Exo anonyme « Ce que je fais » : Sa chambre

Dans la pénombre, la chambre où le lit mange tout l’espace. C’est un lit hors normes.
Il me dit : Approche !
Ce que je fais.
Plus près !
Ce que je fais.
Encore ! N’aie pas peur !
Je n’ai pas peur. Je le fais, je m’approche encore.
Et je vois.
Ou plutôt, je distingue : la masse, la montagne qui lentement inspire et longuement expire.
Maintenant mes jambes sont contre le bois du lit.
Il m’attrape le bras.
Il me dit : Monte ! Allez, monte sur moi.
Ce que j’essaie de faire. Ce n’est pas facile.
Alors, en soufflant, il m’aide, il me hisse.
Je suis sur son ventre comme un escargot sur un crapaud.
Fais moi un bisou !
Ce que je fais.
Il dit : tu es une brave fille. Maintenant,va !
Je ne bouge pas.
Allez, va-t’en !
Ce que je fais.

Doucement, je referme la porte de sa chambre.

Sous un côté faussement anodin, quelque chose de très inquiétant, malsain, rendu entre autres choses par le titre et le choix des mot : mange, peur, attrape, masse, montagne, me hisse, crapaud, brrrr.

Les phrases injonctives, l'absence de tout commentaire aussi
Un grand méchant loup et son petit chaperon rouge ?

En tout cas, j'aime bien

Oh le drôle de texte !
qui laisse perplexe ( je suppose que c'est voulu) un peu inquiet, un brin mal à l'aise...
( sûrement voulu aussi) avec la sensation d'avoir vraiment l'esprit mal tourné... hein, c'est son grand père malade et elle va juste lui dire bonsoir, hein ?

Un texte ambigu à souhait et d'une très bonne tenue.
Pour l'auteur, fastoche. Je n'en connais qu'une capable d'emballer du malsain dans de l'anodin et vice versa (à la réflexion, surtout du vice :-)

Spoiler:

" … où le lit mange tout l'espace. "
Non, vraiment pas de doute !

oh j'aime, j'adore ce coté malsain, sombre dont on aimerait qu'il ne soit qu'une vue de notre esprit. c'est un univers qui ne cesse de me parler, m'interpeler. Je trouve qu'on ne sort pas totalement indemne de cette lecture. Le pire, c'est qu'on aime ça je crois.

C'est sûr, la lecture de ce texte crée un malaise.

Ah ! ah ! surprenant ! on a peur un instant. Va-t-on assister à des ébats amoureux, à un viol (j'ai honte l'idée m'a frôlée), un câlin entre l'homme et la bête ? non, juste un gamin invité à embrasser son aïeul (à mon avis)
consigne respectée.
Je ne sais pas trop dire si j'aime ou non.

ah j'ai vraiment beaucoup aimé!
ce rythme, c'est très visuel, cette avancée pas à pas dans la chambre,
le titre,
utilisation très fine de la consigne,
non vraiment, bien, bien!

j'y vois aussi l'aïeul dans ce lit.

c'est toujours une sensation étrange et opaque, devoir biser un aïeul: on n'y va pas volontiers, que ce soit un ou une aïeule...!

ici c'est très bien rendu.
(enfin moi je n'y vois que ça, hein!)

ah ça j'adore !
la progression, le lecteur pris au piège, affection/répulsion...
l'image de l'escargot, excellente !
j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime,
j'aime ce poème !

Ouaip, un très bon texte. A la fois original et simple, à double niveau de lecture, même si pour ma part j'ai voulu rester sur la plus saine, ce que j'ai imaginé être le bisou au "grand-papy" ranci, le bisou qu'on fait sur demande, un peu dégoûtée sans oser le montrer.
Ce qui fonctionne: le non-dit, justement. Tout dans le choix des mots (on en revient toujours là...): "Je suis sur son ventre comme un escargot sur un crapaud." ou "Il dit : tu es une brave fille. Maintenant, va !" (ça, je l'ai entendu, vrai de vrai).
Auteur, bravo ! :-) (Kilis ? parce qu'il me rappelle le vélo et les limaces qui explosent.)

Pussicat a écrit:ah ça j'adore !
la progression, le lecteur pris au piège, affection/répulsion...
l'image de l'escargot, excellente !
j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime,
j'aime ce poème !

Sauf que c'est pas un poème. Ça c'est de la prose !

Yali a écrit:

Pussicat a écrit:ah ça j'adore !
la progression, le lecteur pris au piège, affection/répulsion...
l'image de l'escargot, excellente !
j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime, j'aime,
j'aime ce poème !

Sauf que c'est pas un poème. Ça c'est de la prose !

c'est pour la rime :-) ...
(sur l'air de J'aime tes genoux de Salvador...)

Superbe, tout un monde inquiétant en quelques mots. Bravo.

Rhaaaa l'ambiguïté !! Que veut-il vraiment ?
Tout est là, dit en non-dits et ça, c'est du grand, du bon, parce que ça se passe d'effets et ça exprime tellement à travers ces silences.

Rien de constructif à dire, très bien fait.

Super! J’aime beaucoup!
Pour peu que ça puisse être constructif, car c’est vraiment une question de gout, quelques suggestions.

Dans la pénombre de la chambre, un lit mange tout l’espace.

Approche ! il me dit.
Ce que je fais.
Plus près !
Ce que je fais.
Encore ! N’aie pas peur !
Et je m’approche encore. Je le fais.
Et là je vois.
La montagne qui lentement inspire.
La montagne qui longuement expire.
Jambes contre le bois du lit.
Il me dit : Monte ! Allez, monte sur moi.
Ce que j’essaie de faire.
Sa main attrape mon bras.
Il souffle fort, me hisse.
Bouge plus, qu’il dit.
Ce que je fais.
Sur son ventre : un escargot sur un crapaud.
Fais un bisou !
Ce que je fais.
Tu es une brave fille, il me dit. Maintenant, va !
Je ne bouge pas.
Allez, va-t’en !
Ce que je fais.

Quittant doucement la chambre en fermant bien la porte.

C'est immonde ! Déliquescent. Un cauchemar : stupéfiant. Je ne ne peux pas dire comme les autres : “j'aime beaucoup ce que vous faites“. je suis fasciné par cette vanité sauvagement ordinaire.

Ah oui ! Parfais dans ses non-dits et ses ellipses dans lesquelles s'infiltrent nos inquiétudes, un monde horrible se dessine en creux de cette masse sombre et non-identifiée.

Très bien, je suis impressionné. Tout est déjà dans ce hors-normes

Je lis ça autrement.
C'est un rêve ou un compte d'enfant (escargot sur un crapaud).
Et ça dit au contraire, n'ayez pas peur de l'inconnu, ne vous fiez pas aux apparences, surmontez vos peurs
Chacun son interprétation

Condremon a écrit:

Je lis ça autrement.
C'est un rêve ou un compte d'enfant (escargot sur un crapaud).
Et ça dit au contraire, n'ayez pas peur de l'inconnu, ne vous fiez pas aux apparences, surmontez vos peurs
Chacun son interprétation

C'est vrai ce que tu dis. Ta lecture est intéressante. Moi, j'ai peur des crapauds sur mes filles ! Un texte fort en tous cas.

tout va bien, Narbah... :-)
le crapaud est dessous dans le texte, et l'ambiance de "beurk" si baveusement opaque: l'escargot sur crapaud, je la ressens comme un dégoût surmonté, une peur d'enfant légitime, transcendée pour aller faire le bisou obligatoire. d'habitude on y va à reculons. là, c'est pas à pas, maîtrisé, contrôlé. de part et d'autre.
MAIS
ce n'est là que ma lecture...!

tout ça pour dire que
pour sa force d'évocation, l'utilisation de la consigne et la sobriété,
ainsi que le thème,
cet exo là se dégage nettement:
pour moi il se pose là, vraiment.

Dès le début on se sent happé par ce lit hors normes. L'atmosphère est efficacement rendue.

Néo-conte genre L'ogre et boucle d'or, à entrer d'urgence au recueil de la Psychanalyse des contes de fées...

Quand Yali a écrit : du killis, je me suis dit bon sang mais c'est bien sûr (je me souviens du vélo et des chenilles explosées)

eh bien, j'adore

Difficile aussi pour moi de ne pas t'avoir reconnue dans ces lignes mais peu importe finalement, parce que le style, comme dit Yali, tu l'as, y a pas à dire. Et j'aime te lire, tellement.

La simplicité au service de la suggestion et de l'efficacité et puis quelle liberté l'auteur laisse au lecteur. Merci pour ça !