Exo "First love never dies" : Je t'emmène au cinéma

LA MEPRISE

Scène 1 Intérieur jour elle et lui allongés


-Et mon sourire, tu l’aimes mon sourire ?
- Oui je l’adore
-Et mon prénom, Alice ? Tu l’aimes mon prénom ?
-Tu t’appelles Alice dans cette histoire ?
- Oui
-Oui, j aime ton prénom, Alice
-Et ton souvenir de moi, tu l’aimes ton souvenir de moi ?
-Je l’aime quand tu le ravives dans ma mémoire
-Et mes souvenirs tu te reconnais dans mes souvenirs… ?
-Pas toujours…je les aime tes souvenirs même ceux que je ne reconnais pas, même ceux où je ne suis pas…même ceux que je croie que tu as inventés
-Tu sais, je ne les ai pas inventés, tu vois, je t’ai retrouvé
- Trente cinq ans après…c’est fou que tu m’aies retrouvé
-Non ce n’est pas fou. Internet rend les choses folles faciles et presque raisonnables
- Tes mails, à nos âges, non, ça ne fait pas raisonnable dans le paysage
-Dans nos mails on n’a pas nos âges. On n’a même plus nos visages . Ma folie tu la vois comment ma folie….. ?
-Je la voie folle à lier, j aime beaucoup que tu sois très folle, parce que moi, je ne suis pas fou du tout, très très normal
-Et mes regrets, mes soupirs, mes remords ? Et mes amours depuis que je n’ai jamais cessé de t’aimer ?
-Ils m’inspirent
-Et mes rêves tu les trouves comment mes rêves ?
- Je les trouve incroyables surtout tes cauchemars
- Tu te moques. Dis tu penses quoi de moi quand je veux en savoir plus sur toi, dont je ne sais plus rien, ça te touche ?
-Je te trouve gentille
-Gentille ? Grrr …Et mes coups de griffe ? Tu en penses quoi de mes coups de griffes ? Tu les aimes mes coups de griffes ?
-Ils me font rire
-Et mes coups de cœur ?
- J’aime tes coups de cœur, tes coups de tête. Tout.
-Tu vas aimer mes coups de boule tu crois quand je suis colère ?
-J’aime surtout les chansons que tu m’envoies quand tu es menteuse, quand tu dis ne plus rien savoir de moi. Tes chansons en savent long sur moi.
-Et mes lettres elles te plaisent mes lettres quand elles te parlent de toi ?
Est-ce que tu ne les trouves pas ennuyeuses ?
- J’adore te lire tu ne peux pas savoir Alice…
- Et quand je me moque, tu m’aimes bien quand je me moque ?
- Tu es sadique avec ma mémoire mais ça m’amuse que tu te moques de moi
- Il faut bien que je te rappelle ce que tu as oublié de moi
Que je te dise celle que je suis aujourd’hui celle que j aurai pu être celles que j aurai du être ….tu les aimes bien aussi , celles là ?
-Oui aussi . Tous tes toi …ta timide ta dingue ta sérieuse ton effrontée ta sorcière ta fée ta méchante et ta gentille . Je veux bien les connaitre toutes …et la drôle et la sadique aussi
- Et puis celle qui court après un lapin toujours en retard , qui pleure des rivières et avale des fioles contenant des potions aussi amères qu’hallucinogènes ?
-…Oui je veux bien toutes les rencontrer
-Tu ne les aimerais pas toutes tu sais
Et celle que j étais à 14 ans ? tu l’aurais aimée celle que j’étais à 14 ans si je t’avais laissé l’aimer?
- J’ aurai aimé la peindre la dessiner la photographier la graver mieux dans mon souvenir
-Et qu’elle t’aimait tu aimes savoir qu’elle t’aimait ? Et se demandait comment te dire adieu ?
-Oui j aurai aimé qu’elle ne s’enfuie pas sans me dire adieu à l’ époque
-Et ce que tu sais d’elle ça te fait quelque chose les deux ou trois choses que tu sais d’elle de cette époque ?
-Oui j aurai aimé prendre des centaines de photos d’elle à ce moment là quand elle souriait ou prenait un air grave
-Et cette histoire dis tu l’aimes cette histoire ? Toute cette histoire ?
- Oui beaucoup Alice j aime beaucoup cette histoire
- Dis « Je l’aime totalement, tendrement, tragiquement »

Scéne 2 extérieur nuit sur une terrasse en Grèce éclairage aux bougies…

une femme sur un coin de table bat des cartes et les aligne devant elle en d’étranges constellations …elle et lui regardent le ciel

-Michel puisque tu aimes raconter avec ta caméra si tu racontais l’histoire de ma vie de ta vie les histoires de nos vies raconte tout de nous….
Invente
-Je m’appelle Michel dans cette histoire ?
-Oui j aime ce prénom Michel .Et ce nom …Poiccard
- Drôle d idée drôle de méli mélo
Non toi raconte tout de toi encore, et de moi, prêtes moi encore tes souvenirs
- Raconter tout ? Ces deux histoires en parallèle qui se sont croisées à un point X de
l espace temps et puis trente cinq ans plus tard . Les trente cinq prochaines années ?
Mais je ne sais rien de toi je ne sais que ce que je me raconte depuis tout ce temps
-Alors continue d’inventer , tu as aimé m’inventer ?
- J’aimerai beaucoup t’inventer si tu n existais pas ….mais peut être tu n’existes pas
Peut être qu’ on n’existe pas
-Tu aimerais m’écrire si je n’existais pas ?
-Tout doucement peut être ou jamais de la vie…Et même si tu existes
-Alors écris moi écris nous pourquoi n’écris tu pas ?
-J’écris. Tu es en filigrane dans tous mes récits. Ma plus jolie invention vraie.
-J’aime être ta plus jolie invention vraie, tes délires comme un rayon de soleil
-Tu me fais rire
-Tu aimes que je te fasse rire ?
-Oui beaucoup j aime beaucoup quand tu me fais rire
-Et tu aimes quoi de moi encore ?
-Moi aussi , les chansons from you to me comme un tapis volant qui m emmène vers toi, une certaine photo comme une ancre de bateau qui me rattache à un passé englouti, les images que tu m’ adresses comme une aube de pluie rafraichissante et inquiétante
Cette photo encore d’ arc en ciel en black and white from New York que tu m’offres comme un pont entre hier et aujourd hui
entre quelque part et nulle part
entre toujours et jamais
for ever and never
and you know how I ‘d like to walk over the rainbow
even if I’m not a so nice girl
mais peut être bien la méchante sorcière de l’Ouest
-J’aime ce who is who sans réponse …et cent questions
tu es une sorcière ….j’ aime beaucoup les sorcières tu sais
-Je pourrai aimer raconter tes sortilèges
sur le cœur d’une enfant de quinze ans
mais elle avait si peur de la vie et j ai peur de ne plus la connaitre
moins bien en tout cas que mes démons d’aujourd’hui mes lassitudes
ces solitudes que je connais trop bien tes habitudes dont je ne sais rien
-Elles sont comment tes solitudes…
-Habitées
-Et tes lassitudes …
-Hébétées
-Et tes pensées en ce moment ?
-Envie de rire mais je me censure
Je pense que tu me trouves insensée
-Oui insensée tu es et complètement fou
On se connait intuitivement non ? et on a raison …
-Je suis allumée souvent je crois
parfois éteinte . As-tu parfois comme moi envie de doucement t’éteindre ?

-Oui , s'éteindre doucement , comme le visage d'un acteur à l'écran, briller et puis s'éteindre je comprends ça , clap final, puis générique de fin puis noir dans la salle. Mais le film était beau.
C’était beau non nos mails échangés par-dessus le temps la raison et l’oubli ?
-Oui c’était beau à la hauteur de notre first love. Je ne suis pas déçue. Un an à s’écrire. Comment ça va finir ?
Je crois que je vais éteindre mon ordi et laisser cette histoire se finir là
-Comme ça Alice ? Tu éteins ton ordi tu plantes le scénario on ne s'écrit plus, on ne s'invente plus, et le film s’arrête là ?
Et notre dialogue ? On le laisse mourir comme ça ? Pas de chute ? Pas de rebondissements ? Rien ? Fin ?
- Deux monologues maybe pour finir brefs et percutants
tu te souviens Michel de Anna Karina (Marianne) qui répète « j’sais pas quoi faire j ai rien à faire , j’sais pas quoi faire j’ai rien à faire , j’sais pas quoi faire j’ai rien à faire » en marchant sans fin sur une plage dans un certain film. Et de la diseuse de bonne aventure que nous avions consultée ?

Et bien ma dernière réplique dans ce scénario miteux ce serait « j’sais plus quoi dire j’ai rien à dire , j’sais plus quoi dire j’ai rien à dire » Je vois bien mon personnage lancer en l’air toutes les cartes de la diseuse de bonne aventure . No futur. Et elle le ferait même si elle avait trés peur que la reine de pique lui coupe la tête. Parce qu’elle est dingue, dingue. Dingue de toi et elle sait qu’elle n’est qu’une enfant de quinze ans et que du haut de tes dix huit ans tu ne vas tarder à la quitter.
-Alors tu me quittes encore. Tu me quitteras toujours. Mais moi Alice ? Je deviens quoi ? Mes dix huit ans m’ont quitté en même temps que toi…On peut réécrire le début aujourd’hui.
- Non toi tu sens que cette histoire est à bout de souffle alors il y aurait une

Scène trois : Salle de cinéma. Avant le générique de fin, sur l’écran un personnage se retourne.

-Tu toises le public à bout de patience et tu lances plein de morgue…. « si vous n aimez pas la mer si vous n aimez pas la montagne si vous n’aimez pas la ville et si vous n’avez pas aimé notre histoire, allez vous faire f….. »

Puis il y aurait un Post Scriptum
- Mais Cat ça n’existe pas les PS dans les films !!!!
- Si pourquoi pas, Dimitri ?
Ce serait pour dire que le film s’appelle la méprise parce que les personnages se sont rendus compte qu’ils n’ont été que des marionnettes jouées par le destin . La suite du film n’ayant plus lieu d’être, voilà pourquoi il n’y a qu’une scène de début une scène de fin et une d’invectives
-Drôle de Post Scriptum
-Il y en aurait un deuxième : où on les verrait « elle » se faisant couper la tête par la reine de pique et « lui »devenant fou complètement allumé et se plaçant une ceinture d’explosifs autour du visage …
Parce que, tu te rappelles « quelle est votre plus grande ambition dans la vie ? devenir immortel et puis mourir »
-Hum une histoire sans queue ni tête …
-Notre histoire non ?
-Une histoire absurde. Je l’aime totalement, tendrement , tragiquement

-Tu es comme moi tu aimes quand il y a une unhappy

END

Explosive et définitive


Post scriptum number three : Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé , des événements réellement survenus des phrases réellement prononcées ou écrites , ou avec des personnages de fiction , ne serait que le résultat d’une coïncidence absolument fortuite.

-Tu m’as tué Cat dans ton scénario de schizo. Je ne peux même plus te traiter de menteuse
-Chut, t’inquiète, Dimitri, en vrai , first love never dies.

Où l'on retrouve l'évocation du "first love", différente du premier texte qui esquivait, mais qui rappelle je crois un autre texte que tu as écrit.
Bonne idée, le dialogue façon "film".

La première partie, c'est du pur Rebecca qui part dans tous les sens (j'allais dire "n'importe où").

Mais ça redevient fameux à partir de la "scène 2", avec ce style particulier, émouvant, évocateur, presque enfantin (avec un petit bémol pour les passages en anglais qui n'apportent pas grand chose).

Là j'aime beaucoup, et la fin aussi.

Et j'ai redécouvert un truc que j'avais oublié, c'est qu'à la fin du film de Godard, Belmondo et Karina murmurent le début de "L'éternité" de Rimbaud, sans doute un de ses plus beaux poèmes :

"Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

Ame sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.

Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.

Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise : enfin.

Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil."

Belle idée que celle-ci ! Des répliques pleines de verve, de férocité et de tendresse, le tout formant un bon mélange, un bel hommage en quelque sorte.
Une écriture plus posée, toute en retenue par rapport à d'autres textes de toi, bien en adéquation avec ce first love qui never ne dies.
Décidément, j'aime bien te lire ! :-)

J'attendais la fameuse réplique de Bardot
Mais nous sommes dans une autre histoire.:o)

Bonne idée de traiter ainsi le first love.
C'est très vivement et très finement écrit.
Tu pourrais te recycler dialoguiste. A moins que tu ne le sois déjà.

Ahhhh ! J'ai beaucoup aimé, vraiment, quelle réussite !
C'est riche, on a envie de relire pour mieux savourer les mots et les idées, les allusions et la verve de ton écriture. Bravo.
Simplement, je ne serai pas contre une revue de la mise en page. Parfois, je ne savais plus vraiment qui parlait, c'était perturbant, comme là:

Oui insensée tu es et complètement fou
On se connait intuitivement non ? et on a raison …