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Message  lemon a Ven 22 Mai 2009 - 17:08

.
1/8

Depuis plusieurs heures ma cage thoracique hurle douleur. Elle me bouffe les chairs de la poitrine. Depuis plusieurs jours je peine à trouver le sommeil. Le Lexomil a rendu les armes et j'accumule le poids des nuits d’éveil. Depuis plusieurs semaines mes amis renvoient des airs contrits. Changer mon rythme, voir un médecin ou bien un psy. Depuis plusieurs mois ma mère se fait un sang d’encre. Ma mère fond en larme quand elle me voit ou quand elle pense à moi. Depuis plusieurs années je ne sers plus à rien, l’administration et l’opinion publique me chient dessus et même ceux qui me ressemblent le plus me considèrent comme un trou à merde. Et dans ma propre tête, depuis pas mal de temps, l’idée s'impose que c'est la vérité.

Aujourd’hui je décide d’arrêter. Je me rend au dispensaire d’une association humanitaire. Je patiente une heure et demi assis entre deux clandestins moldaves et une famille algérienne. Des enfants ont le teint jaunes. Devenir clean, transparent comme une eau pure. Le médecin retraité apparaît sur le seuil de la salle d’attente. Il écorche mon nom. Il me précède dans un cabinet rudimentaire : carrelage et peinture défraîchit, des couleurs acidulés ou fades, un bureau en ferraille et une table d'auscultation élimée. Le vieux médecin est assisté d’un éducateur à demi avachis sur un angle du bureau. Je me déshabille, je passe les examens nécessaires à l’établissement du bilan de santé. L’éducateur se nomme Paul, il porte un jean troué et un tee-shirt sur lequel est inscrit « liberté pour le Tibet ». Paul doit avoir mon âge : trente ans. Paul m’interroge : sur ma situation sociale, sur la couverture maladie universelle, sur mes consommations de drogues. Je prends à peu prêt toutes les défonces disponibles sur le marché. Je préfère quand même les stimulants, cocaïne et ecstasy principalement, amphétamine à défaut et de l’alcool en accompagnement ; du shit et du tabac évidemment. J'utilise parfois des opiacés pour amortir les descentes, rachacha ou héro. Je ne me pique pas, je fume, je gobe ou je sniffe, plusieurs fois par semaine et beaucoup le week end. Malgré tout, je pense que je ne suis pas toxicomane. L’éducateur dicte l’ordonnance au médecin : 8mg de Subutex quotidiennement pendant quatre mois. Il dit qu’on réduira les doses progressivement.

Le lendemain je me rend dans une pharmacie du centre-ville. J'esquive les yeux de l’employé. Le lendemain je laisse fondre un premier comprimé de Subutex sous la langue. Le truc me pourri toute la bouche et me ballonne dans les boyaux. Les jours suivants je souffre de stress et de nervosité. Je me réveille sur un matelas trempé de sueur, je prend des douches et des bains chauds. Je ne vois personne à part les cons de la télé. Le Subutex tempére un peu mon anxiété. Les semaines suivantes je pousuits le remède et la déprime. Je deviens comme une taupe enfoncée dans son trou. Mon dealer et mes potes de défonce se manifestent à plusieurs reprises sur mon portable mais je ne décroche pas. Un matin, je ne sais pas pourquoi, j'écrase le comprimé de Subutex et je l'inhale en trait. J'ai l'impression que ca me soulage mieux de cette façon là. Alors je recommence le matin suivant et finalement je me retrouve à sniffer du Subutex tous les matins. Les semaines passent, je ne parviens pas à réduire les doses. Le vieux médecin et l'éducateur affirment qu'il faut être patient, mes amis ont d’autres chats à fouetter, ma mère m’encourage à trouver du travail. Toutes les quinzaines on me délivre une nouvelle ordonnance. L’année suivante je réalise que je suis complètement accroc au traitement. Je réagis. Pour arrêter le Subutex on me prescrit du Skénan. Ca marche fort. Je ne prend plus de Subutex, non, j'adopte le Skénan, en snif, toujours. Je vis une existence de poisson mort. Aujourd'hui, hier, demain, je ne retrouve plus ma carte vitale. Le Subutex puis le Skenan, je me fournis dans la rue. Le vent me pique la peau, je suis blanc comme un linge.




2/8

Le téléphone sonne dans mon appartement vide. J'habite un pas de porte sombre donnant sur une ruelle. Une barre d'angoisse m'étreint l'estomac depuis que j'ai avalé mon café. Je bois un bock de café noir pour commencer la journée et vient cette angoisse indéfinie, sans raison palpable. Je décroche en m'installant sur le rebord de la fenêtre, me penchant contre la grille protégeant de la rue car mon portable ne capte pas dans l'appartement. En plus de l'inconfort de la position, le voisinage, entend mes discussions.

« Allo, Monsieur Cardan ?» interroge une voix masculine, avec un accent latin, inconnue au bataillon, apparemment sûre d'elle. J'imagine un type compétent, installé dans la vie, la cinquantaine.

En vérité, on m'appelle Small, à cause de ma petite taille et parce que, chez moi, tout semble restreint, mes bras, mes jambes, mon torse, ma tête. Je ne suis pas un nain, je suis comme le modèle réduit d'un type normal. Monsieur Cardan c'est pour la société, le monde hostile. Philippe Cardan, mon nom officiel, celui inscrit sur les registres et les ordonnances médicales. Je dis oui parce que je n'ai pas le courage mentir. L'angoisse me laisse sans défense.

L'homme enchaîne : «Monsieur Cardan, c'est très important, je suis un ami de votre père, votre père est décédé Monsieur Cardan, il est mort hier ».

Je ne sais pas quoi répondre, je n'ai rien à dire, je n'ai aucune imagination. Mon père a toujours été un fantôme, une probable raison psychologique de mon problème avec les drogues et la vie en général. Je ne l'ai jamais connu, jamais vu, je ne connais même pas son nom. Peut être qu'il m'a manqué pendant ces années où je vivais chez ma mère, en fils unique, peut être qu'il m'aurait aidé à m'en sortir. Mais depuis longtemps je ne me soucis pluss de ça, je ne me pose pas de question, j'ai tout zappé.

« Mon père ?» je demande stupidement. Au-dessus, à l'étage, un voisin profère des jurons racistes, je crois qu'il insulte son chien en le traitant de sale negro. Il lui manque une case à ce voisin, on l'entend gueuler régulièrement. Il doit être atteint du syndrome de Gilles de la Tourette ou d'une maladie proche. En général je préfère l'éviter.

« Oui votre père, je suis un ami de votre père » me répète l'homme, « il faut que je vous rencontre Monsieur Cardan ». Sa voix reste calme, posée, complètement déterminée.
.
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Message  Invité Ven 22 Mai 2009 - 17:19

Le chapitre "1/8" me rappelle quelque chose, vous ne l'avez pas déjà publié ici ? En tout cas, j'aime et j'attends la suite !

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Message  Invité Ven 22 Mai 2009 - 19:06

Exact socque, ce texte m'est également familier.
Qu'importe, c'est parti, on attend les autres épisodes !!

Ici :

"Je dis oui parce que je n'ai pas le courage de mentir" ("de" manquant)

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Message  The mec bidon Ven 22 Mai 2009 - 19:22

J'ai déjà eu le temps de dire ta série " Hot " que j'ai dévoré d'un coup d'un seul. Celle-ci part plus lentement mais on sent toujours la même énergie dans l'écriture, et le même humour. J'ai l'intime impression que les prochains épisodes ne manqueront pas d'action.

Comme ton taré cornu qui crache le feu, tu nous présentes encore un gros paumé du même acabit qui a l'air bien drôle, j'attends la suite avec impatience, vraiment.
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Message  Sahkti Mer 10 Juin 2009 - 15:50

socque a écrit:Le chapitre "1/8" me rappelle quelque chose, vous ne l'avez pas déjà publié ici ?

Oui, ici, avec quelques modifications:
http://www.vosecrits.com/forum-vos-ecrits-prose-f1/sens-unique-t3144.htm
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Message  Sahkti Mer 10 Juin 2009 - 15:51

Sur le premier texte, dans sa précédente version, j'avais écrit:

Il me semble qu'il y a un décalage dans le rythme entre le début, sur lequel tu t'attardes et la fin, rapidement traitée. Je me demande si je n'aurais pas préféré l'inverse, histoire d'atténuer ce côté narcissique larmoyant du début au profit d'une vraie galère, celle de l'errance et de la dépendance.
J'ai eu le sentiment, après quelques lignes, que ce narrateur aimait beaucoup parler de lui, se passer de la pommade et puis sa dépendance énoncée, je me dis qu'il est vachement lucide sur tout cela, presque trop. C'est trop propre, travaillé, ça relate sans véritablement s'enfoncer dans l'émotion. Il me manque donc quelque chose mais en même temps, j'ai aimé la gravité du ton et cette façon de raconter, cliniquement froide.


Je conserve ce commentaire :-)
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Message  Sahkti Mer 10 Juin 2009 - 15:52

Le second texte attire l'attention, attise l'envie... celle d'une suite :-)
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Message  lemon a Dim 27 Sep 2009 - 18:09

.
3/8

Ma mère me fait vomir. Des cheveux courts, un gros cul, un jean à ourlets et des baskets de chrétiens. Elle est absolument remplie de ce coté béni oui oui qui n'hésite pas à vous signaler que vous avez oublié de dire s'il vous plait ou merci. Et qu'est-ce qu'on dit ?. Ma mère déteste la vulgarité, elle ne possède aucun sens de l'humour. Sa vie défile comme une morne plaine, sans sexe, sans drogue, sans rien de pétillant. Elle écoute France Culture et elle travaille à la Ddass, à s'occuper des petits orphelins et des enfants handicapés. Elle ne sait pas cuisiner. Elle fait des nouilles auxquelles on ajoute un peu d'emmental râpé, des oeufs au plat avec du poivre, elle ignore les sauces et toutes les bonnes choses de la vie.

Elle n'a jamais voulu me dire qui était mon père. Je ne sais même pas s'il s'agit d'un donneur de sperme anonyme, d'un routier ou d'un danseur de tango. Ce que je sais à présent, c'est qu'il est décédé.

Elle trempe son sachet de thé dans le bock, du thé avec du lait et des tartines de beurres sur du pain de mie grillé. La table en formica de la cuisine n'a pas changé depuis ma naissance. Jaune fade. Le thé n'a pas changé et les tartines non plus. Elle me regarde comme une grosse limace. Elle a son air renfrogné. Pour un peu je devrais la consoler de lui poser les questions qu'elle ne souhaite pas entendre. J'ai déjà compris qu'elle ne me dira rien, elle préfère que je découvre les choses de mon coté. Elle se prépare simplement à supporter cette nouvelle réalité. Elle voulait un enfant. Voilà le seul élément qu'elle m'a toujours répété. Je ne suis pas un accident. Je suis un enfant unique, élevé par une mère seule, moraliste, aimante et pieuse, imperméable aux couleurs de l'univers.

Je me défonce parce que je déprime et je déprime parce que je me défonce. Je suis comme une balle éternellement renvoyée par les deux murs qui se font face. Je tourne en circuit fermé. Du point A vers le point B et du point B qui me ramène sur le point A. Et puis le coup de fil de ce type m'ouvre une nouvelle perspective. Comme s'il avait percé une fenêtre sur un des murs. Il se passe enfin quelque chose dans ma vie. Je veux dire quelque chose qui me déclenche, quelque chose à découvrir. Ma mère boit son thé et me relance sur ma recherche d'emploi. Elle aussi tourne en circuit fermé.

J'en apprendrai plus demain, j'ai rendez-vous avec le type chez un notaire.
.
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Message  Invité Dim 27 Sep 2009 - 18:23

Contente de voir l'histoire avancer ! Il y avait longtemps, non ?

Deux ou trois remarques :
"des œufs" : le caractère "œ" fait partie intégrante de la graphie du mot
"Pour un peu je devrais la consoler de lui poser les questions qu'elle ne souhaite pas entendre." : je comprends l'idée, mais en trouve l'expression maladroite
"de mon côté"

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Message  Rebecca Dim 27 Sep 2009 - 20:09

Quand on commence à lire ce texte on ne peut plus s'arrêter...On veut savoir tout de suite la suite....Et quand ça s'arrête , on se dit que ça serait bien de ne pas trop attendre pour pouvoir lire encore....
Une sorte de dépendance...
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Message  Invité Lun 28 Sep 2009 - 12:39

J'aime bien aussi cette écriture. Je souhaite également que la narration sorte de l'introspection pure.

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Message  Sahkti Lun 28 Sep 2009 - 14:23

Belle reprise lemon !
Ce personnage maternel aurait tout pour déplaire si justement, au milieu de cette marée de ressentiment, il n'y avait pas cette curiosité pour elle et pour l'histoire. Qu'on a bien entendu envie de suivre, avec cette imagination qui est taquinée de la sorte. Ecriture fluide, avec un débit qui se tient bien.
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Message  Peter Pan Lun 28 Sep 2009 - 21:45

Franchement, je vais être honnête, je ne me sens pas de lire ce texte ce soir ; par contre, je suis content de retrouver lemon a dont j'attends avec impatience le cycle "Hot" dans sa version retravaillée...
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Message  silene82 Mar 29 Sep 2009 - 9:18

Malgré tout, je pense que je ne suis pas toxicomane.

Comme quoi, un brin d'humour ne fait jamais de mal.
J'aime bien l'ensemble, pas d'esbroufe, l'impression d'un zonard largué qui te débite son histoire, qu'il a rodée des centaines de fois avec tous les travailleurs socs qu'il s'est fadé depuis ses premiers soucis.
J'attends la suite.
La mère, bien vue.
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Message  Max Mar 29 Sep 2009 - 10:12

C'est magnifiquement déprimant. Remarquablement bien décrit dans l'insignifiance de cette existence et le regard qu'il y porte. A ne pas faire lire à un déprimé de la vie, ça serait un appel au meurtre.
Je vais aller écouter les oiseaux moi, j'ai comme qui dirait un coup de cafard...Mais j'attends quand même la suite !
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Message  conselia Jeu 1 Oct 2009 - 10:33

« Je ne suis pas un accident. Je suis un enfant unique, élevé par une mère seule, moraliste, aimante et pieuse, imperméable aux couleurs de l'univers. »
Voilà qui est dit, et comment !
Je suis jaloux de cet imperméable aux couleurs de l’univers…
Pour le reste, je ne goûte pas vraiment les histoires d’addiction (du moins à la drogue) mais je vais me forcer un peu pour y trouver d’autres perles comme celle-là.
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Message  lemon a Ven 2 Oct 2009 - 23:31

4/8

Dans une cuillère à soupe, la coke est mélangée avec de l'ammoniaque ou du bicarbonate de soude. Faites réduire à feux doux pour obtenir des petits cailloux brillants et translucides. On appelle ça le freebase : il s'agit de cocaïne pure. On dispose le freebase sur le foyer d'une pipe à eau, on aspire profondément en essayant de garder la fumée le plus longtemps possible dans les poumons et on laisse faire la drogue. Une vague de plénitude nous submerge puis nous saisit complètement. On atteint le calme de l'azur, la perspective cent pour cent zen, le truc simplement bon. Mais en réalité l'effet ne dure pas : cinq minutes passent au terme desquelles la vague reflue comme l'âme bénie du corps inerte. Elle retourne au paradis et vous jette à la frustration d'un passé idéal. Le freebase rend nerveux. Au cours de la session, les yeux des fumeurs fixent la pipe à eau tel un croisé le Saint-Graal.

Je sors du notaire dans le même état de béatitude qu'en montée de freebase. La chute risque d'être lourde mais, à ce stade, je n'y pense pas. Mon père est transformé en oncle d'Amérique, immensément riche et moi, je suis son unique héritier. Mon stock d'or brille sur plusieurs comptes bancaires, différentes propriétés luxueuses et un château du XVIem siècle forment mon patrimoine immobilier, je passe sur le jet, les bateaux et tous les autres gadgets qui achalandent l'étal de ma nouvelle fortune. Je suis riche, maintenant je suis heureux.

Mon escorte commandée par le type du téléphone, l'ami de mon père, un homme tel que je l'imaginais, grand, cinquantenaire, habillé sobre mais élégant, manucuré, rasé de prêt et charpenté, ouvre la route jusqu'à une Porsche Cayenne noire aux vitres teintées. Des rafales de vents sifflent dans la rue déserte. Des feuilles de journaux et des sacs en plastique se soulèvent du sol, emportés par le souffle violent. La végétation plie, des volets claquent. J'ai le sentiment d'un grand coup de balais. La tempête rend fou. L'ordre des choses s'envole, un nouveau monde va se lever.

«On part en Italie» me crie le type pour couvrir le bruit du vent «sur vos terre Monsieur Cardan». Il s'installe avec moi, à l'arrière du 4x4 et me présente aux gardes du corps.
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Message  Invité Sam 3 Oct 2009 - 7:52

Un p'tit chapitre de transition pour moi, surtout documentaire, bien ficelé. J'attends, évidemment, la suite.

Remarques :
"J'ai le sentiment d'un grand coup de balai" (et non "balais")
"sur vos terres"

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Message  Nath Sam 3 Oct 2009 - 8:30

L’éducateur dicte l’ordonnance au médecin
:))
Très bonne histoire, bien racontée, le ton est vif et l'utilisation du présent pour les verbes va bien avec le récit.
J'aime beaucoup le style.
Et bien sur j'attends le prochain épisode avec impatience!

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Message  Rebecca Sam 3 Oct 2009 - 8:42

Un texte comme un petit caillou brillant et translucide dont l'effet devrait durer plus de cinq minutes.Un petit caillou qui va nous guider vers des terres nouvelles apparemment.
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Message  Lyra will Sam 3 Oct 2009 - 12:38

En ce qui concerne le début, assez d'accord avec le commentaire de Sahkti. J'aime bien cette ambiance sombre d'une manière générale, parfois, ça me semble un brin trop explicatif, démonstratif, et insistant, dit en trois phrases quand la première suffit et est efficace, j'ai beaucoup aimé ça d'ailleurs
Je suis comme une balle éternellement renvoyée par les deux murs qui se font face.
percutant je trouve

Parfois aussi, surtout dans la manière de croquer les autres personnages (le voisin, la mère...) il y a quelques raccourcis qui ne me plaisent pas trop et s'apparentent quasi à des clichés. Cela dit, c'est peut-être dû au fait que ce n'est qu'une entrée en matière, et donc, que tout ça va être dévelloper et plus aborder en finesse par la suite.

En tout cas, c'est assez plaisant à suivre!
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Message  Lyra will Sam 3 Oct 2009 - 12:39

développé
désolée pour les fautes
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Message  Lyra will Sam 3 Oct 2009 - 12:42

En même temps, ce que je disais au sujets des raccourcis, c'est peut-être la vision du personnage qui veut ça, vu qu'il est narrateur, et, dans ce cas, c'est plutôt cohérent, et ma réflexion ne sert donc à rien :0)
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Message  lemon a Sam 3 Oct 2009 - 17:06

5/8


Il n'existe rien de plus déprimant que ces mornes plaines italiennes dans la zone de Turin à Milan. L'autoroute se déploie comme une strie en béton armée forçant une platitude jaune pisse. Des bâtiments vétustes, sans aucun charme, servent de dépôts ou d'unité de production. Des fumées noires s'évaporent vers le ciel, des tas d'ordures jonchent les bas-côtés ou polluent des terrains vagues, clos par du grillage éventré. Comment fait-on pour vivre dans un coin aussi sordide, loin de la Renaissance, de Venise, de la Toscane et de tous les flonflons que la télévision vomit dans notre salle à manger ?

Notre 4x4 file sur de l'asphalte usé jusqu'à la corde. Nous évoluons dans un décors de film hospitalier. Un virus a décimé l'humanité, des zombies errent parmi les reliquats d'une civilisation décomposée. Je regarde autour de moi et je revois ce que je ne voyais plus avant d'entrer chez le notaire. Le monde dans sa réalité. Un élan de compassion me serre le coeur. Pauvres types, pauvres filles, pauvres enfants survivant parmi les décombres de notre société. Des plaquettes de Skénan doivent tourner dans les villes du coin et plein d'autres médocs mélangés à de mauvais alcools. Des tas de gens s'envoient de la chimie dans les veines. Des tas de gens ont besoin d'oxygène.

On dit que les drogués dépérissent et qu'il faut les soigner mais c'est plutôt l'environnement qui se dégrade, c'est notre façon de vivre, c'est tout ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir. Nos objectifs sont malades, nos résultats sont malades. Tous les jours, des kilomètres de poudres embouteillent les narines de gens trop sensibles et romantiques pour évoluer dans notre monde dégénéré. Des clochards répugnants agonisent sur les trottoirs, ingurgitant de la piquette pour se chauffer. Putain, j'en prends conscience sur le trajet. Je ne me sens déjà plus le même. La vie m'a sauvé. Un afflux d'énergie naturelle, une nouvelle puissance irrigue mon corps et mes pensées.

Mon ange gardien s'appelle Gianfranco Paparazzi. Il m'informe que l'enterrement de mon père est prévu pour le lendemain : cérémonie à l'église Mennagio, au bord du lac de Come, puis je devrais me joindre aux porteurs du cercueil, en tête du cortège, qui se dirigeront vers le cimetière.

Paparazzi me prévient : « il faut être prudent, votre père était un homme très influent, tout le monde connaissait sa fortune». Il insiste : « ne vous séparez jamais de vos deux gardes du corps ».

A l'avant de la Porsche, ceux-ci, un garçon et une fille d'une vingtaine d'années, demeurent impassibles, le regard fixé sur la route, barré par une paire de lunettes de soleil. Ils ne ressemblent pas à des armoires à glaces, plutot à des cobras prêts à surgir de la boite. Ils n'ont pas décroché un mot lorsque Gianfranco a effectué les présentations mais j'ai noté leurs noms dans un coin de mon esprit : Hot et Lentar Dior.
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Message  Invité Sam 3 Oct 2009 - 17:12

J'aime beaucoup votre onomastique ! J'apprécie le changement soudain de mentalité du personnage, soudain empli d'assurance grâce à sa fortune toute neuve, cela me paraît très bien vu.

Et j'adore "L'autoroute se déploie comme une strie en béton armée forçant une platitude jaune pisse." Quelle phrase lapidaire, efficace !

Remarques :
"Des bâtiments vétustes, sans aucun charme, servent de dépôts ou d'unités de production."
"Tous les jours, des kilomètres de poudres embouteillent les narines de gens trop sensibles et romantiques pour évoluer dans notre monde dégénéré." : je trouve cette phrase un poil moralisatrice
"au bord du lac de Côme, puis je devrai (et non "devrais", je pense ; un futur me paraît préférable ici à un conditionnel) me joindre"
"des cobras prêts à surgir de la boîte"

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Message  silene82 Sam 3 Oct 2009 - 18:27

Ça se lit avec intérêt et plaisir; d'accord avec socque sur le revirement d'une soudaineté aussi efficace que surprenante du héros, hier subuté, aujourd'hui philosophant sur le délitement des épaves qu'il aperçoit, c'est bien observé.
J'attends avec impatience de voir les cobras en action.
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Message  The mec bidon Sam 3 Oct 2009 - 19:31

Pas mal du tout, je suis très content de voir qu'il y a un lien avec la série Hot ! Pourquoi le narrateur n'a-t-il pas repéré les cornes de Lentar ? Elles ne sont plus là ? Du coup, j'attends la suite, j'attends même une troisième série rattachée avec impatience. J'aime ce genre d'écriture vivante, impossible de s'ennuyer en lisant ça.

J'ai eu un soucis à la lecture, regarde un peu ça : épisode 3/8, tu écris :
Sa vie défile comme une morne plaine, sans sexe, sans drogue, sans rien de pétillant.

épisode 5/8, tu écris :
Il n'existe rien de plus déprimant que ces mornes plaines italiennes dans la zone de Turin à Milan.

Ce n'est pas pour pinailler ; tes chapitres sont assez courts, les deux expressions sont donc rapprochées. J'ai tout lu d'un bloc et ça a gêné ma lecture.
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Message  lemon a Sam 10 Oct 2009 - 15:07

(commentaires libres
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6/8

Cusino abrite quelques deux cents âmes, dans les hauteurs montagneuses, entre le lac de Come et le lac de Lugano, eux-mêmes distants d'à peine vingt kilomètres. Cette région des lacs, au nord de l'Italie, aux frontières de la Suisse et non loin de l'Autriche flirte avec le massif alpin. Mélange d'étendues aquatiques, de verdure franche et de reliefs boisés. Tout autour des lacs, de riches propriétés rivalisent d'opulence et renvoient, avec les vieux hôtels et leurs restaurants élimés, un charme nostalgique, une élégance d'époque passée.

Le parvis de l'église fait face au monument aux morts. Les combattants tombés sur le champ d'honneur figurent sur la plaque commémorative. Je me dis qu'un de mes ancêtre survit peut être, gravé dans le fer. Mon grand-père pourquoi pas. Je ne vois que deux noms patronymiques distincts parmi la dizaine d'inscription. Comme si deux familles seulement, vivaient dans ce village. Je suis au bout du monde, du moins sur un bout de monde, à l'écart..Un endroit perdu, isolé sur le contrefort de la montagne. Un village pris dans la brume.

Une pluie fine noircit leurs costumes déjà sombres. Sur la place, devant l'église et vers la pizzéria, un ballet de personnages bien habillés semble flotter. Des berlines se rangent sur le parking, devant le vide rocheux de la montagne. Des conversations à voix basse, des accolades et des poignées de mains. Des types et des femmes portent des lunettes de soleil malgré la bruine et les nuages. Paparazzi accueille les visiteurs et s'entretient avec le prêtre. Je reste isolé avec Hot et Lentar, vers le monument aux morts. Mes gardes du corps tranchent avec le décors, Lentar surtout, qui porte une casquette de baseball mal assortie à son imperméable.

La cérémonie est ennuyeuse, d'autant que je ne parle pas italien. Une lassitude commence mordiller mon estomac. Je prendrai bien un petit remontant. Un trait de coke pour me donner un peu de peps. Maintenant que je suis riche, j'ai l'impression que le temps a pris de la valeur. Je me prête de bonne grâce à cet enterrement, mais je me fais chié. Mon père est mort, bonne nouvelle ! Vivement qu'on en termine maintenant : fin de la messe et cortège au pas de course jusqu'au cimetière. Je regarde les visages dans l'église. Des hommes de pouvoir, certains ont les traits durs, le regard froid.

Paparazzi glisse leurs noms au creux de mon oreille pendant qu'ils me serrent la main. L'hommage à la famille, devant la tombe de mon père. Apparemment je constitue toute la famille à moi tout seul. Les mains sont humides et glacées, les expressions impénétrables. Avec la brume, le cimetière prend des allures de train fantôme. Derrière moi, une femme maintient un parapluie ouvert. La file est longue, plusieurs dizaines de personnes attendent pour me saluer. Je prends une mine de circonstance. Je vais mourir de faim.
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Message  Plotine Sam 10 Oct 2009 - 15:20

J'ai adoré le début, jusqu'à ce qu'il hérite. Ça m'intéresse moins, maintenant, mais j'attends.
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Message  Invité Sam 10 Oct 2009 - 15:30

J'ai trouvé ce chapitre moins intéressant ; j'aime bien l'indifférence du personnage, mais son retrait finit par être contagieux... enfin, ce n'était pas très long, j'espère que maintenant il va se passer des trucs.

Quelques remarques :
« le lac de Côme »
« parmi la dizaine d'inscriptions »
« Comme si deux familles seulement, (pourquoi une virgule ici ?) vivaient dans ce village »
« Une lassitude commence (à ?) mordiller mon estomac »
« Je prendrais bien un petit remontant »
« je me fais chier »

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Message  silene82 Sam 10 Oct 2009 - 16:15

Je trouve les coms plus haut amusants: on dirait qu'il faut qu'un récit soit toujours en flux tendu, sinon ça ne va pas.
Je ne vois pas d'autre manière pour décrire la scène que celle que vous employez: bien sûr, le héros pourrait se livrer à quelques excentricités pour rendre la scène plus enjouée, mais cela aurait peu de vraisemblance.
Donc personnellement, votre histoire m'intéresse, et j'en attends la suite.
Par goût, maintenant qu'il est riche, une nouvelle livrée arrogante et cynique me plairait assez: mais c'est vous le patron, comme de juste.
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Message  grieg Dim 11 Oct 2009 - 7:26

J’aime simplement
Le rythme, les descriptions courtes, signifiantes
Et si l’histoire n’a rien, jusqu’à maintenant, de très originale, tu sais nous intéresser, nous trimballer, malgré tout
Du talent, du style

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Message  lemon a Dim 18 Oct 2009 - 21:58

7/8

A une certaine époque les architectes dessinaient des buildings recouverts de surfaces vitrées. Les immeubles scintillaient dès qu'il y avait un rayon de soleil, le verre plus ou moins réfléchissant renvoyait à la ville des images sombres et gondolées. Peut être qu'il s'agissait d'une époque optimiste où qu'il s'agissait de faire entrer la lumière, même dans les banques et dans les sièges sociaux de multinationales. Jimmy Hendrix, Woodstock, les partouzes, un vent d'espoir soufflait.

Aujourd'hui les choses ont évolué. Je rentre dans un cube en béton armé dont les fenêtres ressemblent à des meurtrières. Epuration des lignes, formes simples, minimalisme. La cocaïne a envahi les bureaux d'architectes. On procède au grand ménage. Les choses doivent être claires, nettes et précises. Des grands formats bien découpés sur les murs blancs. C'est ce que je regarde pendant le conseil d'administration. La salle rectangulaire, la table noire rectangulaire, les chaises grises et rectangulaires et donc les grands formats, sombres et rectangulaires. C'est moderne, design., glacé. Evidemment je ne pige rien à la réunion. Tous parlent en italien. Paparazzi et les types autour de table développent l'ordre du jour et prennent des notes. Pas de femme parmi nous. Même Hot, qui d'habitude ne me quitte pas d'une semelle, est restée derrière la porte avec Lentar. Cette réunion est longue comme une messe de Noêl. Je m'ennuie à mourir. Je suis assez riche pour acheter le paradis et je m'ennuie à mourir.

Hier au soir, après l'enterrement, nous avons passé la nuit dans une maison vide de Cusino. Nous avons dormi sur des matelas posés au sol. Puis ce matin, nous avons repris la route, direction Milan, à soixante-dix kilomètres du village. Réunion, réunion réunion. Les minutes ressemblent à des heures, je porte ma croix jusqu'à ce que, enfin, chacun referme son attaché-case d'un claquement sec.

Riche ou pas riche je souffre du même problème d'expression. Faire entendre ma voix et ne pas me laisser entrainer par les autres vents. On décide pour moi. La société, les systèmes socio-sanitaires, Paparazzi. Les néons défilent au dessus de ma tête comme si j'étais couché sur un brancard d'hôpital, ce chariot à roulettes qu'on pousse pour déplacer les malades. Etendu sur le dos, je regarde le plafond, les néons qui se succèdent et le trajet ne mène nulle part.

Il faudrait être capable de taper du poing sur la table, imprimer mon rythme sur le monde. Au moins de temps en temps. Mais ça m'angoisse. Peut être que je me mobiliserai demain. J'y pense dans la voiture qui nous ramène vers Cusino. Vers la maison vide. Une maison vide alors que je suis plein aux as. La pluie continue de tomber, la route devient sinueuse. Nous remontons sur la montagne.

Plusieurs rafales de balles percutent le blindage de la Porche. Un pneu éclate et notre voiture dérape brusquement sur le bas-côté, vers le précipice. Nous heurtons la rampe de sécurité et revenons au milieu de la route. Un nouveau déluge de projectiles martyrise la carrosserie. Une vitre explose, le reste semble tenir bon. Nous sommes arrêtés. Je n'entends plus le bruit du contact. Les détonations claquent de partout, assourdissantes. Je suis tétanisé. Je n'ai pas peur, non. Je ne me rends pas compte de la situation, pris de vitesse. Je ne vois rien sauf du sang écarlate sur mes mains et des étincelles striant mon champ de vision. Paparazzi s'affale sur moi, mou, inanimé. Devant notre pare-choc défoncé, un arbre est abattu en travers de la voie. Impossible d'avancer avec la Porche, ni de reculer d'ailleurs : je crois que le moteur a rendu l'âme. Un feu nourri fait crépiter la voiture comme du pop-corn dans une casserole. Où sont nos agresseurs ? On m'agrippe, la fille, Hot, me tire dehors. Je vois des bouts de ciel, du feu, des morceaux d'asphalte comme des carrés dans une mer déchaînée. Je ne sens rien, l'adrénaline m'anesthésie. Et je cours comme un dératé vers le précipice, tiré par Hot. Je me jette dans la végétation qui recouvre la pente. Je m'accroche, me plaque au sol. Plus haut, une explosion retenti, forte, le sol a tremblé, un nuage de fumée noir monte au-dessus de moi, à travers la pluie, cachant le ciel gris.
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Message  silene82 Dim 18 Oct 2009 - 22:11

Nickel, ça bouge; l'écriture me plaît bien, ramassée et dense. Alors, on ne l'aime pas, le petit chou? Décidément, les gens sont mesquins...
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Message  Invité Lun 19 Oct 2009 - 5:52

Ah oui, j'aime ce changement brutal de rythme ! Une écriture efficace, je trouve.

Deux remarques de langue :
« ne pas me laisser entraîner »
« une explosion retentit »

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Message  Rebecca Lun 19 Oct 2009 - 16:56

Ecriture chic et choc...
On arrive à l'épilogue,au prochain épisode, et on aura sans doute envie d'en redemander.
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Message  lemon a Ven 23 Oct 2009 - 8:21

8/8


Il pleut des gourdins sur ma tête. Des pièges à loups me mordent le cul. Mon sang part en effervescence comme un efferalgan dans un verre d'eau. Je me sens totalement frénétique. Une grosse montée de patate. L'incandescence de l'action et les poudres sniffées, les cachetons, les pilules, les cailloux, les fumées, les buvards et toutes les autres substances plus ou moins solides qui me sont passées dessus depuis toutes ces années métamorphosent mon ADN. Aujourd'hui, le monde entier s'est donné rendez-vous pour une surprise-party. Une remontée de produits psychoactifs postérieure à l'épisode de consommation : on appelle ca un flashback. Mais une remontée simultanée de tous les produits ingérés au cours de la vie combinée au bonheur électrique de la richesse tombée du ciel et au choc fracassant de l'attentat dont, à n'en pas douter, je constitue la cible principale, je nomme cela «éruption biologique». La lave enfouie jaillit du fond de mes entrailles. Mon épiderme vire au rouge vif, mes yeux sortent de leusr orbites et mes pommettes se tendent vers les oreilles. Je dois ressembler à un touriste anglais sur une plage marocaine, lifté et dépourvu de crème solaire. Le présent, le passé et l'envie de devenir fusionnent dans un fracas, je suis supersonique.

Je me relève, toujours aussi petit. Je m'appelle Small. Je fonce, gravit la pente et remonte sur la route. Les balles sifflent partout. J'aperçois une masse de fumée noire plus condensée à quelques mètres et des braises rougeoyantes vers la carcasse de ce qui fut notre voiture. Au milieu de cette fournaise, Lentar Dior a retiré sa casquette de baseball, deux cornes courtes émergent de son front. Ses yeux brillent, tout comme les flammes qui dansent autour de lui. Un air de démence habite l'ensemble de ses traits. Je vois le diable. Ou peut être un démon. Côté sommet, le flanc de la montagne brule. Je crois que des types hurlent. Je crois que d'autres types continuent à mitrailler à l'aveuglette. Je gueule moi aussi, à m'en briser les cordes vocales. Je ramasse des pierres et je les jette sur nos agresseurs, un peu au hasard, à l'instinct. C'est la putain de guerre et maintenant je pète mon putain de plomb. La larve est sortie du cocon, à moi la liberté, je m'envole. Lentar nettoie la zone de provenance supposée des tirs ennemis en propulsant des flammes avec la bouche. Il crache du feu bon Dieu de merde !. Il bombarde au napalm comme un avion américain survolant le Viet Nam. Ni la pluie ni personne n'y peut rien. Tout se consume. Un mur de feu nous regarde. Je saute en l'air, je continue à envoyer des pierres et puis je crois que les tirs cessent. Le calme revient et Hot réapparait sur la route. Sa silhouette atomique se découpant, divine et sensuelle, dans la lumière de l'incendie.

Le cadavre carbonisé de Paparazzi git parmi les restes du 4X4. Nous l'abandonnons là derrière nous et entamons à pied, sous la pluie, les quelques kilomètres de côtes qui nous séparent de Cusino, le village de mes ancêtres.

Après dix heures de vol, le Boeing descend enfin sur Manaus. Il fait nuit noire. Hot peut se pencher sur le hublot elle ne verra pas l'Amazonie ce soir. Lentar a commandé un whisky. Moi aussi. Paparazzi avait prévu l'option coup dur et remis une enveloppe à mes deux gardes du corps. A l'intérieur : les billets d'avion, une adresse et le nom d'un type à contacter. Je dois récupérer les clefs de la chambre au trésor. Une partie de mes actifs attendent quelque part, dans la forêt vierge. Je dois remettre ma vie en ordre, avec mes nouvelles cartes. Je ne sais toujours pas qui est mon père et je m'en tape.

_______________________________

(prochain texte de la série : Le funky poseur)
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Message  Invité Ven 23 Oct 2009 - 8:54

Alors là, j'ai adoré le type qui se tape une superbe remontée d'acide en plein chantier ! Une écriture efficace, avec une distance, une dérision fort bienvenues. Super !

« C'est la putain de guerre et maintenant je pète mon putain de plomb. » J’adore !

Remarques :
« mes yeux sortent de leurs orbites »
« Je fonce, gravis la pente »
« le flanc de la montagne brûle »
« Hot réapparaît sur la route »
« Le cadavre carbonisé de Paparazzi gît »

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Message  Peter Pan Ven 23 Oct 2009 - 9:14

Bonjour lemon a,

je ne vais pas être très constructif mais je voulais juste vous dire que j'aime toujours autant votre style. Les phrases s'enchaînent à la vitesse de la lumière, je n'ai pas le temps de penser à autre chose que votre histoire quand je vous lis, je suis complètement absorbé par le récit. Efficace, agréable et captivant pour résumer en quelques mots...
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Message  silene82 Ven 23 Oct 2009 - 9:37

Oui, le forme narrative suscite des images, j'aime le rythme tambour battant et la distance ironique du narrateur en même temps.
Un peu décontenancé par les sauts de lieux de ce chapitre, je vais réviser en amont.
En tout cas, l'intérêt se maintient, ce qui est le point essentiel.
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