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Pascal-Claude Perrault
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Message  ubikmagic Dim 19 Fév 2012 - 19:55

... Très peu de temps après, le docteur Goebbels organisa un énorme autodafé à Berlin. Des milliers d’ouvrages contre-révolutionnaires, ou écrits par des Juifs, furent livrés au bûcher. L’Allemagne n’avait pas besoin de cette philosophie frelatée, infestée de relativisme, de pacifisme, de pensée Judaïque, qui ne cherchait qu’à diviser le peuple et servir les menées des Soviets. Lorsque mon père, le lendemain, nous raconta les faits, nous eûmes envie, Franz et moi, de nous associer symboliquement à cette démarche. Mais comme nous n’avions pas de livres et que, de toutes façons, nous n’aurions su lesquels choisir, nous nous contentâmes de faire un feu de camp, dans le jardin qui entourait la maison abandonnée. Nous y jetâmes, à défaut d’écrits interdits, quelques vieilles planches, des branches mortes, des feuilles sèches. Franz avait eu la bonne idée d’apporter une saucisse que nous fîmes griller et que nous partageâmes fraternellement. Nous éclusâmes une bière et pendant que je terminais la dernière gorgée, mon ami eut ces quelques mots que je n’oublierai jamais :
- Ce sont les peintures de ce fumier d’Ernst, qu’il faudrait faire cramer. Saloperie d’art dégénéré.


Un soir, en quittant la maison des Von Knecht, je croisai Hildegarde dans l’allée. Elle eut un geste vers moi, comme pour me tendre la main, mais au dernier moment, me fit une bise sur la joue. Je me sentis rougir. Curieusement, cette brusque familiarité ne la rendait pas plus accessible. Ce n’était qu’une ride à la surface, toutefois les eaux profondes semblaient immuables. Il y avait toujours une retenue en elle. Mon cœur s’emballait, j’avais envie de manifester, d’exprimer quelque chose, mais quoi ? Il me semblait bien qu’une ouverture se présentait, que je ne laissais pas cette jeune fille indifférente. Cependant j’étais persuadé qu’en aucun cas elle n’y cèderait : trop de choses la tenaient, elle s’était sans doute résignée, habituée à son sort. Quant à moi, j’avais le sentiment de devoir rester fidèle à mon amour pour Inge.
Quand j’y repense, je me traite d’idiot. En m’accrochant au passé, je m’interdisais de vivre le présent.
Tout le reste de ma vie, j’ai regretté d’avoir gâché ma chance auprès d’Hildegarde, par pure stupidité.

Avec le temps, je constatai que lorsque je laissais aller mes rêveries vers Inge, cela m’incitait à la combativité. Une rage, une frustration, me dévoraient de l’intérieur et je ne pouvais l’extérioriser qu’en la dirigeant contre autrui. C’était toujours un tiers qui payait, qui faisait les frais de ma détresse.
Par contre, si j’évoquais la douce tristesse d’Hildegarde, alors je me faisais songeur, mélancolique, ce qui avait pour effet de me rendre pondéré, tolérant et calme. Peut-être parce que je sentais qu’Hildegarde s’intéressait à moi, même si à ce moment de ma vie, j’étais incapable de saisir cette opportunité. Au moins, à ses yeux, je comptais, je n’étais pas rien du tout.

Je m’explique les choses ainsi. Il est possible également que tout cela ne soit qu’interprétations. Qui connait la vérité ? En tous cas, ces deux figures féminines exerçaient sur moi des influences diamétralement opposées.

( ... )
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Message  Invité Dim 19 Fév 2012 - 21:01

Pas grand-chose à dire sur ce passage, si ce n'est que je trouve réussie la dérision du premier paragraphe, le parallèle entre un évènement d'envergure et le peu de moyens des jeunes hommes en matière de contribution loyale à cette décision du régime.

La transition avec ce qui suit - la dualité des sentiments éprouvés - me paraît bien brutale, presque incongrue, mais je suppose qu'elle se justifie dans la construction du roman.

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Message  Invité Dim 19 Fév 2012 - 21:04

Je relis, et je suis étonnée par le mélange des temps, surtout en deuxième partie. Curieusement, cela fonctionne très bien...

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Message  ubikmagic Dim 19 Fév 2012 - 21:32

Salut,

Bien vu : dérisoire. C'est le mot. Et le but visé.
Les temps : oui, tout à fait, bizarre. Mais je me relis, et si je vois que ça accroche, je change. Je ne laisse rien passer, sauf erreur ou blocage.
Aucun rapport dans les deux passages. Mais je trouvais que le premier extrait était un peu court. Alors j'ai mis celui qui suit juste après. Disons que c'est la même période de la vie de Wolfgang.

A suivre,

Ubik.


< Prière d'attendre plusieurs commentaires avant de répondre.
Vous en connaissez la raison.
La Modération >

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Message  PoX. Dim 19 Fév 2012 - 22:09

Texte très agréable à lire.
Le premier paragraphe est traité avec une légèreté et une dérision déconcertantes, mais qui donne justement à la lecture ce petit côté léger et cursif.
Le deuxième paragraphe est assez différent du premier mais tout aussi plaisant à lire.
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Message  Pascal-Claude Perrault Lun 20 Fév 2012 - 13:41

Je veux dire que ce fragment, sorti de son contexte, ne me permet pas une vision globale, sauf si ce n'est de l'extrait lui-même, lequel à mon sens est bien écrit, dans un style intelligible, fluide et agréable (si je savais lire, je suis sûr que j'aimerais ça !). L'utilisation des temps ? C'est tout bon ici, bonne harmonie donc...
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Message  elea Mar 21 Fév 2012 - 12:19

C’est toujours un plaisir de lire ces extraits.

J’ai apprécié la dérision du premier paragraphe, déjà relevée plus haut.
Mais aussi les réflexions de Wolfgang sur ce qu’il éprouve quand il songe aux "deux jeunes filles de sa vie". Mine de rien, c’est très juste et ça éclaire les faits, la suite ou le début, parce que je ne sais pas où se place cet extrait par rapport à ce que j'ai déjà lu.

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Message  Louis Mer 22 Fév 2012 - 17:26

La deuxième partie de cet extrait me semble plus intéressante que le dérisoire autodafé de la première partie.
Wolfgang y exprime lucidement le moment crucial du choix entre les deux jeunes femmes. Deux destins différents se présentent à lui sous une double figure féminine. Un destin dans l’excès, « combatif », agressif, intolérant et violent à travers la figure de Inge ; un destin modéré, « tolérant et calme » dans l’attrait pour Hildegarde. Double attirance pour Wolfgang, double chemin. Mais ce qui est vécu comme une attirance, comme une aimantation, est en vérité une poussée. Double poussée donc, une oscillation ambivalente chez Wolfgang.
Est-il l’auteur libre et entièrement responsable de son choix ? On peut en douter. La tendance la plus forte l’emporte, et c’est elle qui déterminera sa volonté.
Wolfgang révèle, de plus, son désir profond, celui d’être reconnu. Comme chacun, il a un désir de reconnaissance, il veut se sentir exister pour autrui, en particulier chez les personnes qui lui importent, les jeunes femmes surtout. Ne pas être reconnu, c’est comme n’être rien ; c’est avoir l’impression de ne pas exister ; pas de pire souffrance que celle de l’indifférence.
Wolfgang trouvera sans doute ailleurs le moyen de « compter », d’être quelqu’un, ailleurs que dans les yeux et les sentiments de Hildegarde, chez ses compagnons des jeunesses hitlériennes.
Nous sommes donc, avec cet extrait, à un moment important de l’orientation que prendra la vie de Wolfgang, le personnage principal du roman.
Le style est toujours clair et précis. La psychologie de Wolfgang est serrée de près, fouillée en profondeur.


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Message  anotherday Mer 22 Fév 2012 - 20:58

Bonjour,

ce qui me frappe ici, c'est la qualité de l'écriture. S'agissant d'extraits d'un texte plus long que je n'ai pas (encore) lu, l'intérêt de ces éléments m'échappe forcément, mais vraiment, bravo pour le style.

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Message  Jano Jeu 23 Fév 2012 - 9:40

Je ne comprends pas bien, où est la première partie ? Rien à dire sur ce passage clair et concis malgré un fort air de déjà-vu. L'embrigadement de la jeunesse allemande a tellement été développé qu'il va falloir un gros effort d'imagination pour en tirer quelque chose de nouveau.
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Message  Janis Jeu 23 Fév 2012 - 10:18

je cherche aussi la première partie avant de me prononcer sur la seconde (ou deuxième, s'il y a une suite prévue ?) A bientôt donc
Janis
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