Faim

« Je suis malade Docteur, j’ai mangé vingt bougies d’anniversaire hier au dîner, elles me sont toutes restées sur l’estomac, depuis, c’est une nausée permanente, un véritable dégoût de vie ». Voilà ce que j’aimerais confier à un petit homme trapu planqué derrière son grand bureau. Je regarderais alors ses petites jambes, trop courtes pour toucher le sol, et ses bras costauds croisés sur le bois brut. Il aurait l’air d’un humaniste cet homme là, d’un bon vivant jovial et paternel. Et moi je lui dirais tout sans hésiter en me fiant à son sourire bienveillant et à son visage de grand-père, victime de l’expérience. « Je suis malade Docteur, encore cette foutue crise de conscience ». Je l’imagine le petit homme trapu me rire aux nez bien gentiment, se moquer de mes mots fragiles. « j’ai pris conscience de la mort docteur, la sournoise qui s’avance doucement, qui ose franchir mon seuil de vie, me faire ça à moi rendez vous compte ! ». Le bon médecin prendrait l’air grave pour me faire croire que c’est tragique, et se moquerait en douce de ma candeur. Je lui raconterais mes souvenirs battus en bonne élève appliquée et je lui expliquerais sans doute un destin fort ordinaire.Il me fallait vivre les aventures de nouveaux personnages et connaître avec eux le rythme haletant de l’imaginaire. La mienne de vie passerait après toutes les autres, la mienne de vie s’allierait un instant avec la fiction et prendrait goût aux délices des mots nocturnes griffonnés en toute hâte sur le clavier. Il me fallait trouver un thème fondateur, assez aguicheur pour me séduire, assez instructif pour m’enivrer. J’ai eu faim de mots forts et de phrases chantantes, qui s’écoulent d’un seul trait dans l’ivresse de la nuit.

C'est vraiment bien écrit, aucun doute là-dessus. Et c'est agréable à lire. La fin, qui se contemple le nombril, n'est pourtant, à mon avis, pas à la hauteur du reste.
Beaucoup aimé la première phrase, je me serais presque plu à imaginer une suite sur le même ton...

Côté expression, cette phrase :

des mots nocturnes griffonnés en toute hâte sur le clavier

est bizarre si on en applique littéralement le sens ...

J'ai bien aimé l'idée de ce texte presque tout entier au conditionnel... Le sujet est un peu bateau à mon goût, mais bien amené.

J'ai repéré la même phrase que Easter(Island), et son côté absurde, décalé, me plaît !

Bienvenue sur Vos Ecrits, à vous relire.

C'est marrant, en train de lire La faim de Knut Hamsun.
Bon ceci dit, ton texte est sans rapport avec le bouquin.
Je ne sais si c'est humaniste de te le dire mais j'ai bien aimé.

merci pour vos conseils et vos réponses, je viens de découvrir le site et je suis très contente de découvrir ce concept.

Sympa, bien écrit, et on a envie que ce soit davantage développé. Je pense que pratiquement chaque phrase de ce texte pourrait être l'objet d'un paragraphe entier... J'ai apprécié d'autant plus que je me sens concerné par cette arrivée soudaine et imprévue à la vingtaine =)

J'ai apprécié ce texte court.
Et ça me plaît, à moi, l'audace de ceci:
"des mots nocturnes griffonnés en toute hâte sur le clavier"

Bienvenue sur VE, Machka.

Pili a écrit:
Et ça me plaît, à moi, l'audace de ceci:
"des mots nocturnes griffonnés en toute hâte sur le clavier"

oui. Je la soulignais parce que je me demandais si l'agencement des mots était volontaire ou pas, je voulais attirer l'attention de Machka sur l'effet produit.

J'aime bien la première phrase.

et puis...

J'aime bien la première phrase.

En réalité, la phrase
"des mots nocturnes griffonnés en toute hâte sur le clavier "résume le problème auquel je suis confrontée lorque j'écris des petits textes. Je préfèrerais écrire à la main, parce que je trouve le geste plus beau, et plus spontané, mais je "griffonne" et je gribouille tellement que je n'ai jamais le courage de me relire ou de développer. Depuis deux jours, j'ai maintenant un ordinateur à ma disposition, et en voyant cette écriture informatique régulière, et en entendant le cliquetis des touches de clavier, j'ai à nouveau envie d'écrire.

Alors, surtout, ne te prive pas ! Joli texte de quasi présentation. bienvenue sur VE, Machka !

Machka a écrit:En réalité, la phrase
"des mots nocturnes griffonnés en toute hâte sur le clavier "résume le problème auquel je suis confrontée lorque j'écris des petits textes. Je préfèrerais écrire à la main, parce que je trouve le geste plus beau, et plus spontané, mais je "griffonne" et je gribouille tellement que je n'ai jamais le courage de me relire ou de développer. Depuis deux jours, j'ai maintenant un ordinateur à ma disposition, et en voyant cette écriture informatique régulière, et en entendant le cliquetis des touches de clavier, j'ai à nouveau envie d'écrire.

D'accord. Ce qui explique aussi la fin du texte.

C'est un peu court, mais cela me paraît original et bien écrit.
Et quelques audaces stylistiques appréciables, aussi, c'est vrai.

Joli texte, avec pal mal de sensibilité, de belles images et une écriture qui coule avec fluidité. J'ai pris du plaisir à te lire.
Comme d'autres, j'émets un léger bémol sur la fin que je trouve plus faible que le reste, trop narcissique, mais sinon, j'ai aimé cette longue interrogation.