Pierre en pleine face

Sur le chemin des leçons ce petit bonhomme au visage bleuit par une casserole volante cherche à trouver l’énième mensonge bidon à faire croire non pas aux copains, il en a si peu. N’ayant pas le droit de regarder la télé, les garçons de sa classe le trouve inintéressant. Ses camarades ne sont là que pour les plumer aux billes ou aux osselets.

Il se tient la [i]boudine, qui lui fait mal, il aurait préféré manger autre chose que sa chemise au goût d’escalier ce matin.
Il pense à sa maîtresse qui va lui demander encore ce qu’il s‘est passé. Il aime tant sa maîtresse, il est certain qu’elle est reine au pays des fourmis.

La dernière fois, Pierre lui a raconté être tombé d’un arbre, la semaine passée, il lui a dit avoir glissé sur le sol mouillé et s’être tordu le poignet occasionnant quelques hématomes sur les bras. L’arbre, la porte, une chaise, une brûlure de fer à repasser encore trop chaud, la corde à sauter de son infernale cousine lui laissant des marques autour du cou …
- je ne me suis encore jamais battu avec personne … c’est ça ! Les antennes du gamin se dressèrent de quiétude !
- J’ai rencontré un grand, que je ne connais pas et il m’a flanqué son poing dans la figure ! Pierre, instantanément plus serein est soulagé et presse le pas doté d‘un sourire jusqu‘aux mandibules.

La cloche retentit, son ventre crie famine et une fois n’est pas coutume devra jeûner ce midi.
Il est certain qu’elle lui avait préparé un déjeuner, mais vu qu’il s’est levé en retard… c’est de sa faute de toute façon : souvent tête en l’air, trop muet, un peu lent, toujours gauche…

La voix d’Océane, l’institutrice, fait oublier à Pierre ses problèmes de ventre vide et de cerveau trop mou.

- en rang par deux et en silence les enfants s’il vous plaît.
Ce brin de femme, jolie dans son élégance naturelle était la plus aimée de toutes les maîtresses de l’école et Pierre était heureux de se trouver dans sa classe. Elle porte un parfum fleuri.
Cette maîtresse est un jardin à elle toute seule, ses cheveux glycine, son visage en forme de tulipe, sa stature d’iris, radieuse orchidée avec ses yeux clématites. Elle est belle sa maîtresse. Sa peau blanche et lisse donne envie de déposer de doux baisers sur ses joues parfumées.

Il rêve souvent d’être bordé un jour dans son lit, par ce brin de muguet, elle lui raconterait une histoire, il fermerait les yeux, se verrait courir dans un jardin. Elle laisserait dans sa chambre une odeur parfumée de bouquet, masquant les odeurs automnales de sa chambre et tatouerait son front d’un baisé, glissant deux doigts dans ses mèches rebelles.

Une main sur son épaule le ramène dans la cour.
- alors Pierre, tu n’es pas réveillé ce matin ? A quoi rêves-tu enco… ton œil !
Les clématites effarées d’Océane mirent le gamin mal à l’aise.
Tête baissé, Pierre raconte à sa maîtresse, sa mauvaise rencontre avec un grand, la veille.
- regardes moi ! Elle lui prit doucement le menton pour le regarder, pas au creux de ses antennes, mais à l’intérieur. Il se sent tout nu quand la maîtresse le scrute de ses fleurs bleues, il n’aime pas ça et ne veut pas que ce bel orchidée décortique son âme. Il est un tueur d’insectes, il est tout plein de liquide en dedans, un liquide rouge salé qui ne souhaite surtout pas laisser sortir.
- Pierre, je te l’ai dit déjà maintes fois depuis la rentrée, veux-tu que je vienne chez toi pour essayer de trouver des solutions à tes mésaventures et tes maladresses ?
La mine attendrie d’Océane lui fait peine, elle s’inquiète d’un malheureux œil violacé, alors qu’il aurait dû en avoir deux pour le prix d’un !
Il est à moitié sourd et surtout ne prend pas soin de ses vêtements, ça vaut bien deux pains dans la tronche.
-Je souhaite vraiment rencontrer ta maman Pierre.

Le mot maman résonne dans la tête du garçonnet et lui flanque un coup de massue, lui serre la gorge si fort qu’il sent dans sa bouche un goût de sang iodé. Il veut dégueuler, mais n’a rien à vomir, il crispe si fort ses dents que deux bosses apparaissent et dessinent sa mâchoire.
Navré il explique sa déconvenue dominicale.
- Non maîtresse, c’est de ma faute, j’ai provoqué le grand, j‘l‘ai cherché, j’ai mérité son coup de poing et je regrette.
Une pression sur l‘épaule fit sentir à Pierre qu‘il était devenu un piètre menteur, quel nul.
-Ecoutes, même si tu as été méchant avec quelqu’un, tu ne mérites pas un œil au beurre noir, on ne résout pas ses problèmes avec la violence. Ce grand, est il à l’école ?
- Non, mais j’ai pas mal maîtresse, j’ai même pas chougné, vraiment c’est rien du tout !
- Qu’en a dit ta maman ?
Pierre avale sa salive, il a envie de gerber. Avec aplomb il continue à jouer Pinocchio.
- Elle est allée voir ses parents pour qu’ils le grondent !
- C’est vrai tout ça Pierre ?
-Oui maîtresse … Il se déteste définitivement.
Océane le scrute minutieusement et décide d’en rester là, elle n’obtiendrait rien de son élève une fois encore.
Pierre emboîte le pas de sa maîtresse au parfum de lilas.
Avant d’entrer en classe, il crache sa mère au goût de rouille, près de son porte manteau ferraillé.


Boudine : ventre
Chougner : pleurer en bon rémois qui se respecte

La modération je m'excuse déjà j'ai 4 heures d'avance

" Et sur cette PIERRE, je constuirais une église " Evangile selon ...
Edifiant et surprenant ce récit autour de la haine naissante ??

Alors qu'avec le texte précédent, la narration était relativement neutre, j'ai le sentiment ici que le narrateur extérieur est tout à fait adulte, que la voix du récit en est l'institutrice dont il est question.

Côté forme, il y a des questions de mélange de temps à revoir, mélange présent/passé simple :

"Une main sur son épaule le ramène dans la cour.
- alors Pierre, tu n’es pas réveillé ce matin ? A quoi rêves-tu enco… ton œil !
Les clématites effarées d’Océane mirent le gamin mal à l’aise."

"Navré il explique sa déconvenue dominicale.
[...]
Une pression sur l‘épaule fit sentir à Pierre qu‘il était devenu un piètre menteur, quel nul."

Puisque le texte est écrit au présent, il n'y a aucune nécessité pour le passé simple en cours de route.
Repéré aussi des bricoles orthographiques ici et là, de mémoire, et entre autres, "Ecoute" sans "s" à l'impératif.

C'est intéressant cette idée de textes autour d'un même personnage décliné en vers et en prose.
Je ne sais pas précisément ce que tu as en tête avec cette méthode, mais c'est inhabituel, ça se remarque.

ça me turlupinait , alors je reviens vers ce récit, pour en remettre une autre couche ! Je suis seule,
profitons -en mon commentaire précédent laudatif paraît laconique parce que je recherchais un souvenir de lecture ...

Eureka! richard MATHESON : JOURNAL D 'UN MONSTRE courte nouvelle conçue en récit au présent, avec focalisation interne du narrateur incarcéré par ses parents dans une cave.
Evidemment il ne sait ni nommer ni communiquer sauf en devenant le monstre que ses parents lui disent être et qu 'il deviendra!

le hic narratif : comment faire croire au récit, si le garçon ne sait pas écrire? HA, ha ?
subterfuge du narrateur : journal en chiffres romains et observations approximatives du lieu du dedans le cachot et celles du dehors soit , l 'inconnu, vu du soupirail.
sans creuser davantage , je ressens que le souci des emplois des temps crée cette ambiguité de narrateur

( Par ailleurs la maîtresse sentant la fleur me rappelle un magnifique et unique souvenir de mes 18 ans d 'un élève pauvre m 'ayant apporté mon plus beau bouquet en m 'offrant une tête de glaieul blanc récupéré d 'une poubelle sur son chemin) pour cela la vie vaut la peine

le monstre de MATHESON ressemble au héros Pierre en plus poignant que la "casserole volante" et "ses bleus" saisissants...
Bien reçue cette pierre d 'OCEACIDE/ OCEANE et bonne lecture aux copains qui ne connaissent pas " le journal d 'un monstre"
à lire ou relire absolutly

Un pauvre gamin qui a reçu un gnon, amoureux de sa maîtresse, auprès de laquelle la mère ne tient pas la comparaison... Sujet habituel galvaudé me semble-t-il. Mais si c'est du vécu, c'est respectable et émouvant.
Superbe description de la maîtresse, et ce sens, c'est probablement du vécu. Pour dépasser ce thème cliché, il faudrait amener autre chose. Nous surprendre, pour ne demeurer dans l'écriture au jet défoulatoire.