Automnale

Automnale

… noisettes, sur le chemin

"Il fait frais, le soir tombe
Et nous réunissons nos yeux
Sur le chemin que nous connaissons par cœur"
(Paul Eluard)

Au dessus du courant iris que rien ne regarde
très vieille rivière, et jeune encore le long de la sente et de la voix des traverses

Dans le creux un pré, deux juments, leurs poulains
On s’assoit face à elles
leurs antérieurs ferrés, leurs poitrines larges, torses d’ignudi
Le foin mâché, lentement, comme pour ralentir le soir

Je jette trois noisettes encore vertes dans la rivière
je les regarde s’éloigner,
passer sous le pont du chemin de fer, partir faire le tour du monde,
laisser Fernand de Magellan à Sumatra ou ailleurs
et une seule rentrera au port

Je suis ici, et loin d’ici
terre mouillée, bois corrompu
La buse guette la souris, et la souris guette le bruit
ni vent ni chant d’oiseau. Je pense aux chevaux,
- taiseuse nature - et les chevaux ne pensent pas à moi

C'est difficile d'évoquer un "instant blanc", tu le fais en le contournant de plein de petites choses éparses que tu rapproches négligemment...pas mal réussi, ça fonctionne bien pour moi . Il faut être disponible pour le" blanc", et ça...

On voit tout, lent, neuf, et de toujours...très beau.

Merci, un jour, j'arriverai, avec mon langage, à cette sorte de simplicité que je vois d'autres défendre et qui m'a longtemps échappé. Et un brin d'humanité, aussi (mais ça c'est plus difficile).

Un instant blanc .... ? Peux-tu m'en dire plus. Ce que je trouve n'est pas très explicite (humanoïdes et marchands de vins, ça peut être sympa!)

"instant blanc" c'est un raccourci improvisé ; je voulais évoquer ces moments qui semblent vides, où l'on est à la fois absent de soi-même et du monde et totalement présent, présent comme jamais en réalité, présentement connecté à la réalité. Parfois l'instant devient durée...
Ton poème m'a évoqué ces expériences vécues tout au long de mon enfance, d'absence/présence, de ressenti de tout ce qui est vivant autour mais ne vit pas pour moi, cette sensation d'être -ni plus, ni moins- un élément de l'ensemble, de n'être pas le centre du monde mais d'en faire partie.


Ceci dit, je suis peut-être totalement à côté de la plaque. (la tienne)
Et à la tienne! Un petit blanc?

A L'heure de la sensation vraie, s'effacer pour être présent.

ps : je confirme, c'est une année à noisettes.

Annie a écrit:A L'heure de la sensation vraie, s'effacer pour être présent.

ps : je confirme, c'est une année à noisettes.

Un des textes dont tu as le secret, Annie, en écho de celui de to'M, serait-ce un luxe? - Mais pas sur les noisettes -

"en écho à celui", pardon.

C'est très beau.Différent aussi me semble t-il de ta manière d'écrire. Ecrit d'une traite sur l'instant ou petites noisettes ramassées sur le trajet?

J'ai renommé ce texte, "l'instant blanc".
Parce que ton commentaire m'a rappelé l'histoire du peintre chinois qui disparaît dans son propre tableau,

l'instant blanc est ce moment je pense.

Je pense aussi avoir écrit ça en étant, pas en regardant. Etrange "pouvoir", non ?
D'où je crois cette écriture nettoyée, sans formule, sensitive.
Je crois qu'on théorise trop l'écriture en général. La noisette pousse, tombe, flotte.

Mercis

Beaucoup aimé.

J'ai aimé la douceur, le calme qui se dégagent du texte et cette poésie qui imprègne l'ensemble sans qu'elle repose sur des procédés rythmiques clairement identifiés (en tout cas par moi, peut-être qu'il en avait néanmoins...)

Le temps suspendu, cette pause, cette ambiance décrite... Merci pour ton partage de texte!

'toM a écrit:J'ai renommé ce texte, "l'instant blanc".
Parce que ton commentaire m'a rappelé l'histoire du peintre chinois qui disparaît dans son propre tableau,

l'instant blanc est ce moment je pense.

Je pense aussi avoir écrit ça en étant, pas en regardant. Etrange "pouvoir", non ?
D'où je crois cette écriture nettoyée, sans formule, sensitive.
Je crois qu'on théorise trop l'écriture en général. La noisette pousse, tombe, flotte.

Mercis

Ah je suis flattée de ton choix pour le nouveau titre (cabotinage, quand tu nous tiens...)
le pouvoir du Verbe...voilà quelque chose à vivre, je suis bien d'accord avec toi, plus qu'à intellectualiser.