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Marion et la fée du puits

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Message  Carmen P. Sam 18 Fév 2012 - 11:54

Marion et la fée du puits

Assise sur le banc de bois Marion s’ennuie. Elle attend ses parents, ils ne sont pas encore revenus des champs. Ses pieds, si petits, ont laissé tomber les sabots, ils ne touchent pas le sol de terre battue et s’agitent sous la table. Peu de lumière dans la pièce où vit la famille, on devine une salle simplement meublée de lits de coin, d’un coffre et d’une armoire. Le feu anime les murs d’ombres mouvantes, dans la marmite la mère a laissé mijoter le repas du soir. Seule l’odeur du lard emplit la maison, et l’enfant patiente alors que gargouille son estomac. Le chien laisse entendre des grondements ; il ressent l’angoisse de l’enfant, il suit son regard et tente de repousser l’obscurité qui s’installe.
Les doigts de la fillette s’aventurent sur la table et volent des miettes à la croûte du pain que les femmes du village ont cuit ce matin dans le four de la cour.
Rassurée par la surveillance du chien elle se lève et décide de marcher. Une chanson lui revient à l’esprit et elle l’accompagne de ses pas :
Trois pas du côté du banc
Et trois pas du côté du lit
Trois pas du côté du coffre,
Et trois pas. Revenez ici.
Sa chorégraphie la distrait quelques minutes, mais l’ombre grandit et papa et maman ne sont toujours pas là !
Marion regarde dans la cruche elle est vide, alors elle la prend et va vers le seau pour la remplir. Le seau lui aussi est vide.
« Je suis assez grande pour le remplir, hein Kador, dit-elle à son chien, maman n’aura pas besoin de le faire, elle sera contente ! »
Marion se glisse sous la partie basse de la porte et le vent d’hiver s’engouffre dans la pièce. Le seau vide est déjà bien lourd pour elle et son bois frotte contre ses mollets. Arrivée au puits elle se penche par-dessus la margelle car il lui semble entendre une voix, la voix de sa mère.
« Maman ! »
Le vent souffle plus fort et l’enfant se penche davantage. Elle entend distinctement :
« Va dire à la fille de ta fille, qu’elle aille dire à la fille de sa fille, qu’elle apporte le pain au four ! »
En face d’elle sur la margelle, un lutin au visage de petit garçon la regarde, un nuage passe et l’instant d’après c’est un lièvre qui détale et l’enfant a disparu...
Carmen P.
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Message  elea Sam 18 Fév 2012 - 15:26

Je suppose que c’est un début. Je l’espère surtout, parce que là, sinon, il me manque quelque chose.
Mais j’ai beaucoup aimé, la description de la pièce plonge de suite dans une époque, l’ambiance s’installe très vite, pique la curiosité.

À suivre !

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Message  Carmen P. Sam 18 Fév 2012 - 15:32

Marion était bouleversée, désorientée ! Tout d’abord pétrifiée par cette avalanche inattendue de mots incompréhensibles qui éveillèrent en elle des visions anachroniques, elle s’imagina perdre la vie. Puis, le choc s’atténuant, la frayeur la saisit, elle prit les jambes à son cou et s’enfuit en courant – insensible aux ronces et aux ajoncs vêtus d’or qui lui griffaient méchamment les mollets. Pour la première fois, elle passa devant les demoiselles de Cojoux sans y prêter attention et pourtant …. combien elle aimait se faire raconter ou se remémorer ce qui n’était qu’une légende, fabuleuse certes, mais si délicieusement inquiétante, quand même ! Saint Just regorgeait de ces sortilèges et maléfices parsemés sur la lande incrustée de schistes mauves et bleu, de grès et de poudingues de Montfort. Jugez plutôt, un dimanche après midi, Le Tout Puissant s’était fâché rouge, en une seconde, le ciel s’était obscurci et avait fait place à un cul de chaudron strié d’éclairs et de coups de tonnerre monstrueux. Il y avait un moment qu’il réprouvait l’attitude de trois filles du Vieux Bourg qui chaque dimanche préféraient aller danser à Saint Just plutôt qu’aller à vêpres. Cela suffisait, on ne pouvait défier son autorité plus longtemps. La colère divine les transforma en trois blocs de pierre fichés là, dans la lande sur ce magnifique tapis de bruyères, dans des positions où l’équilibre semblait fort instable ! On appela ces mégalithes les demoiselles de Cojoux.
Marion n’était pas des plus obéissantes, elle avait le caractère bien trempé. Et voilà que l’incompréhensible surgissait ! Etait-ce son tour de subir un châtiment suprême ? Arrivée toute essoufflée dans la maison, elle se jeta à genoux sous le crucifix accroché près du lit-clos de ses parents. Après un rapide signe de croix, elle marmonna les prières rituelles avant d’implorer le « tout puissant ».
« Que se passe-t-il ? Que fait maman dans le puits et pourquoi veut-elle que j’aille dire à la fille de la fille …… le pain dans le four ? Maman ……Maman !... »
Kador s’approcha doucement de l’enfant, il avait sans doute compris la douleur et le désarroi de sa maîtresse. Il geignait lui aussi, lui léchant le visage comme s’il voulait absorber la tempête de larmes qui venait d’éclater. Marion avait perdu pieds. Incapable de réfléchir. Incapable de se souvenir du message entendu. Insensible aux attentions de son fidèle compagnon. Elle n’était qu’une petite fille submergée par l’angoisse, et ses pleurs incoercibles, seuls les bras de sa maman pourraient les calmer.

Le chien impuissant à calmer Marion se mit à hurler à la mort, il avait conscience de la gravité de ce qui se passait. Ces chants de détresse, pleurs et hurlements mêlés, attirèrent une voisine qui s’en revenait du moulin de l’étang du Val par le sentier.

« Mais que se passe-t-il dans cette maison ! », dit la brave femme en posant sa panière.

Elle releva le menton de l’enfant et vit son visage inondé de larmes, elle lut ainsi dans ses yeux une panique qui sortait de l’ordinaire.

« Maman est dans le puits… elle veut qu’on lui porte du pain… », réussit à articuler Marion.

La paysanne comprit aussitôt ; elle avait tant de fois, lors des veillées, entendu cette histoire contée par la voix du barde, et puis, ne disait-on pas qu’elle-même tenait ses pouvoirs de « guérisseuse » du petit peuple ? Elle connaissait bien des mystères.

« T’en fais pas ma toute petite, ta maman n’est pas au fond du puits, je l’ai vue partir aux champs ce matin avec les hommes. Ils vont bientôt rentrer, et toi, ne te languis point.
Viens donc chez moi en attendant ! »

La femme prit l’enfant dans ses bras, car la pauvrette avait les jambes trop faibles pour tenir debout. Elle n’était pas bien lourde la gamine, pour sûr ses parents ne lui donnaient pas assez à manger ! Il lui serait facile de la porter jusqu’à sa chaumière, de l’autre côté de la cour.
Elle se garda bien, d’inquiéter l’enfant en lui disant que c’était une Fée qu’elle avait entendu, et que celle-ci sortait toujours dans le but de ravir une enfant. Oh, la dame du puits n’avait pas de méchante intention, car la vie qu’elle préparait à l’enfant lui épargnerait bien des épreuves – la fée les avait devinées dans le futur de l’enfant.

Ah mais, cela n’était pas dans l’ordre des choses ! La Jeanne était là, et serait vigilante, elle saurait satisfaire les esprits de la nature et renvoyer dans le monde des légendes ces créatures !
Il se préparait sûrement de grands malheurs pour que les esprits se réveillent et viennent ainsi perturber la vie des humains.

En passant la porte, Marion jeta un coup d’œil méfiant à l’intérieur de la pièce ; elle vit, assis sur une pierre plate, que la femme laissait toujours près de l’âtre, un drôle de personnage.
C’était une espèce de nain, habillé comme un garçon de ferme, son gilet était brodé de motifs qui ressemblaient à des feuilles de lierre, et il portait avec élégance un feutre à larges bords. Quand il releva la tête pour regarder Marion, l’enfant découvrit une face fripée qui lui souriait malicieusement. Des yeux bridés du gnome filtrait une étrange lumière. Marion lui trouva un visage de fouine, mais non… et elle se mit à frissonner… le visage du garçon ressemblait à une face de rat ! Elle se serra encore plus fort contre la poitrine de la Jeanne.
Marion avait vu Razunellou !
...
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Message  Carmen P. Sam 18 Fév 2012 - 15:38

L'histoire est écrite, il faut que je la revoie... là par exemple je raconte au passé, alors que j'avais commencé au présent !
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Message  Invité Sam 18 Fév 2012 - 15:41

Une sorte d'Alice made in Bretagne. Pour le moment, ça ne me déplaît pas, je verrai pour la suite, n'étant en général fan ni de contes de fées ni d'histoires rurales d'antan.

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Message  elea Sam 18 Fév 2012 - 15:46

Ah ! J’ai commenté trop tôt :-)

Voilà une suite qui prend un sacré coup d’accélérateur après le début qui prenait son temps.
J’aime bien les ambiances de fées, de lutins et de légendes. C’est ici parfaitement rendu et décrit (les mégalithes, très visuels).

Rien à dire à partir de l’arrivée de la Jeanne.
Mais avant, j’ai trouvé la description de l’état de Marion un peu trop appuyée, quelques mots suffiraient à faire comprendre sa panique.

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Message  midnightrambler Sam 18 Fév 2012 - 22:59

Bonsoir,

J'aime beaucoup la première partie qui met en place une ambiance étrange où l'on s'attend au pire après un moment de calme plutôt malsain. La deuxième partie est un peu confuse, peut-être un peu longue si le texte doit connaître des développements ultérieurs. Mais il est vrai que je ne suis pas non plus très attiré par les contes de fées et les légendes médiévales !

Amicalement,
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Message  Carmen P. Dim 19 Fév 2012 - 21:25

Il en était bien question parfois, le soir autour de la cheminée, de Razunellou, mais toujours à mi-voix et une atmosphère bizarre épaississait à chaque fois le mystère. À ces évocations, Marion avait l’impression que ses parents tentaient de lui cacher quelque chose, de vouloir la préserver de quelque danger impalpable, mais bon, c’était sans doute un truc d’adultes. Et voilà qu’il était là, devant elle sans que Jeanne ne se sente gênée par leur rencontre.
Razunellou se mit à chantonner :
« Allez mon ami,
Viens rouler dans la poussière,
Sauter et rire dans les clairières,
Réjouir nos amies les pierres,
Viens mon ami … »
De la cheminée descendit la mélodie sourde d’un duo de bombardes en parfait accord avec la voix déjà bien mûre du nain. C’était gai, virevoltant, léger comme l’une de ces gavottes vives où les jeunes hommes effectuent les sauts les plus spectaculaires possibles afin d’attirer les faveurs de leur princesse de cœur ! Il se disait même que certains s’entraînaient dur avant les quelques soirées de réjouissances dans le pays ! En tout cas, Marion la préférait à la fameuse danse du loup, très martelée, un véritable rituel sensé chasser les prédateurs des campagnes mais qui lui faisait faire des cauchemars la nuit suivante.

Soudain elle s’aperçut que Kador, pourtant très sourcilleux avec l’étranger d’habitude, s’était couché non loin de ce gnome et, à entendre ses premiers ronflements, il devait déjà chasser le lapin dans la lande. Marion se détendait.
– Ne crains rien petiote, dit Jeanne, il ne te fera aucun mal. Ecoute- moi, je vais te conter une partie de son histoire, ce que je crois en savoir, et surtout garde la pour toi, ne t’en vas pas la semer à tout vent ! Razunellou habite ma maison depuis très longtemps, ma grand-mère me disait qu’il était déjà là du temps de sa grand-mère à elle. Il était arrivé comme ça, un soir de très gros orage et il s’était installé sans autre façon. Depuis son arrivée on avait remarqué que les récoltes étaient meilleures, que nous avions moins faim au creux de l’hiver. Tu sais, nous autres les petits, avons bien besoin d’aide pour vivoter et ils n’en sont pas chiches les korrigans quand on ne les moque pas. Par contre, ils savent très bien, par leur espièglerie, te jouer des tours pendables si tu leur manques de respect. J’ai l’impression que tu lui plais déjà. Je me demande s’il n’a pas remarqué que tu ressemblais comme deux gouttes d’eau à ton arrière-grand-mère Rozenn. Et Razunellou n’était jamais loin de Rozenn, il se disait qu’il avait reçu mission des Fées d’Essé de la protéger comme un trésor. On n’a jamais su pourquoi mais longtemps après sa mort, il n’était pas rare de voir les magiciennes venir lui tenir compagnie au cimetière. C’est un mystère que je n’ai jamais cherché à percer.
Le nain, indifférent au bavardage de Jeanne lissa son feutre et quitta la pièce en sautillant, reprenant une nouvelle fois sa mélodie. Les bombardes invisibles lui emboîtèrent le pas. Avant de sortir, il se retourna et d’une voix très douce, comme un conseil, il lâcha :
– Per gwirion n'eo ked mad da laret ! (« Toute vérité n'est pas bonne à dire ! » chuchota Jeanne ).
Puis il reprit sa ritournelle et s’éloigna.
Marion ne savait plus ce qu’il en était. Était ce un rêve ? Un cauchemar ? Quelque facétie ou mauvais tour que des adultes se plaisaient parfois à jouer aux enfants ? Pourtant, les griffures sur ses jambes étaient bien là et lui rappelaient douloureusement la réalité.
– Tu m’as l’air d’avoir faim, s’inquiéta Jeanne, veux-tu un petit quelque chose ?
La gamine acquiesça de la tête et s’assit sur le banc de chêne. Jeanne souleva le couvercle de la terrine en terre qui trônait sur la table. Une douce odeur chaude lui titilla les narines et la fit aussitôt saliver. Elle se demanda un court instant par quelle magie, par quel tour de malice, il se pouvait que son plat préféré soit là, à bonne température ; elle y plongea avec gourmandise sa cuiller sans se poser plus de questions pour l’instant.

Le lendemain, quand Marion ouvrit les yeux, elle fut surprise de constater qu’elle avait dormi dans son lit. Elle ne se souvenait pas s’y être couchée. Sa mère la regardait avec tendresse.
– Qu’est-ce qu’il y a maman, dit-elle, pourquoi je ne suis plus chez la Jeanne ?
– Tu t’es endormie sur la table après avoir mangé comme une ogresse le Kig ar farz qu’elle t’avait servi. C’est le père qui t’a portée jusqu’ici ! Cette nuit, tu t’es agitée en vraie diablesse, ma fille. Pour sûr, tu t’es montrée bien trop gourmande hier soir, faudra le dire à confesse !
Sa mère ne pipa mot des évènements de la veille. Se pourrait-il que Jeanne n’ait rien dit ?

À peine débarbouillée Marion alla s’enquérir auprès de la voisine.
– Mais ma petite, il faut savoir que toute vérité n’est pas bonne à dire, lui rétorqua la vieille femme. C’est la première leçon que tu dois retenir, elle vaut de l’or car ce sont les korrigans qui me l’ont transmise. Cette pensée tu la gardes là, dit Jeanne en pointant son index noueux sur la tempe de l’enfant, là, dans un coin de ta tête, et elle viendra sonner bombarde avant que tu ne parles pour dire des bêtises qui affoleraient les braves.
Cette perspective des plus bruyantes affola Marion qui depuis son plus jeune âge fuyait le talabarder et le bruit sourd de sa bombarde. Son père se moquait d’elle lorsqu’il la voyait partir en se bouchant les oreilles, il disait qu’elle n’était pas une vraie Bretonne pur beurre !
D’abord ce n’était même pas vrai, parce que Marion adorait le beurre et en plus elle n’avait pas à avoir honte de ses peurs. N’avait-elle pas vu Razunellou ?
– Il est où Razunellou ? demanda-t-elle à Jeanne.
–Tu ne le verras que le soir, lui répondit Jeanne qui penchée sous le linteau de la cheminée pestait contre les bûches qui n’étaient pas assez sèches.
Marion sortit dans la cour, elle ne pût s’empêcher d’aller traîner près du puits où tout semblait « normal ». Elle chantonnait malgré tout : « Razunellou, hou hou hou, Razunellou où es-tu ? Razunellou pieds de bouc ! ».
Tout à coup les branches du grand houx se mirent à trembler sans que le moindre souffle de brise ne vienne à passer, et Marion entendit un bruit de clapotis comme si des gouttes de pluies barataient l’eau d’une mare. Mais il ne pleuvait pas. Alors l’enfant prêta l’oreille, au-delà des bruits familiers de la ferme, et elle entendit :
– Un, deux, trois, cresson ! une comptine récitée par une voix d’aigrette.
– T’en fais pas fiston, répondit une voix charmante
– V’la la fille du fournier d’à c’t’heure, la fille de la fille de la fille de Rozenn, dame Margot ! reprit la voix d’aigrette.
– Celui qui ne cuit pas le pain n’est que cherchou de pain ! Damoiselles ou damoiseaux mettez donc la main au feu et à la pâte ! déclara la voix de Margot.
Alors Marion regarda sous le houx et elle vit Razunellou qui semblait attendre, le menton posé dans le creux de sa main, de l’autre main il portait à la bouche un brin d’herbe qu’il mâchait.
- Ah, je savais bien que je te retrouverais ! s’exclama Marion
- Ben oui, qui croit ses rêves les voit, et moi j’suis toujours là aux services des cœurs de bon aloi !
- Razunellou, faut pas mâcher n’importe quoi ! sermonna Marion.
- N’importe quoi ! Du thym sauvage. N’importe quoi ? Tu ne te souviens pas que la Jeanne t’a sauvé la vie avec de la tisane de serpolet alors que tu allais mourir du chapelet ?!
Marion avait entendu cette histoire, mais elle ne se souvenait pas de sa vie de bébé. Elle savait que Jeanne soignait les maladies des enfants en recommandant aux parents d’aller chercher dans la nature des simples. Qu’est-ce qui guérissait les malades ; la nature, les prières de Jeanne ou la confiance des parents qui prenaient le temps de cueillir les plantes, qui laissaient lentement frémir le breuvage destiné à l’enfant ? Le temps donné, n’est-il pas marque d’amour, un signe d’appel ou de rappel à la vie ?
En suivant le cours de ses pensées Marion ressentit le goût de la diète qu’elle avait vécue alors qu’elle était enfant malade. Les souvenirs étaient intacts, elle portait encore en elle la saveur de serpolet, de la mie de pain longuement mâchée. Le korrigan semblait lui ré-infuser sa mémoire, non pas seulement au niveau du savoir, mais surtout par les sensations.
« Pas de vie sans eau
Eau saveur des simples
Simple comme du bon pain ! » fredonna Razunellou.
Ces invocations eurent sur Marion un effet étrange, elle éprouva une sorte de vertige et elle entendit, comme dans un rêve, la voix de Margot la fée, venant du puits, dire : « Puisque tout meurt, cessons ! »
Carmen P.
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Message  Invité Lun 20 Fév 2012 - 8:14

Une écriture claire, vive qui se lit toujours avec autant de plaisir ; par contre, je ne serais pas contre un petit lexique à l'adresse des non-initiés - ou du moins, à ce stade la chose, des notes de bas de page - pour les mots et expressions bretons, par exemple “talabarder” ou “ Kig ar farz”. Même si on trouve facilement l’explication sur internet, ce serait bien de l’avoir à portée de lecture.

J'ai buté sur cette phrase : "Le korrigan semblait lui ré-infuser sa mémoire," ; soit "le korrigan semblait lui ré-infuser la mémoire" ; soit " Le korrigan semblait ré-infuser sa mémoire" ; sans doute le premier, qui évite le quiproquo du "lui" pouvant renvoyer à Marion ou au korrigan.

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Message  elea Mar 21 Fév 2012 - 12:10

Je suis toujours, pas grand-chose à dire sur ce passage, les choses se mettent en place, et la lecture est agréable.
Je trouve que tu mêles parfaitement les légendes et les êtres "magiques" à la réalité de l'époque et du lieu, ce qui crée une atmosphère parfaite pour le thème.

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Message  Carmen P. Mar 21 Fév 2012 - 12:49

Je croyais avoir posté toute l'histoire !
Voici donc la suite :


Cela faisait beaucoup d’interrogations en peu de temps. Marion ressentait de l’appréhension sans être vraiment inquiète ; Razunellou lui était devenu un compagnon protecteur et Kador l’avait senti bien avant elle en s’endormant paisiblement à ses pieds dès leur première rencontre. Elle baignait dans un nuage d’incompréhensions. Elle avait le sentiment d’être à la porte d’un monde inconnu qui ne demandait qu’à l’aspirer mais qui se refusait à elle, à chaque fois qu’elle voulait avancer d’un pas. Elle percevait également que le gnome, bien qu’il fut de son côté, ne lui donnerait pas les clés si facilement. C’était à elle de les gagner, voilà le défi qui lui était lancé !

– À quoi penses- tu Demoiselle Marion ? demanda Razunellou
– Per gwirion n'eo ked mad da laret ! persifla t-elle.
– Tu retiens bien mes leçons ou tu me fais la tête ? chuchota t- il comme s’il ne voulait pas être entendu. Marion sourit en son for intérieur, elle venait de comprendre qu’elle n’aurait rien sans ruser.
– Non, je pensais à ma grand mère Rozenn, je n’en ai pas de souvenirs, si ce n’est que Jeanne me dit toujours que je lui ressemble à s’y méprendre. Tu l’as connue, toi, Rozenn, peux tu m’en parler un peu ? »
– C’est vrai, tu as le même visage, les mêmes cheveux, le même sourire et sans doute aussi la même malice dans les yeux. Quand Rozenn voulait quelque chose, elle parvenait fréquemment à ses fins.
Les yeux de Razunellou se perdirent dans les nuages, il avait rajeuni tout d’un coup en se remémorant un temps à jamais révolu. Il n’y avait pas de tristesse mais des scènes de lui seul connues, il était inaccessible. Marion s’éloigna un peu à la recherche de plantes, elle devait attendre qu’il revienne de son voyage dans ses souvenirs. Elle avait repéré un endroit où poussaient des coquelicots. Elle savait cette plante décriée par son père qui la maudissait et la pourchassait de ses champs de blé, elle la savait par contre appréciée de la Jeanne qui en faisait sécher les feuilles sous son hangar, un peu plus loin quelques touffes de luzerne firent son bonheur. En s’y prenant bien, ce serait là aussi un moyen supplémentaire de faire parler Jeanne.
– Vois comme le soleil est honteux aujourd’hui, il est allé se cacher sous la jupe de la Marie Jeanne ! Il va bientôt pleuvoir. »
– Et Rozenn, tu ne m’en as rien dit, petit rusé ! Je pensais que tu lui parlais alors que tu t’amusais à prévoir le temps de cet après-midi.
– Que voilà une bonne récolte, sais tu à quoi on peut les utiliser tes plantes ?
– Non, mais j’ai déjà vu la Jeanne en cueillir beaucoup. Et Rozenn ?
– Il te faudra demander à Jeanne qu’elle t’initie à leurs secrets, cela te servira beaucoup et ainsi, à mon avis, tu seras dans les pas de Rozenn. Vois ce nuage derrière lequel se cache le soleil, Rozenn y est installée et retourne vers la Roche aux Fées. Elle se plaît là-bas et y a beaucoup de connaissances, pas toujours agréables d’ailleurs. Sais-tu que les fées n’apprécient pas toujours que les simples humains percent leurs mystères, elles sont capables de vengeances. Je me souviens d’une jeune et belle bergère qui dans son insouciance ne se préoccupait pas de là où elle allait. Elle fut cependant attirée par le bêlement plaintif d’un agneau, tout du moins c’est ce qu’elle imaginait avoir entendu, ainsi elle arriva dans le chaos de rochers où séjournaient les fées. Sa présence les fâcha et elles la retinrent prisonnière. Il fallut que les nymphes de l’étang voisin envoient une mule enchantée afin qu’elle retrouve sa liberté.
Marion, en imagination, chevaucha aussitôt la mule magique, elle se déplaçait rapidement entre les rochers, retenant sa respiration. Il ne fallait pas éveiller les soupçons. Son cœur battait la chamade ; heureusement que les nymphes avait créé un brouillard épais ! Déjouerait- elle les pouvoirs des magiciennes ? Était ce Rozenn cette bergère écervelée ?

Un ricanement de Razunellou la sortit de sa rêverie. Quelle ne fut pas sa surprise de voir que dans sa jupe relevée ne se trouvaient plus les coquelicots, mais une grosse miche de pain.
– Pourquoi as-tu pris mes fleurs ? s’indigna Marion.
« Les fleurs sont de saison
Le pain est de toujours ! » rétorqua le gnome en souriant.
« Tu reviendras en mai pour la cueillette. N’as-tu pas songé à un quelconque charme en les voyant fleuris en cette saison ? »
Marion ne répondit rien, mais sa mine boudeuse révélait à quel point elle se sentait vexée d’avoir été prise en flagrant délit de naïveté.
« Ne soyez pas susceptible, demoiselle ! » dit une voix. Marion reconnut la voix entendue dans le puits, mais cette fois-ci elle vit la dame ! Elle se tenait, immense, devant le grand houx. Elle était pourtant de petite taille mais une aura de lumière semblait étirer sa silhouette verticalement. Ses cheveux ondoyaient, ses vêtements, fluides et d’un vert tendre comme frondaison, dansaient autour de son corps évanescent. Marion était subjuguée.
- Tu t’habitueras aux espiègleries de Razunellou, il t’est apparu car la Jeanne quittera ce monde dans quelques lunes noires. Avant, elle doit te transmettre son savoir.
Si tu souhaites voler libre comme la mule dans toutes les dimensions.
Si tu veux cueillir l’aurore au drapé du ciel.
Si tu veux puiser l’essence des plantes au limon de la terre,
et garder dans l’écrin de ton cœur l’or du soleil.
Enfin, si tu acceptes d’offrir ta vie à la douleur des hommes
et du bon pain à la gourmandise des fées…
Si tu acceptes tout cela, je t’offrirai ma protection.
Le veux-tu ?
- Oh oui, je veux bien ! s’exclama Marion.
- Alors tu lieras ta joie à la couleur des jours, et moi je me lie à toi pour l’éternité. Tu ne seras plus jamais désorientée.
Approche, Marion. Viens près de moi ! »
Marion comme hypnotisée, s’avança vers Margot. Celle-ci sortit d’une vasque vermeille, en forme de lys, que l’enfant n’avait pas remarquée, un onguent couleur myosotis. Au contact de l’air il se transforma en cordon frais et parfumé. La fée l’enroula autour du corps de Marion en commençant par les pieds et en remontant bien au-delà de sa tête. Marion sentit un fluide la parcourir, un courant sorti de terre et qui jaillissait au sommet de sa tête. Elle se sentit légère… légère… à un point tel qu’elle avait du mal à maintenir ses pieds dans ses deux sabots !
« Faudra bien les garder, remarqua Razunelleou, sauf les nuits de pleine lune et à la Saint Jean ! »
La fée Margot avait disparu. Marion n’osa pas montrer sa déception, mais le gnome la rassura : « Tu la reverras, tu es reliée à elle maintenant. Moi je suis attaché à la ferme, mais toi tu pourras explorer la lande. Tu pourras même rencontrer Rozenn. Je t’ai déjà dit où elle se trouve. Si tu m’as écouté, tu dois t’en souvenir. »
Les jours suivants, Marion expérimenta ses nouveaux pouvoirs. Elle devenait invisible à volonté, se transformait, volait. C’était grisant. Malgré tout, elle se montra prudente et n’élargit que progressivement ses sorties hors du réel.
En suivant le chemin des pierres, que les fées avaient laissées choir dans les champs alors qu’elles les transportaient – dur travail même pour des fées ! – Marion arriva jusqu’à la Roche aux Fées. Elle remarqua un cercle d’augure ; une empreinte de leurs danses. Elle sut que c’est là qu’elle reverrait sa grand-mère.
Marion revenait toujours de ses excursions avant que ses parents ne rentrent, et eux, la voyant absorbée par ses devoirs étaient loin de soupçonner qu’elle avait pu s’absenter. Pourtant, Marion laissait des indices ; à chacune de ses sorties, elle déposait dans un broc des branchages ou des fleurs qu’elle avait cueillis.
Jeanne lui apprit à récolter et conserver les plantes. Elle découvrit toutes leurs vertus.
Son père, quant à lui, transmis à sa fille les secrets de la fabrication du pain. Elle avait bien changé la petite Marion depuis son initiation féérique !
Auparavant, elle refusait de s’intéresser à la « boulange ». Il faut dire que petite elle avait vécu une méchante expérience ; elle était tombée dans le pétrin ! Eh oui, curieuse comme pas deux et touche à tout, elle voulait elle aussi brasser la pâte, alors elle s’était hissée sur un banc, et elle avait basculé dans la maie. Elle avait eu du mal à sortir de l’auge en bois, elle avait craint qu’on ne l’enfourne toute vive ! Maintenant, avec son cordon magique elle était protégée de telles mésaventures !
Marion assistait son père du mieux qu’elle le pouvait ; elle ramassait les cendres de bois à l’aide du liboudenn et le fournier lui accordait ensuite le droit d’utiliser le chaud du four.
À chaque fournée, Marion façonnait pour Margot un pain gros comme une lune pleine et elle apportait son présent auprès du puits où elle chantait : « Au doux lait, au bon beurre, le pain n’est point brûlé ! »
Durant de longues années la ferme fut prospère, mais le hameau se dépeupla quand les hommes partirent travailler à la ville. Marion partit à son tour, la dernière… et le site tomba dans l’oubli. On ignora même les mégalithes de Saint-Just jusqu’au jour où un incendie spectaculaire dévoila la richesse du site.


Les hommes revinrent et Margot les reçut.
Des creusons occupés à forer un puits entendirent alors qu’ils soulevaient un palis : « Va dire à la fille de ta fille, qu’elle aille dire à la fille de sa fille, qu’elle apporte le pain au four.»

Les fées attendent les hommes et jamais ne se lassent. Sommes-nous toujours prêts à leur répondre ?

Fin
Carmen P.
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Marion et la fée du puits Empty Re: Marion et la fée du puits

Message  Invité Mer 22 Fév 2012 - 13:56

La fin est un peu bousculée je trouve et finalement je ne suis pas sûre de ce que ce conte essaie de faire comprendre, de montrer. Parce qu'il me semble que les contes ont toujours quelque part quelque chose de moral, même (et souvent) implicite, ce qui ne semble pas être vraiment le cas ici ...

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Message  elea Mer 22 Fév 2012 - 18:21

C’est assez déséquilibré je trouve, la scène initiale prend son temps, la rencontre avec Razunellou aussi et puis, brusquement, on saute les jours puis les années en quelques lignes jusqu’à la fin.
Il y a des scènes intéressantes dans tout ça, qui auraient mérité un développement je trouve. Notamment à partir des pouvoirs nouvellement acquis, et du fait de devoir le cacher aux parents.
Pourtant la boucle finale dans le puits clôt bien le récit et je t’ai trouvée à l’aise dans le thème. J’aurais bien suivi Marion un peu plus longtemps pour entrer avec elle dans le monde des fées et des gnomes, petit à petit.

elea

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