Le pavillon de l'Aurore
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So-Back
Annie
'toM
seyne
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Le pavillon de l'Aurore
peu à peu
le temps réel de la vie apparaît
et il dessine ses limites
le temps prend sa vraie forme,
on voit vers l’avant se dessiner la fin
on regarde aussi en arrière,
dans le corridor le long tunnel
aussi tu revois en vrai par hasard
les longues lumières, les rectangles d’eau opaque et là
avec son bassin à sec en forme de coquillage
– comme à sec l’eau de l’enfance
le pavillon de l’Aurore.
tout en haut de l’escalier il y a un homme qui dit
« soyez la bienvenue », mais la visite est en cours et peu importe
sur le rebord de l’ancienne enfance, revoir les arbres en cônes qui s’enfilent
vers les lointains les banlieues les forêts
la statue d’Hercule portant un petit enfant
les marches de l’escalier, larges et douces à la course
que tu avais oubliées
et de l’autre côté de l’allée
la partie des grands bois, le plumet blanc d’un jet d’eau.
où est ton corps de huit ans ?
et puis la même lumière
pour celui dont tu viens d’apprendre qu’il est mort
en mai (par un mail de sa femme,
que tu ne connaissais pas)
tu glisses vers une fin d’été lointaine, une prairie comme un drap
lourd humide et vert, un château encore
un corps et un visage, interrogés, de loin, encore un étang
et puis (bien plus tard) ce qui avait changé, ce qui n’avait pas changé dans ce visage dans ce corps
en quarante ans.
tu as sauté dans le tram et il t’a demandé : « on se reverra, hein ? »
tu as répondu oui mais
où sont ces corps, nos corps d’enfants, de vingt ans, de soixante
par quels trous de l’éventail passe ce qui passait
de nuit à nuit ?
le temps réel de la vie apparaît
et il dessine ses limites
le temps prend sa vraie forme,
on voit vers l’avant se dessiner la fin
on regarde aussi en arrière,
dans le corridor le long tunnel
aussi tu revois en vrai par hasard
les longues lumières, les rectangles d’eau opaque et là
avec son bassin à sec en forme de coquillage
– comme à sec l’eau de l’enfance
le pavillon de l’Aurore.
tout en haut de l’escalier il y a un homme qui dit
« soyez la bienvenue », mais la visite est en cours et peu importe
sur le rebord de l’ancienne enfance, revoir les arbres en cônes qui s’enfilent
vers les lointains les banlieues les forêts
la statue d’Hercule portant un petit enfant
les marches de l’escalier, larges et douces à la course
que tu avais oubliées
et de l’autre côté de l’allée
la partie des grands bois, le plumet blanc d’un jet d’eau.
où est ton corps de huit ans ?
et puis la même lumière
pour celui dont tu viens d’apprendre qu’il est mort
en mai (par un mail de sa femme,
que tu ne connaissais pas)
tu glisses vers une fin d’été lointaine, une prairie comme un drap
lourd humide et vert, un château encore
un corps et un visage, interrogés, de loin, encore un étang
et puis (bien plus tard) ce qui avait changé, ce qui n’avait pas changé dans ce visage dans ce corps
en quarante ans.
tu as sauté dans le tram et il t’a demandé : « on se reverra, hein ? »
tu as répondu oui mais
où sont ces corps, nos corps d’enfants, de vingt ans, de soixante
par quels trous de l’éventail passe ce qui passait
de nuit à nuit ?
Re: Le pavillon de l'Aurore
Je ne connaissais pas. Mais ça ressemble beaucoup à Schönbrunn où je me suis toute de suite retrouvé.
Les allées plantées dont le bout (le sens ?) se perd dans le brouillard.
Je m'égare....
Je devrais commenter ces allers-retours essuie-glace qui m'ont fait revenir sur le texte lu ailleurs (tiens, je me suis dit. C'est autrement).
C'est bien.
Et la dernière partie, où tu ne veux pas échapper à l'incrustation dans le réel. Ce n'est pas que c'est bien, ou moins bien.
Peut-être simplement que si si, c'est toi.
Les allées plantées dont le bout (le sens ?) se perd dans le brouillard.
Je m'égare....
Je devrais commenter ces allers-retours essuie-glace qui m'ont fait revenir sur le texte lu ailleurs (tiens, je me suis dit. C'est autrement).
C'est bien.
Et la dernière partie, où tu ne veux pas échapper à l'incrustation dans le réel. Ce n'est pas que c'est bien, ou moins bien.
Peut-être simplement que si si, c'est toi.
'toM- Nombre de messages : 278
Age : 68
Date d'inscription : 10/07/2014
Re: Le pavillon de l'Aurore
merci 'toM.
en fait, ce poème est une concrétion de questions aussi simples que : "Qu'est-ce que la mort ? La magie existe-t-elle ? Quels sont ses liens avec l'art ? Peut-on être à la fois tout à fait rationaliste et traversé par l'irrationnel ?"...je rigole, mais pas vraiment. Dans mes liens avec certaines personnes noués autour de l'écriture, de la poésie, se sont passées des choses statistiquement improbables, pourtant je suis une scientifique et je tiens à cet esprit-là, son honnêteté, sa rigueur..mais j'aime aussi l'idée que le temps serait feuilleté, replié, et que le passé coexisterait avec le présent et l'avenir.
Il n'y a qu'un poème pour dire des choses aussi contradictoires.
en fait, ce poème est une concrétion de questions aussi simples que : "Qu'est-ce que la mort ? La magie existe-t-elle ? Quels sont ses liens avec l'art ? Peut-on être à la fois tout à fait rationaliste et traversé par l'irrationnel ?"...je rigole, mais pas vraiment. Dans mes liens avec certaines personnes noués autour de l'écriture, de la poésie, se sont passées des choses statistiquement improbables, pourtant je suis une scientifique et je tiens à cet esprit-là, son honnêteté, sa rigueur..mais j'aime aussi l'idée que le temps serait feuilleté, replié, et que le passé coexisterait avec le présent et l'avenir.
Il n'y a qu'un poème pour dire des choses aussi contradictoires.
Re: Le pavillon de l'Aurore
Je n'aime pas du tout la première strophe qui impose une lecture façon new age "le temps réel de la vie"
tu le mesures avec un compas ? Un double-décimètre ? Un faisceau laser ?
Laisse nous chercher et te suivre sur les traces de présent-passé, ou du passé-présent puisque le passé est toujours présent, même quand on n'en prend pas connaissance.
C'est proche de "et pourquoi attraper avec les doigts le mot coincé au bout de la langue" (photo souvenir)
Toute la balade dans le parc est très belle.
Je ne connais pas Sceaux, j'ai d'abord pensé à Versailles, mais peu importe.
tu le mesures avec un compas ? Un double-décimètre ? Un faisceau laser ?
Laisse nous chercher et te suivre sur les traces de présent-passé, ou du passé-présent puisque le passé est toujours présent, même quand on n'en prend pas connaissance.
C'est proche de "et pourquoi attraper avec les doigts le mot coincé au bout de la langue" (photo souvenir)
Toute la balade dans le parc est très belle.
Je ne connais pas Sceaux, j'ai d'abord pensé à Versailles, mais peu importe.
Annie- Nombre de messages : 1452
Age : 73
Date d'inscription : 07/07/2010
Re: Le pavillon de l'Aurore
Tu as sûrement raison, la formulation est maladroite. Rien de new-age là-dedans, j'essayais d'exprimer de quelle façon s'est modifiée ma perception du temps, du temps de ma vie.
Re: Le pavillon de l'Aurore
lu et approuvé sur "delivre"
So-Back- Nombre de messages : 3652
Age : 100
Date d'inscription : 04/04/2014
Re: Le pavillon de l'Aurore
La thématique aquatique ("les rectangles d’eau opaque", "bassin à sec en forme de coquillage", "comme à sec l’eau de l’enfance", "le plumet blanc d’un jet d’eau", "un étang") irrigue le poème, imposant l'image fuyante du reflet et, avec elle, celle du temps qui s'en va (chosification : "le rebord de l’ancienne enfance", allégorie : "il dessine ses limites", verbes de perception : "on voit vers l’avant se dessiner la fin", "on regarde aussi en arrière", "tu revois en vrai par hasard / les longues lumières", métaphore : "le long tunnel", démonstratif : "celui dont tu viens d’apprendre qu’il est mort / en mai (par un mail de sa femme, / que tu ne connaissais pas)", questionnements obsédants : "où est ton corps de huit ans ?", "ce qui avait changé, ce qui n’avait pas changé dans ce visage dans ce corps / en quarante ans", "où sont ces corps, nos corps d’enfants, de vingt ans, de soixante / par quels trous de l’éventail passe ce qui passait / de nuit à nuit ?").
La vie vécue prend l'aspect d'une riche propriété (métaphore élective du titre agrémentée d'une majuscule : "le pavillon de l'Aurore", aspect seigneurial : "un château", image du majordome : "il y a un homme qui dit "soyez la bienvenue"") que notre mémoire intime nous invite à réinvestir ("la visite est en cours") aussi bien en horizontalité ("le corridor", "de l’autre côté de l’allée") qu'en verticalité ("tout en haut de l’escalier", "les marches de l’escalier") et dont les alentours immédiats ("les arbres en cônes qui s’enfilent / vers les lointains les banlieues les forêts", "la partie des grands bois") figurent le reste du monde, l'ailleurs incertain, les défis à relever.
Remonte alors à la surface l'épaisseur du temps vécu (verbe de mouvement : "tu glisses vers une fin d’été lointaine", comparaison : "une prairie comme un drap lourd humide et vert", discours direct figurant l'illumination amoureuse : "tu as sauté dans le tram et il t’a demandé : "on se reverra, hein ?" / tu as répondu oui").
Merci pour ce partage !
La vie vécue prend l'aspect d'une riche propriété (métaphore élective du titre agrémentée d'une majuscule : "le pavillon de l'Aurore", aspect seigneurial : "un château", image du majordome : "il y a un homme qui dit "soyez la bienvenue"") que notre mémoire intime nous invite à réinvestir ("la visite est en cours") aussi bien en horizontalité ("le corridor", "de l’autre côté de l’allée") qu'en verticalité ("tout en haut de l’escalier", "les marches de l’escalier") et dont les alentours immédiats ("les arbres en cônes qui s’enfilent / vers les lointains les banlieues les forêts", "la partie des grands bois") figurent le reste du monde, l'ailleurs incertain, les défis à relever.
Remonte alors à la surface l'épaisseur du temps vécu (verbe de mouvement : "tu glisses vers une fin d’été lointaine", comparaison : "une prairie comme un drap lourd humide et vert", discours direct figurant l'illumination amoureuse : "tu as sauté dans le tram et il t’a demandé : "on se reverra, hein ?" / tu as répondu oui").
Merci pour ce partage !
jfmoods- Nombre de messages : 692
Age : 58
Localisation : jfmoods@yahoo.fr
Date d'inscription : 16/07/2013
Re: Le pavillon de l'Aurore
Je suis toujours éblouie de la façon dont tes analyses assez "techniques" (est-ce cela qu'on appelle une analyse sémantique ?) viennent dévoiler et enrichir les différentes significations qui s'entremêlent dans un poème. Mais je suis convaincue que la technique est au service chez toi d'une remarquable intuition.
Je suis aussi toujours troublée de la façon dont la description la plus factuelle de choses vécus "en vrai" peut prendre dans un poème un sens symbolique que tu décryptes ici. Ça fait deux magies qui se répondent.
Le "Pavillon de l'Aurore" se trouve dans le parc de Sceaux, où je suis allée par hasard le week-end du Patrimoine, avec l'espoir d'en visiter l'intérieur. Il était toujours fermé lorsqu'enfant je passais de longues après-midi avec mes cousines dans ce parc. Il y avait de l'eau dans son petit bassin, et des piécettes que nous avions pêchées un jour pour aller nous acheter des caramels.
Le poème est né de la confrontation de ces souvenirs avec la réalité actuelle, revue, l'homme en haut de l'escalier accueillant et filtrant les visiteurs.
C'est vrai que certains châteaux ont été importants pour moi, (j'ai écrit un poème qui disait : "châteaux parfaits, demeures qu'on ne possède pas")...dont celui dont il est question dans la deuxième partie du poème.
merci beaucoup.
Je suis aussi toujours troublée de la façon dont la description la plus factuelle de choses vécus "en vrai" peut prendre dans un poème un sens symbolique que tu décryptes ici. Ça fait deux magies qui se répondent.
Le "Pavillon de l'Aurore" se trouve dans le parc de Sceaux, où je suis allée par hasard le week-end du Patrimoine, avec l'espoir d'en visiter l'intérieur. Il était toujours fermé lorsqu'enfant je passais de longues après-midi avec mes cousines dans ce parc. Il y avait de l'eau dans son petit bassin, et des piécettes que nous avions pêchées un jour pour aller nous acheter des caramels.
Le poème est né de la confrontation de ces souvenirs avec la réalité actuelle, revue, l'homme en haut de l'escalier accueillant et filtrant les visiteurs.
C'est vrai que certains châteaux ont été importants pour moi, (j'ai écrit un poème qui disait : "châteaux parfaits, demeures qu'on ne possède pas")...dont celui dont il est question dans la deuxième partie du poème.
merci beaucoup.
Re: Le pavillon de l'Aurore
"Passé et futur ne sont qu'un. C'est nous qui pensons qu'ils sont deux. "
(Rumî)
(Rumî)
soledad- Nombre de messages : 86
Age : 62
Date d'inscription : 04/02/2018
Re: Le pavillon de l'Aurore
Il fallait qu'une poétesse scientifique nous mît sur la voie ...
Le monde est "quantique", nous sommes intriqués, les anciennes traditions le savent qui ne séparent pas art, philosophie et spiritualité... qui nous disent bien que le temps n'existe pas, que c'est une construction mentale -un outil génial mais trop lourd-.
Ton poème m'a fait naître des effluves d'ombres et de feuillages frais, de gravier mouillé, de buis; j'ai entendu aussi des carillons et des ressacs.
Magicienne!
Le monde est "quantique", nous sommes intriqués, les anciennes traditions le savent qui ne séparent pas art, philosophie et spiritualité... qui nous disent bien que le temps n'existe pas, que c'est une construction mentale -un outil génial mais trop lourd-.
Ton poème m'a fait naître des effluves d'ombres et de feuillages frais, de gravier mouillé, de buis; j'ai entendu aussi des carillons et des ressacs.
Magicienne!
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Le pavillon de l'Aurore
Merci Polixène !
En même temps, seul le présent "existe", c'est ça qui est parfois un peu triste à vivre.
En même temps, seul le présent "existe", c'est ça qui est parfois un peu triste à vivre.
Re: Le pavillon de l'Aurore
J'aime bien le premier paragraphe, la première strophe parce que pour moi, plus on avance en âge, mieux on aperçoit les parois du bocal dans lequel on est enfermé depuis quarante, cinquante, soixante ans... .
J'apprécie la simplicité de celui ou celle qui se retourne sur hier, avant-hier, avec nostalgie, mansuétude et pourquoi pas un peu de regret tendre, émerveillé peut-être.(résilience? mais je n'aime pas ce mot)
Ce texte -là me parle, beaucoup.
J'apprécie la simplicité de celui ou celle qui se retourne sur hier, avant-hier, avec nostalgie, mansuétude et pourquoi pas un peu de regret tendre, émerveillé peut-être.(résilience? mais je n'aime pas ce mot)
Ce texte -là me parle, beaucoup.
obi- Nombre de messages : 553
Date d'inscription : 24/02/2013
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