De vieux marins aiguisés

Les vieux marins aiguisés
. de leur graisse chair défaite
adossés aux pierres froides des murs
Ils regardent, goélands
en attente

Les vieux marins ensilencés
. de leur dire
Ils taisent
n'ont plus de fesse, de dent. De mâture
acharnés

Par le monde soixante-dix femmes
ou soixante – c’est bien assez
ont lavé leurs yeux et leurs guenilles
quelque chose de nu
sous le rapiécé

Le ciel est encore
clair
– pas d’horizon
après l’horizon
dévoilé

Les vieux marins
. ventres à terre
sont loin,
loin
des tirailleurs de la mer

Pierres froides des murs
quais mouillés après les déblayeurs
quelque chose tombe
sans cri
- c’est la nuit, mon seul ami, juste la nuit

sur les pierres froides de la mer

J'aime bien le thème, j'aime bien les images, mais j'aime pas le fond, je le trouve trop usé, pas assez personnel, presque repris

Comme j'aime bien dire souvent : J'aime bien mais j'aime pas

C'est déjà bien d'être passé. Et je suis revenu lire ton com' aujourd'hui (toujours très attentif...), et je me suis arrêté sur le concept de fond. Intéressant, finalement, l'idée de fond. Enfin, ça m'interpelle, merci pour ça.

belle description d'un milieu et de ses humains qui le font vivre
Marius était fasciné par les marins, Fanny moins, César au bar, Panisse ho hisse
carte postale sauce bouillabaisse, clin d'œil a ma ville

C'est plein de belles trouvailles avec un vieux thème rapiécé sous sa nudité et de bonnes citations comme "les tirailleurs de la mer“.
Toutes les critiques négatives sont le fait des “tirailleurs de l'amer“ si je puis me permettre ce petit plagiat bien placé.
Ça marche pour moi.

de leur graisse chair défaite, peut-être un peu lourd à l'oreille et en même temps, ça traduit bien une idée précise, donc détail de ma part.
Pour le reste, rien à redire sur ce texte que je trouve superbe, amer comme il se doit mais pas uniquement amer, il y a beaucoup de tendresse dans tout cela, une certaine forme d'empathie aussi. La forme est bien maîtrisée, traduisant avec justesse une triste réalité.

C'est gentil d'être venus. J'ai eu du mal à traduire ce que je voulais, "primitivement", faire passer. Pas l'image du vieux marin -mais je crois que c'est elle qui est restée- mais ce face-à-face entre l'homme (sur le quai) et l'espace (qui lui est désormais refusé). Ce n'est pas très grave. Ce qui l'est plus, c'est le dernier "vers" qui est vraiment à ch.... Je ne sais pas ce qui m'a pris, j'avais trop bu, sûrement; je ne sais vraiment pas me tenir....

allons bon, zut ! le dernier vers c'est mon préféré : comme un toit de lauzes qui serait du coup subtilement en pente bien qu'horizontal et sur lequel on pourrait rêver de marcher...par contre c'est le deuxieme qui me chargrine ; je crois voir une flaque de graisse fondue aux pieds de chaque sévère vieillard.

Ouiiiiiiiiii ce n'est pas la première fois, ni j'espère la dernière, qu'on n'est pas tout à fait d'accord, et je cherche vainement comment dramatiser ce constat. Quand même ce vers gris-bleu sent son Victor Hugo à plein pif, non ? Excusez du peu.
Pour l'autre, le premier jet était " de vieux marins aiguisés / de leur graisse défaite. Peut-être il est moins pire. On pourrait dire "émacié", mais on perd l'idée -au premier plan de l'arrière-plan- de la décomposition. Je suis sûr que tu me suis, là. Fais quand même attention où tu mets les pieds, tu as réveillon, ce soir.

Pour revenir vers ton histoire -subtile- de dalle en pente,
je te répondrai que je suis assez mal assis,
mais que dans les secondes qui suivent
je vais trouver une position confortable contre le dossier.

Merci de me le rappeler, je me tiens très mal, depuis que je suis tout gamin.

dramatiser les désaccords autour d'un vers ? pourquoi pas, un jour ? :-)

bon, en tout cas l'image reste la même dans mes yeux de la tête. Peut-être tu pourrais jouer, d'une facon ou d'une autre, avec le squelette qui perce en dessous si tu veux évoquer la décomposition. Je trouve que graisse est un mot sensoriellement tellement puissant qu'il est difficile de l'utiliser en "manque", en creux.