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Message  evaetjean Jeu 30 Mar 2006 - 8:15

LUI

Royan de nos jours,

« - Mademoiselle, mademoiselle je vous en prie !
- …
- Allons rien ne justifie un acte pareil.
- Qu’en savez-vous ? Vous ne me connaissez pas ! Vous ne connaissez pas ma vie !
L’homme était là, désemparé. Elle lui tournait le dos, ses longs cheveux châtains tombaient sur ses reins. Elle semblait si fluette, immobile, elle regardait droit devant. Son corps était secoué de sanglots. Pas un souffle de vent ne venait rafraîchir l’air. Comme si tout était en suspens jusqu’à sa décision finale. Il se demandait quoi faire ! Ses idées virevoltaient. Il lui fallait une solution et vite !
- Voyons, comment vous appelez-vous ? Parlez-moi !
- Je ne dirai rien ! Reculez, reculez…
- NON, s’il vous plait ! Donnez-moi la main !
- NON, NON NE VOUS APPROCHEZ PAS OU…
Elle tourna vers lui un visage ravagé de larmes. Le bleu de ses yeux était presque transparent comme délavé par le chagrin. Elle avait quoi ? Une vingtaine d’années ! Comment pouvait-on en arriver là quand la vie vous ouvre ses bras ! Elle semblait paniquée, en proie à cette douleur qui la menait à l’irréparable. Son visage fin accentuait ses pommettes rougies par les pleurs. Elle se mordait les lèvres pour retenir sa peine. Elle tourna de nouveau la tête vers l’horizon et murmura :
- Je m’appelle Christy. Oui, vous pouvez m’aider, j’ai un message pour…………………….. adieu.
- NOOOOOOON ………. »


CHAPITRE 1


Royan, 1er juillet 2002,

« Cher Journal,

Ah qu’il est bon de n’avoir rien à faire. Je me lève juste et il est presque midi, la honte quand même !! Enfin tant pis !!

Tiens, ça y est, il est revenu ! Tu verrais comme il est beau. Son séjour lui a fait beaucoup de bien, il resplendit. Il m’a tellement manqué. A l’autre aussi d’ailleurs mais elle
ne va pas rester très longtemps. J’y veille !! Ah maman m’appelle, on mange.

A plus tard. »

C’était une journée magnifique qui débutait ! La première journée des grandes vacances. Elle allait pouvoir se reposer pendant environ deux semaines !

Elle n’avait pas une minute de tranquilité entre les cours, la danse et le théâtre. Elle arrêtait de courir uniquement pour manger et dormir. Ses amies l’enviaient. Elle avait, soi-disant, une vie trépidante. Christy, au contraire, trouvait qu’elle avait une vie épuisante.

Pour avoir de l’argent de poche elle garderait, durant la journée, des jumeaux de 3 ans. Sa mère lui avait pourtant dit, maintes fois, qu’il n’était pas de tout repos de garder des enfants, cependant Christy n’avait rien voulu entendre ! Si elle devait travailler alors elle s’occuperait de bambins ! Elle les adorait. Ils reflétaient, à ses yeux, la vie et la gaieté. Elle en aurait au moins trois plus tard. Elle désirait être institutrice, maîtresse de CP !! C’était son souhait le plus précieux !

En arrivant dans la cuisine elle vit la table dressée, sa mère était déjà assise. Pareil à son habitude elle avait mis une fleur à côté de l’assiette de sa fille pour lui dire son amour. C’était un rituel depuis la mort de son mari. Christy embrassa sa mère, s’assit et commença à manger.
- Que vas-tu faire aujourd’hui chérie ?
- Je ne sais pas encore ! J’irai peut-être à la plage avec Léa et Stéphanie.
- Tu ne vois plus beaucoup Caroline !
- Normal, on est fâché. Elle m’a traitée de peste parce que j’avais discuté cinq minutes avec son copain. J’appelle pas ça une amie.
- Oh les filles ! Toutes ces histoires de garçons. Et toi tu n’as pas un… amoureux ?
- Maman, j’ai plus trois ans ! Pfff « un amoureux », non j’ai pas de « copain ». J’en veux pas ils sont trop agaçants.
- Ah bon ! Si tu le dis. Je pars travailler, je vais être en retard. Tu débarrasseras la table s’il te plait ma puce. A ce soir.
- A ce soir m’man, travaille bien.

Christy termina son repas tranquillement, nettoya la table et mit les assiettes au lave-vaisselle. Elle se dirigea à l’ombre des arbres pour déguster son yaourt. En tirant une chaise, un lézard lui passa entre les pieds. Elle sursauta.
Le jardin commençait à jaunir, depuis plusieurs jours il n’avait pas plu et la terre devenait très sèche. Les températures étaient difficilement supportables mais le plus gênant c’était la nuit. Il était difficile de dormir tant la chaleur était étouffante. Le matin elle se réveillait régulièrement avec l’impression d’avoir la tête dans un étau. Une douleur vive lui barrait le front et lui descendait dans les yeux.
Elle prit une autre chaise pour y poser ses pieds. Son yaourt terminé elle bascula la tête en arrière, ferma les yeux. Un vent léger venait lui souffler un air agréable sur le visage, il s’engouffrait dans ses cheveux et lui balayait quelques mèches dans le cou. Son esprit se mit à sombrer vers Lui, il était difficile de vouloir l’impossible. Elle le savait, Il était inaccessible. Pourquoi ? Pourquoi cela lui arrivait-il à elle ? Le téléphone se mit à sonner, elle sortit de sa
torpeur et courut à l’intérieur.

- Allo ?
- Bonjour Christy, c’est Stéf. Tu vas bien ?
- Oui ça va plutôt bien et toi ? Alors tu fais quoi aujourd’hui ?
- Playa, farniente, bronzette… rien en fait !
- Ouai bah moi ça me va comme programme !! Tu passes à la maison où on se rejoint à la plage !
- Je viens. On passera l’après-midi avec Mathieu et Antoine.
- Antoine ?
- Un pote mais tu ne connais pas. Tu verras il est super canon !
- Bien, au moins j’aurai pas l’impression de tenir la chandelle pour une fois !
- Je passe chez toi dans une heure, ça te va ?
- Ok bisous à tout’ !
- Bisous.

Christy se dirigea à l’étage, monta les escaliers en courant et atteignit la salle de bains. Elle se déshabilla, prit une douche rapide, se sécha et enfila son maillot. Elle releva ses cheveux en chignon, vaporisa de l’huile protectrice. Un peu de mascara noir, waterproof bien sûr, pour rehausser l’éclat de ses yeux bleus. Elle enroula son paréo autour d’elle, il faisait trop chaud pour supporter le moindre vêtement et, pour la plage, c’était bien suffisant.
Elle pénétra dans sa chambre, ouvrit le premier tiroir de sa commode et extirpa de ses sous-vêtements un petit journal beige, fermé par un cadenas. Elle prit la clef autour de son cou et l’ouvrit. Une écriture ronde et fine en recouvrait déjà la moitié . Elle sortit sa plus jolie plume, se coucha sur son lit et se mit à écrire :

« Cher journal,

J’ai dû te laisser tout à l’heure, je reviens vers toi. Je pars à la plage avec Stéf, son copain et un gars que je ne connais pas. J’espère qu’il est sympa. Au moins je ne serai pas seule avec les deux zozos qui se bécottent à longueur de temps.

Tu sais, je ne l’ai pas vu aujourd’hui. Je ne cesse de penser à Lui. Il m’obsède, si seulement il n’était pas qui il est. C’est si difficile ! Parfois j’arrive à penser à autre chose et il revient, doucement, se promener dans ma tête. Je hais la vie pour ça.

Je commence à garder Tibo et Pierre dans quinze jours. J’ai hâte, ça me changera les idées.

Je te laisse, je dois répéter la pièce de théâtre. On passe sur scène dans une semaine et…j’ai un peu peur.

A plus tard. »

- CHRISTY, CHRISTY T’ES LA ?
- Oui Stéf, c’est pas la peine d’ameuter tout le voisinage ! Je descends, une minute.
Elle se précipita hors de sa chambre et tomba nez à nez avec son frère, de quatre ans son ainé. Ils s’entendaient relativement bien. Il était l’opposé de sa sœur. Calme, posé, il n’aimait pas se mettre sur le devant de la scène à cause de sa timidité. Il admirait sa sœur d’avoir une telle volonté. Il était mal dans sa peau et pourtant toutes les filles couraient après ce beau brun aux yeux verts.
- Ah Bastien tu es là ?! Maman est partie bosser. Je crois que ton repas t’attend dans le frigo. Je vais à la plage avec Stéf et… Tiens Noémie n’est pas là ? A y est, tu l’as larguée ?
- Non pas du tout mademoiselle ! Elle bosse à mi-temps.
- CHRISTY MAIS QU’EST-CE QUE TU FOUS ??
- Je me dépêche, Stéf va m’étriper. A plus tard fréro. J’ARRIVE !
- A plus tard soeurette !
Bastien regarda sa sœur partir au trot dans l’escalier. Un léger sourire éclairait son visage.
- Ah bah quand même ! Pas très rapide comme fille ! lança Stéphanie à l’arrivée de Christy.
- Pfff j’ai croisé mon frangin en route et…T’es seule ?
- Non, Mathieu et Antoine sont là dans la voiture !
- Hein ? Mais il a quel âge ton Antoine ?
- D’abord c’est pas « mon » Antoine et ensuite il a 19 ans. Pourquoi ça te gène maintenant ?
- Non pas du tout mais je sais pas 16, 19, 19, 16, y a pas un truc qui cloche ?
- OOOOOH si ! Dis donc c’est pas le même nombre !!! C’est super flippant ! ricana Stéphanie.
- Ouai c’est ça moque-toi ! Enfin 16 à 17, 17 à 18, 18 à 19. Trois ans d’écart ça commence à faire.
- Trois ans ? Mais c’est rien et puis c’est juste un copain.
- Je sais comment ça se passe avec toi, d’abord c’est « juste » ton copain et après c’est ton « petit » copain. Enfin c’est ta vie, ça ne me regarde pas du tout !
- Voilà, tout à fait. Bon on continue à discuter devant chez toi ou on poursuit sur la plage ?
- HEY LES FILLES ! Dépêchez-vous, on crève dans la voiture.
- Les hommes ont tranché, magne-toi !

Stéf présenta Antoine à Christy. Elle ne lui était pas indifférente, ça se voyait comme le nez au milieu du visage. L’après-midi se passa bien. Baignade, bronzage, lecture furent les seules activités. Ils ramenèrent Christy vers 18h, elle avait cours de théâtre à 19h. Antoine lui donna son numéro, elle lui passa le sien mais il ne l’intéressait pas. Comme tous les autres garçons ! En fait, son cœur était…ailleurs.


CHAPITRE 2


« Cher Journal,

Qu’il est dur de ne rien dire. Stéf m’a encore questionnée aujourd’hui, au beau milieu de la séance de cinéma. Elle m’a dit que si je ne disais rien elle se mettait à hurler dans le cinéma. Et bah crois moi si tu veux mais elle l’a fait !!! Je me suis levée et je suis partie. Elle ne saura rien, pas plus que quiquonque. C’est notre secret à nous deux. Au fait j’ai réussi à la faire partir, elle l’a quitté. Si moi je ne peux l’avoir alors personne ne l’aura.

Les grandes vacances me semblent si loin. Il y a déjà 4 mois que nous avons repris les cours. Noël approche à grands pas. Avec maman on a décidé de mettre les petits plats dans les grands cette année. La famille va se réunir et j’aime ça.

Tiens j’ai revu Tibo et Pierre au supermarché, ils sont rentrés à l’école cette année. Je plains la maîtresse. Tu te souviens quand ils ont déterré toutes les fleurs à maman et mis de la terre partout. Et la fois où ils ont lancé les tomates sur le beau mur blanc fraîchement repeint. Des vraies terreurs ces gamins, pfff maman avait raison en me disant que c’était pas facile les enfants !

Bon je suis vannée ce soir, un gros dodo s’impose.

A demain. »

Christy s’allongea sur son lit, les mains sous la tête, les yeux rivés au plafond elle semblait attendre. Elle finit par s’endormir et sombra, à nouveau, dans un sommeil chaotique. Ces nuits étaient devenues ces ennemis. Elle le voyait partir avec une autre, mourir,… mais jamais avec elle, pour elle. C’était de plus en plus difficile à vivre.
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