L'entretien

Bonjour. Je poste ce texte un peu à la hâte, donc il doit y avoir pas mal d'erreurs... Mais je dois partir en vacances demain. Je n'ai pas vraiment relu, aussi je voudrais juste avoir un avis concernant le style. Histoire de savoir si je dois continuer dans cette voie ou non. Merci d'avance !



Hier, dans l'apres midi, mon téléphone a sonné. Un numéro que je ne connaissais pas. Je décroche :

"- Monsieur Chauve ?
- Oui, c'est moi.
- Bonjour, je suis Vivianne L., responsable de l'agence Orange à Bouzbouz.

A ce moment précis, je replace tous les éléments dans leur contexte : cette bonne femme a reçu mon CV ainsi que ma lettre de motivation.

- Pourrions-nous nous rencontrer dans la semaine ?
- Pas de problèmes. Demain à 17h, ça vous convient ?
- Parfait. A demain alors."

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Je me suis promis d'arriver sobre à l'entretien. Mais, malheureusement, je n'ai pas qu'une parole. J'en ai beaucoup trop. Le lendemain dès 13h, je suis avachi sur le sofa de Georgio (mon fidèle compagnon de défonce), un gros joint à la main, en train de mater un documentaire sur les pingouins. Je suis littéralement fasciné. Les pingouins peuvent passer en mode "luge" dès que le sol présente un semblant d'inclinaison. Ils tombent tête la première, comme de vulgaires sacs, et se mettent à glisser. Ca me fait tellement rire que j'en ai mal aux côtes.

A 14h, Gergio sort de sa stupeur :

"- Merde ! Je dois aller récupérer mon double des clés de l'appart. C'est la vieille du dessous qui les a.
- Ok, ben je mets sur pause si tu veux.
- Tu veux pas venir avec moi ?

Je suis surpris par son ton quasiment implorant. Aurais-je sous-estimé la difficulté de sa mission ?

- T'es pas capable d'aller les chercher tout seul ?
- Non. Elle me fait trop peur.

Elle lui fait trop peur. En voyant ses yeux aussi brillants que des plein phares, je me dis qu'il est en pleine crise de parano, et je compatis un peu. Alors, comme il insiste lourdement, et comme je comprends parfaitement ce qu'il doit ressentir (étant donné que je l'ai déjà ressenti des dizaines de fois), je me résigne à lâcher mes pingouins pour l'épauler dans sa lourde quête.

En descendant les escaliers, il me dresse un bref topo de la vieille en question : âgée de 99 ans, elle est dentiste à la retraite. "- Elle était dentiste ici pendant la guerre ! T'imagines ?". Oui, j'imagine. Mes pingouins sont quand même plus intéressants.

On sonne. Pas de réponse. Je regarde Georgio, qui a l'oreille collée contre la porte, à l'affût du moindre bruit suspect. "- Ca bouge ! s'écrit-il. Elle est la, la pute !"

Qu'à cela ne tienne. Je re-sonne.

Après deux autres minutes de silence tendu, je distingue une forme s'approchant très lentement de la porte. Cette forme ne semble pas être humaine. La vache ! Je m'attendais à une très vieille dame, pas à un Gremlin ! Je regarde Georgio : il est pétrifié.

- Qu'est ce que c'est ?

La voix tremblotante - le genre de voix qui me faisait peur quand j'avais huit ans - me fait sursauter.

- C'est le locataire du dessus, hurle Gergio. Je viens chercher mes clés.

Pas de réponse. Georgio répète, encore plus fort. Après quinze secondes de silence durant lesquelles je me retiens plus que difficilement de rire, on entend :

- Qu'est ce que c'est ?

Je me pince le nez, sentant le fou rire monter. A ce moment précis, Georgio me regarde. C'est trop tard. Un fou rire me secoue, tellement violent qu'à cause du nez que je me pince, une de mes oreilles se bouche. Nous voici en train de dévaler l'escalier, afin de laisser éclater nos rires hystériques.

Après quelques minutes (nécessaires à recouvrer notre sang-froid), nous décidons de fumer un autre joint, et de finir notre documentaire. Il est 15h30, et je fume alors mon cinquième joint. Le joint de trop.

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A 16h15, je décide qu'il est temps de rentrer chez moi, afin de me préparer pour l'entretien. Comme toujours lorsque j'ai trop fumé, se rendre de chez Georgio à chez moi à pieds relève de l'impossible.

La parano m'envahit. Je fais comme tous les camés lorsqu'ils sont en société : j'essaie d'avoir l'air naturel. Et du coup, j'ai l'air de tout, sauf d'être naturel. Je m'applique à marcher, mais l'exercice est trop difficile : de temps à autre, un de mes muscles disjoncte, et je suis saisi d'un mouvement convulsif, me conférant alors l'allure d'un parkinsonien en détresse.

Bref, me voici chez moi dix minutes plus tard. Je me rase avec application, je sors un beau Dockers beige du placard, ainsi qu'une paire de chaussures de ville bleu marine. Je finis ma toilette, je prends un rapide café, et me dirige vers l'agence. Je suis alors au paroxysme de ma défonce (heureusement, j'ai pensé à me caler des gouttes dans les yeux), et, sur le trajet, je me force à adopter l'attitude du mec cool et ouvert qui veut vraiment décrocher ce job de vendeur à la con.

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Me voici dans la boutique. Je vois trois gars avec un gilet de l'agence. L'un est en train de renseigner une dame, les deux autres discutent entre eux. L'un de m'aperçois et s'avance :

"- Bonjour, je peux vous renseigner ?

J'avais répété ma phrase tout le trajet (Bonjour, j'ai rendez-vous avec la responsable de l'agence) :

- Bonjour, j'ai responsable... Euh, j'ai rendez-vous avec la responsable de l'agence.

Cette pitoyable entrée en matière ne fait qu'accroître ma parano latente, palpable, suant par tous les pores de ma peau. Et ma pseudo-image de mec cool et ouvert vole alors en éclats. Le type me fixe une seconde, se demandant s'il n'a pas à faire à un demeuré de la pire espèce (du genre qui n'arrive pas à construire une phrase de plus de trois mots sans l'avoir préparée à l'avance... Minute, cela ferait donc de moi un demeuré ? Bon, oubliez ce que je viens de dire dans ces parenthèses...).

Puis, il pivote mécaniquement vers la femme que j'avais pris pour une cliente, et qui s'avère être en fait la responsable en question :

- Vivianne, y'a quelqu'un pour toi.

Une bonne femme un peu grosse, avec une jupe qui lui confère l'allure d'un sac à patates ambulant, me dévisage quelques instants de ses gros yeux globuleux, camouflés derrière une paire de lunettes de vue plutôt discrète. Cette fois-ci, je réussis à sortir ma phrase d'une traite.

"- Mais le RDV n'était pas prévu pour demain ? me demande-t-elle.
- On avait dit Vendredi je crois. Et on est Vendredi... Non ?
- Ah oui ! C'est vrai, c'est moi qui ai oublié !

Je me dis que l'occasion est trop belle. Je tente ma chance :
- Mais, si vous le voulez, on peut le reporter ?
- Non, ne vous inquiétez pas. Venez avec moi, nous allons nous installer dans mon bureau.

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Je la suis, un peu dépité. Le faux espoir qu'elle m'a donné a été de courte durée. Je vais devoir passer outre ma défonce, et me transformer du mieux que je peux en mec cool et ouvert. Je m'asseois, et pose mon manteau. J'essaie de trouver une position confortable pendant que la dame aux yeux globuleux se dépatouille avec un gros dossier en bordel afin d'y dénicher mon CV. Je croise les mains. Non, ca ne fait pas assez décontracté. Alors je me redresse sur ma chaise, et pose mes mains sur la table. Voilà, c'est mieux.

Vivianne trouve enfin mon CV. Et elle commence à me questionner :

- Bon, parlons du premier point important : les disponibilités. D'après ce que j'ai compris, vous pouvez venir travailler le samedi et le dimanche matin, c'est bien ca ?

- Euh, tout à fait...

- OK, et vous savez un peu en quoi consiste le job ?

- Oui, je me suis renseigné. Vente de téléphones mobiles, de forfaits Internet et téléphonie fixe. C'est exactement le secteur qui correspond à mon domaine d'études.

Je me sens décoller. Je sens ma confiance se regonfler d'un coup. J'ai l'entretien entre les mains. Je le domine. Je la domine, elle avec son aspect mal fagoté et ses yeux de poisson-chat. Je vais tout niquer.

- Vous avez de l'expérience dans le domaine de la vente ?

Silence de mon côté. Merde. C'est qu'elle veut ma peau celle-là ! Je refléchis à toute vitesse. Qu'est ce que j'ai écrit sur mon CV déjà, à propos de la vente ? Je vois bien qu'elle a les yeux fixés (mais un poisson chat peut-il réellement fixer ses gros yeux globuleux sur un point précis ?) sur le paragraphe de mon CV qui a trait à la vente. Qu'est ce que j'ai écrit sur mon CV ? Que j'avais été vendeur chez Auchan, mais dans quel secteur ? Informatiqe ?

Mais cela fait presque trois secondes qu'elle m'a posé la question, je dois répondre :

- J'ai travaillé quelques mois chez AUCHAN, au rayon informatique. Ca m'a donc permis de me familiariser avec le milieu de la vente, et le contact avec les clients.

- Et sinon, vous avez fait quoi d'autre qui a trait à la vente ?

Je n'avais que ça. Ou presque. Devais-je lui signaler que j'avais vendu des billets de tombola aux commerçants de mon village quand j'avais 8 ans ? Ou alors que j'avais vendu de l'herbe aux étudiants de ma résidence il y a quelques années ? Je ne le pensais pas :

- Non, c'est la seule experience que j'ai eu. Mais elle a été plutôt solide. Je pense avoir appris quelques ficelles du métier essentielles.

Elle fait un bruit qui signifie qu'elle n'est pas vraiment convaincue. Merde. Je me remets à stresser plus que de raison.

"- OK." dit-elle

Puis elle se met à griffoner des trucs sur mon CV. Je pourrais, en me forçant, voir ce qu'elle ecrit, mais je suis en train de me perdre dans mes pensées. Je repense à la vieille, je me rends compte que je crève la dalle, et que je me ferais bien une tartine de Nutella, par exemple. Je me dis que ce soir, je vais sûrement acheter quelques bières et appeler quelques amis pour me tenir compagnie. Au bout de ce qui m'a semblé être un sacré bout de temps, Vivianne me dit :

" - Si vous avez des questions, n'hésitez pas !

Je n'en avais pas vraiment. A vrai dire, je savais en quoi consistait le boulot : faire son plus beau sourire au client qui entre dans la boutique, et s'il vient avec l'intention d'acheter une nouvelle coque pour son télephone, le faire repartir avec un nouveau téléphone, et un pack Internet. Un boulot de requins. Pas vraiment mon style, mais bon, c'est bien payé pour douze heures semaine. Mais je vois qu'elle me fixe de ses grands yeux sans expression, elle aimerait vraiment me montrer que c'est une pro, qu'elle connaît parfaitement son métier.

Mais les vraies questions que j'aurais souhaité lui poser étaient les suivantes : "Pensez que la veille a eu une crise cardiaque, nous entendant partir d'un rire hystérique ?", ou "Auriez vous un grille-pain et un pot de Nutella ? Je me ferai bien une tartine.", ou encore "Vous allez me le filer ce job, hein ? Franchement, ça m'arrangerait.". Mais, pour lui faire plaisir, et surtout pour ne pas lui faire peur avec mes questions dérangées, je lui ai demandé :

- Combien de temps va t-il falloir pour que je sois bien formé sur les différents produits ?

Sur quoi elle part au quart de tour. Je ne l'écoute pas. Je fixe ses yeux, et, je ne sais pas pourquoi, mais cette image de poisson chat revient à la charge. Je l'imagine en train de nager dans l'océan, avec sa jupe, ses lunettes et une moustache. Et je me dis que ça lui collerait parfaitement. Et ca me donne envie de rire, mais je me retiens : j'ai besoin de ce boulot.

- ... que ca dépend un peu des facultés de chacun. Vous avez d'autres questions ?
- Non, je pense que c'est bon.
- Très bien. Alors je vous communiquerai la réponse Jeudi, comme je l'ai dit aux autres candidats.

Sur ce, elle me sert la main, et je me retrouve dans la rue, en direction de mon appart.

:-) ça sent le vécu, rappelle quelques souvenirs, adonc sur le fond je ne serais pas objectif du tout, juste que je me marre .
Pour la forme, elle est plutôt agréable, bien cadencée.

moi je voudrais bien la suite, parce que ça m'a bien plu ce texte, tout s'enchaîne bien.

merci pour vos commentaires encourageurs.. Ca fait plaisir car c'est mon pemier essai dans le monde de l'écriture (à part quelques chroniques de disques)... J'envisage de faire un petit bouquin restant un peu dans le style, toujours un peu loufoque. Des que j'ai du neuf, je le poste.

c'était "encourageants" que je voulais dire, hein

Pas mal du tout! Jaime bien ton style, tu sembles à l'aise pour écrire, on ne croirait pas que tu es vraiment tout débutant, donc c'est bien.
Et bienvenue hein! N'oublions pas... ;-)
Mon bémol : après la description d'une telle défonce je me demande comment tu peux écrire : "me voici chez moi dix minutes plus tard. Je me rase avec application". Y a une légère contradiction là, non? Ou alors il s'est totalement défiguré et tailladé et tu ne le dis pas! Non, il a dû faire ça au rasoir électrique, c'est la seule explication... ;-)
Oui, bon petit texte. Encouragements!
;-)
(et bonnes vacances!!!!)

C'est drôle et agréable à lire. Le récit est vif, l'attention du lecteur captée. Et forcément, on a envie de connaitre la suite!
D'un point de vue formel, il y a quelques petites maladresses et certaines allusions entre parenthèses me semblent être superflues.

eheh oui pour le coup du rasage c bien vu ! j'avais pas vraiment fait attention, mais la solution du rasoir électrique resous tout

C'est un bon début vraiment. Le texte se lit rapidement parce qu'on a vraiement envie d'avancer dans le récit. J'ai préféré le docu et la visite avortée à la vieille que l'interview qui m'a semblé moins vivant et un peu long, sans vraiement de progression.

Oui un texte vraiment bien. Une bonne idée bien exploitée. Ca se lit avec beaucoup de plaisir et même quelquefois du rire : le passage ou la dame demande "vous avez des questions" et qu'il imagine les différentes questions possibles, l'expérience de vendeur d'herbes, etc.... Un texte qui fait mouche, bien mieux travaillé que celui sur le Baka's. -)

Originale cette idée d'entretien, ça me plait bien. Des images différentes (poisson-chat on le lit pas tous les jours !) tout s'enchaine bien, coule tout seul.
Au fait, le film, c'est la marche de l'empereur ? :0)
Sourires à la lecture, je vais voir la suite !