.
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Dimanche, encore ! Et la semaine comme un sablier se vide. Nous le retournerons, encore et encore dans la monotonie d'un geste dont vivre se retire doucement. Des jours s'estompent les couleurs et les sentiments s'engourdissent dans le grégaire et l'habitude. Les demains s'altèrent en une masse confuse où s'atrophie le devenir. Est-ce vraiment cela vieillir ? Dans ma cheminée gronde le jeune feu que je viens d'allumer. Je l'entends qui me souffle d'aimer.
HELLION- Nombre de messages : 477
Age : 74
Date d'inscription : 19/08/2017
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
On se dit que cette fois, ce ne sera pas pareil, que l'on va pincer entre pouce et index le fil ténu d'un poème qui s'enracine au centre de l'intime, qu'il suffit de tirer délicatement pour que les mots comme les perles d'un collier s'offrent au soleil de l'esprit, et voici qu' à peine au jour , au petit jour la pensée s'enlise aux sables du réel.
HELLION- Nombre de messages : 477
Age : 74
Date d'inscription : 19/08/2017
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Cependant, il aimait nettement moins l’amende de l’aubergine bien que, une fois dépelliculée, cette dernière eût un goût plus suave, presque doux, un peu comme du jambon, mais pas salé ; d’ailleurs l’aubergine pelée ressemble vaguement à du cochon, il faut bien le reconnaître.
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 64
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
A quoi sert d'aimer si l'on n'est payé de retour ? je te donne cinquante dollars d'amour, cela vaut bien un brin de monnaie, non ? Il n'empêche,
j'ai souvenir de celui là qui affirmait que la pierre de touche de l'amour véritable gisait dans le désert de l'ingratitude.
j'ai souvenir de celui là qui affirmait que la pierre de touche de l'amour véritable gisait dans le désert de l'ingratitude.
HELLION- Nombre de messages : 477
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Date d'inscription : 19/08/2017
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Oh ! Est-ce ainsi que mes plus belles amours furent celles qui, non partagées, impossibles trop tôt, restent encore à vivre ? Ici-bas ou je ne sais où ; je veux croire que nous nous retrouverons. Je sais qu'un jour il te manquera ce petit rien que j'ai gardé en moi.
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
J'avais le sentiment que la vie s'attendait, que se promenait un espace de probabilités insondables sur mes rires de tous les jours.
Au moins, lorsqu'elle aura fini de m'attendre, j'auri ri tout le jour.
Au moins, lorsqu'elle aura fini de m'attendre, j'auri ri tout le jour.
Jand- Nombre de messages : 306
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Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
J'avais le sentiment que la vie s'attendait, que se promenait un espace de probabilités insondables sur mes rires de tous les jours.
Au moins, lorsqu'elle aura fini de m'attendre, j'aurai ri tout le jour.
Au moins, lorsqu'elle aura fini de m'attendre, j'aurai ri tout le jour.
Jand- Nombre de messages : 306
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Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Le hors-d'œuvre du paléovore consistera en une portion de cailloux à manger en se servant de la main en guise d’assiette.
Le paléovore est toujours content, il rugit de bonheur après chaque bouchée.
Après un bon repas fait de sable, de racines, de terre et de feuilles, le paléovore aime faire une sieste dans la boue.
Le paléovore moderne adoptera volontiers un régime alimentaire amélioré qui s’appelle la paléochrononutrition qui consiste à manger les cailloux à 8 heures du matin et les écorces d’arbres à 17 heures, car c’est meilleur pour la santé.
Le paléovore est toujours content, il rugit de bonheur après chaque bouchée.
Après un bon repas fait de sable, de racines, de terre et de feuilles, le paléovore aime faire une sieste dans la boue.
Le paléovore moderne adoptera volontiers un régime alimentaire amélioré qui s’appelle la paléochrononutrition qui consiste à manger les cailloux à 8 heures du matin et les écorces d’arbres à 17 heures, car c’est meilleur pour la santé.
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
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Date d'inscription : 20/02/2012
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Ah !
Sahkti, faut-y bien connaître les arcanes de VE pour retrouver ce sujet (fusionné par tes soins), merci !
Sauf que malgré les interventions récentes et talentueuses, il n'était plus en première page.
Quand on remonte le fil, on constate que les anciens fragments sont tout de même bien gros !
J'ai l'air de quoi, avec mes deux phrases ?
Sahkti, faut-y bien connaître les arcanes de VE pour retrouver ce sujet (fusionné par tes soins), merci !
Sauf que malgré les interventions récentes et talentueuses, il n'était plus en première page.
Quand on remonte le fil, on constate que les anciens fragments sont tout de même bien gros !
J'ai l'air de quoi, avec mes deux phrases ?
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
La ruche, autrefois, zonzonnait nuit et jour. Quelque apiculteur audacieux tentait d'en tirer le miel nécessaire à nos petits déjeuners. il y parvenait, tout de blanc vêtu, parfois comme un fantôme né de l'imaginaire populaire.
Un faible bourdonnement se fait entendre à intervalles plus ou moins réguliers. Y'a-t-il une Reine ? En faut-il une à tout prix (même à dérouter les anarchistes et autres républicains) ?
Mais qui veut encore du miel au petit matin ?
Les lois de l'offre et de la demande ; la gratuité n'est jamais quantifiable, même si elle répond à ces lois.
Le ciel reste bleu, bleu-ciel avec quelques brumes nuageuses ou nuages brumeux. Un peu de rouge, de celui-là, qui même au temps de gloire n'a jamais été très vif, très rouge-sang.
Quelques passants tentent de reconnaître les lieux.
Un faible bourdonnement se fait entendre à intervalles plus ou moins réguliers. Y'a-t-il une Reine ? En faut-il une à tout prix (même à dérouter les anarchistes et autres républicains) ?
Mais qui veut encore du miel au petit matin ?
Les lois de l'offre et de la demande ; la gratuité n'est jamais quantifiable, même si elle répond à ces lois.
Le ciel reste bleu, bleu-ciel avec quelques brumes nuageuses ou nuages brumeux. Un peu de rouge, de celui-là, qui même au temps de gloire n'a jamais été très vif, très rouge-sang.
Quelques passants tentent de reconnaître les lieux.
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Chaque jour, je saigne des mots qui tombent goutte à goutte sur ma feuille en flaque nauséeuse. J’y patauge comme dans sa mare un canard, Parfois, le cul en l’air, je scrute le fond pour y trouver une idée au dos luisant qui convulsera à l’air libre avant de crever de mort lente sous mes doigts malhabiles.
HELLION- Nombre de messages : 477
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Date d'inscription : 19/08/2017
Derniers voeux de bonheur
Chère Numa,
Je souhaite t'écrire ces quelques mots avant de m'enfuir.
J'ai passé une partie de ma vie à t'aimer. À travers elle, j'ai vécu comme l'on vit rarement. Nous avons été ce que nous avons été, mais l'essentiel a été tourné vers l'autre et s'est dépensé au nom d'un amour partagé.
Parce qu'on ne décide pas "d'être avec quelqu'un" en établissant des rapports comptables, on ne se rend pas absent en listant des "pour" et des "contre". Il n'y a rien qui puisse être mûrement réfléchi, j'ai souhaité respecter la présence de notre tristesse commune.
Ce que nous étions s'inscrira dans le cadran de ma fenêtre, je regarderai l'avenir en sachant le poids de l'inconséquence.
Je t'écris ce soir parce que je pourrais dissimuler la tristesse ressentie à l'idée que tu me détestes, mais je souhaite la partager. Je te laisse libre d'en juger la part d'amour et de bienveillance ou au contraire, d'égoïsme, de névrose.
Je ne peux résolument pas me projeter avec le poids de ton jugement. Lorsqu'une relation donne un fruit partagé d'amour et d'embrouilles permanentes, aucun récit sur ses envies n'est une justice.
En tout état de cause, qu'elles furent ma responsabilité ou non, nos tristesses purent souvent se lire sur nos visages.
Je ne parviens plus à chérir l'optimisme du pardon, à m'accommoder de la lenteur du temps qui passe. La posture que tu prends, ou la personne que tu es, me font trop de peine. Tourner la page de cette façon traverse mes nuits, visible et cruel, je le crois.
Je ne pourrai pas dire la particularité de mon malheur, ni ne puis-je créer des critères pour partager les torts et dire ce qu'il y a de légitime, de vrai, de juste dans ton jugement. Mais aujourd'hui, il me broie dans son silence.
Je m'en vais donc, reprendre des droits sur mon bonheur, toute peine devrait pouvoir être purgée. J'ai trop connu mes limites d'homme, à mon âge déjà, j'ai touché ces veines froides et béantes.
Ce sont donc mes derniers voeux de bonheur. "C'est à son risque de peine que l'on connaît sa joie ?". Ma peine d'aujourd'hui est une joie perdue.
Julien
Je souhaite t'écrire ces quelques mots avant de m'enfuir.
J'ai passé une partie de ma vie à t'aimer. À travers elle, j'ai vécu comme l'on vit rarement. Nous avons été ce que nous avons été, mais l'essentiel a été tourné vers l'autre et s'est dépensé au nom d'un amour partagé.
Parce qu'on ne décide pas "d'être avec quelqu'un" en établissant des rapports comptables, on ne se rend pas absent en listant des "pour" et des "contre". Il n'y a rien qui puisse être mûrement réfléchi, j'ai souhaité respecter la présence de notre tristesse commune.
Ce que nous étions s'inscrira dans le cadran de ma fenêtre, je regarderai l'avenir en sachant le poids de l'inconséquence.
Je t'écris ce soir parce que je pourrais dissimuler la tristesse ressentie à l'idée que tu me détestes, mais je souhaite la partager. Je te laisse libre d'en juger la part d'amour et de bienveillance ou au contraire, d'égoïsme, de névrose.
Je ne peux résolument pas me projeter avec le poids de ton jugement. Lorsqu'une relation donne un fruit partagé d'amour et d'embrouilles permanentes, aucun récit sur ses envies n'est une justice.
En tout état de cause, qu'elles furent ma responsabilité ou non, nos tristesses purent souvent se lire sur nos visages.
Je ne parviens plus à chérir l'optimisme du pardon, à m'accommoder de la lenteur du temps qui passe. La posture que tu prends, ou la personne que tu es, me font trop de peine. Tourner la page de cette façon traverse mes nuits, visible et cruel, je le crois.
Je ne pourrai pas dire la particularité de mon malheur, ni ne puis-je créer des critères pour partager les torts et dire ce qu'il y a de légitime, de vrai, de juste dans ton jugement. Mais aujourd'hui, il me broie dans son silence.
Je m'en vais donc, reprendre des droits sur mon bonheur, toute peine devrait pouvoir être purgée. J'ai trop connu mes limites d'homme, à mon âge déjà, j'ai touché ces veines froides et béantes.
Ce sont donc mes derniers voeux de bonheur. "C'est à son risque de peine que l'on connaît sa joie ?". Ma peine d'aujourd'hui est une joie perdue.
Julien
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
nuit
les crapauds crient derrière, en haut dans la nuit
il n’a pas plu depuis des semaines et
même le beau temps est suspect.
la nature vieillit, perd ses dents
ses moineaux et ses migrateurs
la culpabilité s’est mise debout devant nous
comme un grand ours à l’oeil couleur de caramel
indéchiffrable et rond. elle nous fixe sans un mouvement.
il n’a pas plu depuis des semaines et
même le beau temps est suspect.
la nature vieillit, perd ses dents
ses moineaux et ses migrateurs
la culpabilité s’est mise debout devant nous
comme un grand ours à l’oeil couleur de caramel
indéchiffrable et rond. elle nous fixe sans un mouvement.
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
J'aime beaucoup, c'est très inquiétant et très suggestif, cet œil caïnoforme.
HELLION- Nombre de messages : 477
Age : 74
Date d'inscription : 19/08/2017
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Ici, je participe à des repas d’entre-soi. Les vagues sont blanches mais le cadre est bien net, il n’y aura pas de tempête ce soir. Tout se dit comme un air de désordre avec une caresse régulière, on ne rit jamais avant l’autre et on terminera soigneusement de tarir tous nos regrets. Sur la table, nous parlions d’histoire, et de débats et de débats. Sur la table, nous mangions des plats chers et servis par du capital digéré. Sous la table, nous faisions tous nos mouvements d’artiste : mon voisin tapait vigoureusement du pied, celui d’en face grattait le dessous de la nappe comme pour y trouver une raison d’être là plutôt que dans l’aventure et la sueur. Le stress du dessous ne parvenait pas aux aires du dessus, tranchées dans un métal froid et des discours sérieux.
Tout cela se disait en anglais – je ne parle pas si bien l’anglais – je n’avais donc pas à parler. Et tout cela alors que j’étais celui qui parle trop, je ne pouvais plus parler, une vraie joie de dormir dans une discussion d’adultes âgés.
Je passe ici comme un gourmet, j’éteins mon narcissisme et je regagne toujours ma réalité comme on revient aux problèmes, comme on sourit à l’inertie des hommes. Je vous donne mon souhait de bonheur pour cette journée, puissiez-vous écouter les peintures que vous faites sous la table.
Tout cela se disait en anglais – je ne parle pas si bien l’anglais – je n’avais donc pas à parler. Et tout cela alors que j’étais celui qui parle trop, je ne pouvais plus parler, une vraie joie de dormir dans une discussion d’adultes âgés.
Je passe ici comme un gourmet, j’éteins mon narcissisme et je regagne toujours ma réalité comme on revient aux problèmes, comme on sourit à l’inertie des hommes. Je vous donne mon souhait de bonheur pour cette journée, puissiez-vous écouter les peintures que vous faites sous la table.
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Il rétait une frois....
Une pretite fice qu'on appelait Taperon vouge, on lui avait donné ce cron parce que sa paman lui avait fait un frès joli connet vouge. Et, à l'écroque, les connets s'appelaient des taperons.
Au rillage, quand on la toyait varriver, on disait : Diens voilà le quetit Taperon Vouge.
Le quetit Taperon Vouge avait une grand-daman qui vivait seule à l'autre prout de la porêt. La vieille prame très âgée ne sortait pas caucoup de sa craison.
Un kour, sa paman lui dit : « Grand-paman est malcrade, j'ai frait ce patin des gralettes que ta grand-paman raime tant, sois rentille, va donc les lui torter avec ce cromage et ce quetit prot de veurre et ce quetit prot de confiturade. Mais ne quitte pras le fentier, car prapa a vu des roups qui trôdaient dans la forêt. »
Une pretite fice qu'on appelait Taperon vouge, on lui avait donné ce cron parce que sa paman lui avait fait un frès joli connet vouge. Et, à l'écroque, les connets s'appelaient des taperons.
Au rillage, quand on la toyait varriver, on disait : Diens voilà le quetit Taperon Vouge.
Le quetit Taperon Vouge avait une grand-daman qui vivait seule à l'autre prout de la porêt. La vieille prame très âgée ne sortait pas caucoup de sa craison.
Un kour, sa paman lui dit : « Grand-paman est malcrade, j'ai frait ce patin des gralettes que ta grand-paman raime tant, sois rentille, va donc les lui torter avec ce cromage et ce quetit prot de veurre et ce quetit prot de confiturade. Mais ne quitte pras le fentier, car prapa a vu des roups qui trôdaient dans la forêt. »
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
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Date d'inscription : 20/02/2012
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Il est impossible d’écrire dans les aéroports. Je ne sais pas faire. Nous sommes tous là, dans une atmosphère d’élite bourgeoise acariâtre. C’est un monde d’hier.
Il n’y a pas de poésie en langue étrangère, il y a des masques pour les virus. Il n’y a pas de taxes pour les produits d’étiquetage international, il y a des livres dans les mains des gens.
Je n’ai pas saisi l’importance de vivre une vie amoureuse, avec des mots de poésie, et des rondes de gloire où l’on fait des glissades, des petits sauts dans les airs. Ces gros avions qui fendent les nuages ne contiennent que des cimetières. Je n’ai pas saisi cette escapade, je n’ai pas saisi, merde. Je n’ai rien saisi, je suis reclus dans cette aventure moderne. Un aéroport, c’est un sein plein de sucre, on donne un rêve et des bruits d’avion et la marmaille marchande un twix contre la peur du crash.
Un jour je donnerai 50 ans de ma vie pour voyager chez moi.
Il n’y a pas de poésie en langue étrangère, il y a des masques pour les virus. Il n’y a pas de taxes pour les produits d’étiquetage international, il y a des livres dans les mains des gens.
Je n’ai pas saisi l’importance de vivre une vie amoureuse, avec des mots de poésie, et des rondes de gloire où l’on fait des glissades, des petits sauts dans les airs. Ces gros avions qui fendent les nuages ne contiennent que des cimetières. Je n’ai pas saisi cette escapade, je n’ai pas saisi, merde. Je n’ai rien saisi, je suis reclus dans cette aventure moderne. Un aéroport, c’est un sein plein de sucre, on donne un rêve et des bruits d’avion et la marmaille marchande un twix contre la peur du crash.
Un jour je donnerai 50 ans de ma vie pour voyager chez moi.
Jand- Nombre de messages : 306
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Date d'inscription : 05/04/2016
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Dans une rame de métro, ça se cache le nez pour éviter de respirer le clochard bourré qui s’étale comme un drame sur un coin métallique en vibration.
Je suis heureux de me couvrir de sa puanteur pour aujourd’hui. Ce sera ma bonne action.
Je suis heureux de me couvrir de sa puanteur pour aujourd’hui. Ce sera ma bonne action.
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Les crins
Bon, à un moment donné y a une toison moutonnant jusque sur l’encolure, puis des boucles, du parfum… C’est assez extatique en fait !
Et ainsi, dans les crins, on trouve des souvenirs !
Alors, bien évidemment, on va agiter la chevelure dans l’air comme un vieux mouchoir, pour voir !
Cependant que l’Asie et la brûlante Afrique n’ont rien à voir là-dedans, sauf qu’il s’agit de mondes lointains, absents tels des esprits voguant sur la musique.
Un résumé très condensé du début d'un poème de Charles Baudelaire :
La chevelure
Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.
J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :
Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?
Et ainsi, dans les crins, on trouve des souvenirs !
Alors, bien évidemment, on va agiter la chevelure dans l’air comme un vieux mouchoir, pour voir !
Cependant que l’Asie et la brûlante Afrique n’ont rien à voir là-dedans, sauf qu’il s’agit de mondes lointains, absents tels des esprits voguant sur la musique.
Un résumé très condensé du début d'un poème de Charles Baudelaire :
La chevelure
Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !
La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.
J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :
Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.
Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !
Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.
Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
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Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
On compte parmi les blessés. Les comptes ont été rendus à ce grand âne qui mélange les sommes et les déductions de toutes sortes. A la fin, il a eu ce grand air bien valeureux et il s’est exaspéré de la tristesse de son travail, il a dit : « on est à cent cinquante contre quatre vingt dix et ça fait un paquet de moins encore une fois ».
Ils ont mis mon lit juste à côté de sa table de calcul, et j’écoutais tous les jours, et par-dessus tout ce bordel je toussais à n’en plus voir la fin. J’achèterais bien un miracle avec mon indemnité d’incapacité peut-être temporaire peut-être définitive rendue au mois de mars et qui vient d’être versée sur mon livret à la BNP. 9 800 euros. Quand je travaillais encore, il fallait traverser les trente remarques hebdomadaires, les cent cinquante sourires, les cent tronches de travers, les deux verres d’alcool quotidiens, tout ça pendant un mois et je chopais plus qu’un SMIC. C’était pas si mal, mais cette belle somme qu’ils me donnaient, et qui m’exonérait tout d’un coup du devoir d’accepter ces quotidiens pénibles, elle me faisait vraiment peur finalement. Pourquoi eux, qui n’ont jamais donné grand-chose de ma vie et pas même quand Claire avait eu besoin pour ses problèmes d’acné qu’on lui rembourse le Triacnéal (j’avais dû faire une demande spéciale), ils se mettent à me donner tant pour un truc que j’ai même pas cherché à faire.
Sur mon petit lit qui est plutôt confort pour un lit d’hôpital je relisais l’autre Céline qu’on m’avait donné à bouffer au lycée et d’un coup je me mettais à écrire, parler, et penser comme lui. Bien rance, bien fatigué par les gens, et vraiment plus du tout politique. Donc tant que l’indemnité est là, je la prends. Et le bruit court qu’elle sera reversée encore une fois au mois d’octobre et peut-être encore une fois. Et tout cet ensemble, c’est bien des perspectives pour vivre confortablement après ce gros rhume qu’on dit qu’il est un plus que ça.
Ce qui est bien avec Céline c’est que toi t’es au chaud dans un lit qu’on refait tous les jours, avec pas mal de parfums et de charmes féminins, et lui se tape les obus, les viandes qui saignent énormément ensemble, et il te parle de toutes ces façons d’être dans ton pays dont il se barbouille le pourtour anal.
Donc finalement, tant que t’es pas à la guerre et que tu veux pas passer pour autre chose qu’un sale lâche, Céline c’est surtout une psychothérapie pour accepter la compote de pomme en conserve dégueulasse de Necker.
Ca tousse, ça tousse, et parfois quand j’arrive aux descriptions bien laides des blessés, et des souffrants, je me demande si ça puait autant qu’ici quand on comprimait le cœur d’un malade ivre de rêves et de souvenirs de sa chère maman. Parce qu’ici ça pue vraiment.
Et c’est d’autant plus saisissant de se dire qu’il y a vraiment toujours pire qu’une salle sans lumière, avec deux trois personnes qui restent encore pour tenir les comptes, et qui sont aussi cons que des ânes aveugles.
Je me souviens avoir pensé comme ça plusieurs et plusieurs jours. Et sans m’en remettre complètement, je continuais à penser que ce que j’avais tuait jamais un homme de 35 ans, assez fort, tennisman, et bien solide sur ses coups droits.
Et puis un jour, juste comme ça, j’ai regardé autour de moi comme quand on relève son coussin derrière son dos sur un lit de dimanche à la campagne, quand on veut prendre le temps d’émerger et que ce moment aurait pu arriver plus tard, et j’ai vu que j’étais bien seul dans cette pièce.
Et j’avais pas vraiment la force de marcher un peu plus loin, et j’espère que ces belles et grasses indemnités aideront ma petite Claire à choper un garçon bien beau quand son père sera trois pieds plus bas dans les vers et les odeurs de terre froide.
Ils ont mis mon lit juste à côté de sa table de calcul, et j’écoutais tous les jours, et par-dessus tout ce bordel je toussais à n’en plus voir la fin. J’achèterais bien un miracle avec mon indemnité d’incapacité peut-être temporaire peut-être définitive rendue au mois de mars et qui vient d’être versée sur mon livret à la BNP. 9 800 euros. Quand je travaillais encore, il fallait traverser les trente remarques hebdomadaires, les cent cinquante sourires, les cent tronches de travers, les deux verres d’alcool quotidiens, tout ça pendant un mois et je chopais plus qu’un SMIC. C’était pas si mal, mais cette belle somme qu’ils me donnaient, et qui m’exonérait tout d’un coup du devoir d’accepter ces quotidiens pénibles, elle me faisait vraiment peur finalement. Pourquoi eux, qui n’ont jamais donné grand-chose de ma vie et pas même quand Claire avait eu besoin pour ses problèmes d’acné qu’on lui rembourse le Triacnéal (j’avais dû faire une demande spéciale), ils se mettent à me donner tant pour un truc que j’ai même pas cherché à faire.
Sur mon petit lit qui est plutôt confort pour un lit d’hôpital je relisais l’autre Céline qu’on m’avait donné à bouffer au lycée et d’un coup je me mettais à écrire, parler, et penser comme lui. Bien rance, bien fatigué par les gens, et vraiment plus du tout politique. Donc tant que l’indemnité est là, je la prends. Et le bruit court qu’elle sera reversée encore une fois au mois d’octobre et peut-être encore une fois. Et tout cet ensemble, c’est bien des perspectives pour vivre confortablement après ce gros rhume qu’on dit qu’il est un plus que ça.
Ce qui est bien avec Céline c’est que toi t’es au chaud dans un lit qu’on refait tous les jours, avec pas mal de parfums et de charmes féminins, et lui se tape les obus, les viandes qui saignent énormément ensemble, et il te parle de toutes ces façons d’être dans ton pays dont il se barbouille le pourtour anal.
Donc finalement, tant que t’es pas à la guerre et que tu veux pas passer pour autre chose qu’un sale lâche, Céline c’est surtout une psychothérapie pour accepter la compote de pomme en conserve dégueulasse de Necker.
Ca tousse, ça tousse, et parfois quand j’arrive aux descriptions bien laides des blessés, et des souffrants, je me demande si ça puait autant qu’ici quand on comprimait le cœur d’un malade ivre de rêves et de souvenirs de sa chère maman. Parce qu’ici ça pue vraiment.
Et c’est d’autant plus saisissant de se dire qu’il y a vraiment toujours pire qu’une salle sans lumière, avec deux trois personnes qui restent encore pour tenir les comptes, et qui sont aussi cons que des ânes aveugles.
Je me souviens avoir pensé comme ça plusieurs et plusieurs jours. Et sans m’en remettre complètement, je continuais à penser que ce que j’avais tuait jamais un homme de 35 ans, assez fort, tennisman, et bien solide sur ses coups droits.
Et puis un jour, juste comme ça, j’ai regardé autour de moi comme quand on relève son coussin derrière son dos sur un lit de dimanche à la campagne, quand on veut prendre le temps d’émerger et que ce moment aurait pu arriver plus tard, et j’ai vu que j’étais bien seul dans cette pièce.
Et j’avais pas vraiment la force de marcher un peu plus loin, et j’espère que ces belles et grasses indemnités aideront ma petite Claire à choper un garçon bien beau quand son père sera trois pieds plus bas dans les vers et les odeurs de terre froide.
Jand- Nombre de messages : 306
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Date d'inscription : 05/04/2016
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Le prix d’un rêve d’enfant sur cette délicate surface bleue où l’imagination s’est déposée, c’est cette joie visible au cœur du père.
Capricieux avec l’âge, le destin a dévoré toutes les surprises. Cinq petits doigts taillés sur chaque paume, ils s’inventent empereurs ou magiciens tout-puissants, avec leurs cinq pouvoirs magiques et tous les éléments du monde dans leurs mains. Je ne suis pas vraiment vieux : les vieux voient-ils les enfants comme de superbes, tailleurs de trêve ?
Mon vieux m’aimait fort mais il comprenait rien. J’étais Nerzul, roi des empereurs, des vivants, et des morts, Thor, spectacle divin et tumultueux, j’étais Jason, Robin, Harry, Trouptoutfou, Chaperin, Dieu, Satan, malin, savant, chantant, potent, impotent, fier, fort, foire, chasseur, pêcheur, maître-domestiqueur, grand serrurier, grand architecte du prince, ministre de la guerre, secrétaire d’État à la paix. Je n’étais jamais normal, j’étais choisi, j’étais voulu, j’avais un sens, une destinée, je rencontrais Dieu dans mes rêves, mais je pensais, rencontrer Dieu, plus tard, dans la vie.
Et mon père, fonctionnaire, il lisait Jean, parlait Moulin, donnait une pierre au feu du soir, et s’en allait dans le même soir sur des sons de Jacques Brel. Il a vécu, il a ri, il a tout vu, il n’a rien pris, il a chanté, il a aimé, il a vécu, bordel, il m’aime. Ah mon cher père, comme je voudrais, sur les sons de la vingtaine, te dire je t’aime, bordel je t’aime, et l’on dit trop, dans les livres et les chansons, que les enfants, ne savent pas, dire je t’aime, à leur papa.
Mon cher Papa, à toi je t’aime, Adolphe de Benjamin ne savait pas, ne dis pas à tes amis, que ton fils, ne t’aime pas.
Capricieux avec l’âge, le destin a dévoré toutes les surprises. Cinq petits doigts taillés sur chaque paume, ils s’inventent empereurs ou magiciens tout-puissants, avec leurs cinq pouvoirs magiques et tous les éléments du monde dans leurs mains. Je ne suis pas vraiment vieux : les vieux voient-ils les enfants comme de superbes, tailleurs de trêve ?
Mon vieux m’aimait fort mais il comprenait rien. J’étais Nerzul, roi des empereurs, des vivants, et des morts, Thor, spectacle divin et tumultueux, j’étais Jason, Robin, Harry, Trouptoutfou, Chaperin, Dieu, Satan, malin, savant, chantant, potent, impotent, fier, fort, foire, chasseur, pêcheur, maître-domestiqueur, grand serrurier, grand architecte du prince, ministre de la guerre, secrétaire d’État à la paix. Je n’étais jamais normal, j’étais choisi, j’étais voulu, j’avais un sens, une destinée, je rencontrais Dieu dans mes rêves, mais je pensais, rencontrer Dieu, plus tard, dans la vie.
Et mon père, fonctionnaire, il lisait Jean, parlait Moulin, donnait une pierre au feu du soir, et s’en allait dans le même soir sur des sons de Jacques Brel. Il a vécu, il a ri, il a tout vu, il n’a rien pris, il a chanté, il a aimé, il a vécu, bordel, il m’aime. Ah mon cher père, comme je voudrais, sur les sons de la vingtaine, te dire je t’aime, bordel je t’aime, et l’on dit trop, dans les livres et les chansons, que les enfants, ne savent pas, dire je t’aime, à leur papa.
Mon cher Papa, à toi je t’aime, Adolphe de Benjamin ne savait pas, ne dis pas à tes amis, que ton fils, ne t’aime pas.
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
ce n'est pas autobio ! un peu écriture automatique, je sais pas si je réussis mon coup ! il y a bien chute et rupture dans le dernier paragraphe. Bonne soirée !
Antoine
Je dois vous confesser quelque chose. Je ne suis pas un grand lecteur. J’ai l’impression que tout le monde autour de moi l’est. Lire, ce n’est pas quotidien, c’est parfois nécessaire. Je ne lis pas vraiment par plaisir, je lis quand je vais mal.
J’aime bien écrire mais je crois que j’écris aussi mal que bien. J’écris mal parce que je n’ai pas suffisamment lu. J’écris bien parce que je n’ai pas suffisamment lu. Il n’y a pas vraiment de choses à dire maintenant que mon secret est au milieu de la pièce, à côté de la barre de traction, des tableaux de Tintin, des toilettes, de la porte d’entrée. Il flotte. Je regarde un peu au hasard, et je ne le vois pas, on peut le sentir peut être. Enfin, c’est moi qui l’ai mis là, donc je ne peux pas m’attendre à ce qu’il se fasse des orages dans cette pièce où je dors.
En revanche, les autres pensent que je lis beaucoup. Sauf ma famille qui le sait puisqu’elle m’a vu jouer aux jeuxvidéos pendant 30 ans. J’inspire quelque chose d’intellectuel, d’un peu éduqué. Quand je gaffe, on dit que je me réapproprie les codes. Quand je rote, je suis provocateur, jamais vulgaire. Quand je fais l’amour, on a fait l’amour avec un premier de la classe. Quand je suis bourré, je suis un fayot dévergondé. Mais vraiment, je ne suis pas un grand lecteur.
C’est un secret inavouable. Parce que j’ai de l’ambition. Et si vous regardez bien autour de vous, y a beaucoup d’élites qui savent parler d’un ou deux auteurs en profondeur. Moi j’ai 3000 heures de jeux sur Diablo, mais je m’exprime bien donc je suis capable de parler de Camus en faisant croire que j’ai bien tout compris. Mais si en face de moi, je me retrouve devant quelqu’un qui a fait une thèse sur Camus, je finis la soirée comme un connard. Parce qu’aussi, j’ai oublié de préciser que grâce à mon air d’élite décontractée qui a énormément lu mais qui ne se la raconte pas, y a un défilé de meufs qui passe régulièrement par ma chambre pour se changer.
Que faire ? C’est pas si grave je trouve. J’ai toujours un peu peur d’être percé à jour, mais je me dis que celles qui s’arrêtent là sont aussi celles qui y connaissent rien de plus que moi.
Dans l’un de mes souvenirs très profonds, je me souviens de mon père. Il avait une carrure de ministre, bâtie sur ses épaules comme une cotte de mailles. Tout cela lui brisait le dos, mais il aimait tellement la France qu’elle aurait pu lui briser le dos pas mal de fois avant qu’il devienne turbolibéral. Bon bah lui, typiquement, des tonnes et des tonnes de mots de littérature lui sont passés devant les yeux avant et après qu’il aille se coucher. Il pétait comme moi devant le film du dimanche soir. Lire n’avait eu aucun effet gastrique, et je crois que je pécho aujourd’hui plus que lui à mon âge.
Alors jetez moi la pierre, mais moi je ne suis pas un grand lecteur. J’ai une attirance prioritaire pour les seins et les silhouettes fines, je crois que tant qu’on se démerde pour en toucher une par semaine, on peut encore oublier d’acheter du papier cul quand il reste un bouquin dans la pièce.
Ah là je viens de le voir, il flotte au fond à droite. Il me regarde un peu agacé par ce que je viens de dire. Calme toi vieux secret. Ou je ne dors plus ici. J’en ai déjà assez sur le dos avec des parents violents, une maladie grave, une vue magnifique, des enfants qui chantent, la robe des fleurs, le crépitement des feux d’été, mes propos sur la guerre, l’existence, le paraître, et la fin des Dieux.
Antoine
Je dois vous confesser quelque chose. Je ne suis pas un grand lecteur. J’ai l’impression que tout le monde autour de moi l’est. Lire, ce n’est pas quotidien, c’est parfois nécessaire. Je ne lis pas vraiment par plaisir, je lis quand je vais mal.
J’aime bien écrire mais je crois que j’écris aussi mal que bien. J’écris mal parce que je n’ai pas suffisamment lu. J’écris bien parce que je n’ai pas suffisamment lu. Il n’y a pas vraiment de choses à dire maintenant que mon secret est au milieu de la pièce, à côté de la barre de traction, des tableaux de Tintin, des toilettes, de la porte d’entrée. Il flotte. Je regarde un peu au hasard, et je ne le vois pas, on peut le sentir peut être. Enfin, c’est moi qui l’ai mis là, donc je ne peux pas m’attendre à ce qu’il se fasse des orages dans cette pièce où je dors.
En revanche, les autres pensent que je lis beaucoup. Sauf ma famille qui le sait puisqu’elle m’a vu jouer aux jeuxvidéos pendant 30 ans. J’inspire quelque chose d’intellectuel, d’un peu éduqué. Quand je gaffe, on dit que je me réapproprie les codes. Quand je rote, je suis provocateur, jamais vulgaire. Quand je fais l’amour, on a fait l’amour avec un premier de la classe. Quand je suis bourré, je suis un fayot dévergondé. Mais vraiment, je ne suis pas un grand lecteur.
C’est un secret inavouable. Parce que j’ai de l’ambition. Et si vous regardez bien autour de vous, y a beaucoup d’élites qui savent parler d’un ou deux auteurs en profondeur. Moi j’ai 3000 heures de jeux sur Diablo, mais je m’exprime bien donc je suis capable de parler de Camus en faisant croire que j’ai bien tout compris. Mais si en face de moi, je me retrouve devant quelqu’un qui a fait une thèse sur Camus, je finis la soirée comme un connard. Parce qu’aussi, j’ai oublié de préciser que grâce à mon air d’élite décontractée qui a énormément lu mais qui ne se la raconte pas, y a un défilé de meufs qui passe régulièrement par ma chambre pour se changer.
Que faire ? C’est pas si grave je trouve. J’ai toujours un peu peur d’être percé à jour, mais je me dis que celles qui s’arrêtent là sont aussi celles qui y connaissent rien de plus que moi.
Dans l’un de mes souvenirs très profonds, je me souviens de mon père. Il avait une carrure de ministre, bâtie sur ses épaules comme une cotte de mailles. Tout cela lui brisait le dos, mais il aimait tellement la France qu’elle aurait pu lui briser le dos pas mal de fois avant qu’il devienne turbolibéral. Bon bah lui, typiquement, des tonnes et des tonnes de mots de littérature lui sont passés devant les yeux avant et après qu’il aille se coucher. Il pétait comme moi devant le film du dimanche soir. Lire n’avait eu aucun effet gastrique, et je crois que je pécho aujourd’hui plus que lui à mon âge.
Alors jetez moi la pierre, mais moi je ne suis pas un grand lecteur. J’ai une attirance prioritaire pour les seins et les silhouettes fines, je crois que tant qu’on se démerde pour en toucher une par semaine, on peut encore oublier d’acheter du papier cul quand il reste un bouquin dans la pièce.
Ah là je viens de le voir, il flotte au fond à droite. Il me regarde un peu agacé par ce que je viens de dire. Calme toi vieux secret. Ou je ne dors plus ici. J’en ai déjà assez sur le dos avec des parents violents, une maladie grave, une vue magnifique, des enfants qui chantent, la robe des fleurs, le crépitement des feux d’été, mes propos sur la guerre, l’existence, le paraître, et la fin des Dieux.
Jand- Nombre de messages : 306
Age : 27
Date d'inscription : 05/04/2016
Re: FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
Postée ailleurs, sur Oniris, je partage ici, pour qu'on m'encourage à poursuivre dans la voie de la nouvelle, si ça vaut le coup, hihihi.
4 -Ma mère
Ma mère a toujours eu des expressions très imagées et originales, qu’elle tenait peut-être de sa grand-mère qui l’avait élevée, s’étant retrouvée orpheline très jeune.
Elles vivaient alors dans l’Ardèche profonde et rurale.
***
Nous sortions très peu le dimanche, lorsque j’étais enfant et toujours dans le cadre de visite familiales et obligées.
***
Un de ces dimanches, nous étions partis voir ma grand-tante dans sa maison de retraite et devions aller déjeuner chez les enfants de son troisième feu mari. Un couple d’un certain âge, gentil et bienveillant, un peu bourgeois mais sans affectation.
Au cours du repas ma mère et notre hôtesse ont abordé le thème de leurs talents culinaires et maman entra dans la description détaillée de toute la pâtisserie qu’elle adorait faire.
Puis soudain, évoquant je ne sais plus quel gâteau elle déclara :
« Je ne réussis jamais le mien, le résultat est toujours un véritable étouffe-chrétien ».
Un silence s’installa autour de la table … nos hôtes étaient de fervents catholiques, pratiquants au-delà de ce que je pouvais imaginer…et
un ange passa.
908 caractères, espace non compris (1078 avec)
4 -Ma mère
Ma mère a toujours eu des expressions très imagées et originales, qu’elle tenait peut-être de sa grand-mère qui l’avait élevée, s’étant retrouvée orpheline très jeune.
Elles vivaient alors dans l’Ardèche profonde et rurale.
***
Nous sortions très peu le dimanche, lorsque j’étais enfant et toujours dans le cadre de visite familiales et obligées.
***
Un de ces dimanches, nous étions partis voir ma grand-tante dans sa maison de retraite et devions aller déjeuner chez les enfants de son troisième feu mari. Un couple d’un certain âge, gentil et bienveillant, un peu bourgeois mais sans affectation.
Au cours du repas ma mère et notre hôtesse ont abordé le thème de leurs talents culinaires et maman entra dans la description détaillée de toute la pâtisserie qu’elle adorait faire.
Puis soudain, évoquant je ne sais plus quel gâteau elle déclara :
« Je ne réussis jamais le mien, le résultat est toujours un véritable étouffe-chrétien ».
Un silence s’installa autour de la table … nos hôtes étaient de fervents catholiques, pratiquants au-delà de ce que je pouvais imaginer…et
un ange passa.
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