La raison du plus faible

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Dans nos absurdités on l’oublie, la chute, et dans notre confort on perd le soin de toi. On t’oublie si fragile de ton pas hésitant, qui t’immisces en bavant dans ta cadence absurde au sein de notre flux. On ne pense qu’à ton rire, pour peu qu’on pense à toi ; on ne voit que ton rire, pour s’assurer de l’impalpable bonheur que chaque jour on s’invente, il est si tant plus doux que ta faible démarche. C’est de ta faute aussi, si ton rire de lumière nous aveugle du vrai, du triste vrai.

Mais tes pas ne suivent pas, chaloupeuse du trottoir ; et lorsque tu avances on est si réjoui qu’on oublie que les cannes débiles qui te portent sont que toi moins joyeuses. Et que dans leur faiblesse elles ne peuvent te porter, tu es tellement intègre que ton corps est comme toi.

Et un jour c’est la chute.

Et pourtant nous vivons, dans la loi du moins mort et dans l’oubli de toi, et de tous tes semblables. Je donnerais mille baisers sous des portes de granges, ou bien mille poèmes. D’autres péniblement, dans leurs sombres costumes, arpenteront la ville. Enfin il y a la norme et ce flot qui fluctue au détour de nos rues et qui se mobilise pour parfaire l’image d’une fuite infaillible afin que la sortie en fût plus délicate. On marche, on s’embrasse, on ne bave pas, on parle, on est l’armée des forts.

Mais elle est là, la chute. Cette saloperie de chute.

Vivre dans un brasier ardent de certitudes, innover, inventer, « souffrir », prendre des risques. Monter des escaliers ou parler à quelqu’un. Lui dire ce qui m’effraie, écouter sa douleur, s’embrasser ou se mordre, mater ses mélanomes, surveiller sa santé, lacérer à pleine vie. Donner la vie, dormir, seul et sans aide. Vivre, quoi !

Toi non, toi c’est la chute.

Et quoi ? Elle n’est pas assez tombée, bordel ? T’es qui, t’es quoi pour lui imposer ça ? Tu veux pas lui foutre la paix, une bonne fois pour toute ? «Laissez-venir à moi…», je croyais… c’est là qu’ils doivent aller ?


Respire !

Tes poumons aussi, ils tiennent à toi, tous tes organes, toute ta vie, ce que tu as en toi, nous, ceux qu’on ne voit pas : on croit en toi. Nous, les Faibles, on est avec toi ! Je t’assure on rira, et tu n’auras plus mal !

T’as pas intérêt à me décevoir, car je ne crois qu’en toi, RESPIRE ! Tu es belle car quand il faut tu sais tout ce que tu dois faire, dans ton instinct caché dans ton joli visage cassé, là où les formes étranges te donnent ta splendeur, tu sais ce qu’il faut faire. Tu feras pas de bêtises, promis ? Sois sage, respire, la raison du plus faible est toujours la plus juste.

Je n’ai pas de colère ; je suis fragile comme toi et puis je t’en supplie ne me fais pas de mal, tu en es incapable, tu es trop différente ! Toi et moi, c’est à la vie et c’est tout… on est si au-dessus, on est si faibles que je te fais confiance, et je ne sais que dans tes rires que tu penses comme moi.

Et l’insondable nuit, ou tous, ou tout ceux-là qui t’aiment ( et si l’on s’écoutait nous serions des milliards ) on ne dort pas : on compte sur toi ! Ne fais pas de bêtises, et cette fois, ce n’est pas pour rire, ne fais pas, vraiment, de bêtises ; on en fera plein, bientôt, longtemps.