Le canal
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Frédéric Prunier
Annie
CALIJO
7 participants
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Le canal
Entre les peupliers et leur clôture droite,
Courant toujours plus loin, libre comme un fuyard,
Le canal va de cage étroite en cage étroite.
Tatoué sur la chair terrestre le bagnard
Se mouvant dans sa geôle étale et sans limite
Draine sans fin des jours d'azur ou de brouillard.
Loin des rires marins son onde qui palpite
Fait entendre ses pleurs quand un vent violent
La précipite au front de sa cloison maudite.
La courbe ou l'échelon d'un mirifique élan
Tendant la perspective ou plus haute ou plus vaine
En rêve divertit le chemin somnolent.
De terroir en terroir, de domaine en domaine
A travers ses barreaux ne l'oubliant jamais
La Nature apparaît terriblement lointaine.
Allégorique l'eau sans sautes ni sommets
Qui coule son ennui dans une impasse immense,
N'est-ce pas notre Vie en France désormais ?
Ils nous ont tout volé : l'acquis et l'espérance,
Le travail, la gaieté, la justice et l'honneur,
Tout ! sous l'oeil complaisant d'un monde qui dispense
A loisir le venin des marchands de bonheur.
Avril 1992 mais toujours d'actualité.
Courant toujours plus loin, libre comme un fuyard,
Le canal va de cage étroite en cage étroite.
Tatoué sur la chair terrestre le bagnard
Se mouvant dans sa geôle étale et sans limite
Draine sans fin des jours d'azur ou de brouillard.
Loin des rires marins son onde qui palpite
Fait entendre ses pleurs quand un vent violent
La précipite au front de sa cloison maudite.
La courbe ou l'échelon d'un mirifique élan
Tendant la perspective ou plus haute ou plus vaine
En rêve divertit le chemin somnolent.
De terroir en terroir, de domaine en domaine
A travers ses barreaux ne l'oubliant jamais
La Nature apparaît terriblement lointaine.
Allégorique l'eau sans sautes ni sommets
Qui coule son ennui dans une impasse immense,
N'est-ce pas notre Vie en France désormais ?
Ils nous ont tout volé : l'acquis et l'espérance,
Le travail, la gaieté, la justice et l'honneur,
Tout ! sous l'oeil complaisant d'un monde qui dispense
A loisir le venin des marchands de bonheur.
Avril 1992 mais toujours d'actualité.
CALIJO- Nombre de messages : 105
Age : 72
Date d'inscription : 21/03/2012
Re: Le canal
La prosodie est rigoureuse, le texte fluide (en seconde lecture seulement car la ponctuation est... minimaliste)
On va de tercet en tercet comme le marinier de bief en bief.
"Libre comme un fuyard". L'auteur a du canal une vision très noire et n'y voit qu'une eau prisonnière.
J'ai apprécié les quinze premiers vers, mais j'ai détesté les deux derniers tercets qui arrivent non comme un cheveu sur la soupe, mais comme une nappe de mazout malodorante sur l'eau calme du bief.
On va de tercet en tercet comme le marinier de bief en bief.
"Libre comme un fuyard". L'auteur a du canal une vision très noire et n'y voit qu'une eau prisonnière.
J'ai apprécié les quinze premiers vers, mais j'ai détesté les deux derniers tercets qui arrivent non comme un cheveu sur la soupe, mais comme une nappe de mazout malodorante sur l'eau calme du bief.
Invité- Invité
Le canal
J'aime beaucoup la description du canal, même si elle est aux antipodes de ma propre vision, j'aime bien moins la dernière strophe... Comme toujours il est extrêmement délicat de tirer une morale, surtout une morale politique, d'une situation poétique.
Quant aux canaux je suis attirée, séduite même, par la conjonction des aspects historique, économique, industriel, humain, paysager, artistique... en ai-je oublié?
Quant aux canaux je suis attirée, séduite même, par la conjonction des aspects historique, économique, industriel, humain, paysager, artistique... en ai-je oublié?
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Le canal
je comprends pas bien le rapport entre l'eau du canal
et
...Ils nous ont tout volé : l'acquis et l'espérance,
qui est qui et quoi est quoi ?
l'eau et le canal, c'est le gentil ou le méchant ???
et que vient faire là dedans (dans l'eau et le canal) le venin des marchands de bonheur...
???
et
...Ils nous ont tout volé : l'acquis et l'espérance,
qui est qui et quoi est quoi ?
l'eau et le canal, c'est le gentil ou le méchant ???
et que vient faire là dedans (dans l'eau et le canal) le venin des marchands de bonheur...
???
Le canal
Oui, c'est toujours d'actualité, hélas !
J'apprécie grandement la forme et j'adhère totalement au fond.
Je regrette qu'Annie considère qu'"il est extrêmement délicat de tirer une morale, surtout une morale politique, d'une situation poétique." Poésie et politique seraient-elles antinomiques ?
Albert-Robert
J'apprécie grandement la forme et j'adhère totalement au fond.
Je regrette qu'Annie considère qu'"il est extrêmement délicat de tirer une morale, surtout une morale politique, d'une situation poétique." Poésie et politique seraient-elles antinomiques ?
Albert-Robert
Albert-Robert- Nombre de messages : 492
Age : 82
Localisation : Drôme
Date d'inscription : 21/04/2012
Re: Le canal
L'écriture selon les règles classiques est rigoureuse. On sent la maîtrise de l'auteur, la musique calme de l'eau.
Je trouve dommage, alors que ce canal est décrit dans la première partie de manière très poétique dans tout son charme, de finir par une morale aussi superficiellement abordée. Deux poèmes en un dont la juxtaposition n'est pas heureuse pour moi.
Je trouve dommage, alors que ce canal est décrit dans la première partie de manière très poétique dans tout son charme, de finir par une morale aussi superficiellement abordée. Deux poèmes en un dont la juxtaposition n'est pas heureuse pour moi.
Invité- Invité
Le canal
" Poésie et politique seraient-elles antinomiques ?"
Certes non, Albert-Robert, mais quand le politique se réduit à chercher le gentil et le méchant le manque d'élaboration apparait clairement.
Certes non, Albert-Robert, mais quand le politique se réduit à chercher le gentil et le méchant le manque d'élaboration apparait clairement.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Le canal
Merci à tous pour vos commentaires sur ce canal « maudit ».
Il est curieux de constater qu’une seule personne (Albert-Robert) ait fait
Le rapprochement qui s’impose entre cette eau dormante et notre société.
Le canal, malgré toute la beauté qu’il peut contenir ( Annie, Eclaircie)
N’est jamais qu’une eau prisonnière dont le cours fut façonné par la main de l’homme
Contrairement au torrent, rivière ou fleuve.
Donc j’ai voulu faire le parallèle entre cet eau et notre société actuelle
Également prisonnière, malgré une liberté apparente mais factice, du chômage,
De l’argent, de la corruption et du gaspillage à tous les niveaux.
Et l’époque de cette campagne électorale sans intérêt aucun était
Le bon moment pour le rappeler.
Etes-vous à ce point endormi pour ne pas l’avoir remarqué ?
« Ils nous ont tout volé, l’acquis et l’espérance »
Tous les avoirs du passé disparaissent un à un : l’âge de la retraite,
Le repos hebdomadaire,le pouvoir d'achat etc … Pourquoi tant de suicides dans le monde
Du travail actuel ? Ceci ne vous dérange pas ?
On en est à la situation la plus absurde qui soit : gagner plus à ne rien faire qu'à travailler quand on en trouve du travail.
Quelles espérances peuvent avoir les jeunes qui débutent dans la vie active
À part chercher la rue de l’ANPE ?
« Tout ! sous l'oeil complaisant d'un monde qui dispense »
Tous les médias se fichent complètement de cette société chloroformisée
Leur seul souci est de pouvoir nous abreuver d’un maximum de pub.
« A loisir le venin des marchands de bonheur. «
On entend tellement d’absurdités en ce moment que je ne vous ferais pas
L’injure d’expliquer ce vers.
Par contre il est vrai que le raccourci entre cette eau dormante
Et notre vie actuelle est trop rapide mais je n’ai pas voulu faire
Un écrit trop long.
Cordialement
calijo
Il est curieux de constater qu’une seule personne (Albert-Robert) ait fait
Le rapprochement qui s’impose entre cette eau dormante et notre société.
Le canal, malgré toute la beauté qu’il peut contenir ( Annie, Eclaircie)
N’est jamais qu’une eau prisonnière dont le cours fut façonné par la main de l’homme
Contrairement au torrent, rivière ou fleuve.
Donc j’ai voulu faire le parallèle entre cet eau et notre société actuelle
Également prisonnière, malgré une liberté apparente mais factice, du chômage,
De l’argent, de la corruption et du gaspillage à tous les niveaux.
Et l’époque de cette campagne électorale sans intérêt aucun était
Le bon moment pour le rappeler.
Etes-vous à ce point endormi pour ne pas l’avoir remarqué ?
« Ils nous ont tout volé, l’acquis et l’espérance »
Tous les avoirs du passé disparaissent un à un : l’âge de la retraite,
Le repos hebdomadaire,le pouvoir d'achat etc … Pourquoi tant de suicides dans le monde
Du travail actuel ? Ceci ne vous dérange pas ?
On en est à la situation la plus absurde qui soit : gagner plus à ne rien faire qu'à travailler quand on en trouve du travail.
Quelles espérances peuvent avoir les jeunes qui débutent dans la vie active
À part chercher la rue de l’ANPE ?
« Tout ! sous l'oeil complaisant d'un monde qui dispense »
Tous les médias se fichent complètement de cette société chloroformisée
Leur seul souci est de pouvoir nous abreuver d’un maximum de pub.
« A loisir le venin des marchands de bonheur. «
On entend tellement d’absurdités en ce moment que je ne vous ferais pas
L’injure d’expliquer ce vers.
Par contre il est vrai que le raccourci entre cette eau dormante
Et notre vie actuelle est trop rapide mais je n’ai pas voulu faire
Un écrit trop long.
Cordialement
calijo
CALIJO- Nombre de messages : 105
Age : 72
Date d'inscription : 21/03/2012
Le canal
Cher CALIJO je vais répondre sur Discussion.... sinon la modé a se fâcher
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Le canal
Bien qu'amoureux et familier de la mer, j'ai aussi navigué sur les canaux (bretons). Je n'y ai nullement ressenti de sensation d'emprisonnement. Plutôt une forme d'insouciance née de l'ambiance bucolique et de la sécurité des lieux. J'en ai gardé un souvenir enchanté.
J'ai donc eu du mal à entrer dans ce poème.
A petite dose, j'apprécie la poésie engagée, mais le message doit être suffisamment métaphorique pour se démarquer du simple discours politique.
Je comprends et partage en grande partie votre analyse, mais la présenter ainsi est contre-productif.
J'ai donc eu du mal à entrer dans ce poème.
A petite dose, j'apprécie la poésie engagée, mais le message doit être suffisamment métaphorique pour se démarquer du simple discours politique.
Je comprends et partage en grande partie votre analyse, mais la présenter ainsi est contre-productif.
Invité- Invité
Re: Le canal
La fable, c'en est une puisqu'elle met en scène le canal dans le rôle de notre vie actuelle et illustre par une parabole la tristesse et la mélancolie de notre pauvre voyage privé d'espérances, la fable donc, illustre si mal votre propos que vous vous êtes senti obligé, Calijo, de commencer votre avant-dernière strophe par le mot "allégorique" sentant bien que n'était pas acquise d'avance la compréhension de vos lecteurs !
Je crois ainsi que l'a remarqué plus haut un de vos commentateurs, que tout l'art de la fable consiste à faire glisser harmonieusement un récit imaginaire vers une "morale" qui doit apparaître évidente et cohérente au lecteur. En l'occurence, le but ne me semble pas atteint et je lis deux poèmes différents sans rapport l'un avec l'autre.
Je crois ainsi que l'a remarqué plus haut un de vos commentateurs, que tout l'art de la fable consiste à faire glisser harmonieusement un récit imaginaire vers une "morale" qui doit apparaître évidente et cohérente au lecteur. En l'occurence, le but ne me semble pas atteint et je lis deux poèmes différents sans rapport l'un avec l'autre.
Re: Le canal
Une écriture chirurgicale appréciable.
Non, ce n’est pas une fable car il n’y a aucune morale ici.
Seule la vision d’un auteur – sur une société dont il dresse le constat – demeure comme dernier substrat.
Dans un premier temps, le canal est personnifié : fuyard, bagnard, puis il se métamorphose en geôle jusqu’à devenir onde. C’est donc immédiatement ce qui m’a troublé ; j’ai perçu comme une confusion, comme celle qui consiste à confondre cuillère et cuillerée.
Or, c’est bien ce qui me dérange. L’eau prend la forme du récipient qui la contient, mais le récipient n’est pas l’eau. Je conçois néanmoins cette métaphore : l’eau, la vie, captive dépendante d’un canal cellule de détention (de rétention en l'occurrence). L’idée est intéressante, suffisamment d’ailleurs pour qu’elle exprime une idée philosophique plus qu’une idéologie, selon moi.
Car, cher Calijo, ce qui vient après Qui coule son ennui dans une impasse immense, (que j’aurais bien vu comme vers final) est totalement abrupt. On tombe dans un précipice qui est vulgarité, à mon sens :
N'est-ce pas notre Vie en France désormais ?
Ils nous ont tout volé : l'acquis et l'espérance,
Le travail, la gaieté, la justice et l'honneur,
Tout ! sous l'oeil complaisant d'un monde qui dispense
A loisir le venin des marchands de bonheur.
En voilà du syndicalisme forcené ! Qui nous dessert la poétique.
Tu as voulu te servir d’une métaphore comme d’un tremplin pour exprimer l’idée finale car tu es sûrement parti de cette idée finale pour bâtir le poème. J’aurais aimé que l’idée même se trouve au sein du corps de poésie telle une image subliminale ; la force en aurait été plus grande, et l’imaginaire du lecteur d’autant stimulé.
Amitié
Non, ce n’est pas une fable car il n’y a aucune morale ici.
Seule la vision d’un auteur – sur une société dont il dresse le constat – demeure comme dernier substrat.
Dans un premier temps, le canal est personnifié : fuyard, bagnard, puis il se métamorphose en geôle jusqu’à devenir onde. C’est donc immédiatement ce qui m’a troublé ; j’ai perçu comme une confusion, comme celle qui consiste à confondre cuillère et cuillerée.
Or, c’est bien ce qui me dérange. L’eau prend la forme du récipient qui la contient, mais le récipient n’est pas l’eau. Je conçois néanmoins cette métaphore : l’eau, la vie, captive dépendante d’un canal cellule de détention (de rétention en l'occurrence). L’idée est intéressante, suffisamment d’ailleurs pour qu’elle exprime une idée philosophique plus qu’une idéologie, selon moi.
Car, cher Calijo, ce qui vient après Qui coule son ennui dans une impasse immense, (que j’aurais bien vu comme vers final) est totalement abrupt. On tombe dans un précipice qui est vulgarité, à mon sens :
N'est-ce pas notre Vie en France désormais ?
Ils nous ont tout volé : l'acquis et l'espérance,
Le travail, la gaieté, la justice et l'honneur,
Tout ! sous l'oeil complaisant d'un monde qui dispense
A loisir le venin des marchands de bonheur.
En voilà du syndicalisme forcené ! Qui nous dessert la poétique.
Tu as voulu te servir d’une métaphore comme d’un tremplin pour exprimer l’idée finale car tu es sûrement parti de cette idée finale pour bâtir le poème. J’aurais aimé que l’idée même se trouve au sein du corps de poésie telle une image subliminale ; la force en aurait été plus grande, et l’imaginaire du lecteur d’autant stimulé.
Amitié
Pascal-Claude Perrault- Nombre de messages : 5422
Age : 63
Localisation : Paris, ah Paris, ses ponts, ses monuments et ses merdes de chiens !
Date d'inscription : 20/02/2012
Re: Le canal
Poignante allégorie que ce canal s'en allant au fil de sa désespérance.
Il évoque les défilés de manifestants, les yeux fixés sur le pavé, porteurs d'un silence qui couve une profonde colère.
" En rêve divertit le chemin somnolent ". Méfiez-vous de l'eau qui dort.
Si on ne pouvait parler de politique par le biais de la poésie, alors Victor Hugo n'aurait pas été un poète, ni Pablo Neruda, ni Federico Garcia Lorca.
Cela me rappelle cette pensée de Hugo: " Ceux qui luttent et se battent risquent bien de tout perdre, ceux qui ne luttent pas ont déjà tout perdu."
Merci mille fois Calijo pour ce poème plein d'humanisme.
Il évoque les défilés de manifestants, les yeux fixés sur le pavé, porteurs d'un silence qui couve une profonde colère.
" En rêve divertit le chemin somnolent ". Méfiez-vous de l'eau qui dort.
Si on ne pouvait parler de politique par le biais de la poésie, alors Victor Hugo n'aurait pas été un poète, ni Pablo Neruda, ni Federico Garcia Lorca.
Cela me rappelle cette pensée de Hugo: " Ceux qui luttent et se battent risquent bien de tout perdre, ceux qui ne luttent pas ont déjà tout perdu."
Merci mille fois Calijo pour ce poème plein d'humanisme.
Invité- Invité
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