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Une histoire Stéphanoise (reprise) Beauseigne !

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Message  Yali Jeu 2 Fév 2006 - 11:19

L’histoire se passe en 1928, sur la première ligne de chemin de fer française reliant Saint-Étienne à Andrezieux (Loire). En ce temps-là, le Gaga, — entendez par là « le Stéphanois » — et la Gagasse, — entendez par là « la Stéphanoise »— parlaient le Gaga. Ce n’était pas vraiment un patois, mais plutôt une altération de la langue Française. Bref, le premier texte est en Gaga, mais si vous avez des problèmes de compréhension, passez au second, il est en français.



Beauseigne…


Elle avait le cœur gonfle la Gagasse, limite à pleurer là, sur son bout de voie ferrée. Acagnée à l’accotement, elle fouillait fébrilement sa basane en quête d’un tire-jus dans lequel, maintenant c’était sûr, elle allait déverser sa peine à grosses larmes. Elle le trouva, jeta un œil agacé sur sa biche pleine. Dix litres qu’il lui faudrait charrier jusqu’à la gare d’Andrezieux à présent qu’elle avait loupé la charrette à rail*. Sûr qu’y avait de quoi faire la bobe. Surtout que, elle l’avait loupé de peu. Elle arrivait que, quand la charrette à rail disparaissait au loin.
Elle s’adressa un « Beauseigne » qui lui était tout entier destiné, sécha ses larmes, se moucha, puis elle se releva sans entrain. Elle était mouillée de chaud, coufle de tristesse, mais bon, fallait prendre sur soi, se dépatouiller, et avancer pour ne pas arriver à point d’heure.
Cheminant entre les rails, biche à bout de bras, la Gagasse se mit à broger.
L’aller-retour lui prendrait l’après-midi, sûr, et c’était pas pour lui faire plaisir. Oui, parce que fallait dire que dès qu’elle s’absentait de la ferme, tout allait bisagoin. Ô bien sûr, elle se plaignait pas, surtout que, passé un temps, la mère, paix à son âme, l’avait copieusement prévenue. « Si tu le maries ce badabeu, ce velléitaire, t’auras que des ennuis ma fille, que-des-en-nuis ! Allons, tu ferais mieux de te décarrucher un bravounet amiteux, honnête et travailleur, plutôt qu’un bassoile qui pense qu’à courater la gambelle et à faire pampille pour fioler. Cafi d’ennuis tu seras, je te le dis, et t’auras pas assez d’une vie pour le regretter. Bichette.»
Seulement, n’est ce pas, quand on était achinée comme elle l’était, ben on zieute pas l’avenir de la même façon, l’avenir, on se le voit comme qui dirait : in-di-ci-ble.
Se disant ça, elle s épongea le front de son tire-jus, le rangea quelque part dans son soutien-gorge, puis d’un coup d’œil mesura le trajet qu’il lui restait à parcourir, — un bon kilomètre — envoya un « Fouilla » plaintif au Bon Dieu et forcit la marche.
Fallait dire aussi que passé un temps, il était franc costaud le Raymond, et franc beau avec ça, et qu’elle, la première fois qu’il lui avait souri, elle en était restée tout ébaudie. Elle s’en souvient très bien de ce jour-là. C’était un dimanche après la messe, il faisait un cagnar de tous les diables et tous avaient été se désaltérer chez la Louise parce que tous taraudaient à sec. Et c’était pas un dimanche de tous les jours parce que ce dimanche-là, les baveux** s’affrontaient dans l’arrière-salle. Alors, discrètement, elle avait abandonné la table des babilleries pour aller se glisser parmi les supporters.
La partie avait été serrée, mais au final et godet en pogne, le Raymond triomphait. Et c’est à quand que leurs regards s’étaient mélangés, à quand qu’elle avait su que ce serait celui-là et pas un autre. Et le Raymond, lui qu’était pas zazieu et beau causeur, ben, il l’avait entreprise avec empressement.
La Gagasse s’accorda une seconde pause, s’accassa pour souffler, roqueta un peu.
En bout de voie là-bas, la cagna de la gare d’Andrezieux semblait lui tendre les bras. Elle cueillit un barabant et en mâchonna la tige histoire de se mouiller les lèvres.
C’est vrai qu’elle aurait mieux fait d’écouter la mère, si elle l’avait fait, elle serait pas là estrapanée par la vie à quiner après la malchance.
Elle secoua la bobine, adressa un autre « Fouilla » au Bon Dieu, puis, plus malheureuse que jamais, elle reprit sa marche, bidon de lait dans les bras.
Ça avait pas été la desembellie de suite, bien sûr. Tu parles que ce mazot de Raymond avait bien caché son jeu jusqu’au mariage, mais après, dès qu’ils eurent été en ménage, force avait été de constater que tous les jours apegeaient leurs quatre vérités, et tous les quatre matins encore.
Le belet s’était vite fait loup faignasse.
Il se levait à point d’heure, se sifflait une débeloise pleine parce que bien sûr, il avait la lourde de la veille, ensuite s’il se réapplatait pas dans le lit, il prêtait un peu la main à la ferme jusqu’aux coups de midi, puis, il disparaissait faire pampille avec mauvaise engeance et compagnie. Et elle, pendant qu’il piaillait, se fiolait ou couratait la mignonne, elle trimait pour deux trois sous qu’en plus, elle devait planquer parce que ce foutreau était rapias comme pas permis.
Elle avait bien essayé de le changer ! Mais allez changer le diable… Vois-tu, l’autre soir qu’elle en avait plus qu’assez, elle l’avait enfermé dehors alors qu’il arrivait que. Il était plus caillé que jamais et avait dégouèmé partout dans la cour. Et elle, elle avait tenu bon derrière sa porte close tandis qu’il affortissait des « J’recommencerais plus. Juré. ». Il aurait pu rester coucher la nuit dehors et dans la froidure, et même y crever qu’elle lui aurait pas ouvert. Seulement… Seulement tout caillé qu’il était, il avait réussi à entrer par le cafuron de la cuisine et à lui coller une bonne trempe « Pour lui apprendre le respect ! ». Elle en portait encore les cagnes, le coissou, pareil.
Le lendemain, elle avait bien fait semblant de se rabibocher, semblant de pardonner, seulement… Il est des choses dans la vie qui peuvent pas le faire.
Enfin tout ça, c’est mots et compagnie se dit la Gagasse en entrant que, en gare d’Andrezieux. Puis elle se dit aussi qu’elle ferait bien de pas oublier le pain, sinon, il allait lui en cuire, et aussi, qu’elle essaierait bien ce produit-là… Comment donc que ça s’appelait déjà ? L’arse… ? L’arsecnic ? L’arsenic voilà.
Paraîtrait qu’achiné à du sucre et du café, ça faisait des miracles l’arsenic ?!

* Les wagons étaient alors tirés par des chevaux.
** Joueurs de sarbacane, sport Stéphanois, hé oui !



La pauvre…


Elle avait le cœur gros la Stéphanoise, limite à pleurer là, sur son bout de voie ferrée. Assise à même l’accotement, elle fouillait fébrilement son tablier en quête d’un mouchoir dans lequel, maintenant, c’était sûr, elle allait déverser sa peine à grosses larmes. Elle le trouva, jeta un œil agacé sur son bidon de lait plein. Dix litres qu’il lui faudrait charrier jusqu’à la gare d’Andrezieux maintenant qu’elle avait loupé la charrette à rail*. Sûr qu’y avait de quoi faire la tronche. Surtout que, elle l’avait loupé de peu. Pile quand elle arrivait, la charrette à rail disparaissait au loin.
Elle s’adressa un « Pauvre… » qui lui était tout entier destiné, sécha ses larmes, se moucha, puis elle se releva sans entrain. Elle était en nage, ivre de tristesse, mais bon, fallait prendre sur soi, se remuer, et avancer pour ne pas arriver à point d’heure.
Cheminant entre les rails, bidon à bout de bras, la Stéphanoise se mit à réfléchir.
L’aller-retour lui prendrait l’après-midi, sûr, et c’était pas pour lui faire plaisir. Oui, parce que fallait dire que dès qu’elle s’absentait de la ferme, tout allait de travers. Oh bien sûr, elle se plaignait pas, surtout que, jadis, la mère, paix à son âme, l’avait copieusement prévenue. « Si tu le maries ce niais, ce velléitaire, t’auras que des ennuis ma fille, que-des-en-nuis ! Allons, tu ferais mieux de te trouver un brave homme, aimant, honnête et travailleur, plutôt qu’un bavard qui pense qu’à courir les filles et le bistrot pour boire jusqu’à plus soif. Pleine d’ennuis tu seras, je te le dis, et t’auras pas assez d’une vie pour le regretter. Ma pauvre….»
Seulement quand on était amoureuse comme elle l’était, ben on voyait pas l’avenir de la même façon, l’avenir, on se le voyait, comme qui dirait comme : in-di-ci-ble.
Se disant ça, elle s épongea le front de son mouchoir, le rangea quelque part dans son soutien-gorge, puis d’un coup d’œil mesura le trajet qu’il lui restait à parcourir, un bon kilomètre, envoya un « Fouilla » plaintif au Bon Dieu et forcit sa marche.
Fallait dire aussi que jadis, il était costaud le Raymond, et beau avec ça, et qu’elle, la première fois qu’il lui avait souri, elle en était restée médusée. Elle s’en souvient très bien de ce jour-là. C’était un dimanche après la messe, il faisait un soleil de tous les diables et tous avaient été se désaltérer chez la Louise parce que tous avaient soif. Et c’était pas un dimanche de tous les jours parce que ce dimanche-là, les joueurs de sarbacane** s’affrontaient dans l’arrière-salle. Alors, discrètement, elle avait abandonné la table des conversations pour aller se glisser parmi les supporters.
La partie avait été serrée, mais au final et verre en main, le Raymond triomphait. Et c’est à ce moment-là que leurs regards s’étaient croisés, à ce moment-là qu’elle avait su que ce serait celui-là et pas un autre. Et le Raymond, lui qu’était pas aveugle et beau parleur, ben, il l’avait courtisée avec empressement.
La Stéphanoise s’accorda une seconde pause, s’accroupit pour souffler, toussa un peu.
En bout de voie là-bas, la cabane de la gare d’Andrézieux semblait lui tendre les bras. Elle cueillit un pissenlit, et en mâchonna la tige histoire de s’humecter les lèvres.
C’est vrai qu’elle aurait mieux fait d’écouter la mère, si elle l’avait fait, elle serait pas là, éclopée par la vie à pleurnicher après la malchance.
Elle secoua la tête, adressa un autre « Fouilla » au Bon Dieu , puis, plus malheureuse que jamais, elle reprit sa marche, bidon de lait dans les bras.
Ça avait pas été la déconvenue de suite, bien sûr. Tu parles que ce fou de Raymond avait bien caché son jeu jusqu’au mariage, mais après, dès qu’ils eurent été en ménage, force avait été de constater que tous les jours assénaient leurs quatre vérités, et tous les quatre matins encore.
L’agneau s’était vite fait loup fainéant.
Il se levait tard, se sifflait une cafetière pleine parce que bien sûr, il avait la gueule de bois de la veille, ensuite s’il s’écroulait pas dans le lit, il aidait un peu à la ferme jusqu’aux coups de midi, puis il disparaissait au bistrot avec racaille et compagnie. Et elle, pendant qu’il parlait, se saoulait ou courait les filles, elle trimait pour deux trois sous qu’en plus, elle devait planquer parce que cet obsédé était radin comme pas permis.
Elle avait bien essayé de le changer, mais allez changer le diable. Tiens, l’autre soir qu’elle en avait plus qu’assez, elle s’était enfermée alors qu’il arrivait pile. Il était plus ivre que jamais et avait vomi partout dans la cour. Et elle, elle avait tenu bon derrière sa porte close tandis qu’il prononçait avec insistance des « J’recommencerais plus. Juré ! ». Il aurait pu rester coucher la nuit dehors et dans la froidure, et même y crever, elle lui aurait pas ouvert. Seulement, tout saoul qu’il était, il avait réussi à entrer par la petite fenêtre de la cuisine et à lui coller une bonne trempe « Histoire de lui apprendre le respect. ». Elle en portait encore les ecchymoses, le petit dernier aussi.
Le lendemain, elle avait bien fait semblant de se réconcilier, semblant de pardonner, seulement… Il est des choses dans la vie, que l’on n’accepte pas.
Enfin tout ça, c’est causerie et compagnie, se dit la Stéphanoise en arrivant enfin à la gare d’Andrézieux. Puis elle se dit aussi qu’elle ferait bien de pas oublier le pain, sinon il allait lui en cuire, et aussi, qu’elle essaierait bien ce produit-là… Comment donc que ça s’appelait déjà ? L’arse… ? L’arsecnic ? L’arsenic voilà.
Paraîtrait que mélangé à du sucre et du café, ça faisait des miracles : l’arsenic ?!

* Les wagons étaient alors tirés par des chevaux.
** Sport Stéphanois, hé oui !

Yali

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Message  Yali Jeu 2 Fév 2006 - 11:22

En réponse à Nothingman, même si ce texte est issu d'un exercice déjà lointain :-)

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Message  Nothingman Jeu 2 Fév 2006 - 11:52

Pas mal non plus Yali! -) Après avoir lu la traduction je vois que j'avais compris le sens général du texte mais que certains mots patoisants, forts différents de leur traduction, me sont passés au-dessus. Mais agréabkle ce genre d'exercice, ça oui!
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Message  mentor Jeu 2 Fév 2006 - 13:51

A peu près comme Not, sauf quelques mots que j'aurais jamais devinés, ou d'autres que j'utilise aussi (tire-jus).
Sinon, c'est pas mal du tout. Je savais même pas qu'il existait un patois précisément de ce coin-là. Mais la métropole m'étonnera toujours.
C'était quoi les contraintes de l'exo ??

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Message  Lyra will Mer 22 Fév 2006 - 12:19

Moi non plus je savais pas qu'on parlait Gaga :0)
Là aussi, compris le sens général, mais c'est vrai que certains mots, faudrait une traduction (ça tombe bien, on l'a !) marrant de voir finalement tout ce qu'il pouvait (et peut encore) y avoir de versions différntes pour une même langue ! Sympa Yali, cette histoire Stéphanoise ;0)
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Message  Krystelle Mer 22 Fév 2006 - 16:26

Je note quelques jolies expressions Gaga que je ne risquerai pas à placer dans un dîner:
décarrucher un bravounet
estrapanée par la vie
courater la gambelle
faire pampille


C'est amusant à lire. Le langage se tord et s'altère d'une drôle de manière parfois...

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