Sur un joli port...

"C'est vieux tout ça". " Ca date". " Il faut que tu passes à autre chose ". " Dis-toi que c'est terminé ". " Il faut continuer à vivre ".
 
Oh oui, on me les a toutes faites. Les unes après les autres, dans un certain ordre, puis on changeait cet ordre. On trouvait une variante pour exprimer exactement la même idée, en pensant que je ne n'avais pas compris la première fois ou que telle ou telle formulation serait plus efficace. C'est un procédé qui m'a toujours énervée. Certes, leurs remarques sont plus que pertinentes, elles sont évidentes. Oui, mais voilà, moi, je n'aime pas faire ce qui est évident. Je n'ai donc pas oublié. Oublier quoi ? Voilà l'histoire...

C'était une rentrée comme les autres, j'avais changé d'établissement, pour ma dernière année de collège. J'aime bien changer, c'est plaisant. On découvre de nouvelles choses, enfin du moins c'est ce qu'on croit, parce que finalement les choses ne sont jamais très différentes. J'avançais donc, je voudrais bien vous décrire amplement cette scène, j'aimerais vous dire que j'ai observé tel ou tel détail, les sentiments, les pensées qui me sont venues à l'esprit. Mais voilà, ça serait du barratin, je ne me souviens pas de ce moment-là.
Je me souviens que je me suis assise. Là, oui, je sais ce que j'ai observé. C'était lui. C'était la première fois que je le voyais. Vous le décrire ? Il était grand, avec beaucoup de cheveux, pas longs pour autant, châtains. Les yeux ? Cela va peut-être vous paraître incroyable mais je n'ai jamais su leur couleur. Je sais seulement qu'ils n'étaient pas bleus, pas comme les miens. Ce que j'ai pensé à ce moment là ? Rien. Je l'ai juste observé, lui, Hugo.

L'année a poursuivi son cours. Moi j'avais mes amies, au nombre de trois. Je ne les avais pas choisies, c'étaient elles qui m'avaient choisi. Ca se passait comme ça, là-bas. Hugo, lui, il me regardait. Moi, je ne le regardais plus. Allez savoir pourquoi. Des explications qui étaient certainement valables à mes yeux, à cette époque. " Ses amies haïssaient les miennes "... et compagnie...

Un jour, ça s'est passé très très vite. Je me suis retournée et une fille que je ne connaissais pas mais que je savais que je n'aimais pas (c'est très répandu, ça, à l'adolescence...) se tenait là devant moi. Elle a marmoné quelque chose d'incompréhensible. Dedans il y avait son nom, à ce garçon si bizarre, Hugo. Alors je me suis détournée. J'ai continué ma route. Il est arrivé et elle a dit " non ". Et il est parti.

La suite de ce passage qui peut paraître une simple anecdote n'a été qu'une descente longue et lente en enfer.

Parce que je me suis mise à le regarder, ce Hugo. Il m'impressionait. Il était beau, beau pour moi. Il avait ce côté mystérieux que toutes les ados trouvent chez les garçons à cet âge. Je le regardais continuellement, sans relâche. Plus je m'attelais à l' "analyser ", moins je le comprenais, d'était ça qui m'attirait, chez lui.
Et quoi ? C'était prévisible, je me suis mise à l'aimer. Comme une ado aime à cet âge-là, sans rien dire.

Pendant ce temps, lui ruminait sa vengeance. La vengeance d'un " non ", que je n'ai jamais dit. Tout ce que je peux vous dire de cette période, c'est qu'il s'est acharné, et plus il s'acharnait, plus je l'aimais.

Pour ce qui est de l'anecdote, je lui ai déclaré cela un jour. Moi, je l'ai fait moi-même. Il a continué à s'acharner, et il m'a rejetée.

Pourquoi ? J'ai vu ses yeux s'illuminer la fois où j'ai pris mon courage à deux mains pour aller lui parler. Je voyais son regard posé sur moi dès que je me retourne. Je voyais ses mains me frôler dès que je suis trop proche de sa personne. J'entendais sa voix, jamais très loin de moi. C'est inexplicable, j'ai essayé pourtant, je n'y suis jamais parvenue...

Oui, cela semblait être l'histoire d'un amour comme les autres à cet âge là. Il n'y avait rien de différent. Tous les camarades en rigolaient, c'était normal. C'était rien. Et nous continuions, lui à me détester, moi à l'aimer. Peu à peu je l'ai détesté aussi, c'est toujours comme ça. Quand on aime et que rien n'est possible, cela vire à la haine. C'est l'ordre logique.

L'année a fini. On s'est quitté.

J'ai pris cette histoire comme une histoire comme les autres et je l'ai rangée au placard des échecs cuisants. Je ne manquais jamais une occasion de l'ouvrir ce placard, j'aimais à me souvenir d'Hugo. Un plaisir qui durait quelques secondes avant de se transformer en souffrance. Je me rappelais l'humialiation qu'il m'avait fait subir, toutes ces choses dites, ces choses faites. La haine qui vous ronge, la vengeance qui se profile avant de se perdre à l'horizon. La rage qui vous envahit, qui prend possession de vous. Ce fut long. Ce fut lourd. Je savais dès lors que j(étais marquée à vie.

De temps en temps je perdais la clé de ce placard. Je ne l'ouvrais plus, plus pour y repenser. Mais lorsque j'avais un nouvel échec, il fallait bien le mettre dans mon placard. Alors à chaque fois je revoyais cette histoire, et c'était pour celle-là que je souffrai. Je n'ai plus jamais aimé autant.










Alors je me promenais le long de ce joli port. C'était trois ans plus tard. Je pensais. Alors j'ai entendu mon nom et je me suis retournée. Et une femme que je ne connaissais pas mais que je savais que je n'aimais pas (...), se tenait là devant moi. Elle a plongé son regard dans le mien. Ses paroles, je ne saurais vous les redire. Je peux juste avouer que mon estomac s'est retourné.

Je me suis retrouvée je ne sais plus trop comment dans cette chambre d'hôpital. Il était là. Il n'avait pas changé. Il n'était pas allongé, il gisait. Lorsque ses yeux ont lentement réussi à se poser sur moi c'est tout mon corps qui a cessé de vivre, mes organes qui ont cessé de travailler. Seul mon coeur battait plus fort.

Il allait mourir.

Il avait seulement voulu me voir, juste avant. Nous étions seuls. Nous avons seulement parlé, je lui ai juste pris la main. Nous n'avons fait qu'évoquer cette année-là. Nous avons parlé de ce qu'aurait pu être notre vie, ensemble. Nous avons imaginé une vie d'adulte, heureux, comme il n'y en a jamais. Nous avons choisi les prénoms de nos enfants, le lieu où on aurait habité. Ce fut le moment le plus heureux de ma vie, une histoire triste.

Je vois encore son visage.

Je vois encore son regard..

Je le sens encore entre mes mains.










J'ai donné à mes enfants les mêmes noms. J'ai construit ma vie. J'ai définitivement perdu la clé de mon placard, je me suis décidée à ne plus jamais l'ouvrir.
Parce que je sais maintenant, que je ne me suis jamais promenée sur ce joli port.......


Voilà je m'essaye à la prose avec cette petite nouvelle...

Le thème me laisse un peu perplexe et me fait penser à un drame hollywoodien, ce qui ne veut pas dire que c'est mauvais, c'est simplement ce que pense l'anti-romantique qui est en moi :-).
Sinon je trouve que tu as un très bon style d'écriture, l'alternance de phrases brèves et longues créent un rythme qui empêche le propos de tourner à la lourdeur, ou à une déprime juvénile. J'ai beaucoup aimé la manière dont tu rends les perceptions et les pensées, le flou qui les entoure. Ce qui est bien dans ton texte, c'est que tu prends un thème assez répandu, mais que tu le transforme en y ajoutant un je-ne-sais-quoi qui va lui donner tout son relief.
Donc en gros, si je n'ai pas aimé l'histoire, en tout cas j'ai beaucoup apprécié la manière dont tu la raconte :-)

je fais rarement de la prose alors je ne sais pas trop ce que ça vaut donc merci Tristan pour ton avis !

J'en fais très peu aussi mais je trouve que ce que tu as écrit est très bon

Il y a de très bonne choses dans ton texte. Je trouve que tu as du talent et beaucoup de maturité.

Par contre, tu devrais déja te relire il y quelques fautes de frappe et d'ortographe. Et puis la qualité de ton texte baisse au fur et à mesure, comme si tu étais pressée d'en finir.

Le début de ton texte méritait une conclusion plus travaillée.

En fait la tentative d'approche de Hugo par l'intermédiaire de la copine n'est pas claire. Tu devrais développer.

Idem pour la fin. Ce n'est pas très clair. Comme si tu avais sauté un épisode pour finir plus vite... ça, à mon avis c'est l'erreur la plus courante qu'on puisse faire. Pour raconter une histoire, il faut prendre le temps qu'il faut.

Mais bon, ça, ça n'engage que moi.

Sinon, vraiment, j'ai beaucoup aimé toute la première partie.

merci de ton conseil, c'est certainement un peu vrai que j'étais pressée d'en finir, j'avais aussi peur de lasser le lecteur avant la fin, ce qui n'est pas très malin j'en conviens...

Bon, ça n'engage que moi hein ? Mais moi, je ne pense jamais au lecteur quand j'écris. Je prends simplement du plaisir. Quand je n'en prends plus j'arrête. Je n'insiste pas.

Parce que si tu bacles, ça se sent.

Le lecteur, s'il n'aime pas, il te le dira et tu progresseras non ?

oui tu as tout à fait raison. Peut-être que reprendre mon texte dans quelques jours en améliorant les passages sur lesquels je suis vite passer ça serait bien, même si en général je n'aime pas revenir plus tard car il y a moins de magie, je trouve. et merci pour tes commentaires!

faustine, en te lisant j'avais cette chanson dans la tête : celle de la bergère qui allait au marché avec trois pommes sur la tête, les pommes faisait rouli roula. Stop : trois pas en avant, trois pas en arrière, trois pas sur le côté, trois pas de l'autre côté. Nous savons tous qu'elle va au marché.
Ton incertitude traduite à travers tes hésitations, installe une ambiance lymphatique conduisant à une issue cousue d'évidences.
Un grand bravo pour le soucis du détail.
Tu as je pense un gros travail de mise en scène à envisager pour t'essayer à une prochaine nouvelle, dont je serai heureux de lire l'aventure à nouveau.

bon là le but du jeu c'était pas le suspense mais je comprends ce que tu veux dire, merci bertrand!

On sent que tu débutes dans la prose, le tout est très simple dans l'écriture comme dans la structure. Néanmoins ça a le mérite d'être certes modeste, mais bien fait. Tu sembles avoir préféré réussir un texte basique plutôt que de sortir un scénario prétentieux et maladroit. A poursuivre donc... =)

Je trouve que ce texte, pour un "début" en prose est très intéressant.

Ce qui suit, ce sont des avis personnels. Je n'ai pas à dire aux gens comment écrire, ce sont donc des remarques auxquelles tu peux réfléchir, être d'accord ou pas ! En espérant que ça t'aide un peu (mais on fond, ne compte que sur toi pour t'aider, c'est la liberté, et c'est pour ça que c'est si chouette d'écrire !).

* * *

- J'aime l'idée de te placer dans un contexte que tu connais ! Tu racontes une histoire, tu parles de personnages, de situations. Tu équilibres pas mal réflexions personnelles et déroulement de l'action.

- Sur le style : tu varies la structure de tes phrases, ça donne au texte un certain dynamisme, ça rend la lecture agréable. Attention aux répétitions (il y en a quelques unes). Encore quelques maladresses, dans quelques tournures, quelques structures. Tu utilises beaucoup de relatifs (que), et ça alourdit un peu ton style.

Des points de détail, mais "une fille que je ne connaissais pas mais que je savais que je n'aimais pas " est très bien vu ! (ceci dit, un peu trop de "que" dans la formule)

Dans l'ensemble, il y a de quoi être vraiment optimiste, même s'il reste du boulot pour peaufiner, trouver les bons mots à la bonne place (mais c'est la galère de chacun !).

Voici quelques remarques, quelques "voies" à explorer :

- dans le déroulement de l'histoire, n'hésite pas à expliquer les "moments critiques" : le premier refus (que se passe t-il exactement, quel est le rôle de la fille inconnue ?). La fin : je l'ai comprise comme un épisode mi-réel, mi-rêvé, et peut-être symbolique. Mais je ne suis pas certain de ce que tu as voulu faire. N'aies pas peur de faire un peu long, le lecteur s'ennuie souvent plus quand il ne comprend pas que quand c'est trop long !

- Dans le texte, n'hésite pas à donner plus d'indications : de décor, le nom de personnage annexes, des particularités physiques... A titre perso, j'aime quand ces éléments ont une "signification", qu'ils ne sont pas là juste pour faire beau, mais qu'ils ont une fonction (un détail physique ou une manie pour faire imaginer un personnage).

Une méthode, c'est d'observer autour de toi, et éventuellement noter, une chose que tu vois qui te frappe...

- Un dernier conseil, c'est bien sûr de lire, d'essayer de voir comment l'auteur s'y est pris, pourquoi tu aimes telle chose et pas telle autre... Et après, trouver ta façon personnelle ! Trouver un style sans savoir ce que d'autres ont fait, c'est impossible à mon avis...

* * *

En espérant que tout ça ne soit pas trop confus !

En conclusion, j'ai pris du plaisir à te lire, malgré quelques points, j'ai apprécié beaucoup d'aspects de ce texte, je pense que tu es dans la prose sur une bonnve voie ! En espérant te relire bientôt.

Merci beaucoup pour ces conseils Loup ! J'essairai de m'en servir pour mon prochain texte!

assez d'accord avec ce qui a été dit par les différents vééliens.

Au niveau de l'écriture, quelques petites choses à améliorer et ensuite, enrichir le style ... Au niveau de l'histoire, j'avoue que ça résonne pas mal comme quelque chose d'adolescent, un peu naïf et romantique, un peu la période "gros chagrin" que l'on croit terrible et puis que l'on relativise plus tard. Bref, ce côté m'a un peu géné mais forcément, avec le temps, ça va évoluer tout seul ...

D'accord avec Loup, des débuts en prose réussis et qui appelle d'autres textes ...

Agréablement surprise aussi.
C'est sur qu'il y a quelques approximations, d'autres les ont relevées avant moi (le rôle de la fille, la fin réelle ou rêvée), mais je trouve malgré tout que ta plume est déjà très sure et surtout que tu as déjà un talent certain pour dépeindre des émotions. Bravo.

Merci,
pour préciser, c'est tout le passage entre les espaces qui est rêvé.

J'aime beaucoup ceci: "j'aimerais vous dire que j'ai observé tel ou tel détail, les sentiments, les pensées qui me sont venues à l'esprit. Mais voilà, ça serait du barratin, je ne me souviens pas de ce moment-là."

"une fille que je ne connaissais pas mais que je savais que je n'aimais pas (c'est très répandu, ça, à l'adolescence...)": quand on est vieux aussi :-)).

Tu sembles écrire ici sur un sujet qui te touche ou que tu sembles bien connaître. Il y a donc une certaine fluidité dans l'écriture mais cette connaissance du sujet te fait sans doute oublier que les autres ne sont pas forcément dedans de la même manière que toi. Du coup, il y a de temps en temps l'explication en trop, celle qui dit que quand on est ado on fait ceci ou on aime cela. Cela me paraît superflu, laisse au lecteur le choix et le soin de se glisser comme il en a envie dans la peau des personnages, ne lui impose pas trop de pistes.
Il me semble aussi que tu empruntes certains raccourcis, que tu passes trop rapidement d'un élément à un autre dans cette histoire. Et si nous sommes tous (ou presque) à même de comprendre ce qu'est une passion amoureuse adolescente ou l'humiliation qu'on peut alors dramatiser quand on est rejeté, il aurait peut-être été tout de même utile de nous faire connaître davantage ces personnes, que tu ne fais que survoler. Et qui rend un peur apide, voire imprécise cette fin par laquelle une copine vient chercher la narratrice pour l'amener à l'hosto refaire le monde avec un amour mourant.

Ceci dit, tu as un très bon potentiel me semble-t-il et j'ai pris du plaisir à te lire.

je suis d'accord avec sahkti ... sauf que je ne trouves pas cela vraiment rapide ... légèrement mais pas trop ..