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Hé lecteur !

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Janis
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Message  chris Jeu 23 Fév 2012 - 6:20

Hé Lecteur !

Hé Lecteur, Lecteur ? Oui… approche… encore… davantage. Voilà, c'est ça, ne bouge pas et écoute bien. J'ose pas écrire trop fort, de peur que l'un de ces cinglés ne m'entende. Je dois vider mon sac, parler à quelqu'un de normal.
Car ici, c'est du grand n'importe quoi. Par exemple, tu vois la femme là-bas ? Celle en chemise de nuit qui joue des coudes au milieu de la foule, la tête rentrée dans les épaules et le regard dément. Elle se fraye un chemin à grands renforts de bousculades et de « Pardon », sans se soucier de renverser les verres d'inconnus avinés, de déranger les conversations des invités ou bien encore de séparer un couple de danseurs énamourés. Dans moins de deux minutes, tu vas la retrouver sur une chaise, une table ou bien tout simplement perchée sur ses orteils. Elle tiendra son portable à bout de bras, dans le vain espoir de capter un signal. Ah ben non, cette fois-ci, elle innove. C'est l'estrade qu'elle investit. Regarde-la. Pas gênée, elle se joint aux cuivres de la fanfare tzigane sans oublier au passage de les foudroyer du regard.
Je te présente Julie, mon épouse. Si je ne la connaissais pas depuis des années, je t'aurais dit qu'elle a gobé un acide. Mais non, même pas, ça fait bien longtemps qu'on ne s'amuse plus. Elle est seulement inquiète pour ses chérubins dont elle n'a pas de nouvelles depuis la veille, comme si cela faisait une éternité qu'elle ne les avait pas vus. Ses petits, parlons-en. Deux adolescents attardés de vingt-trois et vingt-six ans qui n'ont rien de mieux à faire dans la vie que de mettre les pieds sous la table, de boire mon whisky dès que j'ai le dos tourné et de nous imposer la présence de blondes écervelées à la plastique aguichante, le dimanche matin au petit-déjeuner.
Les deux parasites exceptionnellement absents, j'envisageais le week-end comme un havre de paix.
Au lieu de cela, je me retrouve en caleçon, dans une gigantesque salle de bal pleine à craquer de gens sortis de nulle part. Je sirote un whisky au bar, je suis assailli de pensées existentielles, ma femme joue à chat perché et j'admire mes parents se rouler des pelles monstrueuses.

Je le vois bien Lecteur, ça t'intrigue. Hé bien figure-toi que tu n'es pas le seul. Quand je cherche un semblant de cohérence dans le fil des évènements, j'obtiens un sac de nœuds inextricable. Je crois que tout a commencé avec l'arrivée de Paulo, à moins que ce soit lorsque je me suis retrouvé dans la salle de bain. Non, non. Ça a débuté dans mon lit. Les yeux fermés, j'étais encore dans un semi-sommeil. D'ordinaire, j'aime beaucoup ces moments, je cherche à les prolonger de toute ma pensée. Tu sais, quand ton cerveau encore embrumé de rêves peine à s'ordonner. Le cul entre deux mondes, il te suffit d'un petit effort pour retarder l'échéance de ton arrivée dans un quotidien jalonné de tracas et d'obligations, pour batifoler dans un univers improbable où les évènements s'ordonnent à ta guise. Hé bien ce matin, Nakache, Walou, Nibe ! Je me suis réveillé avec une sensation inhabituelle que je n'arrivais pas à définir. C'était quelque chose d'étrange, d'étranger, de confus. Mes lambeaux de songes étaient trop diffus pour être tissés et la journée naissante n'avait pas encore envahi mes préoccupations. Ce matin, je n'étais plus moi-même.
Une fois à la cuisine, je me suis servi un café, davantage par habitude que par besoin. Mes sens étaient engourdis et mon cerveau en roue libre. Vêtu d'un caleçon et d’un tee-shirt, je tournais machinalement ma cuillère. Assis sur l'une des chaises en bois devant la table à manger, non loin de notre bon vieux poêle qui fonctionnait à plein régime, je philosophais tranquillement sur la dualité de l'Homme et sa perception manichéenne du monde environnant. Quand ma femme est entrée, j'en étais à me questionner sur notre morale et ses fondements. Se plonger dans de telles considérations de bon matin : je déraillais vraiment du ciboulot. J'étais quelqu'un d'autre. Julie non plus n'était pas dans son assiette. Elle avait déboulé dans la cuisine avec fracas et précipitation en me demandant affolée :
― Les enfants, les enfants ? Bon Dieu ! Quelle heure est-il ? Il a dû leur arriver quelque chose, j'en suis certaine ! J'ai un pressentiment, il leur est arrivé quelque chose. J'en suis sûre. Je ne les sens plus auprès de moi.
― Bonjour chérie, que je lui ai répondu. C'est normal, c'est probablement l'éloignement qui entraîne des interférences sur la ligne ombilicale déjà mise à mal par la corrosion du temps (j'étais finalement très en forme ce matin pour la répartie). Ils sont partis en week-end pour skier, je te rappelle. Prends-toi un café, ça ira mieux.
Qu'est-ce-que je n'avais pas dit là ! Plutôt que de suivre mes conseils avisés, elle est entrée dans une colère noire et s'en est prise à ma triste perception du rôle de père. Dans un discours survolté, elle me reléguait avec tous les mâles de l'humanité à un simple primate. Selon elle, Je ne pouvais pas badiner avec ce sixième sens inébranlable développé chez une femme à l'égard de ses enfants. Réduit à l'état de verge, j'étais à mille lieux de ce lien quasi-mystique que rien au monde ne pouvait effilocher. J'ai à peine eu le temps de lui demander son avis sur la Genèse, elle était déjà partie, en quête de son téléphone portable. La technologie et ses ondes hertziennes allaient venir à la rescousse du bon vieil instinct maternel.
Et je me suis remis à touiller mon café. La venue de ma femme m'avait fait prendre conscience d'une autre singularité de mon état. Je ne sais comment l'exprimer avec des mots. C'était si étrange, j'avais l'impression d'avoir davantage perçu son âme que son corps. Je l'avais vue et entendue, c'est indéniable. J'aurais pu la toucher, la sentir, mais au-delà de ces sens, sa présence m’avait été annoncée par autre chose de plus… spirituel. C'est ça, spirituel.

Par ailleurs, je ne parvenais toujours pas à esquisser la suite de la journée. Avais-je des copies à corriger, ou allais-je pouvoir me plonger à corps perdu dans la lecture d'un roman ? J'étais submergé par une vague nostalgique et mielleuse venue de nulle part. Des souvenirs diffus et des sensations passées s'enchevêtraient pour former un ensemble désordonné et hétéroclite. Pourtant peu porté sur les sentiments à l'eau de rose, je me suis rendu au salon. J'y laissais errer mon regard au hasard des cadres et autres objets disséminés dans la pièce. Je voulais raviver des instants particuliers de ma vie. Comme autant de haltes sur mon chemin, ils me rappelaient le cours de mon existence. Loin d'être un fleuve bouillant au flot intrépide, ma vie avait été jusque-là bien paisible et les années à venir ne s'annonçaient pas vraiment tumultueuses. À l'orée de la retraite, après une carrière quelconque de professeur de français dans le collège d'une ville anodine, je m'apprêtais à subir bien sagement la suite des évènements, dans cette maison, à l'abri de tout méandre du temps. Depuis fort longtemps déjà, les années défilaient toutes aussi insipides qu'inodores. Je regrettais amèrement la brièveté de ma période téméraire. Alors jeune adulte intrépide, je me sentais prêt à tout. Je contemplais le monde d'un air moqueur, ma tête fourmillait de fantasmes à assouvir, de défis à relever et de femmes à culbuter. Je voulais tatouer ma mémoire de souvenirs enflammés. À cet âge, la vie n'était qu'un jeu et la Terre une île flottante que j'allais dévorer d'un appétit insatiable. Ma vie ne devait pas être reléguée à l'anonymat de l'Humanité. Finalement, je me suis contenté de l'hémisphère qui étirait le ventre de Julie. Mon horizon s'est alors drôlement rétréci. Je me suis marié et j'ai tourné en rond. Avoir un enfant, ça te plombe l'insouciance en un rien de temps. Tout compte fait, Lecteur, la vie est étrange. En combien d'occasions tenons-nous les rênes de notre destinée durant notre existence ? Le terme de liberté n'est-il pas une illusion de l'esprit qui flatte notre ego devant une volonté divine, naturelle ou autre, qui nous façonne à sa guise ?
À ce moment-là, je doutais fortement du libre-arbitre. Mes pensées suivaient une direction incontrôlable, comme si quelqu'un s'était immiscé dans mon cerveau et s'amusait à m'éloigner de mes préoccupations habituelles. Soudain, une voix rocailleuse m'a ramené sur Terre.
― C'est sympa chez vous. Banal, mais sympa.
― Hé, mais, oh ! On se connaît ?
Il avait belle allure cet inconnu. Habillé d'un jean à la propreté douteuse, d'un blouson en cuir élimé et chaussé d'une paire de Santiags, il se tenait au milieu de la pièce, les pieds ancrés au sol et les mains dans les poches. Bien campé sur lui-même, il tordait le cou dans toutes les directions, scrutant de sa tête ronde surmontée d'une coupe « nuque longue », tout recoin de mon salon, le regard bovin. De temps en temps, il exprimait son jugement par une moue grossière ponctuée de soufflements ostensibles. Cet intrus, dont la curiosité sans bornes mettait à nu maison, aurait dû m'irriter. Mais va savoir pourquoi, Lecteur, je le trouvais sympathique et mon sixième sens me le présentait sous des traits bien plus honorables que ne le laissait croire son apparence ridicule. Il me paraissait diamant dans une fosse à purin ou bien encore puits de savoir dissimulé sous de vulgaires branchages.
― Ça va, mon petit gars, pas la peine de monter sur vos grands chevrons. C'que j'en dis moi, c'est juste pour faire la conversation. C'est pas le château de la reine d'Angleterre, c'est tout. Mais y a pire, vous inquiétez pas. Une fois, j'étais chez…
― Mais vous êtes qui, vous ?
― Et merde… j'ai encore oublié les bonnes manières. Mon patron me le dit toujours : « Quand tu vas chez les gens, n'oublie pas de te présenter ». Mais j'aime bien jouer les fins limiers. Je regarde les maisons et j'oublie tout le temps la politesse. Au boulot, on m'a surnommé Paulo le passeur, mais appelez-moi Paulo, ça suffit. Y a pas vot'femme avec vous ?
Je n'ai pas eu le temps de répondre : il avait déjà porté les mains à ses joues et s'était mis à hurler à tue-tête «  Madame, Madame ! ».
― On n'est pas au marché du coin ! que je lui ai répondu. Mais ça n'a pas eu l'air de le déranger. Aussi, quand ma femme a dévalé les escaliers quatre à quatre en gémissant « Mes enfants, mes enfants, que leur est-il arrivé ? » il ne s'est pas bilé, il a juste répondu :
― Aucune idée. Tout c'que je peux vous dire, c'est qu'ils sont pas invités ma petite dame. On m'a dit de venir vous chercher tous les deux, c'est tout.
― Mais il en est hors de question ! Vous êtes qui vous ?
L'angoisse, la déception alors qu'elle espérait des nouvelles, l'avait rendue furieuse. Quant à moi, je méditais de nouveau :
― Paulo, d'après-vous, le corps est-il le miroir de l'âme ?
Il s'est retourné vers moi, le visage figé, la bouche grande ouverte avant que Julie ne rajoute :
― Et un portable, vous avez ?
― Un quoi ?
― Le mien n'a pas de barre. Pouvez-vous me prêter le vôtre ?
Paulo portait tour à tour ses gros yeux pleins de vide vers chacun de nous et nous gratifiait d'un sourire niais. Puis, il a haussé les épaules. Nous devions sans doute le laisser dubitatif.
― Je pipe rien à c'que vous me jacassez là. Vous savez, ça arrive des fois au début de perdre les pédales. Y a pas de honte. Bon, c'est pas tout, mais il va falloir y aller. Vous êtes prêts ?

Comment te dire, Lecteur ? Tu aspires au calme, à la sérénité, puis tu te retrouves à taper la causette dans ton salon avec un inconnu qui t'invite, toi et ta femme, à une fête champêtre. Tu la regardes, elle est en nuisette. Ses cheveux ébouriffés et ses yeux exorbités sont un appel à un internement d'urgence, et toi ? Tu n’oses pas bouger, de peur que l'une de tes bourses ait la soudaine envie de prendre l'air pendant que tu philosophes sur le sens de la vie. T'aurais dit quoi ? Ben moi, j'ai pris la direction de l'escalier et j'ai répondu : « Fichu pour fichu, je vais dans la salle de bain et je suis à vous Paulo. ». Puis je les ai laissés tous les deux en plan.
Jusque-là, ma journée avait été étrange. Je me disais « Allez, une bonne douche et tout rentrera dans l'ordre ». Ouais, t'as qu'à croire. Car sitôt la porte ouverte, un vent de folie avait soufflé dans l'espace temps.

Un grand tumulte saccageait mes tympans. Devant mes yeux ébahis, une foule de gens habillés en tenue de soirée festoyait dans une salle aux dimensions hors du commun. Tout au fond, une fanfare tzigane déversait une musique de tous les diables. Les percussions martelaient un rythme frénétique, trompettes et clarinettes enflammaient les âmes, les violons pleuraient leur joie et une contrebasse faisait vibrer les corps. Les musiciens se démenaient en cadence. Ils jouaient au plus survolté, au plus dément. Ils semblaient s'affronter dans une euphorie communicatrice pour élire le virtuose de la bande. Improvisé en piste de danse, le centre de la salle était le théâtre de prouesses acrobatiques. De nombreux couples frappaient des pieds le parquet. Ils virevoltaient, ils s'élançaient dans les airs; faisant fi de l'apesanteur, ils partaient à l'assaut des lustres gigantesques. À droite, à gauche, ils tournaient, ils se déhanchaient et ils hurlaient leur bonheur à tout va. Un tintamarre jovial émanait de cette marée humaine. Rivages aux semblants sereins auxquels des invités s'arrimaient, des tables garnies de mets et d'amuse-gueules longeaient les murs de la salle. Des petits groupes étaient disséminés ça et là. Les rires fusaient, les accolades se distribuaient à tour de bras. Les verres s'entrechoquaient puis se vidaient dans des gosiers asséchés. On se congratulait, on n'en finissait pas d'exprimer son bonheur.
Tu peux l'imaginer, je n'en revenais pas et n’en menais pas large devant ce tableau surréaliste. À tout te dire, les bras m'en tombaient. Je clignais des yeux, je me les frottais, j'espérais effacer cette vision. Mais rien à faire, je devais me rendre à l'évidence : je venais de rentrer de plain pied dans la quatrième dimension. Par ailleurs, mon corps était de nouveau tout chamboulé. Mes sens fonctionnaient à plein régime. Que les invités soient proches où éloignés, la moindre nuance de leurs visages m'était perceptible. Les décibels de ce brouhaha s'amplifiaient dans ma tête, j'avais l'impression d'avoir les oreilles en miettes. Je ressentais distinctement les essences lourdes de la sueur ou le parfum de chacune des personnes présentes. Mon odorat allait jusqu'à déceler les phéromones des mâles en rut. J'étais littéralement à fleur de peau. Je frissonnais des courants d'airs, je discernais les déplacements des gens dans la salle. La chaleur des flammes des chandeliers me picotait les bras. J'en avais la chair de poule. C'était puissant, grisant et dérangeant à la fois. Ma tête tournait, mon cerveau chancelait devant tant d'informations à ordonner. Mon corps vacillait, il perdait toute tenue, il était vaporeux.
Soudain, mon attention a été happée par une personne qui me faisait des grands signes depuis l'autre côté de la salle : c'était Paulo. J'ai pris mon courage à deux mains et je me suis lancé à sa rencontre. Bousculé par la foule, j'étais balloté de tous les côtés. Mon corps n'offrait aucune résistance, comme si mes pieds ne touchaient plus vraiment le sol. Je m'excusais auprès des gens pour me frayer un chemin, ils se retournaient et me souriaient chaleureusement. Certains d'entre eux y allaient de leur petit mot « Bienvenue parmi nous, Pierre ». J'étais de plus en plus chahuté. Pour ne pas perdre l'équilibre, je m'appuyais sur un souffle sonore à peine perceptible. Devant moi, les couples dansaient toujours et encore. Les trompettes coloraient la salle. Corps luisants de sueurs, visages illuminés et mouvements déliés, ils irradiaient de la joie à tout bout de champ. Ce bien-être était contagieux et me gagnait à présent. J'étais enivré. Je me suis retrouvé nez à nez avec un couple qui s'embrassait langoureusement. Je les connaissais, je le sentais.
Mes parents.
Tout droits sortis des années soixante-huit, mon père portait une chemise à fleurs affublée d'un col à tarte tandis que ma mère, belle et légère, te balançait au visage une candeur torride. « Mais c'est mon petit ! ». Mais, pas le temps de m'émouvoir, la foule m'avait déjà projeté ailleurs. J'ai aperçu Julie non loin de moi. Elle avait toujours la même obsession et ne semblait pas réaliser où elle se trouvait. Je l'ai laissée ainsi et je me suis laissé porter à la dérive jusqu'à échouer au niveau du bar.
Dès lors, un verre de whisky à la main, j'observais le lieu en spectateur. Je voyais ma femme tourmentée par son téléphone, mes parents roucouler comme de jeunes amoureux et je lorgnais tous les énergumènes présents à cette fête déjantée. Un brin apaisé, je reprenais mon souffle et je tentais d'analyser la situation. Mais bien vite, mon cerveau a dérapé et j'en étais à m'interroger sur l'organisation du chaos. Puis je t'ai vu. J'avais enfin trouvé un interlocuteur qui me semblait normal. Alors, j'ai engagé la conversation et je t'ai raconté mon histoire.

Voilà, maintenant tu sais tout Lecteur. T'en penses quoi de tout ça ? Que je suis maboul ? Imagine-toi rien qu'un instant face à tes parents. Ils ont vingt ans, ils sont beaux et ils s'aiment aussi fougueusement qu'au premier jour. La dernière fois que je les ai vus c'était, c'était quand ?
Oh putain ! Oh putain !
Mes parents, mon corps, mon esprit, ma salle de bain. Mon poêle !!!
Faut que j'aille voir Julie. Ça urge.

Julie ! Julie ! Pardon, monsieur… Oui, en caleçon. Julie ! Pardon… Pardon.
― Julie. Enfin.
― Qu'est-ce-qui t'arrive ? C'est qui avec toi ?
― C'est le Lecteur, mais écoute-moi un …
― Bonjour Lecteur, vous n'auriez pas un por…
― S'il te plaît, écoute. Tu te souviens quand cet automne, on voulait faire ramoner le poêle ?
― Oui, on en avait parlé, comme tous les ans. Mais pourquoi tu me parles de ça maintenant ?
― Parce qu'on aurait dû.
― On est sans nouvelles de nos enfants, et toi tu penses au ramoneur. Bravo !
― Julie, ça va aller. Détends-toi et écoute-moi.
― Je suis calme, je t'écoute.
― On est morts.

― Comment ça, on est morts ?
― À mon avis, asphyxiés pendant la nuit. Mais bref, voilà, bienvenue dans l'au-delà ma chérie.
― Bon Dieu ! Mes enfants ! Je dois les joindre !
― Mais bien sûr. Au fond là-bas, il y a peut-être du réseau.
― Bon, j'y vais. On se retrouve après.

C'est bon, elle est partie. On va se prendre un verre Lecteur ?


chris

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Message  Rebecca Jeu 23 Fév 2012 - 7:10

J'aime beaucoup cette histoire et la manière dont elle est racontée moi qui n'aime pas trop que l'on interpelle le Lecteur en général. Sinistre et jubilatoire.

"En combien d'occasions tenons-nous les rênes de notre destinée durant notre existence ?"
Cette question, et sa réponse , résume aussi bien le pourquoi de toutes nos gesticulations sur terre que nos plus profonds abattements. La littérature ne parle que de ça . Le destin, son sens de la facétie et cette liberté que nous poursuivons , souvent en vain, et que nous rattrapons de temps en temps pour une petite fraction d'éternité. Je l'adore et la garde en mémoire.
Sinon la chute me déçoit, cette annonce à sa femme de l'endroit où ils se trouvent, car le Lecteur a évidemment compris depuis longtemps , depuis l'irruption du Passeur, un terme sans ambiguité aucune, et on aurait aimé une fin déchaussée de gros sabots pour continuer à danser avec les invités de cette implacable et peu surprenante "surprise" party
Mais quand même une chouette lecture.
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Message  Invité Jeu 23 Fév 2012 - 8:56

Pareil ici, j'ai horreur, vraiment horreur, qu'on apostrophe le lecteur, qu'on le prenne à partie.
Toutefois, ayant surmonté ma réserve initiale, j'ai trouvé que le récit commençait bien, nerveux, intrigant, décalé ; mais peu à peu on s'enfonce dans l'effet logorrhée (bien maîtrisé, il faut le souligner) qui a tendance à me faire perdre souffle autant que patience... En tout cas, ça me rappelle furieusement la méthode Régis Jauffret dans Asile de fous.

Au fait, c'est quoi "un col à tarte" ?! Jamais entendu cette expression avant.

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Message  Rebecca Jeu 23 Fév 2012 - 9:17

l'expression correcte est col "pelle à tarte" ...à la mode en 1968
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Message  Janis Jeu 23 Fév 2012 - 10:25

de même que mes camarades, je ne goûte guère les adresses au lecteur : ça me fait retomber illico. Mais pourtant ici, un petit brin de folie m'a tenue tout du long.
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Message  Invité Jeu 23 Fév 2012 - 10:27

Quoi ? oui. Vous m'interpellez ? ben, je réponds. Suis poli. Zavez écrit un bon texte, m'a beaucoup amusé. J'aime bien être apostrophé. À tout à l'heure (je suis mort aussi).

Juste qques bricoles rapidos :
- Vêtu d'un caleçon et d’un tee-shirt, je tournais machinalement ma cuillère. Assis sur l'une des chaises en bois devant la table à manger : bon appétit (ne mangez pas tout).
- J'étais submergé par une vague nostalgique et mielleuse venue de nulle part : J'étais submergé par une mielleuse et vague nostalgique venue de nulle part (ou J'étais submergé par une vague et mielleuse nostalgique venue de nulle part). As you want.
- à grands renforts : à grand renfort.
- Qu'est-ce-que je n'avais pas dit là : Qu'est-ce que je n'avais pas dit là
- j'étais à mille lieux de ce lien quasi-mystique : j'étais à mille lieues (mais peut-être est-ce volontaire) j'étais à mille lieux de ce lien quasi-mystique (quasi mystique : quasi requiert le trait d’union seulement s’il modifie un nom commun, ce qui n’est pas le cas ici avec l’adjectif mystique).
- libre-arbitre : libre arbitre
- Paulo, d'après-vous, le corps est-il le miroir de l'âme ? : d'après vous.
- un vent de folie avait soufflé dans l'espace temps : espace-temps.
- Ils Jouaient au plus survolté : jouaient.
- Des petits groupes étaient disséminés ça et là : çà et là.
- je venais de rentrer de plain pied dans la quatrième dimension : plain-pied.
- Corps luisants de sueurs : sueur.
- Tout droits sortis des années soixante-huit : sorti.
- Qu'est-ce-qui t'arrive : Qu'est-ce qui t'arrive.
- bienvenue dans l'au-delà ma chérie : ,ma chérie.

PS : Alex va être content. Vous avez utilisé le tiret cadratin pour les dialogues. :-)) Depuis qu'il me l'a fait remarquer, je fais gaffe. C'est devenu une obsession.

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Message  elea Jeu 23 Fév 2012 - 16:41

Et les lectrices alors ? :-)

J’ai apprécié ma lecture, commencée et finie dans un tourbillon. Entre, du réveil à l’arrivée de Paulo, j’ai trouvé que le rythme s’essoufflait et qu’il y avait quelques petites longueurs.

Mais un texte fort sympathique dans son ensemble, d’une écriture très agréable, avec un bémol sur la fin, inutilement explicative.

J'avoue un faible pour la scène déjantée de la réception, la femme perchée sur l'estrade pour capter, l'orchestre tzigane et les parents se galochant. C'est vif, avec un côté décalé et drôle très bien rendu.

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Message  mentor Jeu 23 Fév 2012 - 17:16

Beaucoup aimé ! Pas de temps mort, écriture parfaite, et chute.
Bon, j'ai cru deviner à partir de "sa présence m’avait été annoncée par autre chose de plus… spirituel. C'est ça, spirituel." et la suite m'a conforté. Surtout quand ton St Pierre dit "Bon, c'est pas tout, mais il va falloir y aller. Vous êtes prêts ?". Un peu tôt je trouve.
N'empêche, c'est très bon

2 remarques avant qu'Alex débarque : J'aurais écrit makache au lieu de nakache
et communicative au lieu de communicatrice

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Message  Invité Jeu 23 Fév 2012 - 18:02

Ça déménage, heureusement parce que l'intrigue est quand même cousue de fil blanc !
Suis moins enthousiaste que mes prédécesseurs : j'ai trouvé ça trop prévisible (ou c'est mon don de double vue ou je suis de mauvais poil... !)

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Hé lecteur ! Empty Boulot salopé.

Message  ubikmagic Jeu 23 Fév 2012 - 21:37

Salut,

Je vais être honnête : j'ai eu une journée pourrie, et même, depuis samedi dernier, je suis dans tous mes états. J'ai pété mon instrument de musique comme un crétin, en le faisant tomber, j'en ai perdu le sommeil, je suis bouleversé, j'ai la tête à l'envers, je suis à 100 000 volts, etc. J'ai des circonstances atténuantes.

Je n'ai donc pas eu la patience de lire le texte en entier, je l'avoue, je suis trop speed.

Donc, je ne vais commenter que les 2 ou 3 premiers paragraphes. Qu'on me pardonne.

* * *

Bon, je déteste en général quand on s'adresse directement au lecteur, en plus en le tutoyant, façon San Antonio. Le titre, en plus, est racoleur en diable, ce qui ne m'incitait pas du tout à ouvrir et voir de quoi il s'agissait. J'ignore comment, j'ai lu quand même.

J'ai trouvé des pépites. Du style :

- ... qui n'ont rien de mieux à faire dans la vie que de mettre les pieds sous la table, de boire mon whisky dès que j'ai le dos tourné et de nous imposer la présence de blondes écervelées à la plastique aguichante, le dimanche matin au petit-déjeuner.
- Quand je cherche un semblant de cohérence dans le fil des évènements, j'obtiens un sac de nœuds inextricable.
- Mes lambeaux de songes étaient trop diffus pour être tissés
- Réduit à l'état de verge, j'étais à mille lieux de ce lien quasi-mystique que rien au monde ne pouvait effilocher.

... Enfin, très intéressant, pour moi, selon mes goûts de primate fort en verve ( je n'ai pas dit : verge ).

Après, cafouillis-cafouillas, j'ai plus ou moins eu l'impression que ça déraillait. Mais si ça se trouve, c'était moi.

J'ajouterai que j'ai bien plus de mal à commenter autrui qu'à mijoter ma propre cuisine. Etre en position de juger, ça me déplait. D'autant que je suis persuadé que, déperdition d'information oblige, problèmes inhérents à la communication et la nature humaine, nul ne peut savoir mieux que l'auteur ce qu'il cherchait à exprimer et ce qu'il a réellement mis dans ses phrases, ses choix, son vocabulaire, son rythme, ses inflexions, sa terminologie, la sémantique qu'il attribue au signifiants qu'il emploie, etc.

Voilà. M'étant acquitté ( pour une fois partiellement ) de cette tâche, ayant le sentiment d'avoir fait du boulot salopé, j'en remets une couche de contrition et vous salue bien bas.

Comme on disait à l'école : peut mieux faire. On tentera de rattraper le coup la prochaine fois.

Bonne continuation et, s'il vous plaît, évitez les titres racoleurs : en général, ils dévaluent un texte.

Ubik.
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Message  mentor Jeu 23 Fév 2012 - 21:57


ok, on ne commente pas les commentaires, mais je voulais juste donner mon petit avis sur ceci :
ubikmagic a écrit:s'il vous plaît, évitez les titres racoleurs : en général, ils dévaluent un texte.
à mon humble idée, c'est juste un jeu de mots laids, genre "Hé, lecteur !" pour "Electeur", ce qui est de circonstance
mais je me trompe peut-être
;-)

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Message  Invité Jeu 23 Fév 2012 - 22:18

Merci à Ubik car moi non plus n'aimant pas trop juger ça m'arrange qu'il l'ait fait avant moi
Presque tout pareil qu'Ubik, sauf que j'ai lu le texte dans son entier et je me suis bien marrée. En clair j'ai aimé ce ton détaché et plein d'humour, j'aime pour les même phrases, aussi pour un style clair et fluide qui semble facile mais non dénué de réflexions plus profondes.

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Message  Misra Ven 24 Fév 2012 - 21:42

Un style alerte, vivant (!), des cocasseries bienvenues. Une version fêtarde de l'au-delà, ça fait du bien. J'ai aimé le narrateur, sa vision du monde, son humour ainsi que sa femme et son port... Je me permets de noter quelques détails qui m'ont un peu gênée.
"j'admire mes parents se rouler des pelles monstrueuses" : en train de se rouler ?
"scrutant de sa tête ronde surmontée d'une coupe « nuque longue », tout recoin de mon salon". Pas de virgule après "nuque longue"
"― Mais il en est hors de question" : C'est hors de question.
"Un brin apaisé, je reprenais mon souffle et je tentais d'analyser la situation". Le passé-simple conviendrait mieux, me semble-t-il.

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