La noce

Les futurs époux, irradiés de bonheur sur leur petit nuage. La fusion des cœurs. Les explosions de rire. La mega teuf, la super boum. Les invités fondant de plaisir, toutes générations confondues, entrainés à la queue leu leu dans la danse des canards par le big band déchainé.

C’était censé être de la bombe cette noce. Mais il y a eu un os.

Je suis médecin légiste, je connais les gestes alors j’orchestre la valse des brancards.

Là les membres de la famille, bras, jambes, torses épars, dans le bosquet, un groupe d’ados les yeux au ciel injectés de sang, leurs pétards encore à la main, , un enfant hébété devant ses osselets, une femme au coeur dilaté sous sa robe couleur chair écarlate, un bébé souriant aux anges sous un corps qu’on écarte à la hâte.

Mes écouteurs crachent Nougaro, sa voix résonne dans mon casque : « Dansez sur moi, dansez sur moi, le soir de mes funérailles, que la vie soit un feu de joie et la mort un feu de paille, dansez sur moi, dansez sur moi, dansez sur moi..»

Sur les ruines de Blaye que l’on déblaie, on ne danse plus, fous qui chient là et chères nubiles me rappellent Fukushima et Tchernobyl. J’examine le cadavre de la promise toute nue, nucléaire, et il est clair qu’Anna, ex bombe anatomique, a Tom dans la peau, sous ses os atomisés.

Cocktail au césium pulvérisé, shoot à l’uranium irisé, de la bombe cette noce sur l’estuaire de la Gironde ! Et encore girondes les filles de l’Ouest sous leurs suaires !

Je sue dans ma combinaison et j’erre.
Je gère.

Les ex-futurs époux irradiés de bonheur sur leur petit nuage. La fusion des coeurs, tous rires explosés. La mega teuf, le super boum, Les invités fondus, toutes générations confondues entrainés à la queu leu leu dans la danse des canards sans tête par le big bang, et le big band décharné.

Lire du Rebecca, c'est jubiler à la musique des mots, rebondir d'une sonorité à l'autre avec les associations d'idées que cela entraîne, le tout dans un climat parfois féroce. Oui, c'est jubilatoire.

C'est un festival de trouvailles as usual :o)
La palme à "fous qui chient là"

Ce qui est bien, c'est que tout ce travail sur les sonorités, tous ces jeux de mots ne sont pas gratuits, ils servent parfaitement le fond grinçant de ce texte apocalyptique et visuel, comme un tableau à la J. Bosch.
Il y a bien ou ou deux cas de clins d'oeil trop appuyés, le faire remarquer traduit l'exigence de la lectrice qui châtie à la mesure de ce qu'elle apprécie :-)

Enfin un mariage où l'on s'éclate sans attendre la nuit de n'os ;-) !

je commence à connaître ta prose, tranchante, cruelle, cynique, ironique, tes jeux de mots, je m'attendais à mieux... je suis déçue... mais j'ai pris du plaisir (hihihihihihihi....)

Moi qui croyais que, dans une noce, le couple était central. Pfff ! y'a eu comme une fuite. Enfin, un texte qui irradie. Bravo à la jongleuse.

Eros et Thanatos !!! Vieux et toujours aussi efficace J'ai bien aimé, c'est bien écrit, surtout les changements de registres mais ce que j'ai le plus préféré c'est la répétition finale du paragraphe d'introduction et de conclusion <3

J'ai lu le début et je savais que j'allais aimé à partir de l'alliance irradier-nuage. Une écriture poétique et singulière. Je retiens les bruits de ce texte. Il y a du tapage nocturne, à force :)/

A bientôt sur VE.

je plussoie !

(la flemme de décortiquer, désolée, mais je plussoie, tu imagines !
la nuit de noce qui part en quenouille, si j'ose dire !)

Un texte tranchant pour une noce mais très original par ces mots. Le rappel du début pour conclure dans une fin musicale.

ah ! voilà bien le genre de textes dont j'aime à imaginer le pourquoi et/ou le comment d'un tel aboutissement tant il est visuel. Les images claquent dans mon imaginaire, pour un peu j'ai l'impression de sortir de ma salle de cinéma.
tu a un style très addictif Rebecca !

Une histoire bien bouclée où tout s'(e dés-)articule à souhait.

Un format qui convient très bien à mes yeux, car il permet aux sonorités de se déployer, de se lâcher, sans que cela paraisse trop ceci ou trop cela. Tout y est, du détail murmuré à la vision cinématographique de cette explosion humaine. Très musical aussi, ça donne un bon rythme à l'ensemble et rend toute cette cruauté plutôt attachante.

Rebecca, ce n'est pas que de la musique formelle. C'est aussi un contrepoint libérateur à la niaiserie ambiante. Dont les cérémonies de mariage ou autres. "Je ne croirai qu'en un Dieu qui saurait danser" marmonnait la moustache de Nietzsche. Mais réflexion faite, nous les humains nous n'avons que ces cérémonies, ces serments, cette mascarade, pour bluffer notre ennui. Ton écriture danse, tes images sont festives sur la décomposition des choses. Je pense aussi à "La charogne" de Baudelaire.