Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-28%
Le deal à ne pas rater :
Brandt LVE127J – Lave-vaisselle encastrable 12 couverts – L60cm
279.99 € 390.99 €
Voir le deal

Le rêve d'une jeune fille (exercice)

Aller en bas

Le rêve d'une jeune fille (exercice) Empty Le rêve d'une jeune fille (exercice)

Message  Sahkti Mar 17 Jan 2006 - 17:16

- Janice, tu dois me faire confiance, on y arrivera, j’en suis certain !
- Peter, c’est impossible ! Il nous reste à peine trois jours pour trouver l’argent !
- Alors appliquons mon plan, Janice, nous n’avons pas le choix.
- Pas question ! Je refuse de tuer le vieux ! Et j’ai peur du sang, tu le sais.
- Qui te parle de sang ?! Tout se passera en douceur. Ecoute-moi, je vais tout t’expliquer…

De sa fenêtre perchée au premier étage en face de cette grande bâtisse blanche dont la terrasse était éclairée, Edna entendit chaque mot, chaque phrase, nota le plan machiavélique des amants sans oublier la moindre lettre, le moindre son. Les propos qu’elle croyait au départ sibyllins se révélaient être une sombre conspiration meurtrière. Elle était horrifiée. Ainsi ses voisins, ce jeune couple fraîchement débarqué dans le village, projetaient de tuer le vieux Monsieur Hopper ! Fébrilement, Edna entreprit de tout consigner dans son journal intime. Son écriture rapide lui permit de rassembler tout ce qu’elle avait entendu sur deux pages qu’elle déchira et glissa soigneusement sous son oreiller. Mais il manquait l’essentiel, la description des deux amants. C’est sûr, une fois leur crime commis, ils allaient prendre la fuite, pensa la jeune fille en proie aux plus grands tourments. Edna eût bien l’idée de les photographier mais sans flash, cela ne donnerait rien. Il ne lui restait plus que le dessin. Sortant de son vieux coffre à jouets une boîte de peinture offerte par sa grand-mère, la jeune fille commença à peindre la scène qu’elle avait sous les yeux, cette vision d’un homme et d’une femme préparant l’assassinat de James Hopper.

Dès sa plus tendre enfance, Edna avait été initiée par sa grand-mère, l’adorable Margaret Harris, au plaisir du dessin et de la peinture. C’est qu’elle avait du talent ! Elle nourrissait d’ailleurs un rêve un peu fou pour l’époque : quitter ce village et s’installer à New York, s’inscrire à une école des Beaux-Arts, perfectionner son talent et vivre de son art. "Grande sotte" lui avait rétorqué sa mère quand elle lui avait exposé son projet. "Tu dois te trouver un bon mari, lui donner de beaux enfants et cesser de penser à toutes ces sornettes!". Heureusement, Margaret Harris veillait au développement intellectuel de sa petite-fille. Sous prétexte de solitude due à son grand âge, elle invitait la gamine à passer des après-midis entiers avec elle. Elles partaient en pleine nature, peindre de somptueux paysages, des nuages, des collines, des champs de blé sous le vent. Edna s’était même initiée à la peinture animalière en croquant Bruce, le setter irlandais de sa grand-mère, chien docile un brin cabot qui se prêtait volontiers au jeu en échange de quelques caresses. Malgré les remontrances maternelles, Edna n’avait jamais abandonné ni la peinture ni son rêve new-yorkais. La lourde malle en bois dans laquelle elle rangeait les draps recelait ses premiers dessins, enfouis sous les couches de lin. De temps en temps, elle les ressortait et savourait le chemin que, depuis ces premières esquisses, elle avait parcouru.
Silencieusement, elle remercia sa grand-mère de l’avoir encouragée à continuer. Au moins cette fois, sa mère ne pourrait pas dire que son art était futilité et vanité ! Il allait servir à résoudre une affaire de meurtre. Pendant un fragment de seconde, Edna en voulut à sa mère de ne jamais avoir fait installer le téléphone, il aurait été bien utile cette nuit pour prévenir la police. D’autant plus que la jeune fille était seule, impossible d’appeler qui que ce soit à l’aide.

Tout en s’activant sur sa toile, Edna repensa à l’arrivée de Janice il y a quelques mois. Jeune femme sympathique et toujours souriante, elle faisait l’admiration d’Edna pour sa blondeur et ses courbes généreuses. Janice était arrivée de la ville voisine après avoir perdu son emploi. Elle avait trouvé gîte et couvert chez James Hopper, en échange de menus services et de l’entretien de la maison devenue trop grande après le décès de son épouse. "Une dame courageuse et chaleureuse" répétait-il à Edna quand il la croisait à l’épicerie. Pauvre Monsieur Hopper, si il savait !
Le tableau était presque terminé. Si il n’était pas question de meurtre et de manigances, on aurait pu penser qu’il s’agissait là d’une rêverie romantique au clair de lune un soir d’été, de mots d’amour murmurés par des amants heureux. Edna frissonna et ressentit une légère frustration à l’idée que cette toile, qu’elle jugeait plutôt réussie, ne fut rien d’autre que le reflet d’une immonde réalité. Le cri d’un coyote retentit soudain à l’arrière de la maison. Edna lâcha ses pinceaux et heurta le chevalet. Le vacarme éveilla les soupçons de Peter qui se précipita vers la maison des Harris. Il se sentait épié depuis un moment, il en avait désormais le cœur net. Jamais Peter ne laisserait quiconque se placer en travers de son chemin…

Quelques années plus tard, alors que Maud Harris, la mère d’Edna, achevait de descendre les cartons de déménagement de la chambre de sa fille, son regard fut attiré par une toile roulée cachée au sommet du placard. Elle pensait avoir pourtant tout inspecté après la disparition de sa fille. Une fugue avait dit l’inspecteur de police. "Votre fille a dû prendre un billet de car pour New York, Madame, ne vous affolez pas, il ne peut s’agir que d’une fugue d’adolescente rêvant de la grande ville". Maud se résigna, attendant désespérément des nouvelles d’Edna. Le temps passait, aucun signe, aucun mot. La tristesse et l’amertume achevèrent d’aigrir Maud Harris qui s’isola complètement du voisinage. Il faut dire qu’il n’y avait plus grand monde autour d’elle. Le vieux Monsieur Hopper était mort d’une crise cardiaque quelques jours après la disparition d’Edna. Sans héritiers et sans amis, il fut discrètement enterré, laissant sa maison à ses deux locataires, un jeune couple arrivé quelques mois avant son décès et qui s’occupait du vieux et de la maison. Des gens très bien, paraît-il. Qui sait… Peut-être Edna avait-elle confié à Janice ses envies de voyage et de grand départ, ses projets d’avenir, peut-être la jeune femme pourrait-elle rassurer Maud sur les intentions de sa fille. C’était décidé, Maud allait lui parler, quand elle tomba sur cette peinture. Reconnaissant le coup de pinceau de sa fille, elle éclata en sanglots. La maison de Monsieur Hopper, Janice et Peter par une douce soirée d’été… Maud regretta immédiatement les nombreux reproches émis au sujet de la passion d’Edna pour la peinture. La petite avait du talent, c’était indiscutable. Pendant un long moment, Maud contempla la toile, la caressant du bout des doigts, se rappelant sa fille pinceau à la main et sourire aux lèvres quand elle s’exerçait dans le jardin à peindre des azalées. Quelle mère indigne elle avait fait ! Jamais elle ne pourrait se pardonner sa méchanceté. Et cette toile, si belle, si vivante, un coup de poignard en plein cœur. Sa fille, que Maud n’avait jamais pu comprendre, lisait les âmes et les ambiances, les restituait à la perfection à l’aide de quelques touches de couleurs et de beaucoup de talent. Non, décidément, Maud ne se pardonnerait jamais son comportement maternel désastreux, elle devait se défaire de cette peinture. Mais impossible de la jeter, c’était sa fille tout de même ! Elle eût alors l’idée de l’offrir à Janice, ce serait un bon prétexte pour entamer une discussion avec la jeune femme au sujet d’Edna. Aussitôt, Maud Harris roula la toile et descendit l’escalier, franchit la porte et se dirigea vers la maison de James Hopper habitée aujourd’hui par Janice et Peter Stonyard.

- Bonjour Janice, s’écria Maud. Excusez-moi de vous importuner mais en vidant la chambre de ma fille pour le déménagement, j’ai trouvé ceci, j’ai pensé que ça vous ferait plaisir…

Au même moment, Tara Cooper, la nouvelle propriétaire de la maison Harris, terminait une énième visite des lieux en vue de déterminer l’implantation des meubles à venir. De passage dans la chambre d’Edna, elle sentit le plancher grincer sous ses pas.
"A faire réparer de toute urgence" pensa-t-elle, "Timothy ne supporte pas le bruit!"
Se penchant pour repérer la latte de bois à remplacer, Tara découvrit deux feuillets griffonnés calés dans un interstice de la latte défectueuse. Les dépliant rapidement, Tara les lut en diagonale et pensa à un devoir scolaire. Elle les chiffonna de manière à former une boule qu’elle glissa sous la latte grinçante, aplatit le tout en marchant et constata que le bruit avait disparu. Satisfaite du travail accompli, Tara Cooper jeta un œil sur cette chambre bientôt habitée par son fils de huit ans, sourit en pensant aux cris qui retentiraient prochainement dans toute la maison et referma la porte derrière elle.

- Au revoir Madame Harris et bon voyage, j’espère que vous vous plairez à New York !
Sahkti
Sahkti

Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum