L'instant d'avant
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L'instant d'avant
Les corps allongés et grossiers se pressaient dans une marche déambulatoire. Ils se frayaient un passage entre les fines gouttes de pluie d'une journée de novembre. Je regardais la vision parcellaire des corps engoncés, en transit dans leur habit d'automne et puis au détour d'un regard, l'imposture de l'été sur un visage plus chanceux, sans que l'on devine pourquoi lui et pas les autres.
D’anonymes fugitifs envahissaient le spectacle de la rue. Ils heurtaient à chacun de leur pas ce premier soir et pesaient encore plus sur la tristesse automnale de la ville. Même le chat sur le rebord de la fenêtre semblait ne plus trouver sa place. Personne n'osait encore prendre possession de ce tableau aux couleurs atrabilaires et trop précipitées. Pour l'instant, ce n'était qu’une peinture de fond, posait en trames verticales. Bientôt, elle s’estomperait, pour laisser place à la masse noire des passants, ne laissant que peu de place aux souvenirs spongieux de la rue commerçante.
On offrait au soir qui nous enveloppait, notre sincérité toute entière, à l'apparence d'un corps démembré devenu identique sous le servage du crépuscule. L'encombrement n'était pas physique, il était dans l'âme et dans la tyrannie de la mauvaise nouvelle.
Les visages des femmes portaient déjà les stigmates du chagrin à venir. Les vêtements des hommes avaient adopté une certaine allure, ils recouvraient et ne redressaient plus.
Ce n'est pas encore la nuit, où l'on pourrait se parler. C'est l'instant d'avant.
De tout ça, je me souviens, c'était le premier soir d'avant la guerre.
D’anonymes fugitifs envahissaient le spectacle de la rue. Ils heurtaient à chacun de leur pas ce premier soir et pesaient encore plus sur la tristesse automnale de la ville. Même le chat sur le rebord de la fenêtre semblait ne plus trouver sa place. Personne n'osait encore prendre possession de ce tableau aux couleurs atrabilaires et trop précipitées. Pour l'instant, ce n'était qu’une peinture de fond, posait en trames verticales. Bientôt, elle s’estomperait, pour laisser place à la masse noire des passants, ne laissant que peu de place aux souvenirs spongieux de la rue commerçante.
On offrait au soir qui nous enveloppait, notre sincérité toute entière, à l'apparence d'un corps démembré devenu identique sous le servage du crépuscule. L'encombrement n'était pas physique, il était dans l'âme et dans la tyrannie de la mauvaise nouvelle.
Les visages des femmes portaient déjà les stigmates du chagrin à venir. Les vêtements des hommes avaient adopté une certaine allure, ils recouvraient et ne redressaient plus.
Ce n'est pas encore la nuit, où l'on pourrait se parler. C'est l'instant d'avant.
De tout ça, je me souviens, c'était le premier soir d'avant la guerre.
Re: L'instant d'avant
Une lecture particulière. Un vocabulaire recherché. Parfois, cela manque un peu de fluidité. L'ensemble demeure plaisant.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: L'instant d'avant
... c'est du lourd, comme ils disent...
mais au sens pesant, voire indigeste dans l'expression.
et pourtant, pas à jeter pour autant, il y a vraiment une excellente idée derrière tout ça.
un exemple de ce qui, une fois déblayé, dégraissé, allégé, déraidi aussi, serait digne du plus grand intérêt voire superbe : "Je regardais la vision parcellaire des corps engoncés, en transit dans leur habit d'automne et puis au détour d'un regard, l'imposture de l'été sur un visage plus chanceux, sans que l'on devine pourquoi lui et pas les autres."
mais au sens pesant, voire indigeste dans l'expression.
et pourtant, pas à jeter pour autant, il y a vraiment une excellente idée derrière tout ça.
un exemple de ce qui, une fois déblayé, dégraissé, allégé, déraidi aussi, serait digne du plus grand intérêt voire superbe : "Je regardais la vision parcellaire des corps engoncés, en transit dans leur habit d'automne et puis au détour d'un regard, l'imposture de l'été sur un visage plus chanceux, sans que l'on devine pourquoi lui et pas les autres."
Invité- Invité
Re: L'instant d'avant
Je partage l'avis d'Easter: il y a quelque chose, mais il faut simplifier, à mon avis, et préciser.
par exemple, la première phrase:
Pour le rythme: j'ai eu l'impression que toutes les phrases avaient, globalement, la même longueur. J'aurais aimé une rupture, ici ou là, puisque le sens n'exigeait pas cette unité.
Merci pour cette lecture !
par exemple, la première phrase:
Un corps allongé, quand je le lis sans autre contexte, c'est, pour moi, un corps à l'horizontale. Du coup, ça ne va pas avec la suite: quand on est allongé, on ne marche pas ! Bien sûr, j'ai compris après, mais ma lecture bute.
Les corps allongés et grossiers se pressaient dans une marche déambulatoire.
Pour le rythme: j'ai eu l'impression que toutes les phrases avaient, globalement, la même longueur. J'aurais aimé une rupture, ici ou là, puisque le sens n'exigeait pas cette unité.
Merci pour cette lecture !
Lizzie- Nombre de messages : 1162
Age : 57
Localisation : Face à vous, quelle question !
Date d'inscription : 30/01/2011
Re: L'instant d'avant
Lourd peut-être, mais pas étouffant. J'ai bien aimé la singularité de cette écriture.
Invité- Invité
Re: L'instant d'avant
Merci pour vos commentaires. Bon j'ai essayé de faire lourd, sans doute de trop ... Je voulais que l'image prenne la place des mots. Il faut, comme dit, élaguer tout cela. Je vais de ce pas m'y consacrer ... la pesanteur de cette première nuit avant (...) me plaisait bien pourtant. Mais vous avez raison, déjà deux fois le mot corps en l'espace de trois phrases ... et aussi comme le souligne Lizzie, ce manque de rupture qui fait que le texte faute d'entrainer ... se plombe encore un peu plus. Décidément, faut vraiment que je me sorte de ce très-fonds pour ne pas dire bas-fonds !!!
Merci encore
Merci encore
re : L'instant d'avant
Aucune lourdeur (gratuite ou naïve) dans ce texte. Si elle se fait sentir, c'est justement pour immobiliser un instant. Développer par périphrase ce crépuscule sur les humains. Le style des phrases image l'idée. D'ailleurs plus on avance dans ce texte, plus les phrases sont courtes, légères, nous libérant ainsi de cet instant d'avant immobile qui s'estompe pour laisser place à l'actif, à la légende, à l'information. Cette impression de lourdeur avant permet de coaguler un secret, un mystère, de qui, de quoi parle-t-on... La réponse arrive à la fin légèrement, courtement. J'aime bien ton texte laventure.
Raoulraoul- Nombre de messages : 607
Age : 63
Date d'inscription : 24/06/2011
Re: L'instant d'avant
Deux petites corrections pour commencer...
"tout entière"
"posée en trames verticales"
Les métaphores trahissent le champ de ruines à venir : la perte progressive des repères ("souvenirs spongieux"), les exemptions et passe-droits ("l'imposture de l'été"), la conscription à laquelle tant d'autres ne peuvent espérer se soustraire ("le servage du crépuscule", "la tyrannie de la mauvaise nouvelle"). Le poids est évidemment pris en charge par l'imparfait, mais aussi par l'effet de restriction crée par le cumul des négations ("ne... plus", "Personne n'...", "n'... que", "ne... que peu", "n' … pas", "ne... plus", "ne … pas encore"). L'image prégnante de la chair à canon prend littéralement possession du texte ("corps" x 2, "corps démembré", "anonymes fugitifs", "passants", le "on" à valeur impersonnelle, généralisante). Il n'y a que la ligne de démarcation ("femmes" / "hommes") qui, à la fin, requalifie la charge d'humanité des êtres. L'unique teinte présente est celle, prémonitoire, du deuil ("couleurs atrabilaires", "masse noire"). L'effet de compression s'exerce dans les deux directions : entre tassement ("se pressaient", "frayaient", "heurtaient", "l'encombrement") et écrasement ("pesaient", "enveloppait", "recouvraient", "ne redressaient plus").
"tout entière"
"posée en trames verticales"
Les métaphores trahissent le champ de ruines à venir : la perte progressive des repères ("souvenirs spongieux"), les exemptions et passe-droits ("l'imposture de l'été"), la conscription à laquelle tant d'autres ne peuvent espérer se soustraire ("le servage du crépuscule", "la tyrannie de la mauvaise nouvelle"). Le poids est évidemment pris en charge par l'imparfait, mais aussi par l'effet de restriction crée par le cumul des négations ("ne... plus", "Personne n'...", "n'... que", "ne... que peu", "n' … pas", "ne... plus", "ne … pas encore"). L'image prégnante de la chair à canon prend littéralement possession du texte ("corps" x 2, "corps démembré", "anonymes fugitifs", "passants", le "on" à valeur impersonnelle, généralisante). Il n'y a que la ligne de démarcation ("femmes" / "hommes") qui, à la fin, requalifie la charge d'humanité des êtres. L'unique teinte présente est celle, prémonitoire, du deuil ("couleurs atrabilaires", "masse noire"). L'effet de compression s'exerce dans les deux directions : entre tassement ("se pressaient", "frayaient", "heurtaient", "l'encombrement") et écrasement ("pesaient", "enveloppait", "recouvraient", "ne redressaient plus").
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 58
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: L'instant d'avant
Bonjour, j'ai repris quelques mots, mais surtout corrigé les deux vilaines fautes d'orthographe – (arghh …)
Encore une fois (sans y trouver à répétition), merci beaucoup pour vos remarques et commentaires
D'avant la guerre
Les corps allongés se pressaient dans une marche déambulatoire. Ils se frayaient un passage transparent entre les fines gouttes de pluie d’une fin de journée de novembre. Je regardais la vision parcellaire des carcasses engoncées, en transit dans leur habit d’automne. Au détour d’un regard, l’imposture de l’été sur un visage chanceux, sans que l’on devine pourquoi lui et pas les autres
Par grappes, d’anonymes fugitifs envahissaient la rue. Ils se heurtaient à chacun de leurs pas à ce premier soir. Même le chat, sur le rebord de la fenêtre, ne trouvait plus sa place. Personne n’osait encore prendre possession de ce tableau aux couleurs atrabilaires et trop précipitées. Ce n’était qu’une peinture de fond, posée en lames verticales. Bientôt, elle s’estomperait, pour laisser place à la masse noire des passants, ne laissant que peu d’espace aux souvenirs spongieux de la rue commerçante.
On offrait au soir qui nous enveloppait, notre sincérité tout entière, à l’apparence d’une silhouette démembrée devenue identique sous le sevrage du crépuscule. L’encombrement n’était pas physique, il était dans l’âme et dans la tyrannie des choses encore à faire.
Les visages des femmes portaient les stigmates d’un chagrin à venir. Les vêtements des hommes avaient adopté une certaine allure, ils recouvraient et ne redressaient plus.
Ce n’était pas encore la nuit, où l’on pourrait se parler. C’était l’instant d’avant.
De tout ça je me souviens, c’était le premier soir d’avant la guerre.
Encore une fois (sans y trouver à répétition), merci beaucoup pour vos remarques et commentaires
D'avant la guerre
Les corps allongés se pressaient dans une marche déambulatoire. Ils se frayaient un passage transparent entre les fines gouttes de pluie d’une fin de journée de novembre. Je regardais la vision parcellaire des carcasses engoncées, en transit dans leur habit d’automne. Au détour d’un regard, l’imposture de l’été sur un visage chanceux, sans que l’on devine pourquoi lui et pas les autres
Par grappes, d’anonymes fugitifs envahissaient la rue. Ils se heurtaient à chacun de leurs pas à ce premier soir. Même le chat, sur le rebord de la fenêtre, ne trouvait plus sa place. Personne n’osait encore prendre possession de ce tableau aux couleurs atrabilaires et trop précipitées. Ce n’était qu’une peinture de fond, posée en lames verticales. Bientôt, elle s’estomperait, pour laisser place à la masse noire des passants, ne laissant que peu d’espace aux souvenirs spongieux de la rue commerçante.
On offrait au soir qui nous enveloppait, notre sincérité tout entière, à l’apparence d’une silhouette démembrée devenue identique sous le sevrage du crépuscule. L’encombrement n’était pas physique, il était dans l’âme et dans la tyrannie des choses encore à faire.
Les visages des femmes portaient les stigmates d’un chagrin à venir. Les vêtements des hommes avaient adopté une certaine allure, ils recouvraient et ne redressaient plus.
Ce n’était pas encore la nuit, où l’on pourrait se parler. C’était l’instant d’avant.
De tout ça je me souviens, c’était le premier soir d’avant la guerre.
Re: L'instant d'avant
tout va par deux. désagréable de symétrie et d'insistance.
hi wen- Nombre de messages : 899
Age : 27
Date d'inscription : 07/01/2011
Re: L'instant d'avant
Hi wen a bien fait d'extirper ton texte des profondeurs , je l'avais raté. Et en plus tu l'avais retravaillé!
L'idée me plaît énormément car j'aime ces sensations particulières de suspension, ces moments où le temps retient son souffle, où tout semble pris dans un gel, que tout le monde ressent et peine à définir. C'est une gageure pour moi que d'écrire sur ce thème, donc déjà chapeau !!!
Je me demande si la dernière phrase a besoin d'exister, surtout si tu prends le deuxième titre "d'avant la guerre".Personnellement je préfère le titre "l'instant d'avant", et le retrouver en coda.
A te lire.
L'idée me plaît énormément car j'aime ces sensations particulières de suspension, ces moments où le temps retient son souffle, où tout semble pris dans un gel, que tout le monde ressent et peine à définir. C'est une gageure pour moi que d'écrire sur ce thème, donc déjà chapeau !!!
Je me demande si la dernière phrase a besoin d'exister, surtout si tu prends le deuxième titre "d'avant la guerre".Personnellement je préfère le titre "l'instant d'avant", et le retrouver en coda.
A te lire.
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: L'instant d'avant
Bon, je comprends ce que tu as voulu faire. C'est déjà pas mal.
Mais il y a quelque chose de maladroit dans la construction et dans l'emploi des mots et des locutions. Ta deuxième version fait un effort vers la construction logique. Cependant, elle fait disparaître un charme qui flottait dans la première. Bref, c'est entre deux à mon goût. C'est un brouillon de tentative. Je serais à ta place, je chiffonnerai ce truc qui a certaines qualités, mais aussi trop de défauts, et je tenterai du neuf.
Et puis je laisserai tomber les oxymores approximatifs et asphyxiants du genre : “couleurs atrabilaires“, les lapalissades comme “marche déambulatoire“, etc. On sent que tu aimes les mots et que tu veux les faire sonner. Alors écrit des poèmes sans rimes ni raisons, fais sonner les mots qui se bousculent dans ta tête, et n'essaye pas de créer du sens.
Je me permets de donner des conseils parce que je suis un vieil homme, et que dans une vie antérieure, j'ai été à l'Académie Française.
“C'était étrange
Est-ce qu'il allait neiger des anges ?“
Tu connais bien entendu.
Mais il y a quelque chose de maladroit dans la construction et dans l'emploi des mots et des locutions. Ta deuxième version fait un effort vers la construction logique. Cependant, elle fait disparaître un charme qui flottait dans la première. Bref, c'est entre deux à mon goût. C'est un brouillon de tentative. Je serais à ta place, je chiffonnerai ce truc qui a certaines qualités, mais aussi trop de défauts, et je tenterai du neuf.
Et puis je laisserai tomber les oxymores approximatifs et asphyxiants du genre : “couleurs atrabilaires“, les lapalissades comme “marche déambulatoire“, etc. On sent que tu aimes les mots et que tu veux les faire sonner. Alors écrit des poèmes sans rimes ni raisons, fais sonner les mots qui se bousculent dans ta tête, et n'essaye pas de créer du sens.
Je me permets de donner des conseils parce que je suis un vieil homme, et que dans une vie antérieure, j'ai été à l'Académie Française.
“C'était étrange
Est-ce qu'il allait neiger des anges ?“
Tu connais bien entendu.
gaspard- Nombre de messages : 132
Age : 107
Date d'inscription : 06/04/2014
Re: L'instant d'avant
En entamant la lecture, je me suis demandée si toutes ces précisions n'allaient pas finir par étouffer le texte et puis non en fait, elles le construisent, elles créent un tableau qui interpelle l'esprit du lecteur parce qu'il doit imaginer, se représenter, poser des petites bouts de ceci et cela ici et là, ça demande un certain travail, parfois fastidieux certes, mais qui se retrouve pleinement récompensé par la dernière phrase, qui tombe, sèche, dure, et illumine tout ce qui la précède. C'est bien vu et ça me plaît comme ça.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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