Je donne mon corps à la science

Je donne mon corps à la science

Quand ma pauvre vieille carcasse
Ne sera bonne qu'à la casse,
Que voulez-vous que ça me fasse
Que l'on vienne la désosser,
Sitôt que j'aurai trépassé.
Mais... je ne suis pas trop pressé.

Pour être en règle avec ma rigide conscience,
Je fais don, comme on dit, de mon corps à la science,
Mais lorsque vous viendrez, Messieurs, me charcuter,
Je veux que ce soit fait comme je l'ai souhaité.
Je ne me soucie pas du mode opératoire,
Si mon corps est donné selon mon bon vouloir,
En rejetant tout net les firmes charlatanes
Dont les profits juteux viennent des dons d'organes.
Avec le gros colon, le coude et l’astragale,
Faites comme il vous plaît, cela m’est bien égal,
Mais quand vous trancherez dans mes chairs, attention !
Il faudra, point par point, suivre mes instructions :

Je veux, sachez-le bien, que mon oreille échoit
A un grand musicien, mélomane de choix,
Mes mains aux doigts câlins, mes mains si caressantes,
A des amants fougueux ou de douces amantes.
Ma bouche je la donne à tous les amoureux,
Au peintre, au non-voyant, je fais don de mes yeux,
Et mon faible cerveau au simplet du village,
Qui, grâce à lui, peut-être, un jour deviendra sage.
Mes deux bras, si tu veux, bien que très maigrichons,
Te reviennent de droit, mon ami bûcheron,
Et si j'ai pu sauver trois ou quatre cheveux,
Ils seront pour Mathieu qui n’en qu’un ou deux.

Mes poumons enfumés iront au vieux marin
Qui les purifiera à l’air frais des embruns,
Mon nez si délicat à qui aime la rose,
Et mes zygomatiques égaieront le morose.
Mon fessier bien dodu, je l'offre au pauvre hère
Qui été comme hiver dort sur la rude pierre,
Quant au fier militaire et ses rêves de guerre,
Je lui lègue un pied pour se botter le derrière.
Mais les organes qui faisaient de moi un homme,
Je vous prie, vous ordonne, et même je vous somme
De ne les greffer qu'à mon vieil ami Charlie
Que ma femme rejoint si souvent dans son lit.

Sous la dérision, se cache un vrai poème.

Quant à moi, j'ai un cerveau à vendre, peu servi, en très bon état.
Je ne sais si je lèguerais mon corps à la science ayant eu vent des plaisanteries douteuses de certains carabins...

Je reconnais bien là ton sens du bien commun et ton altruisme légendaire.
Il y a du Brassens dans cette inspiration picaresque.
Les quatre derniers vers inspirent le respect. Généreux et lucide. Chapeau Bébert !

j'aime bien l'idée du texte et bravo pour cet écrit

je lègue au vent mes ossements,
avec le temps, deviendront fine poussière
vous entendrez parler encore de moi
sur cette terre

ça m'a plu

Super poème à la Brassens! C'est vrai!

Pas mal du tout ce blason de don d'organes posthume
Effectivement je rejoins tous les autres sur le côté brassens

Les deuxième et troisième strophes sont vraiment savoureuses.
La fin est magistrale. Bravo. Quel plaisir !

Celui là je l'avais perdu mais je voulais le commenter, lapidairement, je n'ai pas d'arguments, sinon que je le trouve savoureux, cynique, bien écrit.

Même avis qu'Embellie les deux dernières strophes sont un régal, la première pourrait être peaufinée.

c'est excellent
bravissimo