Librement inspiré : Fusain

J'ai honte de dire que je ne sais pas de quoi tu t'es inspirée, mais ton texte est très beau.

J’ai vu ta source enfin à la lueur des stalagmites, flambeaux lentement érigés.
La musique stalactite au creux des cavités...
Joli !

Première lectures, premières impressions sur la forme :
-la répétition voyante de la structure nom + adjectif :

"Le front posé sur les genoux,
Les genoux serrés dans les bras,
[...]
Mains patinées, témoins du temps des arcanes.
Genoux noyés de larmes sèches."

De même que légère gêne à l'énonciation anatomique.

Après, en deuxième partie j'ai eu le sentiment d'une prose trop pensée, comment dire, trop... déroulée, explicite. Là où plutôt que des phrases construites, j'aurais vu/entendu/attendu des bribes, des ruptures, pour rythmer la phrase (la dernière surtout).

Ici : "Cherchant la part inoculée de cette grotte humaine aux mythiques peintures, "

et surtout : " J’ai vu ta source enfin à la lueur des stalagmites, flambeaux lentement érigés.
La musique stalactite au creux des cavités m’a révélé l’ origine, et maintenant je te sais."

Cela manque de naturel à mon oreille et me laisse par contrecoup en dehors, comme si je lisais des mots au lieu de ressentir l'émotion qu'ils veulent/doivent créer.

Deuxième lecture : maintenant familiarisée, je suis moins réservée, le texte coule mieux même s'il accroche encore un peu ici et là.
Et même si je reste avec l'impression, sinon la conviction, qu'une expression plus dépouillée pourrait lui faire gagner en poids.

Sur le fond, ma foi, on dirait bien un voyage initiatique, un cheminement, son résultat.
On ressent en fin de texte un soulagement, un lâcher-prise après avoir trouvé une (la ?) réponse.

J'ai pas honte de dire que je ne sais pas de quoi tu t'es inspirée, mais j'aime ce que tu contes là. j'enlèverais juste quelques feuilles ici et là pour mieux laisser passer la lumière...

poétique !
un peu trop serré peut-être, oui, par moment

Ça me fait écho à Chomina,
et aux contes

Un personnage naît sous nos yeux des caresses d’un fusain, traits esquissés, mots d’esquisses au fusain.
Une ligne trace ses pas qui « la ramènent dans la forêt sans âge ».
La ligne écrite donne naissance à un personnage féminin. Il ne découvre pas une forêt, grandes lignes verticales des arbres, mais fait retour en un lieu connu, familier.
Une forêt « sans âge », forêt de toujours.

Une forme se dessine le long du « plus vieux tronc », le plus solide mais surtout le plus originel, ancêtre témoin de tous les temps, trace persistante des jours anciens.

Ses traits « glissent doucement » le long des âges, jusqu’au pied de l’arbre, jusqu’ au « tapis d’épines et de terre », jusqu’au sol humide qui couvre les racines.
Le mouvement du trait se courbe, s’arrondit, et dessine « une boule ». Boule noire, boule de suie.
Forme lovée au pied du temps, au bas d’une lignée des origines, elle se ferme au présent, s’enroule dans le passé, se recroqueville sur la source de l’existence. Des genoux jusqu’aux épaules.

Elle donne du corps à l’arbre millénaire, et se redresse en lui. Des épaules jusqu’aux genoux.

Les épaules délivrées d’un poids de « plumes », mais de plumes lourdes du chagrin d’un « soleil rouge », couleur des yeux rougis par les pleurs, yeux « crevés de pluie ».
Bras « noueux » où s’attache la force retrouvée, une « force concentrée ».
Mains « patinées » porteuses des marques des temps anciens, inconnus et mystérieux, temps des « arcanes ».
Genoux « noyés de larmes sèches », genoux porteurs de la trace des pleurs enfin asséchés.
La femme déployée se régénère en lui, dans l’arbre de vie, y retrouve ses origines et, dessin, fusain de nature, retrouve le saule dont le fusain est extrait.
Elle pourra se dire un jour : avec ton arbre, tu fus un.


Ce personnage fusain a l’épaisseur d’un passé, une dimension d’enfance quand, « petite », elle « opposait » plutôt qu’elle n’apposait, sa trace vive « au front de la mémoire morte », l’arbre de toujours. Auprès de lui, elle retrouvait ses origines, sa « filiation », arbre de toute généalogie.
Sans retrouver pourtant toute sérénité. Auprès de lui « planait » encore une douleur d’enfance inapaisée.

L’origine est plus lointaine encore, ailleurs. Dans les entrailles de la terre-mère, dans une « grotte humaine ». Là se lisent du bout des doigts les origines dans la « suie », et le fusain des « peintures mythiques ». Là parle l’arbre fusain.
Là tout s’éclaire des sources, tout s’illumine d’une lumière minérale, là se révèle dans la mélodie première, la musique du monde, le chant de la terre maternelle.
« Musique stalactite », « lueur stalagmite » : l’origine est lumière, minéralité, musicalité, rythme des choses et du monde, goutte à goutte, notes en écoulement.
Source première dans la confusion du minéral et de la lumière, de la musique et du végétal : source mère.

Révélation : « Je suis la mémoire vive », « nous ne sommes pas semblables ». Après la fusion avec le fusain, l’union à l’arbre et aux éléments, vient la séparation et la distinction, je ne suis pas ton semblable, pas un saule, tu es mémoire morte, je suis mémoire vive ; vive, vivante, consciente.

La remontée aux origines a permis de se retrouver, dans son indépendance, son individualité, son être indivis, « Maille, à partir de rien d’autre. »
Son être n’est pas relié au monde, n’est pas pris dans le tissu du monde et des autres. L’origine n’était pas extérieure à soi, elle était au-dedans de soi, jusqu’ à cette grotte, part « inoculée », intériorité des profondeurs de l’âme.

« Je suis mémoire vive », ce n’est pas l’oubli qui délivre du passé, des douleurs d’enfance, c’est le souvenir conscient qui en délivre : « Du filet… qui se tend et qui retient, aujourd’hui enfin je suis libre. » Dans un épanouissement, une ouverture au présent et à l’avenir, un élargissement de sa vie, « À la circonférence d’un cercle desserré", se vit enfin une délivrance.
Il fallait bien un croquis des origines au fusain, dans sa noirceur tracer un passé, pour s’en délivrer, pour se délivrer des « douleurs nomades » en exil, retrouvées et conjurées, dans la mémoire qui interrompt leur errance.

Beau texte, Igloo.

Igloo, je trouve que l'ajout de "Fusain" dans le titre change pas mal de choses.
Ou alors je suis passée trop vite sur le premier mot le texte.
En tout cas, je modifie mon commentaire en retirant la réserve sur l'énumération du début (front, genoux, bras, mains), tant je vois bien maintenant le tableau qui s'esquisse, se dessine.

En attente , en suspens, en creux, en moins pour dire le plus d'autant plus criant à devenir. C'est humain, possible, auscultable... j'aime cette observation du dedans où tu nous laisses entrer, sans hermétisme, mais sans non plus d'immanence grossière et insatisfaisante. Toujours cette précarité de la lumière souterraine qui faut vite saisir pour mieux voir, entrevoir, car c'est toujours "entre" que l'on perçoit l'inoubliable. Je partage tes mots.

Merci
beaucoup
à vous...

quelques corrections avant le catalogue:


Fusain.

Ses pas la ramènent dans la forêt sans âge.
Elle s’adosse au plus vieux tronc,
se laisse glisser doucement jusqu’au contact humide
d’un tapis d’épines et de terre.
Le front posé sur les genoux,
les genoux serrés dans les bras,
bras aux mains orphelines
agrippant ses épaules,
et se fait boule.
Boule.
Epaules d’où elle arrache les plumes
envolées d’un soleil rouge aux yeux crevés de pluie.
Bras noueux, essentiel de force concentrée.
Mains patinées, témoins du temps des arcanes.
Genoux noyés de larmes sèches.

Petite, au front de la mémoire morte
elle opposait son sceau.
Ses veines en circuit minuscule
accueillaient la filiation,
mais quelque chose planait…
l’enfance d’une douleur autre, nomade, comme en exil.
Absentée.
Cherchant la part inoculée de cette grotte humaine aux mythiques peintures,
ce que racontaient la suie, les ocres, ses doigts l’ont lu à rebours...

"J’ai vu ta source enfin à la lueur des stalagmites, flambeaux lentement érigés.
Au creux des cavités la mélodie stalactite m’a révélé l’origine, et maintenant je te sais.
Nous ne sommes pas semblables: je suis la mémoire vive.
Maille, à partir de rien d’autre.
Le moins qu’on puisse dire est ce qui comptera le plus.
Du filet qui pare contre tout, mais qui se tend et qui retient, aujourd’hui je suis libre.
À la circonférence du cercle desserré."

J'aime beaucoup, c'est très organique (j'ai pensé - je ne sais pas pourquoi - à la transition tellurique de Robinson, dans le Vendredi de Tournier, renaissant recroquevillé au sein même de la terre). J'aime particulièrement le dernier paragraphe (strophe ?) en italique. "La mélodie stalactite m'a révélé l'origine" : magnifique.

Je suis restée un peu en dehors... je ne sais pas pourquoi, peut-etre une impression de ton forcé oui, d'assez dramatique pour poser le décor, alors que je voudrais que le drame (le mystère, l'inquiétude, la solitude, etc) émane directement de ce décor, des descriptions, énumérations...

Il y a quelque chose d'assez terreux et tactile, qui me plait bien, mais je voudrais avoir vraiment la sensation du toucher, là j'ai l'impression qu'on ne fait qu'effleurer.

Tu signes fusain, je vois photographie, particulièrement sur la première partie du texte où le noir et blanc est roi.
Si le rouge entre en scène, n'est-ce pas pour souligner le côté "négatif" de la scène ?

Thème de l'origine probable... Filiation. Fac-similé problématique. Ecriture raffinée, mais un peu hermétique, pour moi. Il faut y revenir. Mais tu as raison d'obliger le lecteur à questionner ta recherche. J'aime cela.

Ouais c'est terreux !