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Confidences sans prétention

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Message  Marine Jeu 16 Aoû 2012 - 9:43

Spoiler:

Confidences sans prétention

Derrière tout ce questionnement sur l'absurde, il y a quand même ce moment, face à la mer du soir, où le monde m'apporte une sérénité. Je lis Jacqueline de Romilly. Je crois à nouveau. J'espère. Ici je trouve une stabilité séculaire des vagues et du sable, du mouvement millénaire. Je reste homme ; mon appel au monde pour savoir qui je suis, ce que nous sommes, pourquoi je suis là, s'il ne reçoit pas de réponse, je sens qu'il est constitutif de la vie et d'un peu de ce soleil ; je me chauffe doucement la peau ; je n'ai plus l'insouciance des enfants qui rient ; je me sens vieux comme le sel sur mes lèvres jeunes ; mais il me reste la beauté et ses fragments d'argent au large du couchant ; la clepsydre ne s'arrête pas ici, je ne suis pas encore Robinson et ma terre qui tourne n'est pas Speranza ; le temps tictacte mais je crains moins mes incertitudes. Ce serait oublier mon cœur trop humain que de dire que je les crains plus. Il y a le non-sens ; je n'ai pas d'osmose complète avec la nature, en laquelle je crois pourtant. C'est tout juste si je la ressens quelques fois dans mes montagnes. Il y a les fourmillements, les incohérences, mais il y a aussi les petits moments qui vous font sentir la joie d'être vivant.

Bien sûr il y a l'absurde, les passions déraisonnables entre nous, notre appel sans réponse au monde sur la sens de la vie ; mais si sur celui-ci personne ne peut nous renseigner, je crois au sens de nos actions. Je crois en l'homme et je crois à sa capacité à agir pour le bien commun même dans la lucidité de son narcissisme. Je crois en les petites joies et je crois en l'engagement : ce ne sont pas des réalités si éloignées. L'engagement artistique, l'engagement social, l'engagement humain du quotidien : mettre son corps en mouvement est déjà un épanouissement ! Nous sommes face au monde ; il y a l'absurde ; je le sens bien et je répète ce que beaucoup d'autres ont dit. Le non sens de nos actions dans l'absolu, face à l'univers, dans le sentiment de notre déréliction, pourrait conduire à la résignation, à l'inertie, et au suicide. Je leur préfère d'une part la compréhension de notre abandon -la conscience, la connaissance- et de l'autre l'action. Celle-ci nous sauve à court ou à long terme. La vie n'a pas de sens ? Soit, donnons-en lui un nous-mêmes. Échapper à la Nausée par les actes et par l'amour, aussi pathétiques soient-ils devant notre "sanglante condition", et bien qu'ils soient dissimulés dans l'orgueil et le narcissisme, là est pour moi l'échappatoire.

Je crois à l'amélioration de la vie quotidienne, aux tentatives de bonheur, à la compréhension du monde et de nous-mêmes. Conscients de ce que nous sommes, passée la cruauté de l'enseignement des vices et d'une nature sans brillance, nous pouvons croire aux idées, à la passion, à l'art, aux biscuits, à la politique, à la joie d'un bon repas ou à la reproduction des oursins. Nous vivons dans ce flux piquant qui n'est pas si artificiel, dans une simplicité de vivre, une force touchante de nos convictions, quelles qu'elles soient. Chez ceux qui font des tueries sur des îles, dans les cinémas ou dans les cours d'école, je pense qu'il y a d'abord -c'est loin d'être une certitude, seulement une hypothèse- le sentiment profond de l'absurde et l'entretien du nihilisme. Le sentiment du vide de leur existence et de son caractère insensé doit leur devenir insupportable. Cela est différent de la méchanceté gratuite en laquelle je ne crois pas. Je pense qu'un apport de sens -j'aime remarquer ici la proximité du terme avec son presqu'homonyme "sang", car les deux pour moi constituent un fluide vital-, je pense que cet apport aurait pu sauver la vie de leurs victimes. Cette action morbide est peut-être le seul sens qu'ils aient trouvé, dans une absurdité à la mesure de celle de leur condition : beaucoup de tueurs se suicident après leur acte ou cherchent une reconnaissance médiatique. La première fin n'a plus d'espoir contrairement à la deuxième. Aussi le désœuvrement dans les prisons conduit-il pour moi, de la même façon, à la violence et à sa démesure.

Pour Camus ou pour Sartre, pour Beckett, malgré leurs espoirs, il reste quelque chose d'insupportable devant l'existence. Je peux le ressentir souvent. Mais la pensée, l'espoir et les livres -un triangle personnel dont les pointes sont intimement liées et pour lequel l'amour des humains fait un support- viennent m'arracher au silence et à l'obscurité. On parle d'obscurantisme quand dans une société la culture est supprimée . J'aime cette analogie. La lumière de la connaissance vous permet d'être face au monde et de choisir qui et pourquoi vous voulez être. L'écriture et la lecture, ne permettent guère, et c'est parfois malencontreux, de mentir et de se mentir. On peut fuir face à elles et souvent j'en suis tenté ; une société de divertissements qui occupent l'esprit vous le permet. Mais Mildred qui se noie dans un bonheur qui brille sur les murs-écrans de Fahrenheit 451 se suicide à petit feu la nuit. On ne peut s'écarter indéfiniment de l'absurde ; l'absurde vous rattrape. Autant le prévenir et l'assumer, calmement, dignement. La culture vous forge des poings de raison.
 
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Message  Gobu Jeu 16 Aoû 2012 - 9:57

Lu. Je repasse plus tard commenter car y a de la matière.
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Message  Legone Jeu 16 Aoû 2012 - 10:24

Intéressant ce texte.
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Message  Invité Jeu 16 Aoû 2012 - 10:40

Dans un débat, j'ai tendance à être d'accord avec le dernier intervenant. ;o)
Je savoure donc ce texte en opinant.
Sans grand mérite car je crois aussi très fort à la joie d'un bon repas et à reproduction des oursins.
Marine ? c'est féminin. C'est le prénom de ma seconde fille.
Or le narrateur est un homme : "je me sens vieux comme le sel sur mes lèvres jeunes"
Why ?

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Message  Ratz19 Jeu 16 Aoû 2012 - 11:49

Sans pouvoir dire précisément pourquoi, j'ai bien aimé ce texte. Je crois que votre espoir, dans la simplicité plutôt que l'acharnement, me touche bien... Je repasserai pour relire.
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Message  Gobu Jeu 16 Aoû 2012 - 15:54

Des confidences ? Sans prétention ? Voire. Les confidences se murmurent à voix basse, sur le traversin. Elles tissent une étoffe de petits secrets, de petites confessions, voire de petits mensonges. Elles vont d'une bouche amicale - et plus si affinités - à une oreille complice, d'un esprit attentionné à une conscience réceptive, voire d'un coeur aimant à un autre. La confidence est un trésor qu'on ne partage qu'avec une seule personne à la fois.

C'est à tout autre chose que nous avons affaire. A un cri, même policé par une syntaxe brillante, une langue étonnante et une construction rigoureuse, que dis-je un cri, une profession de foi. On ne dévoile pas de petits secrets, on ne se livre pas à de petites confessions, on n'avoue pas de mensonges, on professe sa croyance en l'homme et au pouvoir que lui donne, non sa fragilité, mais l'acceptation de celle-ci.

Fragilité face à l'absurde de l'existence. Camus Sartre Beckett. Curieux de voir comme la postérité à fini par amalgamer ces trois hommes que tout séparait sauf le génie. A l'époque, la pensée dominante les fourrait dans le même sac, mais c'était parce que les mots en "isme" - existentialisme, structuralisme, surréalisme, nihilisme, etc... collaient des frissons au bourgeois parce qu'ils se finissaient tous comme communisme. Et pourtant...Sartre faisait de ses héros des pantins manipulés par l'Histoire et leur statut social, Camus les montrait victime d'une fatalité qu'ils portaient en eux comme une malédiction, et quant à Beckett, bien malin qui dira à quelles forces obscures obéissent les siens, sinon à la fantaisie de leur créateur. Ce qui ne les rends que plus vrais.

On croit aux petites joies de la vie quotidienne, aux idées, aux ébats des oursins, aux vertus euphorisantes d'un bon gueuleton, voire à la Nature, et qui n'applaudirait des deux mains ? On n'est pas loin du bonheur de la première gorgée de bière du Père Delerm, à qui je ne reproche que de ne pas vraiment étancher ma soif et ne pas suffire à mon bonheur. On devrait être plus exigeant dans ses désirs ; soyez réalistes, demandez l'impossible, proclamait un slogan de mai 68 directement inspiré par le situationnisme (encore un mot en "isme" !) C'est utopique, mais renoncer à l'utopie, c'est déjà mettre le pied dans l'engrenage mortifère de tous les petits renoncements qui font nos grandes soumissions.

Sur le plan de la forme, le texte touche à la perfection. Trop, peut-être, on a presque affaire à une dissertation primée au Concours Général. On n'aurait aucun mal à y mettre en évidence l'enchaînement tripartite thèse/antithèse/synthèse sans lequel on ne peut même espérer la moyenne. Le déroulé est à la hauteur du plan. Le texte est émaillé d'heureuses trouvailles "stabilité séculaire des vagues et du sable, du mouvement millénaire", "vieux comme le sel sur mes lèvres jeunes", "la beauté et ses fragments d'argent", surtout dans la première partie avant que la démonstration l'emporte sur l'émotion. On n'omet pas de faire référence aux grands auteurs, on prend soin de relativiser ses prises de position - douter de ses croyances est le premier pas vers la sagesse - et l'on prend bien soin de balancer chaque affirmation par l'éventualité de son contraire. Bref un sans faute.

Sur le fond, en revanche, on est un peu dans le cliché. La perfectibilité de l'homme en dépit de l'absurde de sa condition, la voie médiane qui, à mi-chemin entre renoncement et engagement aveugle, lui permet d'améliorer sa condition par petites touches sans risque de fiche tout le bazar par terre, l'exaltation de la culture et du jugement comme barrières contre les barbaries issues d'on ne sait quel tréfonds obscur de l'âme humaine, tout cela compose une manière de réformisme philosophique soft on ne peut plus sympathique mais pas très original, même s'il est présenté de façon magistrale.

Reste qu'on trouve aussi quelques formules étranges ou sources d'ambigüité. Passons sur le "triangle dont les trois pointes sont liées" (y en aurait-il d'autre sorte ?) mais attardons nous sur "la lucidité du narcissisme". Narcisse est-il lucide ? Très bon sujet de philo au bac, tartine garantie. Narcisse est amoureux de sa propre image, et l'Amour est aveugle, on le sait depuis l'Antiquité. Etre aveugle, est-ce être lucide ? On est en droit de se le demander.

Et puis il ya ce passage sur les tueurs en masse. C'est le sentiment de l'absurde de leur existence et "l'entretien du nihilisme" (sic) qui les pousserait à déchiqueter à l'arme automatique une flopée de gens qui ne leur avaient rien demandé et qui auraient mille fois préféré regarder leur film en paix ou finir leurs courses pour le barbecue du soir. Pour un peu, le tireur aurait agi en altruiste, pour charitablement les rappeler à l'absurde de leur humaine condition et à sa fragilité. Il est vrai que la vie ne pèse pas lourd face à l'absurde d'une rafale d'AK 47 ou une décharge de Remington à pompe, mais le raisonnement est un peu court, même s'il est d'une mortelle efficacité. Le tueur en série, a le plus souvent, des motivations. Il tire (comme récemment) sur un rassemblement de sikhs qui ressemblent comme deux gouttes d'eau à des musulmans. Il fait sauter un immeuble ou travaillent des fonctionnaires fédéraux qu'il assimile à des ennemis de la Nation. Il met le feu à une Eglise où prient des noirs qu'il exècre ou décime la sortie d'une université parce qu'il jalouse les étudiants. Et même lorsqu'il frappe au hasard, c'est avant tout son désir de domination, son sentiment de supériorité et sa haine de l'autre qu'il affirme en poussant la détente. Qu'il se donne la mort ensuite n'enlève rien à ce fait : il agit par haine, même si elle se referme en haine de soi. N'y pas voir de méchanceté est peut-être charitable, mais peu réaliste. Tel le prisonnier désoeuvré, sa condition le conduirait immanquablement à la démesure de la violence. C'est oublier que le désoeuvrement (qu'il faut évidemment combattre) est loin d'être le seul facteur criminogène en prison. Il y la promiscuité, la maladie, la crasse, les inégalités financières et sociales encore exacerbées, la dureté des rapports avec l'encadrement et entre détenus et surtout l'enfermement, la privation de liberté dont celui qui ne l'a jamais vécue ne peut se représenter la violence. Mais c'est naturellement un autre débat...

En conclusion, j'ai beaucoup apprécié la lecture de ce texte rédigé de main de maître, et même si je suis loin de partager toutes ses positions, je continue à rester étonné par le talent et la maturité dont fait preuve son auteur à un âge si peu avancé, ainsi que par la retenue qu'il exprime. Oserai-je dire trop ?

GOBU

PS : J'ai relevé deux bizarreries :

Tictater pour tictaquer

"...de dire que je les crains plus" Je suppose qu'il fallait lire "que je ne les crains plus"
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Message  Invité Jeu 16 Aoû 2012 - 17:34

J'ai déjà lu deux fois, faut que je relise encore...

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Message  Lucy Jeu 16 Aoû 2012 - 19:14

Beaucoup à lire, beaucoup à dire : mais quoi ?

Sur les meurtres de masse, il s'en est passé les dernières années. Le cinéma s'en est emparé, à sa façon, entre le (avis très personnel) "boring" "Elephant" et l'esthétique et dépouillé "Polytechnique". Cette partie de tes "confidences" me donnerait bien envie de jaser, mais je suis pas si bavarde.

J'aime que tu fasses réfléchir le lecteur et la référence aux existentialistes. Plein d'autres choses, mais ça prend de lire à tête déposée.
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