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La jeune fille et la montagne (roman)

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La jeune fille et la montagne (roman) - Page 2 Empty Re: La jeune fille et la montagne (roman)

Message  Invité Jeu 17 Juil 2008 - 6:19

Suspense....
Beaucoup de choses à dire sur cette série de textes que je découvre un peu tard.
Tout d'abord une ambiance, un monde qui, tel que le narrateur le décrit, sans vrais repères spatiaux ou temporels, n'est pas sans rappeler Les saisons de Maurice Pons. J'ai ressenti à la lecture de ces textes une espèce de "sagesse", de philosophie de la vie qui me plaisent bien :
Qui est conscient de ses faiblesses utilise mieux ses forces.
Ensuite les personnages, auxquels on s'attache, même si on ne comprend pas immédiatement comment ils sont tous reliés entre eux, on attend que les pièces du puzzle se mettent en place. Des personnalités fortes, des physiques marquants, des particularités amusantes, très réussi.
Et pour finir, l'écriture que, à part quelques maladresses ici et là, je trouve fluide, élégante, inventive parfois, un vrai plaisir de lecture.
Seul point "négatif ", sur la construction de l'intrigue : il m'a semblé observer un décalage entre le début du récit où le village est décrit comme un lieu paradisiaque, et la fin, à partir du retour de Pior, où l'on ressent de la part de 2 personnages comme une méfiance à la fois pour le lieu et certains de ses habitants. Ceci dit, il s'agit ici d'un point mineur qui ne nuit pas au plaisir de la lecture, un décalage qui s'expliquera sans doute par la suite. Bravo.

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La jeune fille et la montagne (roman) - Page 2 Empty Re: La jeune fille et la montagne (roman)

Message  kazar Mer 23 Juil 2008 - 14:35

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Bagil n’y avait cru qu’à moitié mais c’était finalement arrivé. Les textes étaient pourtant clairs, maintenant qu’il y repensait. Il avait vécu dans le silence depuis toujours, préservant les autres de tout ce qu’il savait –et qui était si lourd à porter. Il avait attendu que les prédictions se réalisent, sans vraiment y accorder le crédit mérité. Et voilà. Le Traverseur, le Secret, l’Enfant, les Gardiens et lui-même. Tous étaient là, prêts à jouer la pièce de leur vie. Prêts à ouvrir à nouveau les livres d’histoire, à y laisser d’autres traces que celles des Anciens. La métamorphose guettait le Village, qui se réveillerait bientôt grandi comme un papillon. C’était excitant. Une page immense allait être tournée. Tout allait prendre une autre saveur, s’habiller de mille étoiles et scintiller à en faire pleurer les yeux les plus blasés. Il faudrait faire face au renouveau. Apprendre, comprendre, changer. Le chantier serait titanesque, et demanderait tant d’efforts !
Ça prendrait du temps, bien sûr. On ne pourrait pas demander aux gens de tout accepter, comme ça, en un battement de cils. Mais ça en vaudrait la peine. Arrive un jour où il faut faire face à son destin. L’intelligence, c’est aussi être capable de dénouer ses certitudes pour s’en tresser de nouvelles. Nul doute que les habitants du Village seraient à la hauteur.
Le Traverseur savait, désormais ; il allait tout révéler. Bagil s’assit. Les cachotteries du couple murmuraient au loin. Le Soigneur allait avoir des choses à expliquer, lui aussi.

******
******


« Tu as raison, certaines choses sont fausses. »

Mahiya s’était levée. Mains dans le dos, elle se tenait devant la fenêtre. Elle se tourna vers Nao.

« Ou plutôt, elles sont maquillées. Dissimulées. »

La jeune fille essayait de calmer son cœur ; il battait la chamade, galopait en elle, accélérait sa respiration. On aurait dit qu’il était encore plus excité qu’elle.

« Ce Village a plus de deux mille cycles. »

Impossible ! Ce chiffre ne représentait rien, il était aussi inaccessible que les montagnes sous l’horizon. Combien de générations s’étaient-elles succédé ici ? Combien d’yeux avaient-ils vu la Vallée Blanche ? A combien de vies la Mer de Nuages avait-elle servi de tombeau ?

« Il a été fondé par les vrais Ancêtres. Pas ceux des livres, non. Ceux qui venaient de l’Extérieur. »

Ecouter. Avec attention.

« Ils ont gravi cette montagne et ont bâti les premières maisons. Avant eux, il n’y avait pas de Vallée interdite, de Rivière maudite, de nuages immobiles. »

Une Rivière maudite ??

« Ils sont arrivés à quelques centaines. Ils avaient fait le plus grand voyage que l’on peut imaginer, petite. Des lunes de marche à travers les forêts, les champs, les plaines et leurs vases stagnantes. Ils avaient traversé des étendues d’eau qu’un seul regard ne pouvait totalement embrasser ; des océans, des mers –voilà pour les noms, autant de merveilles plus profondes que la nuit et qu’aucun Villageois n’a jamais vues depuis. Ce sont des eaux vivantes, tantôt calmes comme l’huile des bougies, tantôt plus déchaînées qu’un monstre mousseux, hurlant sa rage bouillonnante. Ce sont comme des miroirs infinis qui éclatent la lumière en des kyrielles de petits grains et que l’on parcourt, à la force du vent, sur des embarcations faites de bois et de tissu. Il y vit tant de poissons, sous tant de formes, de tailles et de couleurs différentes qu’il faudrait l’Eternité pour les compter tous. Rien à voir avec les ombles de notre ruisseau ! » La vieille, exaltée, continua : « Les Anciens, donc, avaient parcouru le monde. Ils avaient fui. Car, pour une raison ou une autre, le peuple dont nous descendons avait été choisi pour protéger un Trésor et lui offrir un abri, loin des Autres et de leur folie.
« On a oppressé, torturé, pillé pour voler ce Trésor et le faire disparaître. Des innocents ont été tués dans des guerres idiotes. Ce Joyau est une grande force –incommensurable, même– mais aussi la plus grande faiblesse de notre histoire. Il attise la jalousie, les rivalités, et divise les esprits ; il traîne malgré lui l’âme vers ce qu’elle a de plus sombre et manipulateur, comme la cupidité ou la soif de domination. On a voulu l’exploiter, l’utiliser comme un vulgaire outil, tirer profit de ses pouvoirs. On a répandu en son nom la mort et la désolation ; tu comprends bien qu’il fallait l’éloigner des malveillants.
« Les Anciens avaient le conflit en horreur ; ils évitaient la confrontation à tout prix et acceptaient de ne pas transformer leur tristesse en haine stérile. Les Autres les harcelaient, menaçants, intolérants, désirant leur ôter un droit fondamental : la pensée libre. Mais ils n’ont jamais répliqué, bien qu’ils possédaient de quoi repousser leurs ennemis. Ils pensaient qu’en répondant par la force, ils deviendraient aussi mauvais qu’eux.
« La philosophie tenait une grande place à leur époque ; la recherche du savoir, la poursuite de l’essence des choses, de l’absolu, voilà ce qui rendait nos Ancêtres différents. Ils débattaient longuement, s’interrogeaient sur le Trésor qui leur avait été confié, espérant y découvrir des réponses au Monde. Ils avaient trop d’avance, étaient trop érudits. La paix, le dialogue, la considération de l’autre, l’amour aussi, étaient des convictions peu adaptées à ces temps d’obscurantisme.
« Un beau jour pourtant, las de cette violence incessante et de l’avenir qui s’assombrissait, ils sont partis pour de bon. Le Trésor le leur permettait. L’imposait en même temps. Ils ont assumé leur destin, et se sont exilés vers l’Est avec les persécuteurs sur les talons.
« Nos Ancêtres ont perdu beaucoup des leurs dans ce périple. Malgré tout, ils n’ont jamais utilisé les pouvoirs du Trésor avant d’arriver ici, au pied de notre montagne. Ils le respectaient trop –le redoutaient, plutôt– pour s’en servir à tort. Les Autres ne s’étaient pas fatigués ; ils jetaient toutes leurs forces dans la poursuite, certains, fous comme ils l’étaient, que la démesure paierait. Ils étaient des milliers et plus encore, et sacrifiaient leur dignité, leur intelligence, leur condition d’êtres humains, dans une flambée de sauvagerie. Il s’en fallut de peu pour que tout bascule ; le Trésor faillit être perdu ! On fut forcé de l’utiliser, sous peine de courir à la catastrophe. »

Elle s’arrêta et jaugea Nao. La petite essayait de comprendre.

« Les Anciens ont isolé la montagne : le Trésor a créé une rivière infranchissable, arrachée à la Terre dans un fracas assourdissant ; un rempart absolu contre le reste du monde, sans fond, affamé, qui avale les âmes de tout ce qui essaye de le traverser. Le Protégé a ensuite façonné une vallée repoussante, sombre et froide, pleurant la tristesse de cette histoire, et l’a recouverte, comme pour l’oublier, d’une Mer de Nuages immobile. Les Autres ont très vite abandonné… La Rivière maudite a englouti les nageurs, les embarcations, les chevaux et leurs cavaliers. Elle a dévoré les autres, aussi ; ceux qui ont tenté de construire des ponts, ou de relier les rives avec du cordage. Tout ce qui passait dans ou au-dessus de l’eau disparaissait en elle. Ce fut une libération, une renaissance : notre peuple était hors de danger.
« Ensuite, il a fallu vivre. Trouver un endroit où s’installer, et s’adapter. Et pour cela, les rescapés ont convenu avec le Protégé de la nécessité de cacher la Vérité. Non pas pour l’oublier, ou parce qu’ils en avaient honte, mais pour préserver une quiétude qu’ils savaient alors impossible ailleurs. Leur Jardin et le Secret qu’il renfermait devaient se faire discrets. Devenir une fable, une comptine pour enfants. Les Ancêtres avaient une double mission : protéger leurs descendants, et défendre le monde contre lui-même. Contre ce Trésor si précieux mais tellement dangereux. Et pour cela, on a raconté de belles histoires. Le temps a fait le reste. Les légendes sont devenues ce qu’elles sont, et ceux qui savent, les Gardiens, sont peu nombreux. »

Ainsi donc la vieille savait. Nao comprenait maintenant son air énigmatique. Elle demanda :

« Le Trésor…qu’est-ce que c’est ? »

La vieille haussa les sourcils :

« Il est la plus grande richesse du Village » répondit-elle avant d’enchaîner :

« - Il est celui par qui tout est arrivé.
- C’est un livre ?
- Non.
- Une arme ?
- Non plus.
- Un Ancêtre ?
- Pas vraiment.
- De la magie ?
- Ça y ressemble, sans en être réellement.
- Mais alors, qu’est-ce que c’est ? » implora l’adolescente.

Mahiya souffla.

« C’est un Dieu, ma petite. »

Nao ne connaissait pas ce mot. Personne ne connaissait ce mot. Il fallait le lui expliquer :

« Un Dieu est un Être suprême. Capable de tout. Il est le Monde, il est la Vie. Il n’a pas de début et pas de fin. Il est cette Unité dont tu m’as parlé il y a peu ; l’absolue clarté du Tout, la raison et le but de chacun. Il est en chaque chose. Celui dont tu n’as pas besoin de dire le nom pour le rendre réel. »

Insensé. Tout ce que la jeune fille vivait était insensé.

« C’est un Villageois ? »

Mahiya s’éclaircit la gorge.

« - En quelque sorte.
- Donc, s’il n’est pas mortel, il est encore parmi nous ?
- Ce n’est pas une bonne question. Il n’a jamais cessé de l’être. Il ne peut pas être réduit à des limites de temps ou d’espace ; sa réalité est bien au-delà de notre esprit, inimaginable, incompréhensible. Les corps qu’il emprunte ne sont que des moyens, des vecteurs, pour se rendre accessible à nous.
- Est-il dans un corps en ce moment ? (L’adolescente s’impatientait.)
- Tu vas bien trop vite, jeune fille. Cela fait longtemps qu’il n’a plus pris chair.»

Nao ramassait les débris de cette conversation pour les rassembler en une forme qu’elle ignorait, les doigts englués de consternation. Alors comme ça, certains Villageois avaient toujours su qu’on envoyait les Traverseurs à la mort. On faisait semblant. On mentait. Pourquoi ?

« - Parce que la tradition de la Traversée a une origine peu claire. Il semblerait que certains d’entre nous, il y a fort longtemps, aient voulu retourner au Monde plus vite que prévu. Le Secret avait été oublié par les nouvelles générations, et ses Gardiens n’ont pu s’opposer à l’éclosion de cette coutume.
- Et qu’est-ce qui était prévu ?
- Ce qui vient d’arriver. Le Retour de Pior. »

Il y avait tant de questions à poser, de mystères à éclaircir, que la jeune fille ne savait plus par où continuer :

« - Pior est revenu ?? Vivant ?!
- Ce matin même.
- Comment le savez-vous ?
- Il était attendu.
- Par les Gardiens, bien sûr.
- Oui. Les prédictions du Trésor étaient écrites.
- Que disent-elles ?
- Que le temps est venu pour le Village de s’ouvrir à nouveau au Monde et aux Autres.
- C’est le Protégé qui a annoncé cela ?
- Oui. Les gens n’avaient plus besoin de lui ici. Alors, avant de quitter le corps qu’il habitait, il a raconté aux premiers Gardiens ce que le futur réserverait au Village. En une nuit, et juste avant que le soleil n’ouvre un œil, les Protecteurs ont écrit le Livre de la Création sous sa dictée.
- Il raconte l’histoire du Village…et notre avenir proche, si j’ai bien compris ?
- Exactement. Il était dit que deux mille cycles après le Début, le Secret serait découvert. Pior a lu le Livre ; dans quatre jours, le Trésor sera de retour. C’est le Renouveau qui nous attend désormais.
- Pourquoi me dire tout cela ? »

La vieille prit les mains de Nao et les caressa avec tendresse. On aurait dit qu’elle prenait un peu des forces de la jeune fille, comme pour se rendre capable d’annoncer :

« - Car ton nom est écrit dans le Livre, ma petite. »



//////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////



Merci Island pour tes lectures et encouragements.
Je pars en vacances jusqu'à fin août (eh oui y'en a qui se font pas ch***), je laisse La jeune fille et la montagne se reposer un peu ; ce chapitre 12 m'a rendu fou. J'ai l'angoisse qu'il ne soit pas à la hauteur de l'histoire que j'aimerais écrire ensuite. Aidez-moi !
Merci et à très vite (avec Loiseau !)
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Message  Invité Mer 23 Juil 2008 - 15:40

Il est à la hauteur. Pour la suite, garder le rythme du récit, étoffer certains personnages clés et faire attention à ne pas s'emberlificoter dans une histoire trop complexe à ramifications interminables... enfin, je vois ça comme ça... Bonnes vacances !

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Message  Charles Mer 30 Juil 2008 - 9:24

Je n'ai pas lu tous les commentaires des lecteurs donc désolé si je redis les mêmes choses ...

------


Alors, en vrac. tout d'abord, quelques "détails", quelques expressions que j'ai trouvé "maladroites/mal choisies" :

- la bouche "dégueulasse" de la rivière mériterait effectivement un autre qualificatif.
- mordue par l'orphelinat
- huile qui craque
- la fièvre avait maigri

Au niveau de la présentation, mieux avec les ***** pour séparer les paragraphes. Dans les 1ers posts, on passait d'un perso à un autre sans réelle séparation.

On comprend peut être trop vite que Nao est une sorte d'élue. Le titre apporte déjà l'info. le récit est quasiment également partagé entre pior et nao et peut être serait ce encore mieux si l'on ne devinait pas cela tout de suite.

Peut être également faire attention de ne pas trop insister sur la séparation dramatique de pior et lia. les amoureux qui se séparent parce que l'un d'eux suit son destin ... c'est un peu fleur bleu. c'est très romanesque et présent dans beaucoup d'oeuvres littéraires ou ciné, mais j'avoue que j'ai toujours un peu de mal à croire à cet aspect ... mais probable que c'est une question de sensibilité perso ...

peut être élaguer/modifier un peu certaines images qui sonnent un peu naïves, "bateau", un peu littérature jeunesse (ce qui n'est pas une insulte car la littérature dite jeunesse est parfois très réussie ! ) : les yeux bleus comme le ciel / elle se noyait dans le fleuve des ses émotions / le temps qui s'étire comme un vieil élastique ...

------

ton roman m'a beaucoup fait penser à un film à l'intrigue approchante :
the village de M. Night Shyamalan. Un village isolé, fondé par une communauté. les anciens cachent la vérité, leur volonté de s'isoler et créent une légende, effraient les habitants du village pour que personne ne soit tenté de retourner vers le monde ... on pourrait dire que ton texte est une variation de cette intrigue. Est ce que c'est une inspiration volontaire ou ne connais tu pas le film ?

L'ambiance m'a aussi par moment fait penser à certains mangas japonais.

------

Je trouve ton texte fluide et agréable à lire. on se laisse emporter, on a envie de connaître la suite. On s'attache à tes personnages, peut être plus à pior et lia qu'à noa qui reste un peu en dehors. peut être parce qu'elle ne vit qu'à travers les descriptions et agit peut, et vit peu de péripéties au contraire des 2 autres ... la quète de pior est très réussie, son retour également. les personnages secondaires sont bien décrits, cohérents ... et le dosage entre les différentes intrigues est très bien fait. vraiment du beau boulot !

J'ai hâte de lire la suite et la fin de ton roman. Ne perds pas le rythme et ne t'égare pas trop dans des écrits annexes type Loiseau ou autre ... Perso, si je ne maintiens pas le rythme, soit l'envie de terminer s'étiole, soit je reprends le texte dans un état d'esprit légèrement différent et s'insère alors une certaine rupture dans la manière de raconter.
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Message  kazar Ven 1 Aoû 2008 - 10:56

Charles a écrit:Je n'ai pas lu tous les commentaires des lecteurs donc désolé si je redis les mêmes choses ...

déjà, merci de te taper ces pavés !

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Alors, en vrac. tout d'abord, quelques "détails", quelques expressions que j'ai trouvé "maladroites/mal choisies" :

- la bouche "dégueulasse" de la rivière mériterait effectivement un autre qualificatif. = débat en cours. j'ai envie de garder ce mot pour la fonction qu'il remplit à merveille : choquer.
- mordue par l'orphelinat = oui, remarque déjà faite. correction faite sur mon blog www.bipolr.canalblog.com
- huile qui craque = j'aimais bien l'amalgame entre peinture, huile, bois...c'est une sorte de raccourci quoi
- la fièvre avait maigri = oui, à modifier incessamment sous peu

Au niveau de la présentation, mieux avec les ***** pour séparer les paragraphes. Dans les 1ers posts, on passait d'un perso à un autre sans réelle séparation.= j'avais posté les premiers chapitres comme les derniers, y'a eu bug/refonte par modo...

On comprend peut être trop vite que Nao est une sorte d'élue. Le titre apporte déjà l'info. le récit est quasiment également partagé entre pior et nao et peut être serait ce encore mieux si l'on ne devinait pas cela tout de suite.= Le titre est provisoire. Oui, on le comprend vite car là n'est pas le sujet principal du livre...C'est en quelque sorte un prélude ;-)

Peut être également faire attention de ne pas trop insister sur la séparation dramatique de pior et lia. les amoureux qui se séparent parce que l'un d'eux suit son destin ... c'est un peu fleur bleu. c'est très romanesque et présent dans beaucoup d'oeuvres littéraires ou ciné, mais j'avoue que j'ai toujours un peu de mal à croire à cet aspect ... mais probable que c'est une question de sensibilité perso ... = je l'ai écrit comme je l'ai ressenti...je suis très amoureux, depuis longtemps (et pour toujours ^^) et ça m'a parlé ainsi...Après, je conçois totalement que ça ne puisse pas toucher...

peut être élaguer/modifier un peu certaines images qui sonnent un peu naïves, "bateau", un peu littérature jeunesse (ce qui n'est pas une insulte car la littérature dite jeunesse est parfois très réussie ! AH SI C'EST UNE INSULTE !! ^^ Non, juste un raté !) : les yeux bleus comme le ciel là j'avoue.../ elle se noyait dans le fleuve des ses émotions pareil...on dirait de l'arlequin ! aha/ le temps qui s'étire comme un vieil élastique ah bah merde, celle-là je l'aimais bien !...

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ton roman m'a beaucoup fait penser à un film à l'intrigue approchante :
the village de M. Night Shyamalan. on pourrait dire que ton texte est une variation de cette intrigue. Est ce que c'est une inspiration volontaire ou ne connais tu pas le film ?

J'ai adoré ce film, et, oui, on peut dire que c'est une inspiration dans le sens où il a nourri des fantasmes. J'aime l'idée des univers clos, mystérieux, égocentrés...Parce que c'est de la connerie, et que c'est un vivier d'histoires et d'idées. Mais bon, la comparaison s'arrêtera là !

L'ambiance m'a aussi par moment fait penser à certains mangas japonais.

Vrai, même si je ne l'ai pas pensé comme ça, le manga fait partie de mon petit monde culturel.


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Je trouve ton texte fluide et agréable à lire. on se laisse emporter, on a envie de connaître la suite. On s'attache à tes personnages, peut être plus à pior et lia qu'à noa qui reste un peu en dehors. peut être parce qu'elle ne vit qu'à travers les descriptions et agit peut, et vit peu de péripéties au contraire des 2 autres ... la quète de pior est très réussie, son retour également. les personnages secondaires sont bien décrits, cohérents ... et le dosage entre les différentes intrigues est très bien fait. vraiment du beau boulot !

Un truc que j'aimerais réussir, c'est de ne pas avoir de "vrai personnage premier rôle" car une histoire est vécue par tout un tas de gugus différents. Il y a ceux qui sont plus importants que les autres, et les autres, mais pas de star. Bon, tu l'auras compris, normalement Nao va prendre plus de place au fur et à mesure mais pas jusqu'à occulter le reste.
Merci pour le reste.


J'ai hâte de lire la suite et la fin de ton roman. Ne perds pas le rythme et ne t'égare pas trop dans des écrits annexes type Loiseau ou autre ... Perso, si je ne maintiens pas le rythme, soit l'envie de terminer s'étiole, soit je reprends le texte dans un état d'esprit légèrement différent et s'insère alors une certaine rupture dans la manière de raconter.

Merci, je vais y mettre tout mon coeur. J'avais besoin de laisser décanter parce que j'étais trop pris par la fin du "prélude", qui doit rester cohérent et "achetable" par le lecteur.
Ce que tu dis est vrai, je suis à fond dans Loiseau (avec un autre univers, un autre ton, etc) mais ça me permet de 1° travailler un autre style et 2° d'apprécier encore plus les contrastes de Nao et toute la clique.

BIen noté !

Un grand merci ;-)
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Message  kazar Mar 2 Sep 2008 - 22:27

Avant de commencer, toutes les corrections tirées de vos aides précieuses sont faites, et visibles sur mon blog (qui n'est rien d'autre qu'une carotte) cité un peu plus haut (et google est ton ami).
Merci !

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******


Au début Lia n’en crut pas un mot ; elle pensa même son mari délirant. Mais plus le temps passait, plus les mots défilaient, et plus elle acceptait ; tout devenait logique. La façade du Village était trop lisse. Ce qu’elle avait enseigné aux enfants, aidée par les livres menteurs, était une couche de peinture malhonnête ; des couleurs pâles sur des statuettes de porcelaine. Elle se sentit humiliée, utilisée et, pire, vide de sens.

- Et dehors, là-bas… (elle hésitait).
- Le Monde. Les Autres.
- Se souviennent-ils de nous ?

Probablement pas. Évidemment.

- Le Soigneur savait tout, Lia…
- Oui, c’est vrai, souffla Bagil dans leur dos.

Il avait glissé jusqu’à la chambre, plus silencieux que l’air. Et il leur expliqua, sans se dérober, la raison de son silence. Les raisons qui poussent les hommes à mentir à leurs semblables ; les principes de précaution, le sacro-saint devoir de protection, et tout le baratin paternaliste.

- Il y a des choses qui transcendent le bénéfice individuel, tu sais, au profit de la collectivité, et-
- Conneries ! La collectivité, c’est les individus ! Pior a failli crever avec vos grandes idées !
- C’est vrai. Et j’en suis désolé. Mais nous savions qu’il reviendrait. Il ne pouvait pas en être autrement.
- Qui ça, nous ? enchaîna-t-elle.
- Les Gardiens.
- Bien sûr. Votre bande secrète, oui. Des manipulateurs, voilà tout ce que vous êtes !
- Ecoute, Lia, je-

Mais elle lui lança un regard si noir, si dur, non négociable, qu’il se tut. Elle ne voulait plus l’entendre. Elle n’aimait pas les tromperies, et le vieux était accusé de la pire d’entre elles. Selon Pior, seuls trois Gardiens connaissaient la vérité : le Soigneur, le Forgeron et la Veilleuse ; tous avaient été initiés par les précédents afin que rien ne fût laissé au hasard. Ils avaient préparé, dans l’ombre, le Retour du Trésor et la Grande Traversée. Ils avaient tous regardé le Traverseur s’évaporer, avaient tous essayé de réconforter sa femme, feignant la peine. Les traîtres !

- Il faut réunir le Conseil, dit le blessé.

Femme et Soigneur acquiescèrent. L’une pensait que le destin du Village n’appartenait qu’à ses habitants, l’autre était d’accord. Puis Lia, incapable de se concentrer :

- Et Nao…pauvre petite…doit-elle vraiment supporter tout ça ?

Bagil pensa : oui, pauvre petite. Et même : en sera-t-elle capable ? Alors la première strophe bulla en lui :

Qu’une enfant se lève
Au petit matin
Et s’écrie : Je sais !

Qu’adultes s’élèvent,
Lui prennent la main
Et répondent : Montre-nous !


- Laisse-nous, maintenant.

Alors le Soigneur s’en fut. Il ne l’entendit pas clairement, mais fut persuadé que le petit susurrement qui flottait dans son sillage ressemblait à un :

- Merci quand même, Bagil.

Et il sourit. Et il quitta sa maison.




Les hurlements du métal rougi, plongé dans l’eau froide, avaient couvert l’arrivée du Soigneur. La lumière commençait à décliner et la vapeur, épaisse et puante, se découpait à contre-jour aux portes de l’atelier. Xael battait le fer avec cette précision qui faisait de lui le meilleur forgeron depuis bien longtemps —d’après les dires de Bagil— et il mettait dans son art tout ce qui était possible de passion, d’envie et de méticulosité. Même après autant d’années, ses journées finissaient toujours courbatues et ses ongles, cassés ras. La fatigue au corps, elle, ne parlait jamais plus fort que le bonheur d’une vie accomplie ; et puis, la mission du Forgeron, Gardien du Secret, valait bien qu’on travaillât le cœur enjoué. Surtout depuis trois jours.

- Alors mon ami, où en es-tu ? résonna la voix du géant.
- Bagil ! Tu m’as fait peur. (Il sourit et se remit à la tâche Je suis en retard. J’ai peur de ne pas y arriver…
- Ne t’inquiète pas. Tu dois y arriver.

Xael s’interrompit à nouveau, las. Sous la sueur et la crasse, le doute :

- Arrête un peu avec ton Livre ! Tu penses peut-être que le Sceau se forgera de lui-même ? Si je ne le fais pas, si je décide, là, comme ça, de m’arrêter, qu’adviendra-t-il ? Rien, tu le sais bien. Alors laisse-moi mes angoisses. Tout doit être prêt pour demain soir.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire.
- Bien essayé quand même ! (Et il reprit le labeur)
- Xael, s’il te plaît ! gronda Bagil en le saisissant aux épaules. Restons unis ! J’ai peur moi aussi, figure-toi. Mais nous ne devons pas flancher. Pas maintenant.

Le forgeron se liquéfia. Ses traits se diluèrent en un abattement profond, flasques comme une baudruche percée.

- Je sais que tout sera fini demain. Mais je crains pour le jour d’après.
- A nous de le rendre meilleur…A nous de l’écrire !
- Tu sais, toi, ce qui se passera ?
- Pas le moins du monde.

Il ne mentait pas : le Livre se terminait dans quelques pages et n’aurait bientôt plus grand-chose à raconter.
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Message  Invité Jeu 4 Sep 2008 - 22:12

Un beau roman initiatique, des personnages bien typés, des aventures qui démarrent piano et qu'on sent grosses d'aventures pires, le rythme qui ne faiblit pas, un univers bien campé,du mystère bien dosé, voilà de quoi se sentir content, il me semble !
quelques bémols sur le côté "fleur bleue" ( je passe mon temps à me censurer pour éviter de tomber dans le rose bonbon, alors je suis impitoyable !)
Des expressions parfois maladroites, mais qui ont déjà été notées par d'autres donc je n'insiste pas sauf pour dégueulasse, ou alors, il faut plus explicitement le mettre dans la bouche de Pior, et surtout, une phrase qui n'a fait tiquer personne et qui moi m'a explosée de rire ( mais je suis trop nulle pour la cop-col ici, elle est au début) : une bouche qui fermée était scellée par une rangée de dents parfaites ou quelque chose du même genre; j'ai visualisé et c'était surréaliste !
En fait, Kasar, c'est pas ton nom ? T'es le fils putatif de Tolkien , c'est ça ?
Bien envie d'avoir la suite, moi....

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Message  apoutsiak Ven 5 Sep 2008 - 7:45

.

Toujours aussi envoûtant, ton récit, peut-être davantage qu'au début, grâce à une espèce de dépouillement qui met en avant plus encore les êtres que les choses. Bravo. Bonne continuation, ami Quasar !

Les bricoles que je trouve maladroites :

- monstre mousseux…
- doigts englués de consternation
- La première strophe bulla…
- ses journées finissaient toujours courbatues
(c'est le forgeron, pas la journée qui est courbatu).

.
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Message  Yaäne Ven 5 Sep 2008 - 9:44

Pour l'instant, je n'ai lu que la première page, mais je fais une petite pause.
J'aime beaucoup ton écriture qui est fluide et agréable à lire. J'apprécie aussi les images un peu " capilotractées " comme tu dis, même celles qui ont été soulignées comme " bizarres " parce que ça change un peu des images toutes faites que l'on connaît par coeur.

Et puis ça, j'adore :
Tout se savait. Tout se jugeait.
Je ne sais pas trop pourquoi, c'est une phrase assez banale, ce doit être truc inconscient personnel :-)

Et puis, l'ambiance me fais un peu penser à ce roman de Loïs Lowry que j'avais adoré au collège, Le Passeur.
Il y avait ce même doute à propos de l'époque ( moins présent quand même ). Dans tes premiers chapitres, j'ai été un peu surprise justement en ce qui concerne l'époque.
Chez nous, enfin je veux dire dans la " vraie vie ", on évolue en "effaçant" ce qui a été avant. Ce truc éffacé, on en fait notre passé. Dans ton histoire, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de passé, malgré les allusions " tous les 20 cycles ", " à chaque Lune "...on dirait que toutes les évolutions se superposent.
Etrange, mais je suis curieuse de lire la suite...après avoir mangé, promis ! :-)
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Message  Yaäne Ven 5 Sep 2008 - 11:15

Ah, et bien j'ai lu la suite et je dois dire que je suis surprise maispas déçue !
Le tout sur un petit fond de Mystic's Dream de Loreena McKennitt et vous êtes vraiment dans l'ambiance :-)))
Je reviendrai commenter plus tard mais en attendant je te souhaite une bonne continuation.

( J'abandonne VE pour aller chercher des croquettes pour mon super Cat-Cat - non non je n'ai pas honte de faire un tel commentaires sur ce fil génial :-))) par contre je regrette un peu de ne pas l'avoir ouvert avant ce fil )
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Message  kazar Sam 6 Sep 2008 - 11:00

Merci Yaäne de ta lecture ! Heureux de t'avoir surprise sans t'avoir déçue ! ;-)

Apou, je le dirai à chaque fois : merci.


///////////////////////////////////////////////////////////////////////

*******
*******



La nuit était tombée jusque sur les rochers où Nao restait silencieuse. Depuis cet après-midi, tout avait changé. De façon un peu trop radicale. Elle avait entendu ce que la vieille avait eu à lui dire et, finalement, le regrettait. Parce que cette histoire la dépassait, parce qu’elle se sentait incapable de tout assumer ; parce que beaucoup trop d’espoirs seraient fondés sur elle, petite orpheline, fleur fragile à peine éclose. Oui, c’était une belle histoire. Oui, selon le point de vue, c’était très séduisant. Mais la jeune fille ne se croyait pas faite pour les grandes choses. Les —comment avait-elle dit, déjà ?— les choses profondes. Méditer sur un rocher glacé est bien différent de ce qui allait lui être demandé. D’ailleurs, qu’allait-on lui demander exactement ? Mahiya n’avait pas été très claire.

- Tu es le Trésor, Nao.
- Comme ça ? Juste parce que vous me le dites ?
- Non ; parce que tu es réellement cela. Enfin, si tu le décides.
- Désolée, vous vous trompez. Je n’ai aucun…pouvoir. Je suis une enfant comme les autres !
- Tu sais bien que non.
- Et si je choisis de ne pas être ce que vous me proposez ?
- Je ne propose rien, Nao. Je ne fais que t’ouvrir les yeux sur ce que tu peux devenir.

Et comment devenait-on, du jour au lendemain, un Dieu ? Comment entrait-on dans les habits, taillés il y a bien longtemps déjà, d’un Enfant tout-puissant ? Comment accepter le sort que d’autres avaient décidé pour soi ? Se sentir concerné par des légendes, des faits qui remontaient aux origines du Village ? Assumer les responsabilités d’une révolution, d’une traversée vers l’inconnu ? Guider un peuple ?
Nao ne voulait pas être un moyen, un pantin sorti de nulle part agité aux yeux du monde comme preuve de mouvement. Il lui vint l’affreuse pensée que, tout compte fait, elle n’était pas maîtresse de son destin. Et cela fit poindre, sous la lumière timide d’une nuit sans nuages, un peu d’eau aux coins de ses yeux.





L’inacceptable,
C’est seulement ce que tu te crois
Incapable d’accepter.






Les parents de Sasha fumaient sur les grosses marches de leur perron. La voix pleine de délicatesse, ils parlaient avec la discrétion qui s’impose à l’heure où dorment les gens. Ils profitaient du calme et se retrouvaient à la lumière complice d’une lampe à huile, riant de ces instants comme pour les faire durer un peu plus. Nao pensa à son père : avait-il jamais regardé sa femme avec autant de connivence ?

- Nao ! Que fais-tu là à cette heure ? Ça va ?
- Bonsoir, Kalie. Bonsoir, Pariste. J’avais besoin de vous voir. De voir Sasha.
- Bien sûr, dit l’homme en se levant vers elle. Viens au chaud. Il y a de la soupe.
- Tu as mis du laurier ? brillèrent les yeux de l’adolescente, redevenue enfant.
- Oui, comme au bon vieux temps ! rit la femme.

Dans le salon, il faisait doux. Sasha dormait près du feu, le visage détendu. Qu’il avait changé ! Etoffé, les traits plus forts, dégageant une force toute virile, il était pourtant le même. Nao en fut soulagée ; elle voulait retrouver ce qu’elle avait perdu et oublier l’âge adulte qui lui tendait les bras. Kalie réveilla son fils ; lorsqu’il comprit qui se tenait là, un peu gênée, un peu perdue, il sourit aux anges :

- Nao…depuis quand n’es-tu plus entrée ici ?

Tous s’attablèrent et l’on se demanda, en silence, ce qui pouvait bien amener la jeune fille. Elle avait l’air affaibli. On parla d’un peu de tout, de beaucoup de rien puis, devant le malaise qu’ils sentaient en Nao, Kalie et Pariste s’éclipsèrent : les jeunes oublient parfois que les vieux l’ont été avant eux.
Alors, une fois la soupe avalée, les adolescents glissèrent vers le silence nocturne, les pieds nus et chatouillés par l’herbe endormie ; l’obscurité leur évitait des regards trop francs et ils se parlèrent comme s’ils ne se voyaient plus. Ils échangeaient avec retenue, avec une incertitude puérile, comme s’ils avaient été étrangers. Mais très vite, ainsi qu’on reprend une vieille habitude abandonnée, ils oublièrent d’être maniérés. Sasha tenta une première blague :

- Alors comme ça, tu viens exercer ta magie noire sur un pauvre petit gars comme moi ?
- Quelle magie noire ?
- Eh bien, je sais que tu es le nouveau disciple de la sorcière, maintenant ! Je t’ai vue ce matin !

Il rit. Et cela fit un bien fou à la fille.

- Ce n’est pas une sorcière, bouda-t-elle.
- Ah bon ? Elle ne mange pas d’enfants ?
- Si, mais seulement les bruns, tu n’as pas de souci à te faire !

Elle souriait de tout son air mutin et se sentait bien. Même plus que bien.

- Et puis d’abord, depuis quand m’espionnes-tu ?
- Depuis toujours !
- Hé ! Voyeur ! (Elle lui tapa sur le bras)

Il l’attrapa par les hanches, la jeta sur ses épaules comme il l’eût fait d’un sac de grain et tournoya, encore et encore. Leurs rires se mélangèrent, tourbillonnèrent dans le ciel impassible, et moururent doucement, petits essoufflements amusés. Les deux chiens fous s’allongèrent sur le dos, tête contre tête, bras écartés dans la rosée qui somnolait, et ils se sentirent plus proches de la voûte étoilée qu’ils ne l’avaient jamais été.

- Tu m’as manqué.

Elle l’avait surpris. Ç’aurait dû être à lui de s’excuser pour tout ce temps perdu. Il ne savait quoi répondre sans que cela en parût forcé. C’était lui l’homme, après tout !

- J’ai été stupide.

Allait-elle se taire ?

- Non, c’est moi le crétin.

Redoutant sa réaction, il se tut et attendit.
Elle reprit, sereine :

- T’es-tu déjà senti incapable ?

Il réfléchit, puis :

- Non.
- Jamais rien ne t’a paru insurmontable, alors ?
- Non plus. Si c’est difficile, je redouble d’efforts. Je ne m’avoue jamais vaincu.
- Comment fais-tu ?
- Je pense que la question est « pourquoi ? ».
- Alors pourquoi me sens-je si petite ? Si minuscule ?
- Parce que tu es une fourmi !

Le silence fut amusé de cette remarque. Il le fit savoir.

- Tu sais où tu vas, toi ?
- Nao, personne ne le sait. Je fais des choix qui changent ce que je suis. Chaque jour. Pourquoi cette inquiétude ?

Elle lui répondit que ce serait long, très long, à expliquer.

- Ce n’est pas grave. Nous avons la nuit devant nous.

Une chouette hulula une première fois pour encourager la jeune fille, et une seconde, un peu plus tard, pour dire qu’elle ne comprenait plus rien à cette histoire enivrante.

- Et alors ? Qu’est-ce qui te dérange, dans le fait d’être cet Enfant ? (Il était excité comme un gosse qui croit aux comptes que lui lit sa mère le soir)
- Je ne sais pas…
- Écoute. Je ne suis peut-être pas très malin, mais il y a des choses que je sais.
- Je n’aime pas t’entendre dire ça.
- Si tu es quelqu’un de grand, tu dois respecter les autres. Tu dois t’assumer. (Il s’assit).
- Mais ce matin, j’étais comme tout le monde ! J’allais au puits, je caressais mon chat, je cueillais mes fruits…Et d’un coup, on me dit qui je suis. Qui je suis vraiment. On me dit que je l’ai toujours été, que j’avais été prévue —tu entends ça ?— et qu’une vieille veillait sur moi depuis mes premiers jours ! Aujourd’hui, on m’a présentée à une autre Nao. Je ne veux pas d’elle.
- De laquelle veux-tu, alors ? (Il durcissait le ton) De l’orpheline recluse ? De la jeune femme repliée sur elle-même, loin de tout, loin de sa propre vie ?

Il sut qu’il était allé trop loin, emporté par la fougue que lui inspirait l’abattement de son amie ; elle ne répondit que bien plus tard :

- Je ne sais pas ce que je veux.
- Et moi, je ne veux pas être le seul à croire en toi.
- Mais je suis bien trop jeune !
- Et les autres bien trop vieux.

Ils restèrent allongés jusqu’à ce que la lumière, délicate, décolle la couche de vernis noir plaqué aux cieux.







Personne ne sait,
Personne n’ignore.

Tu crois
Et tu apprends.

L’autre est tout ce qui te manque
Pour te découvrir toi-même.
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Message  Invité Sam 6 Sep 2008 - 13:02

Bonjour, Kasar
Quelques détails gênent mon plaisir, dans cette histoire qui me fait beaucoup rajeunir :
trop cliché, tu dois pouvoir trouver mieux

les deux verbes brillèrent et rit, pour éviter dire m'embêtent un peu. Surtout à la suite l'un de l'autre.

les féministes ne sont pas encore passées par là, on dirait ! )))

J'aime bien.

Tu es sur le fil, là, me semble-t-il : ça peut virer au roman jeunesse ( je te dis ça parce que c'est souvent mon cas aussi, quand les sentiments sont de "bons" sentiments, y'a une dictature qui dit "roman jeunesse"! ) Les "adultes" auraient (?) une préférence pour le noir et l'amer... (J'attends avec impatience de retomber en enfance pour écrire en couleur.)

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Message  Invité Sam 6 Sep 2008 - 13:11

Désolée, je me suis plantée dans le maniement de "citer"!
Le cliché concerne " fleur fragile à peine éclose" et "l'air mutin" ( j'ai une vraie haine pour les airs mutins !!!)
Les féministes ...="c'était lui l'homme après tout !"
Et "j'aime bien" concerne le petit couplet de la fin , en italique.

Si tu peux me dire comment on fait pour citer, ça m'évitera quelques bévues ...
Bonne journée, Kasar.

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Message  apoutsiak Sam 6 Sep 2008 - 13:58

Me fait rire, Coline, avec tes mésaventures. Quand je fais des trucs comme ça, ma fille me sort toujours : "oh le pas doué !"
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Message  kazar Sam 6 Sep 2008 - 19:20

coline Dé a écrit:Tu es sur le fil, là, me semble-t-il : ça peut virer au roman jeunesse

Comme tu l'as dit, c'est écrit en couleurs, oui, pourtant j'essaye d'écrire quelque chose d'un peu réfléchi, quelque chose qui dépasse la simple histoire ; et quand je lis ça, j'me dis que je passe à côté de tout.

Je m'en veux un peu de ne pas dépasser le stade du conte fantastique.

Pour ce qui est du reste du commentaire, merci d'avoir lu, et d'avoir quand même glissé les mots "plaisir" et "j'aime bien".

En ce qui concerne l'aide technique, tu cites le message entier et tu insères les commentaires en rgas, ou tu copies-colles les phrases, en les encadrant chacune des balises 'citer'

Voilou !
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Message  Invité Sam 6 Sep 2008 - 20:58

Merci Kasar.
Pour ce roman, quel est ton projet : tu dis que tu ne voudrais pas rester au niveau du conte fantastique (c'est intéressant, les contes fantastiques !!), tu voudrais y mettre quoi ?
C'est peut-être seulement définir ce que tu veux faire, la question... ?
Oups, j'ai oublié qu'on est sur un forum littéraire, là, je me laisse aller à parler relâché... c'est pour compenser les intonations qu'on ne peut pas transcrire et les smilies inexistants : ça veut dire "proximité, sympathie, et toutes ces sortes de choses "! J'espère que tu l'as perçu.

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Message  kazar Sam 6 Sep 2008 - 21:22

Le but est d'écrire un conte fantastique, certes (et non en littérature jeunesse :-), pour servir de trame à une espèce de mélange socio-philosophique. Pseudo.

Maintenant, pour se lancer dans un projet tel, il faudrait réussir à se défaire de cette littérature enfantine que tu décris !

Oui je sais bien prendre du recul par rapport aux commentaires de pixels, mais quand ils soulèvent ce douloureux qualificatif, ça me fait me remettre en question...Et au fond, c'est pas plus mal !

Merci Coline
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Message  Yaäne Dim 7 Sep 2008 - 8:22

Je ne pense pas que ton écriture soit enfantine Kasar, au contraire. C'est vrai que l'on y retrouve des, disons " intonations" du roman fantastique de jeunesse mais il y a quand même une réflexion au-dessous, notamment dans le passage où pour la première fois tu parles d'un dieu. En tout cas, c'est ce que j'ai perçu personnellement, même si je crois qu'à un moment je n'ai pas interprêté dans le sens où tu l'avais écrit. Bref, je m'égare, ce que je voulais dire, c'est que dans un roman fantastique de jeunesse, la réflexion ( quand il y en a une à faire ) est beaucoup plus simple ( du moins, dans la majorité des cas ) et ne touche pas la notion de religion, du moins pas comme tu l'a écrit.
Et puis, il y a le style, l'écriture, qui, même s'ils sont largement abordables, ont ce petit truc en plus qui les démarque des romans de jeunesse.
Donc bonne continuation :-)
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Message  Alskay Dim 7 Sep 2008 - 9:02

Sachant que J.K. Rollings aurait soi disant écrit un bouquin, puis plusieurs, que l'on aurait qualifié de "roman fantastiques jeunesse"... A mon avis, ne t'en fais pas et continue. ;-)
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Message  Yaäne Dim 7 Sep 2008 - 11:24

Alskay a écrit:Sachant que J.K. Rollings aurait soi disant écrit un bouquin, puis plusieurs, que l'on aurait qualifié de "roman fantastiques jeunesse"... A mon avis, ne t'en fais pas et continue. ;-)

Il est vrai que l'écriture est assez basique, elle n'a pas vraiment de style à elle, n'est pas très "littéraire" mais il n'empêche que je trouve que l'histoire en elle-même est magique.
Il y a dans ses bouquins un nombre assez étonnants de références à des légendes connues ou moins connues et surtout la trame est assez exceptionnelle.

Mais je suis tout à fait d'accord : la différence principale reste l'écriture en elle-même. Elle, elle s'adapte vraiment aux jeunes et toi, tu cherches quand même la réflexion philosophique.
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Message  Invité Dim 7 Sep 2008 - 11:58

Je me heurte souvent à un problème un peu du même genre : chaque fois que j'essaie de faire passer des idées "philosophiques" dans mes textes, ça devient insupportablement chiant de didactisme et de pédanterie (ce que toi en revanche tu évites parfaitement) et je me déteste !!!
Tu auras sûrement l'occasion de le constater - (pas tout de suite, je passe d'abord des textes plus gratifiants, je montre patte blanche d'abord, ma patte noire cachée dans ma poche !) Mais j'ai envie d'avoir des regards pluriels là-dessus, entre autre pour comprendre si c'est améliorable ou si je dois réorienter, et je me dis que ce n'est pas grave : j'en ai écrit des meilleurs...et des pires ! Et j'espère que tu me commenteras comme je l'ai fait pour toi : en toute amitié et sans concessions. Tu es quelqu'un qui me plait, Kasar, et je te demande pardon si je t'ai blessé.
Amicalement
Coline

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Message  kazar Dim 7 Sep 2008 - 14:14

coline Dé a écrit:je te demande pardon si je t'ai blessé.
Amicalement
Coline

Oulah, Coline, loin de moi ce genre de réaction ! Je ne suis pas blessé, il faut savoir prendre du recul et entendre la critique ! Sinon, on n'est pas artiste.

Je disais juste que ta remarque, sur le côté littérature jeunesse, me confronte à "l'échec" de mon récit que je voudrais abouti. Peut-être est-ce, en fait, le signe de ma réussite à décrire cet univers clos, sans repères, avec des gens simples. En tout cas, comme tu l'as sans doute compris, la traversée va se faire et la température de l'histoire va b ien changer : le sentiras-tu ?

Quel challenge.

Merci à toi et Yaäne, ainsi qu'à Alskay !
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Message  Lucy Dim 7 Sep 2008 - 23:27

Yaäne a écrit :
Bref, je m'égare, ce que je voulais dire, c'est que dans un roman fantastique de jeunesse, la réflexion ( quand il y en a une à faire ) est beaucoup plus simple ( du moins, dans la majorité des cas ) et ne touche pas la notion de religion, du moins pas comme tu l'a écrit.
Me souviens de romans lus et qui abordait la religion. C'est certain, pas de la même façon, mais j'avais été marquée par Le Serment des catacombes qui évoquait le martyr des premiers chrétiens ( ceux qu'on balançait dans les arènes ) et qui, d'une certaine façon, parlait religion tout au long du roman.

Je ne sais pas quoi dire, Kazar. J'ai déjà donné mon avis sur ce texte et ce n'est pas l'aspect qui m'a le plus frappé. Coline a un point de vue intéressant et je me pencherai sur le problème qu'elle a soulevé ( et qui n'en est pas un, au fond ) au cours d'une relecture.
L'histoire me paraît adulte. Peut-être pourrais-tu faire agir tes personnages avec plus d'âpreté, une âpreté en rapport avec leur milieu de vie.
Je ne doute pas que tu nous réserves bien des surprises et je te fais confiance pour la suite.
Quand on est en " rédaction ", on n'a pas toujours le recul nécessaire par rapport à notre travail. Je laisse toujours reposer un texte ( long ) de deux à trois mois avant de le réécrire. Ce qui me paraissait correct, alors, ne l'est plus forcément passé ce délai.
Toutefois, ne te remets pas en question de manière trop abrupte. Cela pourrait t'empêcher d'avancer ( je sais de quoi je parle ) et ce serait plus mauvais que bon.
Nous attendons la suite de ces aventures que tu nous narres, sois-en sûr !
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Message  Lucy Dim 7 Sep 2008 - 23:28

abordaient !

Mes excuses !!!
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Message  Loreena Ruin Mar 7 Oct 2008 - 14:54

Je n'ai pour l'instant lu que ta première partie. J'avoue que tu as une écriture très fluide (mais on te l'a déjà dit apparemment), attention cependant: certaines phrases sont un peu bancales (pas claires), au début surtout, avec la scène du chat où elle lui gratte l'oreille et où après il y a une histoire de gamelle (je situe de mémoire, désolée pour mon manque de précision). Une expression m'a choquée:
Depuis aussi loin qu'on se souvenait

l'expression voudrait plutôt que tu dise: "d'aussi loin qu'on se souvenait" sinon c'est incorrect selon moi.
et ce n'est pas le seul endroit où "depuis" fait bizarre:
depui sa blessure la veille
la par contre, à toi de voir si tu veux reformuler, et on s'attend plutôt à voir "de la veille" que "la veille"...
Des larmes chaudes, aussi grosses que cette pluie moqueuse...
toi qui aime la précision, on se demande comment la pluie peut-être "grosse" et "moqueuse". D'ailleur ce dernier substantif paraît inapproprié ici (même si on comprend bien ce que tu veux dire) parce qu'on est visiblement pas dans les pensées du personnage puisqu'on est dans une description des larmes (contrairement au passage précedent où on était dans les pensées rapportées de Pior) et pourtant, tu porte un jugement de valeur qui est le propre de ton personnage: il faudrait dire "la" pluie et non "cette" pluie qui a une consonnance négative: à priori ton narrateur ne porte pas de jugement, à par lorsqu'il se confond avec ton personnage Pior (oula, c'est un peu complexe, surtout pour un détail, mais ça me paraît essentiel)
Une autre remarque, dans le dialogue avec la vieille dame, l'usage de "on" qui est impersonnel pour parler de la tribu
dont on a une trace
alors que celle-ci est par définition un ensemble d'individus assez liés, paraît inapproprié, "nous" serait meilleur, d'autant qu'il élèverai un peu le niveau de langue de cette vieille dame sage...
capables de convaincre le monde entier
je trouve que c'est trop en faire que d'en référer "au monde entier"
comme on te l'a déjà dit, "dégeulasse" est à proscrire au plus vite^^, si tu voulais être dans ce registre (mélanger le langage commun et plus soigné) il fallait le faire dès le début! ;-)

bon je ne vais pas d'avantage dans les détails, mais quelques remarques d'ensemble:
- je ne sais pas si c'est la présentation, ou si c'est voulu, mais on est un peu perdu entre ce que vit la jeune fille et ce que vit Pior (même si la mise en parallèle est à mon sens une très bonne idée)
- je trouve que ta façon d'écrire colle bien avec le genre de public qui lit les romans d'aventure à tendance fantasy: simple et fine, facile à lire...des descriptions rapides et précises (en deux phrases tout est dit). Je trouve que c'est très bien d'avoir réussi à atteindre ce niveau (à moins que ce ne soit un don chez toi? :-)), d'autant que (je comprends maintenant le reproche que tu me faisais) on sent l'utilité de chacune de ces descriptions pour mieux comprendre le personnage, le décor...mais du coup, malgré des expressions très poétiques (je me suis dit "wouaou" à plusieurs reprises, de superbes images me sont venu..le vent sur le village... *rêve*), on ne peut pas dire que ta prose soit marquée d'un "style" vraiment propre (c'est souvent dans ce qui te peut paraître "long" et "inutile" pour la compréhension de l'histoire, que ce trouve ce qui fait la différence entre l'oeuvre et l'oeuvre d'art ou plutôt entre l'oeuvre d'art et le chef d'oeuvre, mais, nous sommes d'accord, cela dépend de vers quoi on tend et tout le monde ne peut pas s'appeler Proust, Balzac ou Flaubert).
- La personnalité de tes personnages transpire de tes descriptions et même simplement de leurs actions: là dessus je pense que tu es vraiment doué ou que tu as vraiment travaillé (et j'ai à apprendre de toi, parce que j'ai vraiment un problème avec ça ><)
- Attention au niveau de langue! des phrases comme
la jeune fille n'en savais trop rien
dépareillent d'avec la légèreté du tout (car c'est vraiment ça: ton écriture donne une impression de légèreté infinie: j'ai l'impression qu'à côté de ton temple des hauteurs montagnardes, de bois et de pierre, je suis une église gothique voire baroque, hihi -> si tu vois ce que je veux dire ;-))
- Tu nous donnes beaucoup de sensations et d'impressions, mais tout cela reste effemère: peut-être y manque t-il une touche vraiment personnelle...qui nous marque, et pour longtemps.

Avec toute mon amitié et ma fièrté d'être commentée par quelqu'un qui a un talent certain,

Ruin.
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La jeune fille et la montagne (roman) - Page 2 Empty Re: La jeune fille et la montagne (roman)

Message  kazar Mar 7 Oct 2008 - 16:08

Hey,

je profite que tu aies remonté ce fil pour

1° te remercier d'avoir lu et d'avoir pris autant de temps pour décortiquer ce pavé
2° te préciser que la version corrigée (qui suit de près ce qui m'a été dit ici) est dispo sur mon blog
3° te répondre (un peu, même si c'est pas le but)
4° poster la suite du récit, pour les quelques autres lecteurs.

Pour ce qui est du premier paragraphe, tel qu'il est ici, il est dégueulasse (pour le coup !). J'ai taillé dans le gras : c'était trop tordu, pas facile. Nul.

Exact pour "depuis" et pour la pluie. Coquille : aussi grosses que les gouttes de cette pluie moqueuse. Merci ^^

La présentation des premiers posts s'est perdue. Il aurait dû y avoir des séparations, des astérisques.

Merci encore !





////////////////////////////////////////////////////


Bon, mes loulous, je poste quelques chapitres supplémentaires ; je n'en voudrai à personne de ne pas commenter : c'est long, c'est tarabiscoté, et au fond, on s'en fout un peu (même si j'ai, comme toujours et plus que jamais) besoin de votre aide.

coline, t'es exemptée. ;-)
quoique, non.






Chapitre 15


On avait annoncé le Conseil pour ce soir ; afin que personne ne le manquât, des feuilles de papier avaient été placardées à chaque maison, à chaque clôture. Les villageois étaient excités à la lecture du mot « Extraordinaire », annonciateur de mille secrets et plus de merveilles encore.

Les Unes s’affairaient à trouver leur plus belle robe, les Uns se rasaient la barbe avec soin. On n’avait pas l’habitude de l’imprévu : il fallait l’affronter. Pior devait sûrement y être pour quelque chose, et on avait envie de savoir en quoi. La Salle du Conseil — qui était en fait une maison comme les autres — avait ouvert ses fenêtres, prenant son souffle avant une soirée agitée. Deux grosses bougies, blanches comme le lait, encadraient la porte d’entrée et attendaient, colonnes impassibles ; la séance ne s’ouvrirait qu’à leur premier éclat.

Bagil agençait les lieux, amenait tabourets, chaises, bancs, passait le balai, soucieux de rendre la pièce digne de l’événement qui se préparait. Pior s’habillait dans la douleur, raide et malhabile, aidé par une Lia inquiète. Xael battait le fer à chaque minute avec plus de ferveur. Il n’avait pas mangé de la journée. Nao se regardait dans le petit miroir de sa mère ; ainsi donc tout commençait.
Mahiya le savait déjà, cela va sans dire.
Sasha nouait son ruban noir, le plus fin, au col de sa chemise. Il voulait être beau.
Le Soleil filait en douce, bien content de ne pas assister à tout ça ; la Lune, après tout, avait choisi de vivre la nuit. C’est à elle que revenait le poids des drames joués à sa lueur.



Qui ne comprend pas,
comprendra :
le temps n’a d’importance
que si tu lui en donnes.





Change.
Tu en as le pouvoir.







Chapitre seize !


La salle grouillait. Les jeunes, les vieux, les femmes, les enfants et les chiens, tout le monde était présent, trépignait, s’impatientait ; l’excitation était palpable, tendait l’air comme avant l’orage. On sentait la foudre prête à craquer. La nuit aurait bien calmé les esprits mais elle était aussi curieuse que l’assemblée. Pior, lui, était assis sur l’estrade centenaire, aux côtés du Soigneur et du Forgeron. Ses bandages ne dissimulaient pas la maigreur qu’il avait rapportée avec lui ; ses os, saillants, tranchants, semblaient sur le point de s’effondrer en un petit tas, en un entrelacs décharné que le vent disperserait sans peine.
Peu à peu, on se tut. On libéra l’air de tous les murmures inutiles. On s’assit, retint son souffle. Le Traverseur se mit à parler. Il fallait se concentrer pour l’entendre. Il raconta sa traversée, les Forêt du Nord, la Rivière ; c’était nouveau, c’était terrifiant, ça laissait place aux hypothèses les plus folles et aucune question ne fut posée jusqu’à l’apparition du Livre.
La curiosité fit place à la peur. Qui se transforma en colère.
On voulait savoir. Qui, pourquoi, comment.
Une rumeur roula dans la foule, gonfla comme brioche au four, allait et venait, ondulait dans la salle, se brisait sur les murs ; un océan de contestation s’agitait, menaçant.
Quand Bagil prit la parole, sa voix, d’habitude assurée, avait perdu de son autorité. Il ouvrait les bras, se voulant maître de la situation ; mais les réactions ne furent pas celles qu’il attendait. L’agressivité s’installait dans les regards, tirait les traits et écorchait les voix. On serrait les poings, on accusait, on menaçait.
— L’inconnu fait peur, se défendait le Soigneur, mais il n’est pas dangereux pour autant !
— Menteur !
— Je vous assure, notre avenir est là-bas, au-delà de la Vallée.
— Pourquoi te ferions-nous confiance ? Tu nous as trompés depuis si longtemps !
— Nous vous avons protégés. Nous avons protégé l’Enfant.
— Qui sont les autres gardiens ? hurla une femme.
— Moi.
— Et moi.
Les deux réponses avaient éclos du champ de visages. Mahiya avait parlé avec douceur. Xael s’était levé et affrontait les regards furieux. On l’insulta. Lalie n’osait rien dire. Son mari lui avait menti, à elle aussi. Mais elle sentait bien que c’était pour une bonne raison. Elle se rassurait en silence : elle ne se trompait jamais. Le Forgeron continua :
— Je devais préparer le Sceau.
— Quel Sceau ?
La foule n’était qu’une bête à mille têtes. Une bête enragée.
— Celui qui permettra le retour du Trésor.
— Qui est cet enfant maudit ?
— Vous le saurez demain matin, dit la vieille.
Elle était détendue, contrairement aux deux autres Gardiens, et déteignait sur les villageois. Mahiya ne pouvait pas leur vouloir de mal. Elle leur souriait trop bien pour ça.
— Si nous sommes tous d’accord pour lui confier notre destin, continua-t-elle.
— Mais on ne sait pas ce qui nous attend dehors ! Vous dites que le Livre ne raconte plus rien après le Retour !
— C’est vrai, reprit Bagil. Il ne dit presque plus rien. Seulement quelques strophes.
— Lis-en une ! intima un homme au visage tout rouge.
Alors le Soigneur ouvrit la copie du Livre qui lui avait été confiée et lut les premières phrases du lendemain :



Tu seras certain de prendre la bonne décision.
Mais sois sûr d’une chose : un choix n’est ni bon
ni mauvais.




— Qu’est-ce que ça veut dire ?
Mahiya se leva à son tour. Elle se dirigea vers Pior, lui posa les mains sur les épaules et parla ainsi aux habitants du village :
— Ça veut dire que tout ce que nous faisons a une incidence sur ce que nous serons. Ce soir, il faut décider entre ne pas changer, rester ici à jamais, et partir.
— Pourquoi devrions-nous partir ? Nous sommes bien ici ! Et qui sait ce qui nous attend là-bas ? Ne risquons pas de tout perdre !
Certains acquiesçaient, d’autres réfléchissaient, hésitaient puis s’opposaient :
— Non, on étouffe ! Cette montagne est tout ce que nous avons toujours connu ! Nos enfants s’affaiblissent à chaque génération !
— La vie est bonne au Village ! On ne souffre de rien !
— On ne vit pas : on attend de mourir ! Des cycles sans nouveauté…tu parles d’une vie ! Le monde, après la Rivière, sera d’une richesse inouïe !
Le désordre gagnait à mesure que les camps s’affrontaient. L’enjeu était bien différent de ce dont on avait l’habitude de débattre. Chacun apparaissait différent des autres, prenait conscience qu’il ne devait sa vie qu’à lui-même. On ne distinguait plus rien dans cette marée de cris. Il fallut plusieurs minutes à Mahiya pour se faire entendre :
— Puisque nous ne sommes pas d’accord, il va falloir voter. Qui veut partir ?
On compta les mains levées. Puis :
— Bien. Maintenant, qui veut rester ?
Impossible de départager ; personne ne voulait changer d’avis. Même après trois votes. Il fallait trouver une solution. Elle vint d’une femme timide que la gêne rendait belle :
— Envoyons donc un petit groupe de volontaires pour explorer ce qui se trouve au-delà des montagnes !
Le silence qui suivit cette remarque présageait l’accord de tous. À la question « Qui est pour l’envoi d’un groupe d’éclaireurs ? » toutes les mains se levèrent d’un même geste. Mais les volontaires manquèrent. On voulait envoyer quelqu’un d’autre que soi.
Pior leva la main. Un frisson parcourut les visages, désapprobateur mais pas trop. Le Traverseur connaissait le chemin. Il ferait un bon guide. Lia voyait dans ce voyage l’occasion rêvée de fuir ce village dégénéré : elle caressa l’air au-dessus de sa tête. Lalie hésita longtemps, persuadée qu’il fallait s’en aller d’ici ; elle regarda son mari, serra très fort la petite main de son fils, et leva la sienne. Xael la suivit. Alors que même les hommes de la défense n’osaient pas se proposer, Sasha surprit tout le monde en émergeant de la foule ; il était si jeune ! Mahiya en fit de même. On ne la croyait pas capable de supporter ce périple mais on ne dit rien. L’égoïsme se satisfait souvent du malheur de l’autre.
Puisque plus aucun habitant ne se manifestait, Mahiya conclut :
— Que tous les volontaires se tiennent prêts. Demain matin, à l’aube, nous partons. Que ceux qui restent nous souhaitent bonne chance.
Et elle se leva. Lorsqu’elle passa le pas de la porte, la nuit l’effaça. On se leva sans effusion. Le choc avait engourdi les ardeurs, et plus personne n’était sûr de rien.

Crevée par la porte ouverte, la pièce se vida doucement. Bientôt, à la lumière des bougies fatiguées, ne restait plus que le petit groupe désigné, ainsi que Bagil et Nao, qui avait observé en silence.
Le Soigneur en profita :
— Maintenant, il ne nous reste plus que le Réveil. Nao ? (Elle leva les yeux) Tu te sens prête ?
Elle avait réfléchi. Longuement. Sa décision était prise depuis la nuit où elle avait revu Sasha. Alors elle dit :
— Oui.
— Xael, continua le vieux, il est l’heure. Mes amis, dit-il aux quatre autres, seuls les Gardiens ont la charge du Retour. Rentrez chez vous. Dormez bien : demain commence notre voyage.
La petite troupe comprit et se dissipa. Bagil corrigea :
— Sauf toi, Lia.
Surprise, la femme s’arrêta. Elle dit, comme s’il en eût existé une autre qu'elle :
— Moi ?
— Oui.
Les langues n’avaient plus besoin de s’agiter. On ne parlait plus pour ne rien dire.
— Raccompagne ton mari et retrouve-nous chez moi, acheva le Soigneur. Vite. Nous manquons de temps.

Quand ils ne furent plus que tous les trois, Bagil, Xael et Nao se regardèrent dans un mélange de confiance, d’espoir et de crainte. Le Forgeron sortit, d’une bourse pourpre accrochée à sa ceinture, une pièce de métal qui brillait avec force. On aurait dit la roue du vieux moulin. Elle était petite mais fascinante ; elle avait été battue avec soin et ses rondeurs, ses crêtes, ses plats et ses creux approchaient de la perfection. Quand la lumière s’y découpait, tranchée par l’alliage brun, elle explosait aux yeux, éclairait les visages. On aurait cru l'oeuvre vivante. Posée dans la grosse main du Forgeron, dans cette main si abîmée, elle respirait calmement. Elle vibrait ; et Nao, hypnotisée par ces quelques grammes scintillants, mourait d’envie de les saisir et les caresser. Le métal était si lisse qu’on s’y voyait dedans, tout déformé ; la jeune fille y découvrait son propre monde, tordu, étiré, arrondi, et se dit « Tout ce qui m’entoure, tout ce en quoi je crois n’est qu’illusions. Tout n’est que point de vue. »




Un même univers peut être compris de mille façons,





Tout dépend de comment tu regardes le Monde.
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Message  kazar Mar 7 Oct 2008 - 16:08





Le 17 pour les plus courageux !


Ne laisse pas les images te dire
ce qui est.
Elles sont bien plus limitées que ton esprit.






Des pas au-dehors, sous les fenêtres. Courts et légers. Ils contournent la maison du Soigneur, crissent sur le gravier du perron et grincent, enfin, sur le pallier. Mahiya ne toque pas. Elle pousse seulement la porte et entre avec le vent. À l’intérieur, tout est silencieux. Le feu de cheminée ne couvre même pas les murmures froissés que la vieille arrache à ses vêtements. Lorsqu’elle arrive dans le salon, tout est prêt.


On n’avait allumé que les bougies nécessaires : la pièce ployait sous l’obscurité et les flammes, fatiguées, ne découpaient que le contour des choses. Nao était assise à même le sol, encadrée des deux autres Gardiens. Sur leur chaise, les hommes se tenaient droit. L’un s’était drapé de l’habit de Soigneur, fait d’un tissu aussi fluide que l’air ; l’autre tenait, paume ouverte, le Sceau. Une troisième chaise n’attendait plus que Mahiya. Au fond, près de l’âtre, Lia observait la scène. Elle se demandait visiblement ce qu’elle faisait là.
La vieille s’assit. Elle sourit à Nao. Prit le livre que lui tendait Bagil et le posa sur ses genoux.
— Allons-y, dit-elle.


Lia ne saurait décrire ce qu’elle voit cette nuit-là. Elle essaye de comprendre, de mettre des mots sur toute cette lumière, sur cette chaleur, sur la plénitude qui gonfle son ventre. Elle voudrait savoir qui fait quoi, aimerait comprendre le langage que parlent les Gardiens mais rien ; elle ne déchiffre rien. Elle voit seulement des choses. Des choses qui défient tout ce qu’elle a appris jusqu’ici, l’effraient, la rassurent, la laissent bouche bée.
Il y a des éclairs. Il y a des bourrasques, des odeurs de braise, de terre, d’eau, de caillou. Des objets volent, d’autres éclatent. Le feu enfle et lèche le plafond. Les cheveux gonflent, pleins d’une énergie qui les sépare les uns des autres, qui les dresse sur les têtes. Les incantations grondent à l’infini et mélangent les voix, en faisant une plainte où s’emmêlent tous les fracas, une plainte qui s’infiltre partout, qui pénètre les corps et les esprits.
Lia voudrait hurler. Elle voudrait se défendre mais ses épaules sont lourdes, l’air est pâteux et sa voix, clouée au fond de sa gorge.

Dehors, quelques habitants passent devant la maison. Mais ils ne voient rien. N’entendent rien. La baraque du Soigneur garde tout ce qui se passe en elle, femme jalouse et possessive.
A moins qu’en vérité, il ne se passe rien au-dedans.

Les Gardiens étaient debout et se donnaient la main ; ils avaient l’air épuisé. Le Sceau avait disparu. Tout le reste avait repris sa place, de la moindre feuille de papier jusqu’aux tableaux et aux fioles brisées l’instant d’avant.
— C’est tout ?
Nao s’était levée et regardait autour d’elle.
— Je ne sens rien de changé !
Elle disait cela en s’examinant de la tête aux pieds.
Mais l’atmosphère était plus calme, comme si elle avait peur de quelque chose.
Bagil dit :
— Il est en toi, désormais, Nao. Tu es la seule à pouvoir le libérer.
L’adolescente était déçue. Elle s’était imaginé tant de choses que ce Réveil lui paraissait bien fade. Ils étaient tous restés assis, immobiles comme des troncs d’arbres, et rien ne s’était passé. Nao avait attendu, s’était ennuyée et avait même regretté d’avoir cru à ces balivernes au moment où Mahiya avait déclaré la fin du rituel. Les gardiens marchaient tous les trois sur la tête, croyant à des histoires saugrenues. Et elle, orpheline qui cherchait des réponses à tout, avait eu la faiblesse de les suivre. Elle était amère, maintenant :
— On dirait que ça n’a pas marché…Merci, je me suis bien amusée.
On la laissa partir ; on savait qu’elle serait au rendez-vous dès les premières lueurs du jour.

Le Soigneur dit aux autres Gardiens combien il était heureux de les avoir connus. Xael lui répondit :
— Merci pour tout, Bagil.
— Nous irons jusqu’au bout. Tu peux compter sur nous, poursuivit la vieille.
Ils l’étreignirent et quittèrent la maison. Ils étaient tristes mais ne le montrèrent pas.
Le Soigneur s’adressa à Lia, qui restait pétrifiée :
— Tu es la nouvelle Soigneuse. Nous comptons sur toi.
Il lui prit la main et la fit s’asseoir.
— Je vais te transmettre mon savoir.
— Mais pourquoi moi ? Et vous, vous-
— Ne t’inquiète pas. Tout est prévu depuis longtemps. Un jour, tu comprendras que la mort n’est pas la fin de tout. Juste la fin de quelque chose.




Tes limites n’existent pas :
tu les penses et cela leur suffit.




Oublie-les.





Elles n’existent pas.




— Tout ce que tu as vu tout à l’heure ne s’est pas produit.
Elle ne comprenait pas.
— Le Trésor est revenu et t’a aidée. Il t’a montré ce que tu voulais voir. Sans utiliser les lois du monde où nous vivons. Chacun d’entre nous a vu quelque chose de différent. (Lia roulait des yeux grands comme la Lune). Tout sera très clair pour toi, dans peu de temps.
Alors il appuya son front contre celui de la jeune femme, lui demanda de ne pas fermer les yeux et susurra :
— Tu me succèdes.

Cette fois, elle hurla. Les yeux du vieux s’étaient ouverts en deux trous noirs comme le charbon, creusaient et aspiraient en eux le reste du visage qui se déformait. Il en sortit des serpents, des mains osseuses, des araignées, des mouches, des ronces, de l’encre, des chevaux qui ruaient, des pleurs, des bouches suppliantes et tout cela grouillait, s’entortillait, rampait dans des bruits de vase remuée. Ca puait la mort et le souffre, ça coulait sur le menton du vieux et se répandait au sol, entre les planches du parquet, aux pieds de Lia, sur sa peau à elle ; c’était une mare infâme, et elle submergeait la maison, dégoulinait partout, montait aux murs, tachait le plafond et retombait en de répugnants petits plocs !
Une goutte de la chose courut sur le visage de Lia, jusque dans sa bouche.
Tout devint noir.

Quand elle reprit conscience, Lia n’eut pas la force de crier. Et pourtant, il y avait de quoi. Il faisait nuit et la forêt riait sous la pluie. Bagil était à quelques mètres ; enfin, quelque chose était là ; et la jeune femme savait, simplement, que c’était le vieux. C’était un amas de chair, de forme vaguement humaine, un morceau de viande avariée qui se tenait sur ses jambes en vibrant comme de la gelée. La tête ressemblait à une énorme cervelle de mouton bouillie et suintait la même matière visqueuse que dans la maison. Le ventre était déchiré, laissant s’écouler des tripes verdâtres qui se débattaient dans le vide.
Lia était nue et flottait juste au-dessus de la terre détrempée. L’eau qui tombait du ciel ne la touchait pas. Enveloppée d’une lumière toute douce, elle n’avait pas froid. Elle n’avait aucune envie de fuir ; la carcasse l’appelait en silence :
— C’est bientôt fini. Viens.
Quand elle fut assez proche de ce qui restait du Soigneur, celui-ci s’enfonça les doigts écorchés dans son propre buste et l’ouvrit lentement. Des vers s’en échappèrent. Il fouilla et en sortit son cœur, lambeau rougeâtre qui battait doucement.
— Détruis cela, dit le tas de chair.
— Doit-on tuer ses ancêtres pour exister par soi-même ?
— Tu ne me tues pas, Lia. Je te fais un cadeau, c’est tout.
Sans rien ajouter, elle posa la main sur le petit organe. Il s’évapora en brûlant dans la nuit, rejoignant les étoiles qu’il aimait tant.

Le vieux s’écroule, gargouille, meurt.
Tout ce qui entoure Lia, la forêt, la pluie, la nuit, l’herbe, les mousses, tout cela disparaît dans un vacarme tourbillonnant, aspiré par le thorax ouvert et pourri.
Une phrase, anodine, perdue dans l’espace comme un navire à la dérive, reste dans l’air et réveille Lia. Dans le salon, elle est seule. Un petit monceau de cendres est à ses pieds.
Bagil n’est plus.





« Prends soin d’elle. »


.
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Message  Yali Mar 7 Oct 2008 - 16:36

Fichier siouplaît. Avec police à empattements pour confort de lecture et pas d'espace entre les paragraphes s'il n'y a pas de rupture temporelle. Sur une bécane, si long c'est difficile à Lire Kazar :-)

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Message  kazar Mar 7 Oct 2008 - 16:42

Pareil que la brosse à dents, en fait.

ICI !!!

( http://grimsli.free.fr/kazar/ )

D'ailleurs, si le lien pouvait être mis en première page...
Merci les gars (et la fille !)

;-)

< Message de la fille : de rien ;-) >

Yali, j'ai fait des efforts de mise en page à partir du chapitre...euh...peut-être 12 ou 13. En fait, au moment où tu me l'as fait remarquer.
Désolé pour le début. (Va falloir que je m'y mette)
Non !
Pas des cailloux !
Aïe !
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Message  Invité Mar 7 Oct 2008 - 20:38

Bon, ben je suis jalouzzze !!
Tu fais paser des idées ( qui me sont chères, en plus !) sans que ça vienne faire leçon de quoi que ce soit, ça vient tout naturellement s'insérer dans le récit, tu as trouvé le rythme de croisière qui permet de suivre tout ça en souplesse ( et pourtant, c'est vrai que c'est fatigant de lire des textes longs sur écran ! Moi qui ne rechigne pas aux pavés- papier, j'ai plus de réticences sur ordi, mais là j'ai tout avalé dans la foulée et avec grand plaisir. Y'avait pas une nunuche qui disait que ça faisait roman jeunesse, y'a quelques temps ? Je la baffe, la prochaine fois qu'elle se brosse les dents en même temps que moi ! C'est très bien, riche, foisonnant et intelligent. Kazarien, quoi !

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Message  Invité Mer 8 Oct 2008 - 7:20

Kazar, je prends le train en marche, je me mets à jour dès que possible, envie de savoir ce qui se passe du côté de chez Nao !

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Message  Invité Mer 8 Oct 2008 - 13:15

Pas facile la lecture syncopée... j'ai tendance à me perdre un peu dans les personnages, n'en rajoute pas !
Je ne sais pas ce que tu as prévu pour la suite mais j'ai eu le sentiment que ce nouveau voyage pourrait sinon annihiler du moins minimiser la portée du 1er voyage de Pior et donc une partie du début du récit ; heureusement que tu prends soin d'expliquer que les habitants du village doivent écrire le livre de leur histoire....
Dans le détail maintenant :
p.26 "alors la première strophe bulla en lui", euh ... c'est un nouveau sens du verbe buller ?
p.28 "Et cela fit poindre.... un peu d'eau aux coins de ses yeux", je ne sais pas si ça tient à moi uniquement, mais je trouve toujours ça exagéré et erroné de parler d'eau à propos de larmes, même par euphémisme
p.30 "Le silence fut amusé de cette remarque. Il le fit savoir" , coquetterie pas trop réussie
p.31 : "deux grosses bougies, blanches comme le lait", je trouve la comparaison faible, mal imagée
p.35 : il y a tout un § commençant avec "Lia" et se terminant avec "A moins qu'en vérité...", au présent, je ne trouve pas que ce changement se justifie dans la narration
p.36 "Mais l'atmosphère était plus calme, comme si ele avait peur de quelque chose", encore une coquetterie gênante ; en plus, je me demandais si "elle" ne renvoyait pas à Nao, dont on vient de parler dans la phrase précédente
p.38 "ils étaient parés à tout", d'abord "paré" s'utilise souvent seul et si tu veux une préposition après c'est "contre", cf TLF

Et puis d'autres bricoles, que je ne retrouve plus.

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Message  Funambule Mer 8 Oct 2008 - 13:28

Désolé Kazar je n'y arrive pas. J'attrape le train trop tard, peut-être. Ton écriture n'est pas en cause mais je trouve difficile la lecture de pans entiers de roman à l'écran. Je vais voir si tu as fait plus court ailleurs...
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