Le temps de voir venir

Je me sens comme une balayette à chiottes sans poils, inutile, usé, bon à jeter à la poubelle. Je me dis que ça va passer mais ça fait vingt ans que ça passe pas.
J’ai peur des mouches parce que je les ai trop enculées et qu’elles me rappellent mon inutilité. Des jours entiers sans trouver la force de se gratter, c'est long et fatigant. Évidemment il n’ y a pas de remède miracle. Je bois : le temps s’accélère un peu
Mais je hais les lendemains de cuite, les compagnons de biture qui vous reconnaissent pas dans la rue, les casquettes en plomb.
Le plus pénible c’est de voir des gens heureux autour de moi, des gens qui semblent trouver un quelconque intérêt à la vie puisqu’ils font des enfants. Je trouve ça d’un égoïsme terrifiant . Pauvres futurs vivants.
La vie ça fait longtemps que j’ai cessé de lui chercher un sens.
Sur le plan sentimental c’est le néant :certaines filles sont intriguées par ma ressemblance avec Droopy et quand elles ont compris que Cioran était un joyeux drille à côté de moi,après deux trois jours où j’ai pas desserré les dents, elles finissent par fuir. Normal.
J’ai connu une tenace, une masochiste. Elle s’accrochait à moi comme une tique à un mollet . J’en parle au passé alors qu’elle est persuadée qu’on est toujours ensemble. Je lui ai promis de la revoir…un jour.
Elle me fait de la peine : elle veut que moi, l’éternel adulescent névrotique, j’élève sa gamine de 12 ans. C'est touchant. Comme sont touchants les lésionnés du bulbe qui croient à l'existence d'un Dieu qu'aurait créé la Terre, les hommes et tout le saint-frusquin.
Finalement, je ne demande pas grand chose : une jambe cassée, une intoxication alimentaire.
Un bon lit d’hosto, un vieux Tintin, de l’eau claire.
Le temps de voir venir.

Legone a écrit:Finalement, je ne demande pas grand chose : une jambe cassée, une intoxication alimentaire.
Un bon lit d’hosto, un vieux Tintin, de l’eau claire.
Le temps de voir venir.

La meilleure partie du texte. Un arc en ciel dans un ciel noir.
Concernant l'existence de Dieu il y a deux écoles.

Ceux qui croient que la casquette en plomb est une preuve de sa non-existence
Ceux qui croient l'inverse. Dans sa grande bonté il l'aurait créée, comme un garde-fou contre la cirrhose.
Va savoir...

Franchement, voici un texte dont l'intérêt est proche du néant. Mâtiné de vulgarité ("J’ai peur des mouches parce que je les ai trop enculées") et de banalité ("je hais les lendemains de cuite") je ne comprends pas ce que vous cherchez à dénoncer. Vous voulez rendre le personnage antipathique, soit, mais dans quel but ? Qu'est-ce que le lecteur doit retenir de ce pauvre type !?
Quand on dresse ainsi un portrait au vitriol on a normalement une idée derrière la tête, on essaie de transmettre un message, une réflexion sur la société par exemple. Là, entre les bitures et les femmes il n'y a rien, strictement rien, hormis des remarques décalées sur la parentalité et la religion : "les lésionnés du bulbe qui croient à l'existence d'un Dieu qu'aurait créé la Terre".

J'ai l'impression d'un texte gratuit qui ne sait pas où il va. Même l'écriture est au ras des pâquerettes ; volontaire ou non, je me pose des questions ...

Legone a écrit:Finalement, je ne demande pas grand chose : une jambe cassée, une intoxication alimentaire.
Un bon lit d’hosto, un vieux Tintin, de l’eau claire.
Le temps de voir venir.

D'accord avec Tizef, c'est le meilleur.
Pour ma part, plutôt qu'un texte dont l'intérêt serait proche du néant, je lis un texte sur le néant, le désenchantement (Hier soir la lune a disparu), thèmes que j'aime bien, mais qui mériteraient ici un peu plus de travail et de coups de ciseaux !
Ça ressemble à un premier jet, ça me rappelle mes textes d'adolescente qui voulait crier et être enfin entendue - ce qui n'est pas un reproche, mais je persiste : faut travailler ta matière, mec.

Il y a : écrire la désespérance ou tout autre état, et écrire sur la désespérance ou sur tout autre état. ( Réel ou fictif. Cela ne nous reeeeegarde pas !)
Dans le premier cas, les idées voire les ébauches d'idées, les mots, les phrases, voire les ébauches de phrases, traduisent l'instantané parlant d'un vécu.
Dans le deuxième cas, on a un regard sur le phénomène. Et donc on peut s'exercer à produire, introduction, thèse, anti-thèse et conclusion.
Le texte de Legone, surtout le sujet qu'il exprime, se verrait affaibli par un excés de littérature.
J'ai bien aimé la phrase sur la jambe cassée qui appelle, demande une parenthèse, une pause, pour échapper à une mauvaise passe. Oui, se casser une jambe, enfin, pour détourner son attention sur autre chose, et se plaindre de quelque chose de plus tangible qu'un mal-être mal défini.

cela ferait le début d'un excellent roman,

"le doute du misanthrope"

j'y crois. Je trouve ça bon, comme le résumé de la 4éme page de couverture d'un roman, à mi-chemin entre stephen king (sans le fantastique) et Céline (dion, nan je déconne)


normalement j'aime pas ce theme d'écriture, mais là c'était pas mal, j'ai tout lu d'une traite, sans me dire "nan tu lis tout jusuqu'au bout !"

voilà voilà

ps = moi aussi j'ai peur des mouches
ps 2 = rappelle-la (la "tique")

je suis d'accord avec Frederic, jolie entame pour "les mémoires d'un misanthrope". les propos particulièrement crus servent le texte. Un langage plus châtie n'aurait guère été crédible face au désœuvrement qu'il essaie de prouver.

Je m'associe à Jano, et partage son commentaire. Ton texte, est-ce de l'humour ? Ca m'étonnerait.
Cette désespérance est grotesque. Pourquoi cette vulgarité qui amère rien de plus que de la méchanceté. Il y des textes qu'il faut écrire, soit, mais avec un peu de recul, il vaut après les banlancer "aux chiottes" pour parler comme Toi !! Rabaisser l'acte d'écrire comme tu le fais, c'est dommage. Ta haine, va la soigner autrement ! On peut écrire des textes de révolte, de colère, de noiceur, aussi la forme doit s'imposer. Oui Cioran, mais attention au style, et à la force des idées...
"Ce sonnet, il bon à mettre au cabinet !" aurait dit Molère dans Les Femmes Savantes. Merci de m'avoir gâché mon dimanche, mais lundi je m'en remettrai !...

Ton texte m'a tellement irrité que j'ai mal écrit : il faut donc lire "il vaut mieux après le balancer..."
Ton mal-être est contagieux. Génial !

Salut.
Moi j'adore le coup des mouches trop enculées, et du balai à chiottes.
Moins aimé le coup de Droopy et de Cioran, parce que ça enfonce le clou.
Pas trop aimé non plus le coup des gens qui font des enfants, du cynisme facile, déjà vu ailleurs.

En fait, je trouve que malgré quelques vraies trouvailles, le texte va trop loin dans le cliché. Et quand il s'éloigne de ces clichés, par exemple quand on commence à parler de la petite copine masochiste, ça redevient très bon.

Beaucoup aimé la fin, un peu surréaliste et qui nous éloigne des sentiers battus.

les gars

allez voir dans "discussion" où legone explique qu'il s'est emmêlé les pinceaux

et que ce texte était destiné à le présenter dans un célèbre site de rencontres


vrai ou faux, ça donne un bon goût de sel et de poivre

Je lis et je relis et je conclus que si ce n’est pas digne d’éloges, ça ne manque pas d'intérêt.
Le texte n’est pas abouti (pour ne pas dire bâclé), ça s’enchaîne mal et surtout ça donne l’impression d’un concentré d'aigreurs, un brouet maussade du quotidien vu par le petit bout déprimant de la lorgnette, le coeur au bord des lèvres, etc., tout cela déversé au petit bonheur la chance.
Je trouve personnellement que le langage non seulement ne choque pas mais qu'il sied le propos, le style. D'ailleurs qui parle d'écriture aseptisée ? !
Et je pense qu’avec un peu (beaucoup) de boulot d’affinage, de couture (couper, raccommoder, rapetasser), ça pourrait donner un truc plus bon que mauvais.
Il y a de bonnes choses là-dedans, la toute fin et globalement la deuxième partie.