Voilà une matinée bien lotie
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Pussicat
hugofan
Frédéric Prunier
Art. Ri
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Voilà une matinée bien lotie
Ciel étrange par la fenêtre ! d'une espèce inconnue de bleu. bleu sable, bleu poussiéreux. bleu chaud et poussiéreux. voilà une matinée bien lotie, un goût de cendre, l'air pimpant, plus agressive qu'ordinaire, la vie plus alerte, les moteurs fort criards. je me réveille, poitrine d'un poids mauvais, chair nerveuse, propension envahissante à soupirer, à ne savoir me défaire du mauvais souffle, souffle qui bat, rompt, brise, hululerait s'il en avait la voix. qu'importe ! pourquoi donc attarder la grande malade (l'imagination) sur ce corps sain? l'envie de se plaindre. oh ! plus forte que l'envie de se taire.
Ciel étrange par la fenêtre ! regret des étoiles endormies, jurons des oiseaux rares, sautillant dans l'air ou cascadant sur les tuiles. voilà une matinée bien lotie, les murs ont mauvaise haleine, et l'atmosphère elle-même et le cosmos lui-même sont un mur à l'existence sur-irritable... le monde envahit la chambre en silence. choc des contraires. ébranlement intérieur. désordre profond. la vie est mal rangée. chaque seconde glisse avec cette force impossible qui choque la moindre pensée, qui la remue, qui la tente, mais dont la clarté échappe, sans cesse.
Ciel étrange par la fenêtre, mélancolie exaspérante, rage timide, paraboles de l'ennui, vais-je cesser de m'en plaindre ? oh, non point, car il me faudrait renoncer à la gaieté, la gaieté employée même à dégrader la pression de l'âme, à la compresser, à en chercher la dureté philosophale, kaléidoscopique, le nanocosme brûlant de vertiges, d'intelligences souterraines, de divinités primitives, de ruisseaux matinaux bondissants de cheminées en cheminée... la gaieté qui dévore tout et partout se fait dévorer
Ciel étrange par la fenêtre ! voilà une matinée bien lotie. la machine est en marche, vapeur de mort et de gaieté...
Ciel étrange par la fenêtre ! regret des étoiles endormies, jurons des oiseaux rares, sautillant dans l'air ou cascadant sur les tuiles. voilà une matinée bien lotie, les murs ont mauvaise haleine, et l'atmosphère elle-même et le cosmos lui-même sont un mur à l'existence sur-irritable... le monde envahit la chambre en silence. choc des contraires. ébranlement intérieur. désordre profond. la vie est mal rangée. chaque seconde glisse avec cette force impossible qui choque la moindre pensée, qui la remue, qui la tente, mais dont la clarté échappe, sans cesse.
Ciel étrange par la fenêtre, mélancolie exaspérante, rage timide, paraboles de l'ennui, vais-je cesser de m'en plaindre ? oh, non point, car il me faudrait renoncer à la gaieté, la gaieté employée même à dégrader la pression de l'âme, à la compresser, à en chercher la dureté philosophale, kaléidoscopique, le nanocosme brûlant de vertiges, d'intelligences souterraines, de divinités primitives, de ruisseaux matinaux bondissants de cheminées en cheminée... la gaieté qui dévore tout et partout se fait dévorer
Ciel étrange par la fenêtre ! voilà une matinée bien lotie. la machine est en marche, vapeur de mort et de gaieté...
Art. Ri- Nombre de messages : 314
Age : 26
Date d'inscription : 28/10/2010
Re: Voilà une matinée bien lotie
Victor HUGO
Fenêtres ouvertes
Le matin - En dormant
J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre.
Cris des baigneurs. Plus près ! plus loin ! non, par ici !
Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
Grincement d'une faux qui coupe le gazon.
Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison.
Bruits du port. Sifflement des machines chauffées.
Musique militaire arrivant par bouffées.
Brouhaha sur le quai. Voix françaises. Merci.
Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici
Que vient tout près de moi chanter mon rouge-gorge.
Vacarme de marteaux lointains dans une forge.
L'eau clapote. On entend haleter un steamer.
Une mouche entre. Souffle immense de la mer.
Fenêtres ouvertes
Le matin - En dormant
J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre.
Cris des baigneurs. Plus près ! plus loin ! non, par ici !
Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
Grincement d'une faux qui coupe le gazon.
Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison.
Bruits du port. Sifflement des machines chauffées.
Musique militaire arrivant par bouffées.
Brouhaha sur le quai. Voix françaises. Merci.
Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici
Que vient tout près de moi chanter mon rouge-gorge.
Vacarme de marteaux lointains dans une forge.
L'eau clapote. On entend haleter un steamer.
Une mouche entre. Souffle immense de la mer.
Re: Voilà une matinée bien lotie
Bonjour,
Ce n'est pas du tout mon genre d'écriture, et pourtant j'ai passé un moment agréable à te lire.
J'aime les sonorités, les reprises et les variations autour d'un même mot ; ça m'a l'air assez maîtrisé. C'est une forme de prose poétique non ?
Ce n'est pas du tout mon genre d'écriture, et pourtant j'ai passé un moment agréable à te lire.
J'aime les sonorités, les reprises et les variations autour d'un même mot ; ça m'a l'air assez maîtrisé. C'est une forme de prose poétique non ?
hugofan- Nombre de messages : 86
Age : 33
Date d'inscription : 19/04/2009
Re: Voilà une matinée bien lotie
le titre est excellent et le reste suit... Ah que j'ai aimé lire ton texte Art. Ri. cette variation poétique sur le lever, le matin, sortir de sa torpeur, se défaire des lambeaux de la nuit et se faire dévorer par le jour qui se lèvre et tout ce qui l'accompagne... le lien de Fred n'est pas mal trouvé... et de bon matin, bonne lecture !
j'ai particulièrement retenu les boucles, le ciel, les couleurs et puis le glissement sur le corps, l'état du corps au réveil, de l'extérieur vers l'intérieur, le regard... et l'anaphore : Ciel étrange par la fenêtre est là pour renforcer cette boucle qui se développe dans chacune des trois strophes de ce poème en prose... parce qu'il s'agit bien de poésie en prose...
la fin du 1er paragraphe résonne comme un constat qui nous touche, tous...c'est chose humaine de se plaindre : l'envie de se plaindre. oh ! plus forte que l'envie de se taire. Bien vu !
Le 2e paragraphe est aussi bien charpenté et file la métaphore du lent éveil avec ce bruit du monde qui soudain envahit l'espace intime...
Le 3e evoque un combat intérieur... j'ai un peu lâché le fil à : à en chercher la dureté philosophale, kaléidoscopique, le nanocosme brûlant de vertiges,... une lutte des contraires qui revient en phrase finale : ...la machine est en marche, vapeur de mort et de gaieté
ah, mais que "voilà une matinée bien lotie" ! avec ce texte, c'est bien parti
lecture plaisante, j'ai bien aimé, merci Art. Ri
j'ai particulièrement retenu les boucles, le ciel, les couleurs et puis le glissement sur le corps, l'état du corps au réveil, de l'extérieur vers l'intérieur, le regard... et l'anaphore : Ciel étrange par la fenêtre est là pour renforcer cette boucle qui se développe dans chacune des trois strophes de ce poème en prose... parce qu'il s'agit bien de poésie en prose...
la fin du 1er paragraphe résonne comme un constat qui nous touche, tous...c'est chose humaine de se plaindre : l'envie de se plaindre. oh ! plus forte que l'envie de se taire. Bien vu !
Le 2e paragraphe est aussi bien charpenté et file la métaphore du lent éveil avec ce bruit du monde qui soudain envahit l'espace intime...
Le 3e evoque un combat intérieur... j'ai un peu lâché le fil à : à en chercher la dureté philosophale, kaléidoscopique, le nanocosme brûlant de vertiges,... une lutte des contraires qui revient en phrase finale : ...la machine est en marche, vapeur de mort et de gaieté
ah, mais que "voilà une matinée bien lotie" ! avec ce texte, c'est bien parti
lecture plaisante, j'ai bien aimé, merci Art. Ri
Pussicat- Nombre de messages : 4841
Age : 56
Localisation : France
Date d'inscription : 17/02/2012
Re: Voilà une matinée bien lotie
le oh non point pour moi est rédhibitoire. "voila une matinee bien lotie" pareil, mélange de preciosité viellote et d'humeur primesautiere.
j'ai rien contre l'humeur primesautiere, c'est comme les poussins jaunes, ca me donne envie de les étrangler.
c'est dommage, parce ce quand je lis "la pression de l'âme, à la compresser, à en chercher la dureté philosophale, kaléidoscopique, le nanocosme brûlant de vertiges, d'intelligences souterraines, de divinités primitives, de ruisseaux matinaux bondissants de cheminées en cheminée... la gaieté qui dévore tout et partout se fait dévorer" je me dis que vs avez peut etre quelquechose a dire.
j'ai rien contre l'humeur primesautiere, c'est comme les poussins jaunes, ca me donne envie de les étrangler.
c'est dommage, parce ce quand je lis "la pression de l'âme, à la compresser, à en chercher la dureté philosophale, kaléidoscopique, le nanocosme brûlant de vertiges, d'intelligences souterraines, de divinités primitives, de ruisseaux matinaux bondissants de cheminées en cheminée... la gaieté qui dévore tout et partout se fait dévorer" je me dis que vs avez peut etre quelquechose a dire.
hi wen- Nombre de messages : 899
Age : 27
Date d'inscription : 07/01/2011
Re: Voilà une matinée bien lotie
Le plaisir de ne pas commenter ...
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: Voilà une matinée bien lotie
Je comprends cette envie de ne pas. Prudence est mère de porcelaine. En fait c'est un texte très dense, presque trop riche. Méfiance car tout est piégeux, illusion. Le ciel bleu comme un jour de smog qui dégringole sur les bronches d'un asthmatique. Et cette gaieté maline, de troll ou de korrigan. Méfiance méfiance, faut y aller doucement, mais j'y reviendrai, sûrement (avec aussi l'envie de ne pas ?)
'lut
'lut
'toM- Nombre de messages : 278
Age : 68
Date d'inscription : 10/07/2014
Re: Voilà une matinée bien lotie
C'est assez roublard, Frédéric, de rapprocher ce texte de celui d'Hugo (d'un autre côté, quelle maestria dans l'art de disloquer ce grand niais d'alexandrin !) mais il y a du vrai là-dedans.
J’aime assez le retour de l’incipit de chaque paragraphe « Ciel étrange par ma fenêtre » et cet enthousiasme mêlé d’exaspération qui accompagne l’irruption dans la chambre des bruits, des odeurs, des lumières, des sensations de la vie qui s’éveille et palpite au dehors, regret des étoiles endormies, jurons des oiseaux rares et même la mauvaise haleine des murs.
Plus encore qu’à celui d’Hugo, ce petit poème (en prose) me fait penser à un texte de Brecht que j’avais mis en musique dans le cadre d’une expérience théâtrale : « Plaisirs du commencement » (je pense que c’était le titre) où il se met en scène au réveil. Je n’ai hélas plus ce texte et ne suis pas parvenu à le retrouver sur la Toile…
Gobu
J’aime assez le retour de l’incipit de chaque paragraphe « Ciel étrange par ma fenêtre » et cet enthousiasme mêlé d’exaspération qui accompagne l’irruption dans la chambre des bruits, des odeurs, des lumières, des sensations de la vie qui s’éveille et palpite au dehors, regret des étoiles endormies, jurons des oiseaux rares et même la mauvaise haleine des murs.
Plus encore qu’à celui d’Hugo, ce petit poème (en prose) me fait penser à un texte de Brecht que j’avais mis en musique dans le cadre d’une expérience théâtrale : « Plaisirs du commencement » (je pense que c’était le titre) où il se met en scène au réveil. Je n’ai hélas plus ce texte et ne suis pas parvenu à le retrouver sur la Toile…
Gobu
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
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