Les petits pois
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Les petits pois
Ce n'est pas mon histoire, c'est celle de mon grand frère.
Il a six ou sept ans, et à table on lui sert
Une auge de petits pois
Toute grouillante de vers.
"Qu'est ce que tu as encore ?" s'écrie ma mère
"Tu vas nous faire le coup à chaque fois ?
Quel comédien !
Tu critiques tout, tu n'aimes rien !
Je te préviens, je ne céderai pas,
Tu n'auras droit à rien d'autre
Avant d'avoir fini ton plat."
"Très bien, faisons comme ça"
répond mon frère,
"Je préférerais mourir
Que de manger des vers"
"Des vers ?" s'esclaffe mon père,
"Quel cirque,
Ça te fera la viande !
Et maintenant arrête ton cinéma,
Dépêche-toi de manger et ne m'énerve pas."
Les parents rient, grondent, puis tempêtent
L'obligent finalement, fourchette après fourchette
Haut-le-cœur et larmes aux yeux
À finir son assiette.
Trente ans plus tard, tout le monde rit.
Ma mère les yeux au ciel : "N'importe quoi !
Ce que tu as pris pour des vers,
C'étaient les germes de petits pois"
"Je sais ce que j'ai vu" insiste-t-il,
"Ils bougeaient, c'était affreux,
Comme si je les avais encore devant les yeux"
Tout le monde rit de cette histoire
Il la raconte chaque année
Dans l'espoir qu'un jour, qui sait ?
On finisse par le croire.
Je serre sa main sous la table.
Je me fiche bien de savoir
Ce qu'il y avait dans les petits pois
Ce qui compte c'est l'effroi
Devant l'assiette grouillante
Les parents aux lèvres luisantes
(Sont-ils si monstrueux qu'ils y prendraient plaisir,
Mangeraient des asticots et voudraient t'en nourrir ?)
et qui ne comprennent rien.
N'ont jamais rien compris.
Plus encore que tout le reste,
Cela me terrifie.
Il a six ou sept ans, et à table on lui sert
Une auge de petits pois
Toute grouillante de vers.
"Qu'est ce que tu as encore ?" s'écrie ma mère
"Tu vas nous faire le coup à chaque fois ?
Quel comédien !
Tu critiques tout, tu n'aimes rien !
Je te préviens, je ne céderai pas,
Tu n'auras droit à rien d'autre
Avant d'avoir fini ton plat."
"Très bien, faisons comme ça"
répond mon frère,
"Je préférerais mourir
Que de manger des vers"
"Des vers ?" s'esclaffe mon père,
"Quel cirque,
Ça te fera la viande !
Et maintenant arrête ton cinéma,
Dépêche-toi de manger et ne m'énerve pas."
Les parents rient, grondent, puis tempêtent
L'obligent finalement, fourchette après fourchette
Haut-le-cœur et larmes aux yeux
À finir son assiette.
Trente ans plus tard, tout le monde rit.
Ma mère les yeux au ciel : "N'importe quoi !
Ce que tu as pris pour des vers,
C'étaient les germes de petits pois"
"Je sais ce que j'ai vu" insiste-t-il,
"Ils bougeaient, c'était affreux,
Comme si je les avais encore devant les yeux"
Tout le monde rit de cette histoire
Il la raconte chaque année
Dans l'espoir qu'un jour, qui sait ?
On finisse par le croire.
Je serre sa main sous la table.
Je me fiche bien de savoir
Ce qu'il y avait dans les petits pois
Ce qui compte c'est l'effroi
Devant l'assiette grouillante
Les parents aux lèvres luisantes
(Sont-ils si monstrueux qu'ils y prendraient plaisir,
Mangeraient des asticots et voudraient t'en nourrir ?)
et qui ne comprennent rien.
N'ont jamais rien compris.
Plus encore que tout le reste,
Cela me terrifie.
Floralyre- Nombre de messages : 33
Age : 31
Date d'inscription : 09/03/2020
Re: Les petits pois
J'aime beaucoup ce petit texte ! Bien amené est tellement juste. La toute-puissance parentale, ce n'est pas un mythe…
Le récit est tragi-comique, vif et implacable et la fin rend justice. Les rimes arrivent naturellement, mine de rien.
Bravo !
Le récit est tragi-comique, vif et implacable et la fin rend justice. Les rimes arrivent naturellement, mine de rien.
Bravo !
HELLION- Nombre de messages : 477
Age : 74
Date d'inscription : 19/08/2017
Re: Les petits pois
Merci Hallion pour ton commentaire, je suis contente que tu aies aimé :relaxed: !
À la relecture j'ai envie de changer un peu la fin, pour le rythme (et il y a d'autres passages sur lesquels j'aurai sûrement envie de revenir) :
Ce qui compte c'est l'effroi
C'est l'assiette grouillante
Et leurs lèvres luisantes
(Sont-ils si monstrueux qu'ils y prendraient plaisir,
Manger des asticots et vouloir t'en nourrir ?)
Ils ne comprennent rien.
N'ont jamais rien compris.
Plus encore que le reste
Cela me terrifie.
À la relecture j'ai envie de changer un peu la fin, pour le rythme (et il y a d'autres passages sur lesquels j'aurai sûrement envie de revenir) :
Ce qui compte c'est l'effroi
C'est l'assiette grouillante
Et leurs lèvres luisantes
(Sont-ils si monstrueux qu'ils y prendraient plaisir,
Manger des asticots et vouloir t'en nourrir ?)
Ils ne comprennent rien.
N'ont jamais rien compris.
Plus encore que le reste
Cela me terrifie.
Floralyre- Nombre de messages : 33
Age : 31
Date d'inscription : 09/03/2020
Re: Les petits pois
Super texte, bien formaté et rythmé. Je suis d'accord avec toi pour la fin, ta deuxième version est plus fluide.
Je suis contente de ne pas être passée à côté.
Je suis contente de ne pas être passée à côté.
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Les petits pois
Bien vu, bien dit. Toutefois je trouve que ce texte aurait plus sa place dans la rubrique prose.
Un épisode comparable est raconté par Marinette Arabian dans Verso 186
A vous d'aller voir la suite !
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J'ai cinq ans. Pour la première fois de ma vie, ma mère que j'adore, m'apparaît sous les traits d'une sorcière...
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danie- Nombre de messages : 147
Age : 73
Date d'inscription : 10/02/2020
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