Le baiser
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pestebec'o
Leila Zhour
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Le baiser
Embrasser…
Jeune, je n'aimais pas ça. Je n'avais connu que les baisers maternels doux et tranquilles et je n'aimais pas rencontrer des lèvres de l'autre.
J'ai pourtant appris à aimer les baisers. Plus encore, j'ai appris à embrasser, à exiger de l'être selon mon goût, selon mon plaisir.
Tout de même… c'est un drôle de mot car au fond, "embrasser", ce n'est que prendre dans ses bras. Et voilà qui s'agit tout au contraire de se saisir de l'autre du bout des lèvres ! Il y a là une absurdité qui ne manque pas de sel. Dans l'inaperçu, le baiser contenu dans "l'embrasser" de notre langue est bien plus évocateur d'éros qu'il ne semble au premier abord. Pas franchement érotique. Enfin… pas selon moi. Ce sont les gestes, les caresses, les mains, tous ces à-côtés pensés du baiser qui font l'érotisme du mot embrasser.
Lèvres qui embrassent sont à la fois légères et crues.
Légères parce que le geste presque furtif de la bouche est d'abord un effleurement, inhabituel contact, loin ô combien de la bise matinale au collègue qui éclate, sonore, rieuse, le matin de bonne heure. C'est différent… Un pincement qui n'en est pas un.
Crues, car il y a un appui qui insiste, oh, si peu ! Juste un contact disons, sur une chair fine et si tendre, si sensible, si disposée à sentir.
Embrasser, c'est cela.
Et puis, c'est revenir.
Je redépose mes lèvres sur les siennes, ou très près, peut-être juste à la commissure, cette frontière qui fait et défait les sourires.
Et je ressens son sourire comme personne ne le peut ressentir. Je reçois de sa bouche l'accord de tout son visage.
Parfois, ce sont ses lèvres qui viennent. Elles ausculteront les miennes. D'abord le pli juste sous l'arrondi puis, en cheminant au long de son rebord, galbe consentant, clos encore bien sur, mais si détendu… et, fatalement l’épaisseur discrète mais conciliante de la lèvre du haut qui cherche un petit peu, oui, il faut bien le dire, à se faire voir, elle aussi.
Sa bouche et la mienne se trouvent lentement. Très lentement, dans ce baiser multiple, caresses répétées à l'envi, jamais identiques et pourtant jumelles.
C'est affolant cette douceur à la périphérie d'une bouche qui, insensiblement, évoque d'autres saveurs.
Il faut céder un peu, avancer pour épuiser cette tension, mais c'est alors un autre monde qui se découvre. C'est l'entrée dans l'espace du désir, c'est embrasser l'aveu.
Je cède. Cela n'appuie pas, n'exige pas. Les mots "manger", dévorer", "saisir" n'existent plus pour. Je ne sais plus articuler que le baiser, l'invitation, le désir et derrière mes lèvres sonne l'accent léger de la langue, interrogative pourrait-on dire, d'une curiosité heureuse. Petit bout de langue contre l’autre. Frémissement qui ruisselle dans son dos dont je sais tout car il me vient le même, exactement le même, au long des mêmes cambrures.
Voilà. Je prononce une caresse en pointillé sur sa lèvre sans l'envahir jamais, sans surcharge ni rature pour revenir aussi dans un sourire au baiser de sa bouche close, juste pour le plaisir, pour lui laisser la main, si embrasser est affaire de bras et de mains…
Les lenteurs prennent doucement possession de nous, elles se glissent entre les pensée et règnent pour finir, car le baiser est souverain
Je consens. Ses lèvres, sa langue consentent. Il ne peut y avoir plus large rencontre et si parfois je me laisse glisser plus loin que la soie chaude de ses lèvres accordées, c'est sans effraction, c'est en invitée, jusqu'au tranchant des dents qui acquiescent, elles aussi.
"Embrasser" n'est pas si mal choisi pour désigner l'action douce mais têtue du baiser.
Mes bras l'enserrent et nous sommes si proches, si libres dans l'étreinte que nous nous embrassons jusqu'aux confins de nos horizons, dans une brassée de plaisirs.
"Je t'embrasse". Petite phrase anodine au bas des lettres. Mais c'est tant d'amour à apposer juste là, avant la signature. C'est effrayant, un peu…
Jeune, je n'aimais pas ça. Je n'avais connu que les baisers maternels doux et tranquilles et je n'aimais pas rencontrer des lèvres de l'autre.
J'ai pourtant appris à aimer les baisers. Plus encore, j'ai appris à embrasser, à exiger de l'être selon mon goût, selon mon plaisir.
Tout de même… c'est un drôle de mot car au fond, "embrasser", ce n'est que prendre dans ses bras. Et voilà qui s'agit tout au contraire de se saisir de l'autre du bout des lèvres ! Il y a là une absurdité qui ne manque pas de sel. Dans l'inaperçu, le baiser contenu dans "l'embrasser" de notre langue est bien plus évocateur d'éros qu'il ne semble au premier abord. Pas franchement érotique. Enfin… pas selon moi. Ce sont les gestes, les caresses, les mains, tous ces à-côtés pensés du baiser qui font l'érotisme du mot embrasser.
Lèvres qui embrassent sont à la fois légères et crues.
Légères parce que le geste presque furtif de la bouche est d'abord un effleurement, inhabituel contact, loin ô combien de la bise matinale au collègue qui éclate, sonore, rieuse, le matin de bonne heure. C'est différent… Un pincement qui n'en est pas un.
Crues, car il y a un appui qui insiste, oh, si peu ! Juste un contact disons, sur une chair fine et si tendre, si sensible, si disposée à sentir.
Embrasser, c'est cela.
Et puis, c'est revenir.
Je redépose mes lèvres sur les siennes, ou très près, peut-être juste à la commissure, cette frontière qui fait et défait les sourires.
Et je ressens son sourire comme personne ne le peut ressentir. Je reçois de sa bouche l'accord de tout son visage.
Parfois, ce sont ses lèvres qui viennent. Elles ausculteront les miennes. D'abord le pli juste sous l'arrondi puis, en cheminant au long de son rebord, galbe consentant, clos encore bien sur, mais si détendu… et, fatalement l’épaisseur discrète mais conciliante de la lèvre du haut qui cherche un petit peu, oui, il faut bien le dire, à se faire voir, elle aussi.
Sa bouche et la mienne se trouvent lentement. Très lentement, dans ce baiser multiple, caresses répétées à l'envi, jamais identiques et pourtant jumelles.
C'est affolant cette douceur à la périphérie d'une bouche qui, insensiblement, évoque d'autres saveurs.
Il faut céder un peu, avancer pour épuiser cette tension, mais c'est alors un autre monde qui se découvre. C'est l'entrée dans l'espace du désir, c'est embrasser l'aveu.
Je cède. Cela n'appuie pas, n'exige pas. Les mots "manger", dévorer", "saisir" n'existent plus pour. Je ne sais plus articuler que le baiser, l'invitation, le désir et derrière mes lèvres sonne l'accent léger de la langue, interrogative pourrait-on dire, d'une curiosité heureuse. Petit bout de langue contre l’autre. Frémissement qui ruisselle dans son dos dont je sais tout car il me vient le même, exactement le même, au long des mêmes cambrures.
Voilà. Je prononce une caresse en pointillé sur sa lèvre sans l'envahir jamais, sans surcharge ni rature pour revenir aussi dans un sourire au baiser de sa bouche close, juste pour le plaisir, pour lui laisser la main, si embrasser est affaire de bras et de mains…
Les lenteurs prennent doucement possession de nous, elles se glissent entre les pensée et règnent pour finir, car le baiser est souverain
Je consens. Ses lèvres, sa langue consentent. Il ne peut y avoir plus large rencontre et si parfois je me laisse glisser plus loin que la soie chaude de ses lèvres accordées, c'est sans effraction, c'est en invitée, jusqu'au tranchant des dents qui acquiescent, elles aussi.
"Embrasser" n'est pas si mal choisi pour désigner l'action douce mais têtue du baiser.
Mes bras l'enserrent et nous sommes si proches, si libres dans l'étreinte que nous nous embrassons jusqu'aux confins de nos horizons, dans une brassée de plaisirs.
"Je t'embrasse". Petite phrase anodine au bas des lettres. Mais c'est tant d'amour à apposer juste là, avant la signature. C'est effrayant, un peu…
Re: Le baiser
Doux, finement observé... mais un peu maniéré à mon goût, un peu précieux. Par exemple : "Et je ressens son sourire comme personne ne le peut ressentir." où l'inversion du verbe et du pronom complément me paraît inutile. En d'autres termes, j'aurais préféré (mais cela, bien sûr, c'est personnel) un style plus vigoureux, plus direct pour dire ce qu'il y a à dire.
Invité- Invité
Re: Le baiser
Un long baiser, très descriptif (à la limite du trop), mais on comprend que tu y ais pris goût.
Je me demandais même si celà n'allais pas tourner un peu "hot".
Mon homme qui lisait par dessus mon épaule à d'ailleurs été retenu (et il aime bien quand c'est hot). Il est reparti sans dire un mot...?
J'ai bien aimé, j'ai trouvé ça doux.
(Oups, j'avais pas vu que socque avais utilisé le même adjectif, mais je garde)
Je me demandais même si celà n'allais pas tourner un peu "hot".
Mon homme qui lisait par dessus mon épaule à d'ailleurs été retenu (et il aime bien quand c'est hot). Il est reparti sans dire un mot...?
J'ai bien aimé, j'ai trouvé ça doux.
(Oups, j'avais pas vu que socque avais utilisé le même adjectif, mais je garde)
pestebec'o- Nombre de messages : 38
Age : 53
Date d'inscription : 04/02/2008
Re: Le baiser
moins réussi qu'ALLER, je trouve, principalement à cause du mélange du général (que je préfère : "Lèvres qui embrassent sont à la fois légères et crues...C'est effrayant, un peu…" ) et du particulier ("Il ne peut y avoir plus large rencontre et si parfois...Frémissement qui ruisselle dans son dos", etc., et je rejoins pestebec'o dans ce particulier "trop descriptif".
Re: Le baiser
yep.
C'est aussi l'impression que j'ai eu à la relecture. Je crois qu'en fait, c'est un peu trop long, et il y a encore trop de mots. à retravailler donc...
merci de vos avis !
C'est aussi l'impression que j'ai eu à la relecture. Je crois qu'en fait, c'est un peu trop long, et il y a encore trop de mots. à retravailler donc...
merci de vos avis !
Re: Le baiser
Jolie "étude" écrite et non verbale sur un verbe à l'étymologie trompeuse
tu en as fait un beau texte
tu en as fait un beau texte
Re: Le baiser
En fait, ce n'est pas vraiment l'étymologie qui est trompeuse, car pendant longtemps on embrassait beaucoup avec les bras et on baisait avec la bouche. Ce verbe a évolué dans le domaine sexuel et on a voulu, en particulier, lever les doutes, en utilisant embrasser, car, quand on embrassait avec ses bras, on donnait souvent un baiser en même temps. Il n'y a pas beaucoup de certitudes établies dans le domaine étymologique, ce sont là seulement des éléments de réponse.
Re: Le baiser
je comprends bien que tout cela est lié à l'évolution des moeurs, quand je disais trompeuse c'est justement à cause de cette évolution
c'est toujours intéressant ces petites infos sur notre langue, j'adore ça (langue... sans jeu de mots !!)
c'est toujours intéressant ces petites infos sur notre langue, j'adore ça (langue... sans jeu de mots !!)
Re: Le baiser
Qui trop en brasse...Leila Zhour a écrit:et il y a encore trop de mots.
Non, c'est bien plaisant, oui, peut-être un peu long, mais il y a des baisers dont on se défait avec peine, alors...
à tchaoum- Nombre de messages : 612
Age : 74
Date d'inscription : 06/05/2007
Re: Le baiser
J'ai regretté l'absence d'une pointe d'humour, par exemple Charlotte qui s'approche du haut de ses 5 ans et qui dit beurk!
:-)
:-)
Invité- Invité
Re: Le baiser
Je préfère ALLER à EMBRASSER, que je trouve moins abouti. Il me semble que ce texte évacue également quelques notions liées au terme embrasser qui ne se limite pas au baiser sur la bouche, mais bon, je comprends qu'il fallait faire un choix.
Une narration un brin trop longue et trop descriptive, qui chasse le pouvoir de la suggestion et de l'évocation, dommage, mais tout cela reste cependant doux et poétique, empreint d'une beauté certaine.
Une narration un brin trop longue et trop descriptive, qui chasse le pouvoir de la suggestion et de l'évocation, dommage, mais tout cela reste cependant doux et poétique, empreint d'une beauté certaine.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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