A toute blinde

Voilà pour vous cette chanson
Qui n’est pas d’un héros du Pinde
Voilà torchés à toute blinde
Ces quelques vers de pochetron

J’étais votre valet madame
Aimable valet au grand cœur
J’attendais la même couleur
J’ai eu les bleus les bleus à l’âme

Votre béguin s’est fait la paire
Avec vos promesses à la con
Mais si l’on en croit le dicton
Le vent tourne il faut bien s’y faire

L’histoire va rester sans suite
Avec deux sept j’ai fait tapis
Et je regarde avec dépit
Ma pile de jetons détruite

Au bar des regrets comme un cave
De triple sec Combier Cointreau
Mon cœur étoile le carreau
Et j’y vois ce vaisseau batave

Je prends mon quart sur ce navire
Nommé le hollandais volant
Et depuis vous ma mie j’attends
La Pandora qui me chavire

C’est alambic et psychodrame
Comptine de la solitude
C’est les lézards en foultitude
Et bourre et bourre et douze grammes

J’aurai toujours eu la cerise
Un plein aux as s’est présenté
Et ce trouduc sans même bluffer
A tranquillos raflé la mise

Mais pour jouer cartes sur table
Dans ce pot de poker menteur
S’il attend de vous le bonheur
Il doit croire au marchand de sable

Hier j'écoutais Eric Orsenna
il disait que de nos jours la poésie s'était réfugiée dans la chanson

tu y es pile poil
il ne te reste qu'à trouver une mélodie pour ces quatrains diablement poétiques

tu joues dans la même catégorie que Brassens, Ferré et tuti quanti
je te trouve aussi des accents d'Appolinaire
total respect

Excellente chanson, en octosyllabes, comme souvent chez Brassens.
Une métaphore qui tient la route d'un bout à l'autre, au service du thème éternel des amours malheureuses.
Les deux derniers quatrains sont mes préférés, les mieux aboutis je trouve pour traduire l'amertume, la désillusion de celui qui s'est fait larguer, avec en prime un semblant de désir de vengeance, dans les deux derniers vers.
Et comme souvent avec toi ce langage argotique, truculent, expressif... Un régal. Merci Legone.

J'ai bien aimé le ton de la chanson, son autodérision mais il me semble qu'en t'éparpillant moins, en cultivant un peu plus la métaphore avec le poker, les jeux de carte en général comme tu l'as fait dans les deux dernières strophes, tu aurais tenu un vrai petit chef d'œuvre du genre.

J'en serais bien incapable moi-même par manque de vocabulaire mais quelque chose me dit que tu dois y arriver, les doigts dans le nez

En fait, en relisant, je trouve que c'est presque parfait. Il n'y a guère que l'épisode du Hollandais volant qui dénote un peu, à moins que ce ne soit une figure du jeu que j'ignore ...

Rictus, Richepin, Audiard (le père) pour la modernité.

Ah les aventures de celles qui partent pour une escalope se jeter dans les bras du boucher, comme chantait Brassens ("ah ah ah, putain de toi, ah ah ah pauvre de moi") !!!

Très amusant, même si - ne jouant à aucun jeu de cartes, j'ai raté bien des allusions.

eh ben pour vous dire la vérité, je pondais ce truc et je me prenais pour Rimbaud :o) Moi, dès que j'ai un verre dans le pif, je me mue(enfin crois me muer..) en grand pouet pouet. Bon, ça serait mentir que de dire que le "très amusant" d'Annie m'a fait marrer parce que je voyais pas ces vers de pochetron comme un truc drôle.

Je suis sincèrement désolée que mon commentaire vous ait blessé.
J'ai trouvé le ton du poème plaisant, et le rythme allègre, il m'était difficile de prendre votre chagrin au sérieux.

En relisant je suis encore plus sensible à l'air de comptine - d'ailleurs revendiqué, donc au jeu.

En toute amitié.

C'est une thérapie comme une autre de boire un coup ou deux et si ça permet de se consoler en écrivant un poème tel que celui-là alors là ! bravo et à la prochaine.

Le problème avec ladite thérapie étant que ça fait parfois écrire insensé sur les textes d'autres....

On appelle le valet « le pissou », celui qu'il ne faut pas retrouver dans son jeu (de cartes).

Il y a loin pour se refaire dans cette soirée poker menteur mais le style est haut en couleurs et le personnage a du caractère dans la défaite.

Vous avez choisi des octosyllabes, ce qui donne un ton incisif. Deux d'entre eux ont échappé à la règle : «  Avec vos promesses à la con » un pluriel un peu traitre et «  Et ce trouduc sans même bluffer ». A croire qu'il est difficile de faire rentrer dans la norme le vocabulaire « osé cru ».

Sinon j'ai tout particulièrement adoré ce vers : « Et bourre et bourre et douze grammes » : un clin d'oeil à Brassens.

Merci pour ce bon moment de lecture.

Soliflore a écrit: « Et bourre et bourre et douze grammes » : un clin d'oeil à Brassens.

Pardon de m'immiscer : dans quel texte ?