Crachin du soir

Crachin du soir

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                   Je t’aime
Sur le pavé mouillé
Tout glisse et se fracasse en miroir éclaté
Sous la folie du ciel
Des oiseaux asphaltés tourniquent sans issue
                   Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                   Je t’aime
A l’argent des platanes
Une lèpre de sang a laissé sa crevure
Aux gouttières blessées
Faseyent dans le vent les voiles d’araignées
                   Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                   Je t’aime
Sur la frise des toits
Le jour a fait son nid dans les bras de l’aurore
Sous l’orbe de la lune
S’évaporent les pas entre les réverbères
                   Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                   Je t’aime
Au rebord des fenêtres
Frissonnent les lilas dans leur cercueil d’argile
A la grille du parc
Le fer a dévoré de nos baisers la rouille
                    Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                    Je t’aime
Sur la ville la nuit
S’étale tel un drap froissé d’éternité
Sous l’arche du vieux pont
Éreinté d’érosion, un chat s’est abrité
                    Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                    Je t'aime
Des lèvres de mes mains
Des ongles de mes bras des langues de mes doigts
Des sursauts de mon souffle
Et de toutes mes forces et de toutes mes forces
                    Je t’aime je t’aime je t’aime

Gobu

quand le crachin incite la déclaration, je t'aime, devient un SOS, où une confirmation
l'amour se fout des conventions " à l'argent des platanes" et même aux ors des républiques

Encore un très beau texte, Gobu. Les échos de Verlaine, la régularité du rythme (pourtant brisé), la répétition de cet appel, "Je t'aime", mi-incantation mi-supplique informulée, les images : tout fonctionne. On est dans un monde à toi, un peu citadin, un peu onirique, avec sa logique propre et qui parvient à surprendre sans jamais choquer.
Si je devais regretter un truc, ce serait le thème de l'eau, présent dans les trois premières strophes (mouillé, miroir éclaté, gouttières, évapore) et qui disparaît dans la deuxième moitié du poème - exception faite, bien entendu, du refrain. J'aurais aimé te voir le décliner encore, ou peut-être en faire un ultime rappel en final, bouclant la boucle de ce "Crachin du soir".

Merci pour cette belle réussite.

Silence écrit

Silence écrit a écrit:
Si je devais regretter un truc, ce serait le thème de l'eau, présent dans les trois premières strophes (mouillé, miroir éclaté, gouttières, évapore) et qui disparaît dans la deuxième moitié du poème - exception faite, bien entendu, du refrain. J'aurais aimé te voir le décliner encore, ou peut-être en faire un ultime rappel en final, bouclant la boucle de ce "Crachin du soir".

Silence écrit

Farpaitement. Je suis un peu parti en vrille sur la fin. Tu sais comment c'est, quand les doigts cavalent plus vite que la pensée. Ou quand le cœur bat plus fort que le bulbe.

Merci.

Gobu

Passage très rapide pour te dire que je l'ai lu
Je ne suis pas très réceptif ce matin
En fait c'est exactement ce que je te disais par mail : chez moi ou chez les autres, j'ai du mal avec ces tendresses
et te lisant je rêvais presque que tous ces je t'aime de la fin
soient changés en
"Et de toutes mes forces et de toutes mes forces
                    Je te hais je te hais je te hais"
quoique c'eût été cliché aussi

En gras les mots insupportables (pour moi) de la tendresse, de la poésie de la tendresse, dont je voudrais tordre le cou, elle et ses petites marches au soleil, ses arbres tranquilles, ses oiseaux qui disent l'amour, ses gentils baisers dans le cou, bref, tu m'as compris

"Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                   Je t’aime
Sur le pavé mouillé
Tout glisse et se fracasse en miroir éclaté
Sous la folie du ciel
Des oiseaux asphaltés tourniquent sans issue
                   Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux [Isabelle a les yeux bleus, Isabeau belle a les yeux !
                   Je t’aime
A l’argent des platanes
Une lèpre de sang a laissé sa crevure
Aux gouttières blessées
Faseyent dans le vent les voiles d’araignées
                   Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                   Je t’aime
Sur la frise des toits
Le jour a fait son nid dans les bras de l’aurore
Sous l’orbe de la lune
S’évaporent les pas entre les réverbères
                   Je t’aime

[Non ici je trouve ça trop doux

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                   Je t’aime
Au rebord des fenêtres
Frissonnent les lilas dans leur cercueil d’argile
A la grille du parc
Le fer a dévoré de nos baisers la rouille
                    Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                    Je t’aime
Sur la ville la nuit
S’étale tel un drap froissé d’éternité
Sous l’arche du vieux pont
Éreinté d’érosion, un chat s’est abrité
                    Je t’aime

Il pleut dessus mon cœur comme il pleut dans tes yeux
                    Je t'aime
Des lèvres de mes mains
Des ongles de mes bras des langues de mes doigts
(idem ici, tout ce vocabulaire du corps : si tu ne comprends pas, regarde les premiers vers de mon mail, c'est ce que j'essaie d'y expliquer
Des sursauts de mon souffle
Et de toutes mes forces et de toutes mes forces
                    Je t’aime je t’aime je t’aime"

J'aurais aimé ton poème ironique

C'est peut-être juste mon état du moment, ne prends pas mon commentaire trop à coeur. Mais je me suis réveillé il y a deux jours et je me suis dit : "non, toute cette poésie, ce n'est plus possible". Ce n'est donc pas ton poème que je récuse, mais un paradigme. Ainsi ton poème fonctionne très bien et est bien sûr de très belle qualité à l'intérieur du paradigme dont je ne veux plus.

Exemple. J'aurais déjà davantage voulu lire :
"Il pleut des yeux
                   Je t’aime
Sur le pavé
Tout glisse
Sous la folie
Des oiseaux asphaltés
                   Je t’aime
"