Rahan : à la carte (2 sur 6)

Pour Kilis


Rahan se réveilla avec une sale impression, chercha le réveil matin d’une main ensommeillée, se dit que non, que c’était idiot, que point de réveil matin n’existait en cette année 2067 avant J.C., et pour cause, Rahan ne l’avait pas encore inventé. Puis, Rahan pensa aiguilles, talons allant avec, et, sous une lanière de cuir un petit coin de chair si fine si délicieusement ombrée que… mais se souvint que c’était interdit, alors Rahan tacha — sa peau de bête — de ne plus y penser.
Après ça Rahan se leva de son lit de pierre pour s’en aller chercher des poids et altères avec lesquels, consciencieusement, il explosa la gueule à quelques noix histoire de petit-déjeuner.
Rahan était prêt !
Évidemment, ça lui parut curieux de ne pas se souvenir pourquoi le casse-noix avait ces formes-là, mais qu’importait, ce jour était un grand jour, il en était certain, le sentait…
Pourquoi au fait ?
Non, parce qu’à bien y réfléchir, Rahan était puni, privé de jolie fille et de bistrot comme déjà dit et maintes fois répété, et depuis l’invention de la brouette pas Japonaise : consigné à demeure.
Adonc, qu’allait faire Rahan de sa journée ?
Il y réfléchit profondément, c’est-à-dire que de la pointe de son coutelas d’ivoire, il se gratta les côtes un long moment.
Or, à force de grattements, une pensée prit forme, loin là-bas dans le fond des âges farouches de sa caboche, prit forme pour, peu à peu se faire concept : et si Rahan, puisque privé du monde, se le réinventait ledit monde ?! Pas mal ça, d’autant que, faute de techniques adéquates, faute d’intrépides aventuriers, le monde pour l’instant se résumait à trois fois rien : quelques cavernes sur flanc de colline dont certaines étaient les piaules de quelques bestioles particulièrement voraces, et puis, et puis… et puis c’était à peu prés tout.
Mais sûrement qu’ailleurs vivaient quantités de ceux qui-marchent-debout et beaucoup d’autres bestioles voraces.
Faudrait communiquer, se dit Rahan.
Conséquemment, Rahan se dit qu’il fallait d’urgence inventer la poste, l’adressage et, bien entendu le code postal afin que le facteur se fasse pas becter tous les 4 matins.
Inventa au passage le facteur de risque, donc.
Puis se regrattant les côtes, Rahan s’interrogea sur sa place dans l’univers, non parce que c’était bien beau d’inventer le service postal mais pour que ça marche fallait-il encore savoir où l’on se trouvait exactement.
Alors frénétiquement et à même le sol de son antre, du bout de la pointe de son coutelas Rahan jeta les premières bases de la géodésie, celles de la planimétrie, Rahan se fit tour à tour topographe, cartographe… Fit tout ça avec dans la bouche une envie de… de quoi ?
Qu’importait pour l’instant car le monde prenait forme sous ses yeux, ici un océan, là un désert, plus loin de vastes plaines…
Rahan s’interrompit souvent la bouche pâteuse
… Et encore plus loin la colline où il créchait depuis l’enfance.
Très pâteuse, et toujours cette envie en bouche.
Puis Rahan planta son coutelas pile à l’endroit où il se trouvait, c’est-à-dire fort logiquement pile à l’endroit où il résidait, puis se recula pour se faire une idée.
C’était vraiment un très petit pays son chez lui, l’un des plus petits de tous en vérité. Son nom ? Rahan n’en savait rien, car si Rahan lavait écrit en toutes lettres, Rahan n’avait pas encore inventé la méthode assimile, était donc dans l’incapacité de se lire.
— Alors ? fit le Sorcier passant par là.
Rahan devant l’énigme se regratta les côtes assidûment, réfléchit longtemps puis dit :
— Je ne saurais savoir où nous kotons exactement, mais j’ai fort envie de boire un truc amer, blond, et avec des bulles dedans.

Ahah! C'est "Kotons" c't'épisode, Yali !
Coton bien tissé et coton qui me va.
Ami des âges farouches, merci.

La série continue et c'est tant mieux! Un épisode jouissif, une chute vraiment bien amenée, c'est drôle et fin; enfin pour la finesse, juste une réserve sur "tacha — sa peau de bête — de ne plus y penser" (quoique très joli zeugme) et "Inventa au passage le facteur de risque", c'est drôle, mais moins fin :))

Le mythe est de plus en plus bouffé par les mites...jolie texte une nouvelle fois...et pourtant j'aime bien les textes noires et mélancoliques...

Un truc: t'es complètement taré et je dois avouer à ma grande honte que j'adore ça! C'est toujours un régal de te lire et de se demander: "mais qu'est-ce qu'il va encore nous inventer celui-là??".C'est du tout bon

Très drôle Yali. J'ai lu ce texte avec constamment dans la tête la voix off de Chrles Berling. La voix off- du documentaire L'odyssée de l'espèce qui raconte la vie des contemporains de Rahan. Et ça le fait. Un texte très... inventif!

Ha ha ha Rahan philosophe maintenant! Un tout bon texte yali, de l'humour, une belle écriture et un contenu pas dénué du tout d'intérêt!

Z'êtes fous. ;o) Bien ri, encore, moi! Un texte construit comme il faut, et en plus, Rahan nous donnerait presque l'impression d'être intelligent. Je commence à l'aimer, tiens. ;o)