Ombre

Un arbre à demi-mort sous le lierre frissonne
Ebroue sa tête chauve, offre au vent ses bras nus
Boit les derniers rayons qui ne nourrissent plus
Ses veines tant trouées, son corps creux qui résonne
Comme un tambour-chagrin quand les boeufs s'y encornent.
Les jeunes chênes-verts ne craignent pas la viorne
Etalent, insolents, leur bruissant habillage,
Happent tout l'or du soir et rient dans le hameau.
Riez tant qu'il est temps, ne dure le ramage.
Il faut vous étourdir avec les étourneaux.
Quelques saisons encor pour plaire aux jouvenceaux
Et votre ombre pliera sous la coupe du temps;
Le tendre lit moussu sèchera sur vos pieds,
Vos membres craqueront de douleurs lancinantes
Et d'ombre, plus n'aurez à offrir aux troupeaux
Quand ils s'en vont, le soir, chercher un frais ruisseau.
Sur vos rameaux noircis se figera la buse,
Sentinelle drapée en lumière diffuse.

Bonjour Soliflore,

je me dis souvent que le "plus grand des poètes" n'a peut-être jamais écrit un vers de sa vie. Il s'est sûrement contenté de flâner dans les forêts et les champs, admirant leur ineffable beauté jusqu'à s''en enivrer et s'assoupir à leurs côtés.

Votre poème, bien qu'écrit, m'a fait penser à cet humble poète ; depuis mon ordinateur il m'a fait voyager dans des contrées oubliées, merci pour la balade.

Ses veines tant trouées,

Je trouve le "tant" un peu poussif, comme s'il était uniquement présent afin de remplir l'alexandrin. Au plaisir de vous lire à nouveau...

on dirait un de ces vieux tableaux, agrestes en diable genre angélus de Millet en plus ombreux qui fanaient sur un mur de ferme dans une pièce qui sentait la fumée... :-)

Cassandre serait-elle passée par là ?

J'ai trouvé ceci très joli :

Les jeunes chênes-verts [...],
Happent tout l'or du soir [...].

Triste parcours de l'arbre qui se meurt, rendu ici de manière solennelle.

Personnellement, j'aurais bien vu quelques aérations dans le texte, simples espaces entre les lignes pour donner un autre relief au texte mais cela est question d'oeil et d'oreille, donc subjectif.
D'un autre côté, ramassé de la sorte en densité, ça accentue le côté dramatique de l'évolution de l'espèce végétale, alors pourquoi pas.

Mignonne, allons voir si la rose ...

Riez tant qu'il est temps, ne dure le ramage.
Il faut vous étourdir avec les étourneaux.

Un chouïa de La Fontaine aussi dans cette fable dont j'apprécie la morale hédoniste.

Quand Brassens nous chante qu'il n'aurait pas " s'éloigner de son arbre ", avait-il raison ?

Peter Pan a écrit:Bonjour Soliflore,

je me dis souvent que le "plus grand des poètes" n'a peut-être jamais écrit un vers de sa vie. Il s'est sûrement contenté de flâner dans les forêts et les champs, admirant leur ineffable beauté jusqu'à s''en enivrer et s'assoupir à leurs côtés.

Votre poème, bien qu'écrit, m'a fait penser à cet humble poète ; depuis mon ordinateur il m'a fait voyager dans des contrées oubliées, merci pour la balade.

Ses veines tant trouées,

Je trouve le "tant" un peu poussif, comme s'il était uniquement présent afin de remplir l'alexandrin. Au plaisir de vous lire à nouveau...

Bon, je ne voulais pas sélectionné tout le commentaire, mais voilà. Il y a des fonctionnalités ici qui me sont étrangères.

Juste pour dire à PeterPan, que je le remercie pour son argumentation,mais pitié, ne m'enlevez le "tant" qui n'est pas là pour compléter un alexandrin, (ou alors énormément de mots le sont), mais parce qu'à mon sens, j'y trouve une originalité mais aussi un renforcement de "trouée" qui m'était nécessaire.
Voilà, pas grave, il y a des mots comme cela, que certains aiment et d'autres pas.


Loïc, des images de Millet me sont apparues, à moi aussi, en relisant. J'aime beaucoup ton commentaire. Merci.

Merci à vous tous. Je ne suis pas trop mécontente que ce genre d'écriture, qui n'est pas trop celui de la maison, à ce que j'ai vu, retienne encore l'attention. Preuve que l'on sait concilier l'ancien et le moderne.

Merci encore!