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Conte de Noël

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Conte de Noël Empty Conte de Noël

Message  Charles Mar 17 Jan 2006 - 13:30

Ce matin, il faisait froid. Froid sur Genève, froid dans ma vieille guimbarde, froid dans mon cœur. Les gros flocons, dans leur chute lente, ralentissaient l’écoulement du temps, dictaient à la file des voitures l’allure à suivre. Rien à faire d’autre qu’attendre, rouler au pas, observer le lever du jour, légère clarté progressive sur le flan du Mont Salève, ciel blanc, feux de stop, rouges …

« Avec le temps... avec le temps, va, tout s'en va … »

Deux jours que j’avais cette chanson en tête. Relent inconscient de nostalgie, amorce de retour sur soi ? Toujours est il que le matin m’avait chantonné à l’oreille du Léo Férré. Bien sûr, ça ne m’étonnait pas beaucoup. J’avais eu des jours meilleurs. Nous avions eu des jours meilleurs.

De fatigue en fatigue, de dispute en dispute, la passion était partie, discrètement, à l’anglaise, sans prévenir. Et puis, il y a des périodes, ces semaines où rien ne va, où la paperasse s’accumule, où la voiture ne démarre pas, où le vent glace plus qu’à l’habitude, où l’agressivité fait plus mal, et où la pénombre du jour amorce la pénombre des cœurs.

Alors sans faillir, au premier instant mort, au premier temps figé, les vieilles voix oubliées, les visages du passé ressurgissent souriants. La mémoire des beaux jours, les sourires envolés, les projets qu’on faisait et la vie d’aujourd’hui … Qu’en a t’on fait ?


***************************

« …le cœur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller
chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien … »

Un bureau silencieux, le travail en sommeil, employés en vacances, fenêtre sur la rue et la vie au dehors. Les passants se pressaient, foule de quidams aux multiples bras supportant d’innombrables paquets, derniers achats, cadeaux manquants. Nous avions déjà tous nos présents, il ne nous restait plus qu’à les offrir, le soir même, au repas de famille. Ce réveillon où l’on ira en traînant les pieds …

Jolie soirée de théâtre où nous tiendrons nos rôles de mains de maîtres, où l’illusion des bonheurs collectifs est facile à donner tant chacun se protège, tant chacun ne veut voir, ne veut savoir, ne veut que montrer.

Et viendra le repas où coincé entre la tante Marthe et le cousin Bertrand, je me ferai spectateur. Par là, un petit hochement de tête approbateur, par ici, un petit rire et attendre … Attendre que pour apaiser les tensions quelqu’un propose d’ouvrir les cadeaux … Et observer … Observer la grand mère qui répète à qui veut l’entendre que c’est elle qui a offert la grosse voiture, observer la cousine qui s’indigne que les gosses ne disent plus merci maintenant, observer du coin de l’œil si quelqu’un a pensé à vous … Mais non, personne, tu es adulte aujourd’hui !


***************************

« … et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
et l'on se sent glacé dans un lit de hasard … »

Ce soir, il faisait froid. La tante Marthe et le cousin Bertrand avaient lancé la discussion sur les émeutes en banlieues, les avis divergeaient, le ton montaient … Et moi, j’attendais. L’âme très vague, décomptant les secondes, j’aurais bien pris un autre verre mais refusait de bouger. Je me voulais étranger à tout ça, transparent, je n’en voulais pas de leur vin, je ne les aimais pas, d’ailleurs avais je aimé un jour. Oui peut être mais pas eux, je ne crois pas.

Ce fut ma femme qui proposa d’ouvrir les cadeaux. A peine une demi heure avant l’heure traditionnelle. C’était plutôt pas mal, d’habitude, nous ne tenions pas si longtemps. Et la sarabande commença, les enfants dans la chambre, les paquets sous le sapin, quelqu’un va sonner, les enfants reviennent, le père Noël est déjà parti, il a laissé des cadeaux …

Et me voilà, assis, dans un coin, seul, au milieu de l’agitation, les papiers se déchirent, les bises s’échangent, les cœurs se réchauffent mais le mien reste froid.

« … et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
et l'on se sent floué par les années perdues- alors vraiment
avec le temps on n'aime plus … »

Et ces phrases me reviennent à nouveau, m’enserrant la gorge comme des mots assassins …

Puis une main qui me frôle, se pose sur mon épaule, du papier blanc, des cœurs rouges, quelques petits sapins verts et plus haut, un visage, un regard …. Puis une voix :

- ces derniers temps, c’était pas ça mais bon … enfin, tu vois … enfin, tu sais … non tu ne sais pas … je t’aime toujours !

Et des larmes qui montent, je balbutie, enfin, on avait dit pas de cadeau, et puis, je n’ai rien moi … pardon … pardon et puis, une autre main, qui me frôle, sur ma cuisse, et plus bas un visage, un regard … une autre voix :

- Regarde Papa, viens voir !

Et mon fils qui vient me chercher, moi, moi seul, pour me montrer ses cadeaux. Mon trésor que j’avais oublié. Son regard, mon regard des années plus tôt, son enfance, mon enfance, son bonheur, mon bonheur… Et je tourne la tête, elle me regarde, me sourit, elle aussi a les larmes aux yeux.

- Papa, tu pleures ?
- Non chéri, c’est la fumée… Montre moi !

Et nous jouons. Dix ans plus tôt, fébrile, j’attends sa réponse, elle voit la bague, elle pleure. Trente ans plus tôt, j’ouvre mes paquets, un déguisement de Zorro, un train électrique, un jour de Noël, Papa …

Et demain nous serons trois, accroupis au salon, je passerais mon bras sur son épaule, je l’embrasserai sur la nuque et nous jouerons avec ce petit soleil qui nous rappelle notre enfance, du temps où c’était tous les jours Noël ou presque …

Et l’on ne se sent plus seul
Et l’on ouvre son cœur
Avec le temps, on aime tant …
Charles
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