Homo sapiens. Sapiens...?

Homo sapiens.
Sapiens ?...


J’avais en ce temps là une vaste tanière,
Tout près de Cro Magnon, au bord de la rivière,
Une antique caverne, humble mais confortable,
Creusée à flanc de roc, avec vue imprenable.
Hélas, un triste jour, me dressant sur deux pattes,
Je me suis éloigné de mes cousins primates,
Et sans faire aucun cas de leurs signaux d’alarme,
J’ai maîtrisé le feu, j’ai fabriqué des armes :
Des massues et des pieux, des arcs, des lance-pierres,
Plus tard, m’enhardissant, des dagues, des rapières,
Enfin, pour imiter en ses effets la foudre,
Me brûlant les sourcils, j’ai inventé la poudre.

J’ai renié sans remords les Dieux de la forêt,
Et j’ai idolâtré l’Etre unique et secret
Qui m’a fait conquérir des mondes infidèles,
Pour le rayonnement de sa gloire éternelle.
J’ai découvert ainsi les terres inconnues
D’hommes simples et fiers, à la peau rouge et nue,
Dont j’ai violé les femmes et brûlé les tipis,
Tandis que s’élevaient leurs prières impies.
Bien sûr, j’ai fait la guerre et la révolution,
Changé cent fois de chef, mais non de condition,
Et tenu malgré moi, suivant le lieu et l’heure,
Le rôle du gibier ou celui du chasseur.

J’ai créé Babylone et j’ai détruit Carthage,
Repoussé vaillamment l’envahisseur sauvage,
Avant de m’enrôler, par la folie saisi,
Dans les légions de Rome et celles des nazis.
Hier j’ai traqué la lèpre, aujourd’hui le sida,
Pour donner à l’armée de vigoureux soldats,
Et si j'ai fait parfois des rêves magnifiques,
Je n'en ai conservé que le goût nostalgique.
Me voici maintenant, plein de fougue et d’audace,
Prêt à coloniser, aux confins de l’espace,
Des mondes inconnus, encore en gestation,
Pour leur faire apprécier la civilisation.

Tour à tour colombe ou faucon,
Depuis cent mille ans je sévis,
J’ai vécu mille et une vies
Et je suis toujours… aussi con !

Remarquable
La Légende des siècles revue et corrigée par Albert-Robert
Bien plus réaliste et jubilatoire que celle du père Hugo
Un régal

Magnifique tant pour le fond qui est un constat malheureusement réaliste,
(si on excepte le fait que les consciences aient progressé : ce poème en est la preuve)
que pour la forme, rythmée avec une verve plaisante et une maîtrise remarquable.
Merci pour cette lecture.
Bien amicalement.

J'approuve, j'admire et j'adore!
Bravo et bienvenue par ici!

Super bien écrit et tellement vrai.
(on peut regretter que la chronologie soit un peu chamboulée, mais n'est-ce pas le monde qui l'est depuis que l'homme debout sévit ?)

Excellent. Joli talent ! Et de l'humour en prime ce qui ne dépare pas le paysage (désolant et bien brossé)

J'adore et ces quatre petits quatrains pour finir sont la cerise sur le gâteau.

Cordialement

calijo

L'évolution dans toute son involution.
Leçon remarquable.

Le portrait au noir d'un être sombre mais non sans éclat...parfois.

J'ai apprécié l'ensemble de votre texte, sa structure, en trois parties de trois quatrains, les rimes respectées, et l'humour, parfois cynique, présent dans chacune d'elles ; et dans la chute.
Je ne comprends pas dans ce vers : "Et j’ai idolâtré l’Etre unique et secret", l'utilisation du "et", pourquoi pas "en" ?
D'autres coulent moins bien à l'oreille : "Hier j’ai traqué la lèpre, aujourd’hui le sida,",
et malheureusement, la lèpre existe toujours.
Et je bloque sur la suite :
"Pour donner à l’armée de vigoureux soldats," : les progrès de la médecine au service des légions de la mort ?
Bravo pour ce morceau de bravoure !

Grand merci à toutes celles et ceux qui ont posté ces aimables commentaires.

Je n’ai, PUSSY CAT, aucune susceptibilité d’"auteur" et je tiens compte des remarques qui me sont faites lorsque j’estime qu’elles sont justes, et… ce n’est pas le cas.

Il s’agit bien de " l’être unique ET secret". Personne, à ce que je sache, ne l’a jamais vu, ce qui m’autorise à dire qu’il est secret. Remplacer ET par EN ne me satisfait pas non plus car ce n’est pas "EN secret", mais très ouvertement que ses pseudos représentants autoproclamés nous " traduisent" les intentions qui, d’après eux, seraient les siennes. Et c’est donc en son nom (et pas en secret) que des atrocités telles que les croisades, la Saint—Barthélémy, l’inquisition, les sorcières au bûcher, les colonisations et catéchisations meurtrières,… ont plongé le monde dans des bains de sang. Et, pour revenir à notre propos, c’est à suite de la controverse de Valladolid que les Indiens d’Amérique ont été assujettis au prix d’une violence inouïe.Tout ceci, je le répète, très ostensiblement, pas EN secret

En ce qui concerne "hier j’ai traqué la lèpre, aujourd’hui le sida", cela ne m’avait pas choqué jusqu’alors, mais tu as peut-être raison. Je vais essayer autre chose. Mais je sais que la lèpre n’est pas éradiquée ; c’est pourquoi je dis qu’elle a été "traquée" et non pas "vaincue"

Si tu le souhaites, nous pouvons continuer cette discussion, mais ailleurs, où il se doit.

Amicalement,
Albert-Robert

Je m’aperçois que je te tutoie, alors que tu ne le fais pas. C’est parce que, comme Prévert "je dis tu à tous ceux que j’aime [……………] même si je ne les connais pas"

Albert, je suis admiratif de la forme, moins du fond.

J’ai vécu mille et une vies
Et je suis toujours… aussi con !

Je trouve que ce constat manque de finesse.

Je te remercie, hop frog, de ta remarque sur la forme.

Et je suis également heureux que tu estimes que la fin manque de finesse. Eh oui,c'est gagné car, en contradiction avec le texte qui précède, j'ai intentionnellement évité, repoussé, cette finesse au profit d'une attaque frontale et sans concession.

Je suis prêt à développer des indications plus précises sur le fil "discutons autour de nos textes". J'espère t'y retrouver

Cordialement
Albert-Robert



< Nous vous rappelons votre "promesse" du 26 avril...
Prière d'éviter de répondre trop systématiquement à chaque commentaire. Veuillez regrouper vos réponses. Ou bien développer ce sujet dans le fil adéquat. Merci.
La Modération >
.

J'ai beaucoup aimé, ça se lit bien, c'est drôle et bien vu. Bref : bravo !

Une synthèse de l'histoire humaine des plus convaincantes.

Une talentueuse Ballade dont l'Envoi est fort bien envoyé. Merci, j'aime.