Exo Subjectif : Dépossession

Déjà cinq mois que je suis attachée sur le lit, encore quatre avant qu’Il ne sorte. Ils avaient peur que je le fasse passer, l’insémination était une réussite, j’aurais compromis toute l’expérience, et le reste…

Je suis immobilisée, spectatrice impuissante de l’avancée de la chose. Je regarde les perfusions (je refusais de m’alimenter ou de boire), on les change régulièrement. Je peux sentir chaque goutte perler en moi, s’insinuer dans les veines, parcourir mon corps emprisonné dehors et dedans, et venir abreuver l’être.
Peu à peu, même mon sang semble ne plus m’appartenir, destiné à nourrir malgré moi, engrais que j’aimerais empoisonner par la pensée.

Je le vois sourire, sournoisement, l’œil vainqueur et le pouce levé en signe d’assentiment avant de l’enfourner dans sa petite bouche sans dent mais déjà carnassière. Sûr qu’avec un phénomène mâle pareil, la colonie va se repeupler. À moins que je ne parvienne enfin à l’étouffer dans l’œuf.

Parfois, je rassemble mes dernières énergies mentales pour lui envoyer toutes mes ondes négatives, espérant que mon être va enfin se rebeller contre cet intrus, que ma volonté va suffire à rejeter ce corps étranger, que ma haine va l’étrangler, que le liquide dans lequel il patauge allègrement va devenir bouillon bouillant dans lequel se noyer dans d’atroces souffrances.
Je tente de priver mon corps d’oxygène, j’appelle de tous mes vœux la mort sur lui, transformer en arme mon écrin de chair utilisé à mon corps défendant.

Le plus pénible est quand il me parle, à travers les réseaux veineux, sa parole me monte au cerveau, s’y installe à son aise, perturbe mes propres réflexions. Ses messages de paix et d’amour me rappellent de vieux films où des envahisseurs extraterrestres tentent d’endormir les craintes juste avant de déverser violence et extermination. Fera-t-il exploser la terre nourricière que je suis en s’en extirpant ? Ses ongles déchireront-ils mon ventre pour sortir à l’air libre ? À force de cogner, ses pieds parviendront-ils à se frayer un passage ? La douleur est parfois telle que je l’imagine aisément, avec soulagement, pour que cela cesse.

Je sais n’être qu’une enveloppe pour mes inséminateurs, ils la jetteront sans sourciller une fois son office accompli ; déformée par la fonction, privée de vie pour la donner.

Je fais appel à tous mes souvenirs les plus écœurants, afin, par transmission de pensée, de lui donner envie de mettre fin à ses jours à peine le premier cri poussé.
Je tais les joies et les bonheurs, je dissimule les douceurs et les plaisirs et ne lui communique que les souffrances et les horreurs.
J’oublie le jardin merveilleux et ne songe qu’à la mer de rochers noirs infertiles. Je me concentre sur les brûlures de la pluie et les morsures de l’air.
Je n’entends plus que les longues plaintes des agonisants, j’ai effacé les rires et les jeux, occulté les caresses et les baisers.
Je broie du noir à défaut de pouvoir le broyer lui. Si j’ai été choisie pour la vitalité de ma chair, je prie pour que la noirceur de mon âme l’éjecte ou le rende fou. Tout comme je le deviens à voir mon ventre s’arrondir inéluctablement, à savoir que j’abrite l’avenir de l’abomination et que je ne m’appartiens plus.
Crève donc engeance maléfique, que ma haine te pourrisse. Ne plus penser qu’à ça, me focaliser sur cette ritournelle : crève, crève, crève. Et si je dois me tuer par la pensée pour cela, ainsi soit-il.

elea
ton texte me laisse sur ma faim...je ne sais comment dire...le thème est formidable je trouve mais le traitement reste banal...tu restes trop dans l'expression ordinaire de la haine, j'aurai eu envie d'un déroulement plus subtil plus léger avec une montée en puissance mais contenue, dense, c'est trop explicatif trop descriptif et finalement trop délayé, la pression descend au lieu de croitre
peut-être aurait elle du s'exprimer directement avec son bébé la chose, l'interpeller en pensée, le tutoyer le rudoyer lui décrire par le menu les affres qu'elle a l'intention de lui faire subir. Là on se serait plus identifié et à elle dans son désir d'extermination et à lui dans la violence de ce qu'elle lui envoie. Il n'y a pas assez de folie dans le ton.

Lire "je te hais et je vais te crever" ça mobilise plus que "je le hais je vais le crever" si tu vois ce que je veux dire...Même si à la toute fin , cela advient , tu lui parles enfin, je trouve que c'est trop tard.
Mais c'est bien sur un avis tout à fait subjectif elea et d'autres commentateurs le recevront probablement avec plus d'intensité.
Sinon, il y a, comme d'habitude dans tes textes de trés jolis bonheurs d'expression : "Je me concentre sur les brûlures de la pluie et les morsures de l’air. "
"transformer en arme mon écrin de chair " "Je n’entends plus que les longues plaintes des agonisants, j’ai effacé les rires et les jeux, occulté les caresses et les baisers. "

J'ai beaucoup aimé l'ambiance, tout ce qu'il y a de plus malsian, et l'expression avec de super tournures, comme celle relevées par Rebecca... Je rajoute celle-ci : "je prie pour que la noirceur de mon âme l’éjecte ou le rende fou". Ah, et puis le bouillon bouillant, j'aime bien.

Hélas, je suis resté sur ma faim, parce que je n'ai toujours pas bien compris quelle est la situation. Mère porteuse pour extra-terrestre ? Extra-terrestre elle-même ? La mère de Sarko quand elle était enceinte ?

Une mise en situation efficace. Je ne peux pas me mettre à la place de cette femme et tant mieux.
Quelle douleur !
Quelle force ! Peut-elle vraiment le tuer par la seule pensée ? Est-ce déjà arrivé ?
Tu as su me bousculer.

là aussi, je trouve le début un peu trop explicatif, avec entre autres le (je refusais...) mais le texte en lui même me sied fort bien tu penses, avec cette montée de la haine et cette fin en climax

Tentative d'amélioration d'après vos commentaires. Merci à vous.


Je suis immobilisée, spectatrice impuissante de l’avancée des choses. Je regarde les perfusions, ils les changent régulièrement, je peux sentir chaque goutte perler en moi, s’insinuer dans les veines, parcourir mon corps emprisonné dehors et dedans, et venir abreuver l’être.
Peu à peu, même mon sang semble ne plus m’appartenir, destiné à nourrir malgré moi, engrais que j’aimerais empoisonner par la pensée.

Je te vois sourire, sournoisement, l’œil vainqueur et le pouce levé en signe d’assentiment avant de l’enfourner dans ta petite bouche sans dent mais déjà carnassière. Sûr qu’avec un phénomène mâle pareil, la terre va se repeupler. À moins que je ne parvienne enfin à t’étouffer dans l’œuf.

Je rassemble mes dernières énergies mentales pour t’envoyer toutes mes ondes négatives, espérant que mon être va enfin se rebeller contre ton intrusion, que ma volonté va suffire à te rejeter, que ma haine va t’étrangler, que le liquide dans lequel tu patauges allègrement va devenir bouillon bouillant dans lequel te noyer dans d’atroces souffrances. Je tente de priver mon corps d’oxygène, j’appelle de tous mes vœux la mort sur toi, transformer en arme mon écrin de chair attaché à ce lit, utilisé à mon corps défendant.

Arrête de me parler, c’est pénible, ta parole s’insinue à travers mes réseaux veineux, me monte au cerveau, s’y installe à son aise, perturbe mes propres réflexions. Tes messages de paix et d’amour me rappellent de vieux films où des envahisseurs extraterrestres tentent d’endormir les craintes juste avant de déverser violence et extermination. Feras-tu exploser la terre nourricière que je suis en t’en extirpant ? Tes ongles déchireront-ils mon ventre pour sortir à l’air libre ? À force de cogner, tes pieds parviendront-ils à se frayer un passage ? La douleur est parfois telle que je l’imagine aisément, avec soulagement, pour que cela cesse.

Je sais n’être qu’une enveloppe pour mes inséminateurs, ils la jetteront sans sourciller une fois son office accompli ; déformée par la fonction privée de vie pour la donner.

Je fais appel à tous mes souvenirs les plus écœurants, afin, par transmission de pensée, de te donner envie de mettre fin à tes jours à peine ton premier cri poussé.
Je tais les joies et les bonheurs, je dissimule les douceurs et les plaisirs et ne te communique que les souffrances et les horreurs.
J’oublie le jardin merveilleux et ne songe qu’à la mer de rochers noirs infertiles. Je me concentre sur les brûlures de la pluie et les morsures de l’air. Je n’entends plus que les longues plaintes des agonisants, j’ai effacé les rires et les jeux, occulté les caresses et les baisers.
Je broie du noir à défaut de pouvoir te broyer. Si j’ai été choisie pour la vitalité de ma chair, je prie pour que la noirceur de mon âme t’éjecte ou te rende fou. Tout comme je le deviens à voir mon ventre s’arrondir inéluctablement, à savoir que j’abrite l’avenir de l’abomination et que je ne m’appartiens plus.

Crève donc engeance maléfique, que ma haine te pourrisse. Ne plus penser qu’à ça, me focaliser sur cette ritournelle : crève, crève, crève. Et si je dois me tuer par la pensée pour cela, ainsi soit-il.

Si c’est pas de l’anté-baby blues, ça.
Rien à faire, j’ai beau relire, je n’arrive pas à m’arracher aux images de cinéma et passe (comme déjà cité) de rosemary’s baby, à l’invasion des profanateurs de sépultures, à l’exorciste, et même à alien…

Alors chantons !

https://www.dailymotion.com/video/x3eb70_monty-python-la-vie-de-brian-sous-t_news

oui, je préfère comme ça, c'est plus direct
en revanche je ne peux pas écouter les monty python, n'ayant pas la nouvelle version adobe gna gna gna

Un texte remuant où l'on sent bien monter toute l'aversion pour cette greffe. Avec des images fortes "Je te vois sourire... étouffer dans l’œuf".